Cette bombe P qui a déjà éclaté

Certains d’entre vous connaissent Paul Ralph Ehrlich. Mais je m’adresse à tous, et je dois donc expliquer. Ehrlich est un grand spécialiste des papillons né en 1932. Américain. L’un de ses livres a été beaucoup commenté en France, mais probablement bien moins lu. Il s’agit de la Bombe P, un ouvrage paru aux États-Unis en 1968 et traduit chez nous en 1971. La bombe P, c’est la bombe Population. La bombe démographique, quoi.

On ne peut pas dire qu’Ehrlich y est allé avec le dos de la cuiller. Traçant des lignes et des courbes, il s’est lourdement trompé en expliquant que, dans les années 70 et 80, des centaines de millions d’humains périraient faute de moyens pour les nourrir. Habité par une vision apocalyptique de la situation des années 60, il prédisait donc le pire, qui ne s’est pas produit. Ajoutons que Paul R. Ehrlich n’avait rien de bien sympathique, qui comparait sans état d’âme la prolifération des humains à la multiplication des cellules cancéreuses dans un organisme. En bref, je crois pouvoir écrire que la Bombe P n’est pas une bible humaniste.

Les erreurs d’Ehrlich n’ont pas été perdues pour tout le monde. Des centaines de commentateurs, ennemis de la pensée écologiste, ont fait du professeur leur tête de Turc favorite, rappelant les sombres prévisions de Malthus, auteur du célèbre Essai sur le principe de population en 1798, démenties elles aussi par les faits. La paresse faisant le reste, il est de bon ton désormais de penser et de dire que la bombe démographique n’a pas explosé, et qu’elle n’explosera jamais. La fameuse « transition démographique » serait en route, qui alignerait peu à peu le monde entier sur le modèle familial occidental, basé sur deux enfants par couple.

Bien. Pourquoi cette longue introduction ? Parce que je souhaite vous dire trois mots d’un article lamentable qui a fait la une du supplément Le Monde 2 le 9 janvier dernier. La une, suivie d’un très copieux papier signé par Frédéric Joignot ( il est lisible pour l’heure ici). Je vous en mets par précaution de larges extraits à la suite de mon message, et vous permettrez donc que j’attaque la critique dès maintenant. Cet article est inepte, mais aura reçu l’onction d’un des plus grands journaux de la place. C’est ainsi.

Pour commencer, et c’est le moins grave, il est rusé comme tout. Certains journalistes connaissent fort bien la chanson de la disqualification. L’empreinte écologique ? Au lieu de s’en tenir à ceux qui ont tenté de créer et d’entretenir une nouvelle manière de jauger les activités humaines – l’association Global Footprint, en l’occurrence -, Joignot préfère citer abondamment l’OCDE, qui utilise cet indice. L’OCDE est une institution transationale autant qu’ultralibérale. Vous voyez le truc ? De même, il utilise le repoussoir qu’est Ted Turner, le créateur milliardaire de CNN – les riches ont peur des foules populeuses du Sud, pardi ! – et même « l’inquiétant directeur de la CIA de George W. Bush ».

C’est net : ceux des écologistes qui se posent des questions sur la population du monde ont de bien curieux compagnons. Le reste est pire. Car Joignot ignore rigoureusement tout de l’état des écosystèmes de la planète. Cela ne l’intéresse pas. Il n’évoque – simple exemple – l’état des sols que pour se féliciter des succès de la « révolution verte », qui aurait su les conserver. La réalité, en cette circonstance indiscutable, c’est que les sols empoisonnés en Inde et une poignée d’autres pays par cette fameuse « révolution » sont aujourd’hui dans un état pitoyable. La plupart ont à peu près tout perdu de leur fertilité naturelle. Mais qu’importe à Joignot ? Qu’importe qu’il n’y ait plus de poissons ? Qu’il y ait de moins en moins de forêts ? Que les fleuves et rivières ne puissent plus jouer le rôle qui a été le leur dans l’histoire géologique ? Que le dérèglement climatique ajoute désormais au pandémonium général ?

Qu’importe. Joignot est là pour défendre une pauvre et malheureuse thèse, discrètement scientiste. Selon lui, si tous ceux qui ont parlé avec gravité de démographie se sont trompés, c’est parce qu’ils ne croyaient pas assez dans le progrès. « Autrement dit, note-t-il, l’esprit aventureux et les progrès des techniques, le génie humain, ont désavoué Malthus ». On a le droit d’être scientiste, je n’en disconviens pas. Encore faut-il essayer, au moins pour la forme, de trouver des références. Mais Joignot a encore mieux : le bon vieil argument d’autorité. Lequel est servi dans cet article aux dimensions planétaires par un seul et même personnage : le démographe Hervé Le Bras. Pour l’avoir rencontré et même interrogé, je n’hésite pas à reconnaître qu’il est sympathique et semble très compétent.

Comme démographe. Or les dimensions de la crise écologique commandent d’abattre les frontières entre disciplines, et de rassembler de toute urgence le savoir humain dont nous allons avoir besoin. Le Bras se contente de radoter – il me disait exactement la même chose il y a près de dix ans – et d’affirmer ce que tout le monde sait désormais : l’augmentation de la croissance démographique a ralenti son rythme. Mais 70 millions d’humains supplémentaires peuplent la planète chaque année, et nous serons certainement autour de 9 milliards en 2050. Ce qui est bel et bien une folie de plus, dans une liste sans fin. D’où viendront les céréales ? Les protéines animales ? Quel sort sera fait aux dernières poches de biodiversité ? J’arrête là mes questions, qui n’intéressent en aucune manière Frédéric Joignot. Lui, il a pris parti. Lui, il est courageux. Lui, il sait penser contre l’époque. Lui, il ose ouvrir les vrais dossiers. Lui, il nous prépare des lendemains lugubres.

Au risque de me répéter, j’ajoute que l’écologie seule est un véritable humanisme. Les autres manières de concevoir notre avenir commun, parce qu’elles fragmentent la réalité, parce qu’elles en nient des pans entiers, sont autant de bombes à retardement. Je ne prétends pas qu’il suffit d’être écologiste pour régler les gravissimes problèmes de notre planète. Ni que cela rend plus intelligent. J’affirme seulement, haut et fort, que la prise en compte des limites de l’aventure humaine – l’écologie – est une condition nécessaire des combats qui nous attendent. Indispensable serait plus juste. Vitale serait encore mieux. Je ne comprends pas comment des articles aussi pauvres que celui de Joignot obtiennent une telle place de choix dans la presse sérieuse de 2009. Je ne le comprends pas. Et vous ?

Extraits de l’article de Fréderic Joignot dans Le Monde 2 du 9 janvier 2009

« Autrement dit, l’esprit aventureux et les progrès des techniques, le génie humain, ont désavoué Malthus ».

« Dès qu’on évoque la surpopulation, on ouvre la boîte de Pandore. Vieux démons, angoisse du futur, fantasmes collectifs – peur de l’invasion, du pullulement – jaillissent pour se mêler à des peurs très concrètes. En 1932 déjà, quand la population humaine a atteint 2 milliards, le philosophe Henri Bergson écrivait : « Laissez faire Vénus, elle vous amènera Mars. » En 1948, Albert Einstein mettait solennellement en garde l’Abbé Pierre contre les « trois explosions » menaçant notre « monde mortel » : la bombe atomique, la bombe information, la bombe démographique. En 1971, dans la lignée du Club de Rome, l’écologiste Paul R. Ehrlich, spécialiste des populations d’insectes, publiait le best-seller La Bombe P (Fayard). Il y dénonçait « la prolifération humaine », qu’il assimile à un « cancer » : « Trop de voitures, trop d’usines, trop de détergents, trop de pesticides, […] trop d’oxyde de carbone. La cause en est toujours la même : trop de monde sur la Terre. »»

« C’est patent, la question dite de la surpopulation remue des peurs irrationnelles. Prenons un autre exemple, moins politique. J’ai rencontré plusieurs Parisiennes de 30 ans, en couple ou célibataires, qui se disent bien décidées à ne pas avoir d’enfant. Sans prétendre ici donner une explication univoque – certaines veulent préserver leur « capacité de création », d’autres leur relation de couple, ou leur liberté, ou les trois –, force est de constater : la surpopulation est revenue à chaque fois dans nos entretiens, mêlée à des analyses inquiètes sur l’état de la planète. Tout comme dans le livre best-seller de Corinne Maier, No Kid. Quarante raisons de ne pas avoir d’enfant (Michalon, 2007), où une des raisons invoquées est : pourquoi ajouter un enfant à un monde surpeuplé ? ».

« « La démographie a toujours été associée à la fin du monde, à la disparition de l’Homme, au Jugement dernier, note le démographe Hervé Le Bras. Procédant par projections, on l’interprète comme des prédictions, toujours catastrophistes. Au début du siècle, en Europe, on s’inquiétait surtout de la dépopulation ! Les Français devaient procréer, il ne fallait pas laisser les Allemands être plus nombreux que nous. Les économistes associaient natalité et prospérité. Dans les années 1970, tout a changé avec les écologistes comme René Dumont, qui prédisaient l’épuisement rapide des ressources. Certains démographes annonçaient alors une population de 12 milliards en 2100. Aujourd’hui, nous revoyons tous ces chiffres à la baisse. » »

« Hervé Le Bras, directeur d’études à l’Institut national d’études démographiques (INED), raconte avec humour comment toutes les prédictions à long terme, bien étayées, sur le peuplement humain – le démographe américain Joel Cohen en a relevé 68 – se sont révélées fausses. Soit, mais aujourd’hui ? Qu’en est-il des prévisions à court terme – à l’horizon 2030, 2050 ? De fait, en moins de 200 ans, l’humanité est passée de 1 milliard d’habitants (au début du xixe siècle) à 6 milliards (en 1999). Entre 1987 et 1999, soit en treize ans, de 5 à 6 milliards. Aujourd’hui, beaucoup des prévisions pour 2050 tournent autour de 8,4 à 9,5 milliards de Terriens – soit 3 milliards d’hommes en plus. Cet accroissement exponentiel qui effrayait tant Malthus s’arrêtera-t-il un jour ? Aurons-nous assez de ressources pour nous nourrir ? Oui et oui. Voilà la grande nouvelle des études récentes. Aujourd’hui, démentant les alarmistes, les démographes décrivent tous, partout autour du monde, une forte baisse de la fécondité des femmes – donc, à terme, de l’accroissement de la population. Selon eux, comme d’après l’ONU, la  » bombe P  » n’explosera pas. Que s’est-il passé ? Simplement, sur les cinq continents, les femmes font moins d’enfants ».

«  » Aujourd’hui, précise Hervé Le Bras, le taux de croissance démographique mondial ralentit. 1,21 % par an en 2006, 0,37 % attendu en 2050. Pourquoi ? Le nombre d’enfants par femme baisse sur les cinq continents. Au Mexique, au Brésil, on tourne autour de 2,2 à 2,3 enfants par famille, 2,4 en Indonésie. En Afrique, si les femmes du Rwanda et d’Ouganda font encore 7 à 8 enfants, au Kenya par exemple, de 8 enfants par femme dans les années 1970, elles sont passées à 4 aujourd’hui. Les renversements de tendance se font très vite. » »

« Si la « bombe P » des malthusiens n’explosera pas, c’est que dans toutes les cultures, sur tous les continents, contredisant nombre d’idées sur l’islam, l’acceptation du modèle de la famille à deux enfants gagne rapidement. Aujourd’hui, si cette révolution des mœurs se poursuit, les démographes de l’ONU tablent sur une population humaine à 8,2 milliards en 2030, 9 milliards en 2050 – et une stabilisation à 10,5 milliards en 2100. La population humaine aura alors achevé sa « transition démographique » : le ralentissement de la fécondité prendra effet en dépit du vieillissement général ».
« Au-delà des angoisses et des peurs, la véritable grande question posée par le peuplement sera celle des ressources : les pays, les sols, la Terre pourront-ils nourrir – et supporter – une population de 9 ou 10 milliards d’habitants ? Ici, un détour s’impose. Dans les faits, parler de population « globale » comme d’un grand cheptel n’a pas grande signification. Comment comparer le mode de vie des habitants du Laos et de la Finlande, à population égale ? De l’Algérie, terre d’émigration, et du Canada, d’immigration ? Aujourd’hui la natalité des pays les moins développés progresse six fois plus vite que celle des pays développés – qui vieillissent et se stabilisent. En 2050, 86 % de la population mondiale habitera un pays pauvre ou émergent – la moitié en Chine et en Inde, dotés d’une politique antinataliste. Les répercussions d’un tel peuplement varieront fortement d’une région et d’un pays à l’autre, selon la fertilité des sols, l’eau, la qualité des terres. Mais surtout selon les politiques des gouvernements – économiques, agricoles, sociales. Le Prix Nobel d’économie 1998, l’Indien Amartya Sen, a bien montré combien la pauvreté et les famines découlent avant tout, non d’une population trop nombreuse, mais du manque de vitalité démocratique et de l’absence d’Etat social. L’Inde, par exemple, a connu des grandes famines jusqu’en 1947, date de son indépendance. Ensuite, le multipartisme, l’existence d’une opposition et d’une presse libre ont permis de prévenir et circonvenir les désastres. Qui plus est, l’Inde nourrit aujourd’hui une population de 1 milliard d’habitants parce qu’elle a réussi sa « révolution verte » – irrigation, conservation des sols, engrais, rendements – grâce à une politique d’Etat résolument tournée vers l’autosuffisance ».

23 réflexions sur « Cette bombe P qui a déjà éclaté »

  1. Salut Fabrice,

    moi aussi cet article m’a fait bondir.
    Dès que l’on parle de démographie, on ne regarde qu’un seul critère : combien d’êtres humains la planète peut-elle nourrir ??
    Je ne vais pas entrer dans ce débat, il me semble à côté de la plaque …
    La seule vrai question est : dans quel monde veut-on vivre et avec quel niveau de vie.
    Ensuite on peut calculer, par tête de pipe l’empreinte écologique du mode de vie choisi. Et encore ensuite, calculer le nombre de personnes pouvant vivre avec ce mode de vie dans le monde souhaité.
    Quand on a fait ça, c’est-à-dire quand, pour une fois on a tenu compte de la finitude de notre planète, et seulement à ce moment là, on peut commencer à faire des discours sur la surpopulation…
    Pour être honnête, je n’ai pas fait le calcul, mais je doute que le résultat soit de l’ordre de grandeur des 9 milliards annoncés.

    Quand on ne regarde que le côté alimentaire, on arrive automatiquement à une solution où les humains sont élevés industriellement en batterie, c’est la solution la plus efficace 😉

    Et le plus étonnant, c’est que lorsque l’on tient ce discours, on passe pour un affreux extrémiste faisant passer la nature avant l’homme, alors qu’il me semble, au contraire, que c’est une démarche affreusement anthropocentrique.

    Bonne soirée.

    Marc

  2. Effectivement, c’est édifiant et consternant. Mais ce qui m’étonne moi, c’est l’étonnement (feint bien sûr) de Fabrice. Il « ne comprend pas comment des articles aussi pauvres que celui de Joignot obtiennent une telle place de choix dans la presse sérieuse de 2009 ». Mais précisément parce qu’il est pauvre ! pauvre et rassurant, pauvre et conformiste ! Le Monde 2 joue pleinement son rôle de propagandiste des puissants de ce monde. Le pire, c’est que l’auteur de l’article est probablement persuadé de ce qu’il dit. (voir Chomsky et Herman, La fabrication du consentement, de la propagande médiatique en démocratie, Contre feux Agone.

  3. Renaud,

    Je t’assure que mon étonnement n’est pas feint. Je conserve une part de stupéfaction – de naïveté ? – qui m’amène à me poser cette question pour de vrai. Comment est-ce possible ? Bien à toi,

    Fabrice Nicolino

  4. Bonjour Fabrice,

    Je fais qq remarques :
    – Le Monde est-il un journal sérieux, objectif ? J’étais un abonné il y a de cela 40 années. Il y a bien longtemps que je ne le lis plus pour son manque d’objectivité, d’impartialité.

    – Le Club de Rome s’est trompé, le réchauffement est dû aux taches solaires ; nous n’avons rien à craindre d’une surpopulation mondiale : les OGM nous sauveront de la famine, de la désertification des terres, car la technoscience accomplira des miracles. Les cellules souches permettront de « construire » un homme nouveau en modifiant son patrimoine génétique pour une activité cellulaire moins dispendieuse en énergie et dont les cellules seront capables d’assimiler(dégrader) le polyéthylène téréphtalate. En somme n’ayez aucune crainte l’homme saura maîtrisé les qq inconvénients passagers de ce début de siècle. La preuve : nous pourrons bientôt exploiter la Lune et aller chercher de l’eau pure sur Mars. N’est-ce pas là, la reconnaissance du génie de l’homme et de la certitude qu’un créateur( de mes deux) lui a prêté toutes les qualités nécessaires à la conquête de l’univers.
    Sempiternels refrains de ceux(scientistes, pseudo-scientifiques, philosophes comateux), qui désirent que rien ne bouge car c’est la garantie de maintenir leur situation matérielle et intellectuelle dans des normes acceptables, celles qui rendent les fins de mois non douloureuses dans le confort douillet que procurent les innovations technologiques et celles qui permettent un confort intellectuel en raison de la fabuleuse idée marketing et quasi religieuse que ce que l’homme veut l’humanité l’aura. Pourquoi s’inquiter alors ?
    Quant à la démographie galopante des pays pauvres c’est une réalité. Le vieillissement et les taux de fécondité en diminution dans les pays développés sont des réalités aussi.
    N’empêche ! 8 milliards en 2030 d’après les grands prévisionnistes. D’accord, nous allons voir( je l’espère pour moi car je ne serai pas très frais à cette date)si l’état de la planète et des conditions environnementales de plus en plus dégradés vont s’améliorer en passant de 6,5 à 8 milliards d’individus en 21 ans grâce comme toujours à la technoscience et à Borloo(grand écolo cité par hasard).
    Le club de Rome ne s’est trompé que de qq dizaines d’années dans ses scénari.
    Je suis de ceux très très pessimiste malgré l’analyse très pointue(pour rire, hein ?) de ce brillant collaborateur du Monde en la personne de ce Joignot que j’aimerais faire travailler chez moi à la campagne. Je suis prêt à l’accueillir pour le contredire point par point.

    Léonard

    Léonard

  5. « Journaliste » au « Monde » est devenu un oxymore plaisant qui devrait désormais faire se tordre n’importe quel citoyen. Un peu comme  » Grand reporter » à  » Paris Match » (rire) ou  » Analyste politique  » au  » Figaro »(re-rire).

  6. Pour apporter de l’eau à votre moulin, sur les médias, le journalisme etc… lisez ou relisez donc La tyrannie des médias de I.Ramonet !

  7. Rien à voir ( quoique): Nominations de Chantal Jouanno à la tête du ministère de l’environnement.
    « La fédération France Nature Environnement (FNE) a insisté sur la « compétence de Chantal Jouanno, qui est la mémoire du Grenelle de l’environnement ».

    Au WWF, Serge Orru, directeur général, s’est dit « très heureux »: « On a nommé quelqu’un de compétent. C’est ce qu’on appelle quelqu’un de loyal et c’est assez rare dans la vie », a-t-il insisté.

    N’en jetez plus.

  8. Aaaargh!
    c’est surtout le syndicat des armuriers et les chasseurs qui devraient se rejouir de cette nomination. Prevenez les camarades, fouines, belettes, renards, blaireaux, tous aux abris!

  9. Raton Laveur a raison. En 1997, Jouanno avait reçu le soutien de Thierry Coste (Fédé nationale des Chasseurs et secrétaire général du Comité Guillaume Tell – ça ne s’invente pas…) lorsqu’elle fut nommée conseillère particulière de Nicolas Sarkozy en matière de biodiversité. ça promet non ?

  10. Je trouve les propos de la chronique « Cette bombe P qui a éclaté » quelque peu excessifs pour ne pas dire injustes.

    Si certaines de tes remarques sont justifiées (par exemple le jugement sur la révolution verte…) j’ai l’impression qu’emporté par ton indignation tu n’as pas lu l’article jusqu’au bout : aucune référence aux quatre derniers paragraphes de l’article où l’auteur dresse pourtant un réquisitoire contre nos décideurs économiques et politiques et nos modes de consommation ; il y condamne sans nuance les politiques agricoles néocolonialistes qui affament aujourd’hui des continents entiers, les agricultures intensives, nos habitudes de consommation (« boulimie de viande ») et en fin d’article il écrit : » Nous savons parfaitement que, par leurs vertus régénératrices, les écosystèmes nous sauvent d’une pollution terrestre accélérée et d’un appauvrissement général. Mais gouvernements et industriels, aux Etats-Unis comme dans les pays émergents, poursuivent encore des politiques irresponsables : subventions à l’agriculture intensive, aux pétroliers pollueurs, laisser-faire à l’emploi de produits chimiques, à la pêche industrielle – sans oublier les émissions massives de CO2. « Si aucune action nouvelle n’est entreprise, nous risquons de modifier de façon irréversible les conditions environnementales sur lesquelles repose le maintien de la prospérité économique » : les conclusions du rapport 2008 de l’OCDE sont encore plus inquiétantes que celles du rapport Stern (L’Economie du changement climatique, 2006), qui appelait à consacrer 1 % du PIB mondial à « décarboner » l’industrie. A nouveau, les politiques sont en cause. Pas le nombre d’habitants. »
    On peut ne pas être pleinement d’accord avec la dernière phrase parce que l’augmentation rapide de la population n’est pas sans poser de problème mais affirmer que la menace première pour notre planète vient de notre consommation de nantis plus que de l’augmentation de la population ne me semble pas justifier les opprobres adressés à l’auteur de l’article.
    Ceci ne m’empêchera pas de continuer lire tes chroniques toujours riches en information et en coups de gueule salutaires.

  11. Et si Malthus et le club de Rome s’étaient trompés …. d’un siècle ou deux. Si l’on observe ce qui se passe sur les iles qui n’arrivent pas à importer de denrées ou à exporter d’habitants et que l’on compare la Terre à une grande ile, notre avenir semble effectivement inquiétant surtout si l’on entrevoit les moyens « naturels » de régulation que l’éspèce humaine utilise depuis toujours…

  12. Roger,

    Crois bien que j’ai lu plusieurs fois l’article. Je n’avais pas l’intention d’en faire l’exégèse complète, c’est sûr. Ce que tu dis est vrai. Ces paragraphes existent. Mais ils sont selon moi à mettre au débit du papier. Car ils montrent surtout une extrême confusion. Cela aussi, c’est un procédé classique. Ayant mis en doute la redoutable question démographique, son auteur peut se permettre de concéder deux ou trois arguments montrant que des problèmes – d’autres problèmes – existent.
    Cela ne change rien. L’article qui, en effet, m’a indigné, nie en réalité l’épuisement des écosystèmes et le fait certain qu’un nombre croissant d’humains nous approche d’effets de seuils potentiellement dévastateurs.
    Mais libre à toi d’y voir autre chose. Bonne journée,

    Fabrice Nicolino

  13. La question de l’impartialité serait bien secondaire si les INFORMATIONS factuelles au moins étaient exactes. Et si les ANALYSES étaient sérieuses et pertinentes.

    Ce qui n’est plus le cas depuis longtemps, il suffit d’avoir été touché de près par un évènement relaté par le Monde (et par d’autres journaux), il suffit d’avoir quelque compétence sur un sujet traité… pour le savoir.

    Ce qu’un ami journaliste avait fort bien formulé:
    « Es-tu satisfaite de la manière dont ton journal « de référence » (mouarf!) traite les sujets que tu connais? Et sinon, pourquoi lui fais-tu confiance sur les sujets que tu connais pas?

    Je me suis désabonnée, c’était lumineux comme démonstration.

  14. Oups, dans mon message du 21, j’ai fait un bond de dix ans en arrière… Merci de rectifier : il faut lire 2007 et non 1997.

  15. Chers tous,
    Vous semblez oublier que le capitalisme a comme première conséquence la guerre de tous contre tous. Non pas la guerre armée, encore que, mais la guerre entre tous. Il s’agit de gagner plus que les autres et comme les autres sont à mon image, tous les coups sont permis. Les articles sont des armes de guerre comme les autres, on achète de la surface de propagande pour continuer la guerre.
    Le capitalisme sait utiliser toutes les ressources pour se défendre et pour attaquer.
    Il s’agit maintenant de savoir si nous saurons détruire ce système prédateur, et de fait catastrophique (il en est d’autre, comme dans l’ex-URSS).
    – C’est difficile car l’information est en grande partie contrôlée par de grands capitalistes, mais d’un autre coté, tout le monde n’est pas pourri, loin de là. Il reste donc des lieux des moments … et pour certains des espoirs.
    – C’est difficile car nous n’avons comme arme que notre maigre vote: il faut résister à l’instance propagande qui les précède.
    – C’est difficile car il possède nos richesses et par là beaucoup de puissance …
    – c’est difficile car nous déléguons notre pouvoir et que de fait, ce dernier est sous forte influence de l’argent capitaliste …
    – c’est difficile car ce système se développe aussi mécaniquement que des bactéries, donc sans régulation autre que catastrophique (développement exponentiel tant que les conditions sont favorable, effondrement dès que ces conditions disparaissent), nous devons donc en subir en permanence l’humeur chaotique..
    – c’est difficile car nous n’avons qu’une vie, et qu’il faut d’abord se battre (anti principe de civilisation) pour survivre,
    – etc …

    Quoiqu’il arrive, ce sera terrible. Dans les 30 prochaines années il y aura des moments épouvantables pour cro-magon.

  16. Je ne connaissais ni ce site, ni cet article de Joignot. Merci.
    Que les productivistes de tous poils, les béats du progrès humain salvateur n’identifient pas la dimension de la démographie comme un péril structurel pour la survie de la planète et de l’espèce humaine n’est pas obligatoirement une vraie surprise.
    Plus inquiétante, de mon point de vue, est la prudence coupable des écologistes responsables à intégrer dans leurs réflexions ce problème majeur. La raison de ce manque de courage tient certainement, comme vous le soulignez, au risque de se retrouver en mauvaise compagnie. Si Le Pen affirmait que la terre est ronde, faudrait-il, pour paraître humaniste, défendre sa platitude ? Ce déficit de réflexion et de croisement des analyses qui constituent pourtant la « supériorité » de l’écologie, va se traduire par un retard cruel à imaginer et à faire partager des propositions politiques humanistes à la hauteur de l’enjeu dans un domaine où l’irrationnel pèse d’un poids énorme.
    A ma connaissance, seul Al Gore a évoqué courageusement cette question aujourd’hui.

  17. Horripilé par un article sur les bons de compensation CO2 offerts à Noël et vantés par le Monde 2, j’avais envoyé ce mail à leur rédaction (c’était en décembre 2007 je crois):
    [jamais de réponse, bien entendu]

    Semaine après semaine, Le Monde 2 contribue à exciter le prurit de désirs ultra consuméristes qui nous agite tous : produits hi tech (dont la production est la plus intense en GES), destinations lointaines, promotion de la consommation ostentatoire… ces livraisons alternant certes avec des papiers plus graves, au ton « éco-responsable » quoique de traitement un peu « people », sur la crise écologique mondiale, et d’autres articles en couleurs sur les merveilles technologiques ou philanthropiques qui nous permettront de vaincre sans douleur le péril écologique (dernier en date le pathétique cadeau « tendance » que sont les bons de compensation des émissions de CO2, indulgence des temps modernes destinée à soulager notre conscience). Le contenu desdits articles « éco-responsables » n’est de surcroît sans commune mesure ni cohérence avec l’ampleur et l’urgence des enjeux environnementaux.
    Il est étonnant que Le Monde puisse compter dans ses rangs, pour les questions d’environnement, un journaliste admirable comme Hervé Kempf, et que ce journal puisse, sans être effleuré par la contradiction, distiller avec constance – le supplément illustré n’est qu’un vecteur parmi d’autres – un message aussi incohérent sur les mêmes questions.
    Dans son essai certes militant paru au printemps 2007 (Comment les riches détruisent la planète), argumenté logiquement dans l’ordre politique plus que scientifique, Hervé Kempf soulignait que la crise écologique planétaire (qui, très probablement, détruira plusieurs dizaines de % de l’humanité dans les prochains siècles) trouve son origine dans la course à la consommation, qui se propage par capillarité à toutes les couches sociales de la planète, dans le sens d’une imitation de la frénésie d’achat de la classe immédiatement supérieure : on retrouve, en haut de la pyramide, les « super riches » et la consommation ostentatoire et inutile, que chacun semble envier. Kempf indiquait une direction politique – »rabaisser » moralement, politiquement, symboliquement, économiquement ces « riches » – sans peut-être rapprocher suffisamment les nécessités géophysiques de l’épuisement des ressources et du changement climatique de chiffres ramenant l’ampleur du défi au niveau de chaque être humain.
    Quand une poupée russe (ou un lecteur du Monde) fait ses courses à Hongkong, New York, ou Dubaï (ou y passe le réveillon), elle aura simplement émis, en quelques heures de vol, plus de GES dans l’atmosphère qu’un être humain égal aux autres a droit de « dégager » en une année (500 kg équivalent carbone). Le Monde 2, comme toute la presse sérieuse, pourrait se donner la peine de pointer l’irresponsabilité (pour ne pas dire plus) de ce type de comportement. Au lieu de cela il contribue à l’ériger en modèle.
    Contrer les désirs matériels de l’homme moderne n’est pas un gai programme, c’est pourtant incontournable quand un simple calcul mathématique montre que même le niveau de vie d’un smicard français est trop élevé s’il devait être étendu à l’ensemble de la population mondiale – bien au contraire, il ne passe plus un jour sans que Le Monde ne traite du « recul du pouvoir d’achat ». La mission d’éducation citoyenne que s’attribue le Monde devrait passer par l’apaisement du besoin de consommer de ses lecteurs, qui se trouvent par ailleurs être, en tant qu’élites sociales, économiques, et culturelles du pays, les prescripteurs de tendances mais aussi les détenteurs des leviers d’action et de l’appréhension intellectuelle et technique des enjeux.
    Il y a de quoi s’interroger sur cette incohérence. Fait générationnel ? (Les journalistes du Monde et du Monde 2 n’auraient pas d’intérêt immédiat dans les efforts peu enthousiasmants qu’exige l’inversion de la crise écologique planétaire, voire une structure mentale définitivement inadaptable au problème ?) ? Indigence de la formation, qui empêche de donner la moindre compréhension scientifique de la mesure des enjeux ? (Car le système géophysique et climatique se fout de l’esthétique, de la morale, de la jouissance de consommer, et même, hélas, de la valeur d’une vie humaine, réussie ou non) ? Ou démagogie combinée à des raisons économiques : et là Le Monde (2) se trouve au cœur du système, puisqu’il a besoin des revenus publicitaires liés à l’ultra-consommation, des riches en particulier, et que, heureux hasard, aborder ces sujets fait vendre ! Il se trouve que Paris-Match est le newsmag le plus lu chez les « super-riches » français ? Son affligeant business model est-il celui du Monde 2 ?

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