Mais où s’est donc planqué le mouvement antinucléaire ?

Je sais être, à ma manière, un vieux con. Pas la peine de se bercer d’illusions. J’étais présent – non physiquement, mais en esprit – à la première manif antinucléaire de l’histoire, en juillet 1971. Je n’avais pas 16 ans. Charlie, Charlie-Hebdo, qui devait longtemps après être décimé, soutenait – et organisait – de toutes ses forces le rassemblement. Grâce à Fournier, qui y travaillait, et qui fut l’un des tout premiers. La reproduction ci-dessous, pour une raison que j’ignore, est en noir et blanc. Le vert a disparu.

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J’ai ensuite été, je crois, de tous les combats importants. À Malville – 1977 -, à Plogoff – 1980 -. J’ai toujours su pourquoi je refusais cette sinistre aventure. Pour des raisons complexes, dont l’action discrète mais certaine de services policiers et militaires d’État, le mouvement antinucléaire s’est étiolé. Pas de malentendu : ses faiblesses intrinsèques l’auraient empêché, de toute façon, de l’emporter.

D’ailleurs, le mal était fait, après la funeste décision, en 1974, de lancer le programme électronucléaire. Lisons ensemble cette bluette de propagande : « Le 6 mars 1974, à vingt heures, Jean-Marie Cavada, journaliste et, par la suite, homme politique français, s’entretient avec Pierre Messmer. Le Premier ministre présente son plan énergétique qui vise à limiter la dépendance au pétrole à travers la construction d’un parc nucléaire d’une part, et une série de mesures de sobriété énergétique d’autre part, une véritable politique écologique avant l’heure ».

Il n’empêche que je m’interroge sur la tragique incapacité du mouvement actuel à tirer, devant la société française, le bilan de cinquante années de mensonges et de faillites en chaîne. N’oubliez jamais que tant de crétins, parfaits polytechniciens pourtant, ou supposées Grandes Intelligences – par exemple l’ancien président Giscard d’Estaing – juraient que l’électricité nucléaire finirait par être gratuite, ou presque. Surtout avec l’apparition du monstre Superphénix, projet abandonné en 1997.

Le chiffrage total, soigneusement dissimulé, est impossible à faire. Mais il suffira ici de quelques indications. En janvier 2012, la cour des comptes estime que le nucléaire a coûté 228 milliards d’euros depuis les années 50, auxquels il faut ajouter 55 milliards d’euros de recherches. Pas mal. Mais on n’inclut pas le prix du démantèlement des vieilles centrales, qui se chiffrera lui aussi en dizaines de milliards d’euros (voir l’article en annexe, publié l’an passé). La faillite est si somptueuse que l’État français, ultralibéral pourtant, renationalise aujourd’hui EDF, dilapidant ainsi 10 milliards d’euros de plus. EDF est une ruine infernale, qui a perdu 5,3 milliards d’euros au premier semestre 2022. Et sa dette approcherait les 50 milliards d’euros, alors que les essais d’EPR – les réacteurs de nouvelle génération – sont un puits sans fond, tant à Flamanville (Normandie) qu’en Finlande. Ne parlons pas du coût de l’enfouissement, des huit milliards – au moins – de subventions accordées à Areva-Orano, des 100 milliards de travaux de sécurité sur les vieux réacteurs.

L’argent n’existe pas pour toutes ces factures-là. Mais que s’en fout le Macron ? Il veut lancer, dans une sinistre fuite en avant, la construction de six EPR en France, pour un coût compris au départ – selon lui – entre 52 et 56 milliards d’euros. Voilà en quelques mots l’état des lieux. Et voici venue l’heure de me faire des amis supplémentaires. Que fait donc le réseau Sortir du Nucléaire, qui annonce regrouper 893 associations et 62661 personnes signataires de sa Charte ? Que fait Stéphane Lhomme, dont je connais la vaillance ? N’y a-t-il pas lieu de réunir tout ce qui peut l’être pour acculer enfin ceux qui nous ont plongés dans cette folie ? Et ces vieux briscards, comme Pierre Péguin, des Cévennes ? N’en-ont ils pas un peu marre de radoter sans jamais marquer des points ? Je ne suis pas en train de juger, malgré les apparences. Ce que je souhaite de toutes mes forces, c’est le rassemblement et le renouveau. Il y a là un alignement de planètes. Il y a là, avec la crise énergétique, une occasion historique de mettre en cause sur le fond les décisions prises contre nous et contre l’avenir commun. Alors oublions ce qui doit l’être, ¡ y adelante !

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Ci-dessous, en annexe, un mien article publié l’an passé


La grandiose histoire du démantèlement (nucléaire)

Paru le 4 août 2021

Brennilis ! En 1962, les amis si chers du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) bâtissent en pionniers une centrale nucléaire 100 % française, au cœur des monts d’Arrée, en Bretagne. En 1985, on en commence le démantèlement. Coût prévu : 19,4 millions d’euros. Hi, hi ! Dans un rapport de 2005, la Cour des comptes relève le montant final à 480 millions d’euros, soit 25 fois plus.

Mais ce n’était rien. Le 15 juillet 2021, le département du Finistère crache une nouvelle estimation : ce sera 850 millions d’euros. Pourquoi pas le milliard ? Allons, ce sera pour la Noël. Et la fin des travaux est annoncée pour 2040, soit cinquante-cinq ans après leur début. On se moque, certes, mais le moyen de faire autrement ? À l’autre bout de la France, l’ancien réacteur Superphénix, qui promettait la lune, le soleil et cinq tonnes de caviar par habitant. Arrêté en 1997 sur ordre de Jospin, dans le cadre d’un accord Verts-PS, il est lui aussi en plein démantèlement.

Au moment de l’euphorie – 1976 –, nos grands experts parlaient d’un coût de 4 milliards de francs de l’époque. À l’arrivée, on s’approchait à petits pas de 30 milliards. À l’arrivée ? En 1998, le Sénat écrivait dans un rapport injustement oublié : « Le coût de construction et de fonctionnement de Superphénix a dépassé les estimations initiales. Dans son rapport de janvier 1997, la Cour des comptes l’a évalué à 60 milliards de francs. » Sans la déconstruction, cela va de soi.

14 tonnes de plutonium et 38 000 blocs de béton au sodium

Ah vacherie ! On parle au début, pour cette dernière, de 2,5 milliards d’euros (16,5 milliards de francs) et d’une fin de chantier en 2023. Mais en 2007, ce sera 2027. Faut les comprendre, les hommes de l’art : il reste alors dans l’engin 14 tonnes de plutonium et 38 000 blocs de béton au sodium.

Des centaines de prolos et de techniciens démontent, dévissent, déconnectent, déchargent du combustible irradié dans une saine ambiance : des inspections officielles montrent que le personnel, sur place, n’est pas formé aux situations d’urgence, et que l’organisation du chantier ne permet pas une intervention efficace des secours. EDF sifflote et promet.

En 2019, et c’est formidable, on s’intéresse à la cuve, qu’il s’agit de découper. Le couteau à beurre n’étant pas disponible, on envoie au front des robots, dont un certain Rodin. Damien Bilbault, directeur du site : « La cuve de Superphénix est la plus grande du monde. Les 20 cuves des réacteurs de 1 300 MW du parc français pourraient y entrer en volume. »

Et il ne faut quand même pas oublier, concernant la grande cuve, qu’il y avait deux bouchons à faire sauter. Croix de bois, croix de fer, tout sera achevé en 2030, mais pour plus de sûreté, on fait valoir qu’il existe une autorisation d’exploiter un site nucléaire qui court jusqu’en 2035. En juin 2021 – hourra la France ! –, on a réussi à retirer l’un des deux bouchons. Encore une poignée d’années, et la cuve sera entièrement débouchée. ­Champagne.

Combien faudra-t-il provisionner encore pour démanteler à peu près le site de Superphénix ? Secret d’État, mais Charlie révèle ici que cela coûtera bonbon. Or, et bien que la presse docile ne le dise presque jamais, le nucléaire est en faillite parce qu’il est une faillite. EDF a une dette estimée à 42 milliards d’euros – plus ? – et s’est trouvée obligée de réclamer une durée de vie de quarante ans pour ses vieilles centrales, au lieu de trente. Puis cinquante.

Il n’est qu’un avenir possible : les nouveaux réacteurs EPR. Mais les prototypes sont des gouffres sans fond, de la Finlande jusqu’à la Normandie, et ceux installés dans le paradis totalitaire chinois ont de sérieux soucis, bien planqués par la police d’État. Il va de soi que si le nucléaire était privé, il aurait déposé son bilan depuis de longues années. Mais comme le nucléaire est, depuis les origines, une entreprise publique, financée par la société, il va falloir songer à se cotiser. Roubles d’avant 1917, s’abstenir. ●

23 réflexions sur « Mais où s’est donc planqué le mouvement antinucléaire ? »

  1. Il faudrait ecrire une histoire des variations du mensonge nucleaire.
    Mais on ne change pas les lois de la physique et les dechets radioactifs sont avec nous pour toujours. Je voudrais pas etre a la place des ingenieurs qui dans 100 ans vont devoir deterrer et manipuler les emballages rouilles et pourris enterres a Bure et qui empoisonneront l’eau, la terre et l’air…

    quelques etapes:

    – « l’atome pour la paix », lance aux Etats-Unis aux Nations-Unies en 1953, pour pouvoir continuer a faire des bombes, malgre une critique de plus en plus devastatrice des bombardements de Hiroshima et Nagasaki. Puisque la defense des bombardements avait choisi une approche « sans la bombe il y aurait eu encore plus de morts », c’est a dire que la bombe elle-meme n’etait pas defendable selon ses promoteurs, la production d’electricite et les utilisations « pacifiques » de l’atome permettaient non seulement de preserver mais meme d’augmenter enormement le budget atomique malgre la fin de la guerre;

    – le Price Anderson Act de 1957 exemptant les entreprises nucleaires de l’obligation d’assurance, et la maniere dont il a ete immediatement copie par presque tous les pays du monde (1958 en France, 1962 en Inde, etc.) au nom du « developement » et de « la paix », avec les arguments les plus fantaisistes (comme « l’energie nucleaire etant exceptionelle, elle doit avoir une loi exceptionelle » en France, pour justifier que les risques nucleaires soient les seuls a ne pas etre assures)

    – Les variations dans la maniere de vendre le nucleaire aux populations des pays democratiques (ou pas): Les Anglais ont finit par admettre officiellement (en 2007 si je me souviens bien, dans « The Guardian ») que la continuation du nucleaire civil etait la seule maniere de trouver assez d’argent pour continuer a faire des bombes atomiques, elles-memes la seule maniere de maintenir la situation geopolitique de l’Angleterre dans le monde, mais les Francais et les Russes ont fait semblant de croire que le nucleaire etait « moins cher »… Les Chinois, les Israeliens et les Coreens du Nord ne se sont pas embarrasses d’explications, les Japonais ont fait ce que les Americains leur ont dit, les Indiens et les Pakistanais, sensibles au prestige, ont explique a leurs populations qu’il etait insultant de ne pas etre admis comme membres du « club nucleaire », et ca reste chez eux l’argument principal aujourd’hui. Bien entendu, cet argument beneficie d’une force de persuasion considerable par les bombardements et les assassinats de scientifiques atomistes dont ont souffert les programmes nucleaires Irakien, Syrien et Iranien.

    – Enfin le silence persistant qui entoure les nombreux bombardements atomiques apres 1945, et particulierement en Irak (Fallujah 2004, voir Chris Busby), en Syrie, au Yemen et au Liban, silence que seulement Michel Rocard a (timidement) brise en declarant dans la presse « non-conspirationniste » (Liberation) qu’il etait « terrifie » par une guerre Israel-Iran qui ne pourra commencer que « nucleaire »… (reference discrete au fait que les avions israeliens sont trop petits pour transporter des bombes anti-bunker conventionelles et donc auront forcement recours aux bombes atomiques).

  2. Cher Fabrice,
    (Je ne suis pas calée sur les mouvements anti-nucléaires mais je lis – un peu-)

    J’ai une lecture récente sur un sujet connexe.
    Cet article, dans Terrestres, qui est, en fait, la postface du livre de Xavière Gauthier – militante anti-nucléaire et féministe, « Retour à la Hague : Féminisme et nucléaire »- parait questionner, justement, la transmission de cette lutte à la génération ‘Greta Thunberg’.
    https://www.terrestres.org/2022/04/04/chere-greta-thunberg-a-propos-du-nucleaire/

    On dirait que les liens entre la sortie du nucléaire et les enjeux de climat, d’énergie, de santé, de ravages ne se font pas et ne se structurent pas, alors, dans des luttes plus globales qui pourraient la porter. (l’article le dit mieux que moi 😉 ).
    La problématique du nucléaire est peut-être un peu trop isolée en terme de mobilisation, alors qu’on voit bien qu’elle est au cours de nos vies (énergie, pollution, guerre, canicule). Cette lettre de Xavière Gauthier est un appel intéressant à l’appropriation de cette question par les nouvelles générations.

    D’un point de vue social, il est également possible que le nucléaire -étant une fierté nationale- se retrouve dans un système qui ne doit absolument pas être remis en cause (malgré les milliards d’€ pour le maintenir, à nos risques et irréversibles périls, et qui sont hyper factuels). Surtout quand on le vante à tout va pour dire que ça permet de s’affranchir du pétrole.
    Et puisque vous évoquez les élites, ce système pro-nucléaire est administré dans les veines de jeunes dans les grandes écoles aussi. Côté scientifique, le CEA est un organisme de recherche largement dominateur sur tous les autres (CNRS, Inserm, INRAE, IRD, universités), entre termes de financement, de statuts privilégiés des emplois, d’infrastructures de haut vol, etc. Et même, au sein du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CEA dirige. Tout ça pour une seule (techno)science basée sur l’atome ! Tout cela se fait au détriment des autres sources d’énergie…

    Je lisais l’article de votre collègue Fischetti au sujet du four solaire d’Odeillo : il y a de quoi s’émerveiller d’une telle technologie simple, durable, performante, sur une énergie dont on ne manquera jamais…
    https://charliehebdo.fr/2022/07/ecologie/font-romeu-resistance-et-avant-garde-de-lenergie-solaire/
    Mais c’était piloté par le… CNRS. Si je caricature un peu, les chercheurs CNRS géniaux et rêveurs n’ont fait aucun poids par rapport aux mastodontes des technoscientifiques du CEA qui ont su aller séduire les politiques.
    Et je vais ajouter mon grain de sel sur le genre (H/F), par le fait qu’il y a eu, à cette époque-là, une audace et une prise de risques inconsidérées de la part des scientifiques qui relèvent d’un masculinisme fort (de toute façon, il n’y avait pas/peu de physiciennes dans les labo). Bon, petit secret de jargon, mais on appelle ça de la « big dick science », qui ne s’applique pas que sur le nucléaire, mais aussi sur l’agrochimie, la médecine high-tech de précision etc.

    La science et ses applications technologiques souffrent beaucoup d’un manque de pluralité, pas seulement hommes/femmes, mais aussi classes sociales, origine ethnique… Parce que, le nucléaire est aussi issu de la « white-man science », qui est toujours et encore une forme de colonialisme occidental. Ce qui se passe dans les usines d’extraction d’uranium au Niger, notamment, est abominable.
    https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/exploitation-de-luranium-au-niger-nous-avons-herite-de-la-pollution-durable_2378413.html

    Big-dick-ement vôtre

    Thaïs

  3. Chers Fabrice et Laurent

    Ah ah ah! Fabrice, heureusement que je lis Charlie pendant que vous lisez le Point 😀

    Je vous envoie cet article de Terrestres, qui est très éclairant aussi, (avec la pyramide des risques nucléaire saisissante…)
    https://www.terrestres.org/2022/02/16/nucleaire-une-fausse-solution-pour-le-climat/

    Pour ce qui est du silence des forces anti-nucléaires, il semblerait que Frédéric Durand évoque les nouvelles méthodes de lobbying par les réseaux sociaux.
    « Un des arguments principaux des promoteurs du nucléaire est qu’il pourrait « sauver le climat ». Une association très active, notamment sur les réseaux sociaux, visant explicitement à promouvoir le nucléaire, a d’ailleurs pris le nom de « Sauvons le climat », en avançant l’argument que cela ne serait pas possible en se privant de l’atome. »

    Et ensuite,
    « Pourquoi tout ce que l’on vient de voir n’est-il pas plus connu ? On pourrait avancer plusieurs arguments, mais un des principaux est sans doute que les promoteurs du nucléaire ont su investir les médias et les réseaux sociaux, avec des moyens nettement plus considérables que ceux des défenseurs de l’environnement. Le journal Reporterre a bien su analyser ce phénomène. Il montre comment les promoteurs du nucléaire ont multiplié les opérations de communication, en rémunérant ceux qui étaient prêts à relayer leurs éléments de langage, ainsi que de multiples intervenants qui arrivent « en meute » sur les réseaux sociaux pour s’efforcer de casser toute remise en question du nucléaire, et faire croire qu’il pourrait « sauver le climat ».
    De tels moyens révèlent les rapports de force et un manque d’éthique, mais aussi un manque de respect pour la démocratie, car il ne saurait y avoir de véritable démocratie si, avant de prendre des décisions, le peuple et les élus ne sont pas informés de tous les tenants et aboutissants d’un problème. »

    Tout ça nous renvoie à la question, quand on est « en marge » de la mouvance dominante, s’il faut utiliser les outils du capitalisme – les réseaux sociaux- pour communiquer et le combattre… ? c’est difficile.
    Faut être sacrément armé.e pour tenter d’écrire juste en 280 caractères (c’est game-over d’office, pour moi !) pour tenter de contrer la horde de pro-nucléaire dont c’est quasiment le métier de communiquer sur Twitter. Mais j’imagine que ça s’apprend.

    La question est de savoir où les luttes se jouent maintenant pour y être les plus efficaces : dans les ZAD, au pied des pylônes (avec la clé à molette!) ou sur les réseaux sociaux ?

    Il y a aussi ce groupe de critique radicale des réseaux, non pas sociaux, mais électriques : la Chose (Coordination Hétéroclite pour l’Obturation des Systèmes Electriques), qui ne semble pas être sur les réseaux sociaux, qui porte un manifeste intéressant sur l’énergie et l’électricité en particulier :
    https://lundi.am/Leur-ecologie-est-un-desastre-deconnectons-la

    Radieusement vôtre,

    Thaïs

  4. Je peux répondre à la question de Fabrice au sujet de Stéphane Lhomme : il sera le jeudi 29 septembre à Salles-la-Source ( Aveyron) pour y donner une conférence « Nucléaire: stop ou encore? ».
    Je voudrais aussi signaler que la manifestation pour commémorer le bombardement atomique de Hiroshima qui se tenait devant la mairie d’Avignon le 6 août de chaque année depuis longtemps n’a pu avoir lieu cette année faute d’un nombre suffisant de participants. Dans la région la plus nucléarisée du monde, ça donne à réfléchir. Antinucléaires, combien de divisions ?

  5. Je soutiens « Sortir du nucléaire » depuis une vingtaine d’années.
    Il y a deux ou trois ans, j’ai écrit à l’association pour lui dire ceci:

    il y a une bonne dizaine de villes ou villages qui s’appellent « Bure » ou « Bure-quelque chose » en France (Bure sur Yvette, par exemple)
    Comme il est difficile d’être présent en permanence à Bure (celui du projet d’enfouissement des déchets nucléaires),
    organisons régulièrement des rassemblements à tour de rôle dans les différents « Bure » de France.
    Cela afin de
    – maintenir la pression sur les gouvernements successifs pour abandonner le projet d’enfouissement
    – mobiliser les militants antinucléaires sur ce sujet dans toutes les régions de France où se trouve un « Bure » et leur donner la possibilité de manifester contre l’enfouissement en restant près de chez eux,
    – sensibiliser les gens de ces différentes régions au problème de l’enfouissement des déchets nucléaires, et du nucléaire en général.

    Que pensez-vous qu’il arriva ?
    « Sortir du nucléaire » ne me répondit même pas !!!

    Comme le dit justement Fabrice Nicolino:

    « MAIS OÙ S’EST DONC PLANQUÉ LE MOUVEMENT ANTINUCLÉAIRE ? »

    1. C’est une excellente idee ! Puisque les dechets nucleaires ne derangent personne si c’est « chez les autres », realiser que Bure c’est partout ! Que la radioactivite ne reste pas « chez les autres » et va partout, penetre tout !

      (cette idee stupide que leur confinement est possible… comme si on pouvait confiner une soupe qui reste corrosive pour des centaines de milliers d’annees durant lesquelles elle ronge tout et transforme tout ce qui l’entoure en pourriture radioactive… l’impossibilite du demantellement des centrales nous le montre bien, les zones propres deviennent progressivement sales a leur tour, et ca progresse inexorablement, tout ce qu’on peut faire c’est freiner et gagner du temps… et cela pour toujours ! L’enfouissement est un suicide, rendant la surveillance encore plus dangereuse ! Si c’est deja extremement difficile de gerer un « colis » radioactif tout neuf et dans un entrepot bien entretenu, comment ca va etre sous terre, dans 100 ou 200 ans, dans des souterrains bourres de radioactivite qui s’ecroulent sur eux-memes, avec des effluents qui remontent a la surface et se retrouvent dans les sources a des centaines de kilometres, comme par magie ???)

  6. L’Observatoire du nucléaire rencontre actuellement des difficultés financières. Son directeur Stéphane Lhomme lance un appel à soutien. Sur les manières de l’aider, se rendre sur son site Internet.

  7. Bonjour,
    J’ai adressé à C.H. une notule il y a quelques semaines (à l’attention de la rédaction) et je n’ai pas eu de réponse,
    J’y demandais que l’on consacre un article ou un reportage sur François Ramade. Il synthétisait les problématiques conjointes (pollutions, énergie, climat, etc.) à partir des années 1970.
    Il me semblait que la notule devait vous parvenir, question de génération, au moins.

    Il classait le risque nucléaire après le risque chimique et les pollutions sur le long terme. Je ne crois pas que les décennies écoulées depuis ses premiers ouvrages ont démenti ses expertises.
    Le nucléaire, dans le monde c’est 6 à 8% de l’énergie, en France entre 15 et 20%.

    Aujourd’hui, à la débâcle financière s’ajoute la débâcle technologique. C’est bien plus grave !
    L’élan français s’est brisé sur SUPERPHÉNIX. Il n’y a rien à attendre, raconter cette descente aux enfers (cf. Cigéo, et Le droit du sol), ne déclenche plus de réaction : quelques diacres du lobby essaient d’amuser les gogos, encore. D’autres sont plus réalistes, ou cyniques (Jancovici), et savent que tout soutien de principe ne changera pas le cours des choses.

    Pour la petite histoire, j’étais dans les manifs à Malville, car j’étais convaincu (en tant qu’ingénieur) que ce type de surgénérateur ne fonctionnerait jamais (pour des raisons techniques d’abord, et financières ensuite, car sans le secours de militaires, le truc était très peu rentable).

    Bon courage
    Richard

  8. avec le regain des projets de nucléaire rappelons-nous cet extrait de pièce de théâtre de 2015  » GAÏA global circus « :
     » notre décision est irrévocable nous ne reviendrons pas en arrière:
    nos enfants devront trouver la solution,
    nous avons décidé d’aggraver la situation de la terre »
    lignes prononcées par un des personnages, un ministre participant à une COP, de cette pièce de Bruno Latour, philosophe-sociologue, prof à science po, fils de vigneron de Beaune dont le décès a été annoncé aujourd’hui.

    cf https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/dijon/gaia-global-circus-piece-theatre-au-diapason-cop-21-867813.html

  9. J’invite tout un chacun à écouter (en anglais) cette interview de Nate Hagens, spécialiste des questions énergétiques, de pensée systémique et professeur à l’université du Minnesota, qu’il nomme « The great simplification that is coming ».
    Voilà qui rajoute un mur d’impossibilités à l’énergie nucléaire.

  10. Ce n’est pas seulement l’énergie mais tous les processus de vie qui ont créé des matériaux durant des millions d’années que nous utilisons maintenant. Par exemple, le ciment qui est le liant (la colle) le moins cher sur la planète, est fait de chaux et d’argile, produits par les animaux qui ont fait leur squelette, et par les plantes qui ont fabriqué l’argile.

    La seule manière qu’on a trouvé de faire du béton sur Mars, c’est avec du sang humain. Une brique par mois. 12 briques par an…

    Ces histoires sont de l’esbrouffe, du cinema (le role de Kubrick dans le programme Appolo), la seule chose qui compte c’est la terre, et la seule chose qui compte sur la terre c’est la vie.

  11. L’association contre le nucléaire et son monde avait publié dès 1988
    le premier (et longtemps le seul) recueil de témoignages traduits en Francais sur Chernobyl.

    Ils avaient compris que le problème du nucléaire ce n’est pas la physique atomique mais la mentalité qui a rendu cette mésaventure possible, et que ça va empirer tant qu’on ne changera pas cette mentalité.

    https://paris-luttes.info/nucleaire-lettre-ouverte-a-la?lang=fr

  12. Même la construction en terre serait impossible sans les plantes qui ont créé l’argile ! Le sable et le limon, ça ne tient pas ! Essayez !

    Sinon, ce livre juste publié appartient, je pense, à la très rare tradition de « shelter » de Lloyd Kahn (habitats, éditions alternatives et parallèles), « construire en terre » (Craterre), et « Dying Wisdom » (CSE India), des livres qui m’ont enthousiasmé et m’inspirent encore :

    https://www.cseindia.org/wisdom-to-build-11439

  13. Thaïs, Fabrice, bonjour.
    Pour faire suite à nos échanges sur la capacité des personnes à se mobiliser pour l’écologie, telle que pensée sur ce blog. Je n’en démord pas, il y a un gouffre entre certains milieux mobilisés (ou mobilisables) (tels que celles et ceux ayant porté Nous voulons des coquelicots) et le – ou un certain – terrain. Le témoignage qui va suivre ne vaut certes pas une étude sociologique. Je le livre tout de même, avec la désespérée question: comment aller les chercher, celles et ceux là ?
    Voici: je fais régulièrement du covoiturage. Je prends souvent des jeunes (19-25 ans) et nous avons chaque fois 1h30 pour bavarder. Je sonde par petites touches leur vision du monde. Et bien, c’est 100% désespérant : conscience écologique zéro. L’une, jeune agent immobilière, surfeuse, plutôt bio bobo, iPhone en poche, vive d’esprit ; extrait: « bah, il y aura toujours des voitures, et les électriques, c’est la solution ! ». L’autre, jeune gendarme de montagne, extrait : « il faut laisser les gens faire ce qu’ils veulent; moi, si ils veulent chasser, c’est leur liberté ; et puis, ça régule les espèces, c’est bien ». L’autre, extrait :  » je pars en voyage, j’adore voyager; je vais faire l’Europe de l’est, l’Australie, le Canada. Je veux aller partout. Moi: vous passez donc par Berlin? Oui. Moi: si j’allais en Allemagne, j’aimerais voir la Ruhr ; c doit être une drôle de region… Elle: la Ruhr? C’est quoi? » Elle aussi, croit à l’avenir des autos électriques. Toutes et tous se réjouissent de la chaleur ces jours ci et aucun n’évoque une pensée au sujet du climat. Globalement, d’une phrase à l’autre, on sent avoir à faire à des esprits vifs mais dépourvus de sens critique, et à des années lumière d’entrevoir le « système » tel qu’il est. Avec ça, butés sur certaines certitudes, et pas du tout dispo à entendre une critique radicale du monde dans lequel ils grandissent. Je passe sur d’autres voyageurs, egocentres et incultes, avec qui un embryon de discussion critique ou étayée sur un sujet écologique est tout simplement inenvisageable.
    Alors, c’est comme le petit français dans Le hussard sur le toit, ce petit docteur courageux qui veut absolument aller dénicher les derniers survivants qui, dit-il, « se cachent toujours dans les recoins les plus impensables  » (je réinvente un peu la citation). Donc, celles-là, ceux-là, comment on fait, pour aller les chercher ? Ne faudrait-il pas commencer par elles et eux? Cholériquement vôtre…

    1. Cher Patrick, et bonjour Fabrice
      Merci pour le partage de votre expérience. Je comprends tout à fait votre exaspération.
      Je suis aussi d’accord que nous, enfin, je, peux être prisonnière d’un entre-soi qui me donne plus facilement les raisons d’espérer à un changement possible, sur la base des personnes qui m’entourent et qui aspirent, pour la plupart, aux mêmes sursauts écologiques que moi.
      Je ne suis cependant pas aussi pessimiste que vous, parce que j’estime qu’il y a toujours une part actionnable en chaque être (à quelques exceptions près, mais j’imagine que vous ne faites pas de covoiturage avec Eric Zemmour). J’ai du mal à croire que vous n’ayez pas réussi à semer une graine dans l’esprit de tous vos passagers et passagères.
      Moi, je ne co-voiture pas mais je prends des autostoppeurs.e.s. Peu doivent être de droite, beaucoup sont écolos ++. Et finalement, j’apprends pleins de choses aussi (occupation de ZAD, travailleurs saisonniers, intermittents du spectacle, baroudeurs des montagnes), car ces personnes incarnent déjà un changement.

      Ce qu’il manque dans votre récit, c’est ce que vous répondez à la personne qui dit par exe que la voiture électrique va nous sauver. Dans son environnement « entre-soi » à elle, peut-être que personne ne lui a jamais mis le numéro de Charlie Hebdo rédigé par Fabrice sous le nez ou a fortiori, personne ne lui a jamais donné quelques arguments contradictoires à ceux des lobbies de l’auto et des publicités…
      Pour avoir testé des conversations en famille sur ce sujet (ma famille de droite, pour rappel, avec pour habitude de changer de voiture -neuve- tous les 2 ans environ ; la voiture est au centre de beaucoup de conversations, reconnaissance sociale -frime !- etc)… j’avoue que j’ouvre de moins en moins ma gueule parce que je suis parfois épuisée. Mais dernièrement, sur les voitures électriques, à table avec adultes et enfants, j’ai juste dit « je suis quand même hyper gênée de savoir que ce sont des gamins qui ne vont pas à l’école et qui bossent dans les mines pour extraire le lithium pour la fabrication de nos batteries de bagnole et de portables. Les conduits de ces mines sont tellement étroits que seuls les enfants de moins de 15 ans peuvent y passer ». Oui, ça plombe un peu l’ambiance, mais le coût humain de toutes nos consommations et choix énergétiques reste, à mon humble avis, un argument difficilement répréhensible.
      Je me prends un regard réprobateur de ma mère (« tu as manqué l’occasion de te taire »), un soupir de mon frère 1 (« ça va, ne m’accuse pas de génocide non plus »), un regard (« oui, c’est bien envoyé, ma sœur ») de frère 2, mon neveu qui dit « mais l’école, c’est pas obligatoire partout dans le monde ? », mon père #LePoint « mais non, il n’y a plus d’enfants qui bossent dans les mines, tu fais peur à tout le monde ». Et hop ! « qui re-veut du fromage ? »

      Votre voiture semble alors être un espace intéressant pour sortir tout le monde de son entre-soi : vous réalisez l’ampleur de la tâche pour convaincre une masse de personnes au changement, eux et elles entendent, peut-être, pour la première fois, des arguments qu’ils/elles ne pouvaient soupçonner. Cela fertilise le terrain, j’en suis sûre.

      Je ne pense pas qu’il faille condamner les humains dans des cases d’égocentrisme ou inculturation. Tout cela est sans doute le fruit d’un formatage social mais non une incapacité à comprendre. L’esprit humain est plastique. Certains plus que d’autres, peut-être, mais je reste quand même persuadée qu’il existe en chacun.e une capacité à se mettre « du côté de la vie sur Terre ». Les catastrophes que nous avons de plus en plus sous nos yeux rendent, aussi, plus entendables les propos sur le sursaut et le changement à opérer.

      Je regrette éminemment que nous soyons à ce point tributaires des pouvoirs publics, ne se saisissent pas eux-mêmes de la mise en protection des humains au nom du bien commun. Pourquoi ne réfléchissons-nous pas en amont des choix énergétiques et technologiques avant de nous retrouver dans des impasses et des choix absurdes ? évidemment le capitalisme…

      En attendant, Patrick, je peux quand même répondre à votre question : « Je le livre tout de même, avec la désespérée question : comment aller les chercher, celles et ceux -là ? »
      Et bien, avec votre voiture !!! A raison de 4 trajets par mois, vous transportez 12 personnes par mois, 144 personnes par an, c’est loin d’être négligeable ! Je pense que ça commence à en faire, des graines semées. Je suis sûre que votre argumentaire va s’affirmer et être de plus en plus adapté. S’ils ne comprennent pas, vous pouvez toujours les menacer de les abandonner en pleine forêt ou sur une aire d’autoroute 😀 (blague) Vous aurez un mauvais avis sur l’appli de covoiturage, mais c’est pour la bonne cause
      Si vous êtes à bout, je veux bien co-voiturer avec vous. Où allez-vous en 1h30 ?

      La différence avec « le Hussard sur le toit » et l’épidémie de choléra est qu’ici, il n’y a pas besoin d’aller convaincre dans les moindres recoins. Et le bon sens, la protection de notre santé, de notre planète, la mise en place de solutions qui mettent en capacité les personnes à faire face à des enjeux qui les dépassent, à se libérer des addictions technologiques… sont des comportements qui peuvent s’avérer contagieux. Enfin, je le crois. D’où l’importance de faire, d’incarner le changement, vent debout, déjà à notre échelle et à celle peut-être, d’un collectif plus large comme le propose Fabrice, pour mettre en mouvement.

      Blablacarrément vôtre

      Thaïs

      1. Bonjour Patrick et Thais

        J’arrive sur votre échange en suivant un lien de l’article récent d’alinea sur Agoravox.

        D’abord, j’ai été interpellé par l’expression « big dick ». Ensuite je tombe sur ces considérations covoitureuses.

        Petite remarque, avant d’oublier : il existe aussi le site mobicoop de philosophie plus citoyenne que blabla. Il patine fort au démarrage, aussi je viens semer ici ma graine en leur faveur.

        Pratiquant aussi beaucoup le covoiturage, depuis des années, je pense comme Thais (qui ne le pratique pas) que les échanges qui s’y déroulent peuvent donner un coup de pouce à la capacité de chacun à se mettre « du côté de la vie sur Terre ».

        Quand je dis « chacun », je suis bien conscient que certains ne covoitureront jamais. Et feront encore moins du stop.

        Je ne pense pas que Patrick arrêtera. J’ai envie de lui dire que, faisant les mêmes constats que lui, je pense néanmoins que tant que le sol n’est pas stérilisé, toute graine qu’on y sème a ses chances. Parmi ceux qui acceptent d’embarquer dans un même habitacle avec des inconnus, la grande majorité est disposée à livrer un peu de son intimité. Quand la conversation s’oriente sur l’énergie ou la façon de se nourrir, je n’ai jamais vu de conflit éclater, malgré les divergences. Par exemple, passant devant un grand champ d’éoliennes, j’ai émis des réserves sur ce choix fait par les politiques. La conductrice m’a dit que son copain travaillait à leur maintenance. Elle a précisé qu’elle n’y comprenait rien mais qu’elle transmettrait mon avis, puis nous avons parlé d’autre chose.

        Sur le « big dick », ma première question est : y-a-t’il une expression française ? La deuxième c’est : pourquoi associer directement ce phénomène à la relation homme-femme ? J’ai toujours eu, depuis gamin à jeune vieux de 70 balais le comportement le plus désespérément standard envers les femmes. Je vois bien le jeu de séduction qui amène les femmes dans le lit des hommes de pouvoir, ou de ceux qui ont la plus grosse voiture, ou la solution technique la plus performante en apparence. Dire que je comprends ce jeu serait prétentieux. Lire dans ma phrase plus haut de la misogynie serait mal interpréter. Je crois que mon lien à la nature peut être direct, mais qu’il se renforce quand une femme m’attire, parce que contrairement à la starlette de pub clope au bec à la fenêtre d’une grosse américaine, j’imagine toujours un être sensible qui donnerait une orientation sensée à mes délires spéculatifs.

        Bon, je ne vais pas tenter tout seul de répondre à ma propre question (c’est quoi big dick). Elle me rappelle un collègue qui parlait de colloques où « on se la sort et on se la montre ».
        Concernant le choix du nucléaire, il me semble qu’homme et femme ressentent équitablement le frisson de Prométhée.

        Bon dimanche à tous

        1. Bonjour Fabrice :
          Je n’ai qu’un mot : Youpi!
          Vous êtes de retour !

          Je vais pouvoir discuter big dick science avec vous Christophe… (désolée, Fabrice, si le sujet dérive de façon totalement incontrôlée !)
          Merci beaucoup, Christophe, pour votre message et vos réflexions.

          Je ne sais pas comprendre ce que vous entendez par « Thaïs ne pratique pas le covoiturage ». Je ne covoiture pas pour la simple et bonne raison que je ne me déplace pas en voiture la plupart du temps. Je vis en ville, je fais du vélo. Je prends le train et le bus quand je vais plus loin, hormis quand je monte à la montagne pour randonner (mais je covoiture avec mes ami.e.s et ma famille, hein et des autostoppeurs quand j’en trouve et qu’il me reste un siège libre).

          Pour ce qui est de la big dick science, c’est dommage qu’on ne puisse pas poster un dessin Vous aurez donc droit à un long discours…

          C’est basé sur un constat que mes camarades féminines et moi faisons, en tant que scientifiques, quand nous nous retrouvons dans des conférences dans des domaines dominés par les hommes. Je ne questionne pas la relation homme-femme et je ne suis pas du tout dans l’analyse de la séduction dont vous parlez (vous m’avez fait sourire : « j’imagine toujours un être sensible qui donnerait une orientation sensée à mes délires spéculatifs » Vous m’en direz tant !!! :-D). Ce n’est pas du tout mon propos. Je suis scientifique. Le domaine de la physique inclut peu de femmes. Il n’y a pas ici de lien de misogynie ou misandrie dans ce que j’entends par « big dick science ». Il faut simplement reconnaitre qu’il y a une culture masculine dominante qui oriente les choix des technosciences.
          Cela part du constat que les femmes sont sous-représentées dans ces domaines scientifiques et en particulier dans les recherches sur le nucléaire. Il y a de multiples raisons à cela : femmes exclues, femmes autocensurées, pas attirées par cette discipline et sa finalité (cette science s’est rapidement transformée en une technoscience), femmes ayant peu accès à ces formations, sexisme présent dans ce milieu, etc. On peut aussi mentionner qu’il y a des femmes qui se sont faites dépouillées de leur recherche (effet Matilda) et dans notre cas précis, vous avez l’histoire sidérante de Lisa Meitner, qui travaillait en physique nucléaire, qui n’a pas eu le prix Nobel de chimie alors que ces camarades hommes, oui, Otto Hahn et Fritz Strassman en 1944, sur le projet Uranium. Lisa avait averti des dangers et des dérives de ces connaissances. Elle a été éjectée et ces camarades ont utilisé ses connaissances ayant abouti à la création de la bombe atomique.
          Il y a beaucoup de domaines où la pensée féminine a été écartée et je pense que cela a conduit (ce n’est pas l’unique raison, mais en partie) à des impasses dans lesquelles nous sommes arrivé.e.s sur le nucléaire : technologie dangereuse difficilement contrôlable, gestion des déchets, vieillissement des installations, durabilité des ressources, risques sanitaires importants en cas d’accidents … Les femmes, au lieu d’être dans les labos, de siéger dans les instances décisionnaires et de discuter des grandes questions scientifiques du nucléaire avec leurs homologues masculins, n’avaient pas d’autres choix que de participer aux débats par le biais d’actions au sein d’ONG, de mouvements anti-prolifération du nucléaire par exemple, au lieu d’être intégrées aux choix techniques et à la règlementation/ régulation de ces technologies.
          Non, Christophe, les hommes et les femmes ne sont pas autant attiré.e.s par Prométhée. On peut juste prendre les chiffres de leurs participations dans les métiers dans les STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics) : il n’y a jamais 50/50 et on est plutôt autour de 20% des postes occupés par des femmes dans le domaine.
          https://psycnet.apa.org/record/2016-48466-001
          Les femmes scientifiques sont largement présentes dans la biologie, la médecine, le soin et désertent les domaines de la physique, de l’intelligence artificielle, les mathématiques, des nanotechnologies… Conceptuellement parlant, elles ne s’y retrouvent pas. Mais je ne vous en veux pas de vous tromper : en tant qu’homme, vous ne pouvez pas voir. J’essaie juste de vous éclairer de mon point de vue de femme scientifique dominée (et fatiguée).
          Cette video pourrait vous éclairer (en anglais) :
          https://www.belfercenter.org/event/pipelines-and-ceilings-gender-gap-nuclear-policy#!about
          Tout ce que je dis n’a rien de nouveau : Renaud l’a chanté auparavant (Miss Maggie).
          Je suis assez convaincue que la diversité sociale dans le domaine du nucléaire et dans les instances dirigeantes aurait pu prévenir d’aller dans le mur.
          Je connais mieux le domaine des pesticides. Comment expliquez-vous que l’on donne le prix Nobel en 1948 à Paul Herman Mueller pour l’invention du DDT, sans qu’il n’ait été pensé que son utilisation massive allait ravager les écosystèmes et empoisonner les humains ? En 1962, Rachel Carson, scientifique elle-aussi, a décrit tous les effets toxiques du DDT et des autres, a été pionnière en santé environnementale. Et au lieu d’avoir le prix Nobel, elle a été dénigrée par une horde de scientifiques hommes qui ne supportaient pas qu’une femme vienne sur le terrain de la critique du « progrès », la maitrise de la nature par la chimie. La pensée féminine est souvent associée à plus de précaution.
          https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avoir-raison-avec/rachel-carson-eco-feministe-9328586
          Et Rachel Carson est souvent associée à l’écoféminisme, alors que son travail (Silent Spring) était un travail scientifique colossal et édifiant, qui défendait les êtres vivants. La réputation de son travail scientifique a été invisibilisée sous des écrans d’émotivité, de militantisme et de sensibilité à la nature. Des trucs de bonne femme, quoi. Et tout ce qu’elle a démontré il y a 60 ans n’a JAMAIS été remis en question et nous sommes pourtant toujours au statu quo concernant l’usage des pesticides.
          En 1979 : accident de l’usine nucléaire Three mile Island. Des scientifiques hommes ont produit des données épidémiologiques minimisant la survenue de cancers liés aux radiations. Idem après Tchernobyl. Et la reconnaissance des problèmes de santé, notamment chez les enfants et femmes enceintes, a souvent été défendue… par des femmes (Lois Gibbs par exemple). En conférence scientifique, j’ai encore été reprise par un homme qui m’a affirmé que la dioxine n’était pas cancérigène, même après l’accumulation de données issues de l’accident à Seveso et son classement cancérigène par le CIRC ! qui organise le déni, sincèrement?
          Il n’y a qu’à regarder ce qu’écrit l’AFIS à ce sujet en octobre dernier :
          https://www.afis.org/Le-nucleaire-et-la-guerre
          « Quant aux enfants des survivants irradiés, contrairement à une idée très répandue, ils ne présentent pas d’anomalies détectables  »
          (Fabrice, je vous laisse raconter de quoi relève l’AFIS…)

          Je pense, Christophe, qu’on ne peut pas estimer que les choix technoscientifiques sont faits de façon équitable ou démocratique, à partir du moment où les personnes décisionnaires représentent une frange dominante de la société : homme blanc et riche. Et toujours colonialiste, malheureusement.
          Carole Cohn (article « Sex and Death in the Rational World of Defense Intellectuals ») a analysé également le vocabulaire employé par les hommes au moment de l’escalade nucléaire pendant la guerre froide : « lanceurs d’érecteurs verticaux, rapports poussée/poids, couches douces, pénétration profonde et exemples comparatifs d’attaques prolongées et d’attaques spasmodiques ».
          Voilà la big dick science
          Si on regarde côté nucléaire de l’armée, il y a aussi une forte disparité de femmes, dont certaines sociologues pensent que c’est une des causes de l’échec de la sortie de l’armement nucléaire :
          https://unidir.org/publication/still-behind-curve

          Je vous recommande cet article
          https://www.museum.toulouse.fr/-/la-science-encore-et-toujours-une-affaire-d-hommes-
          en français et très bien fait qui pourra vous éclairer sur les inégalités hommes-femmes, qui se répercutent sur la pratique de la science, qui n’est pas neutre mais bien ancrée dans un contexte social et genré, et que cela a ensuite des conséquences dans les technosciences et les choix sociétaux.
          Et pour plonger dans l’analyse de ce que pourrait être le principe de précaution si les femmes scientifiques avaient plus de place, je vous recommande cet article « A Feminist Perspective on the Precautionary Principle and the Problem of Endocrine Disruptors under Neoliberal Globalization Policies » par Erica Hesch Anstey.

          Désolée d’être aussi longue. Sur le sujet du nucléaire, j’ai malheureusement cette lecture du problème à travers la science à culture masculine (voire masculiniste) qui y sévit, et il me paraissait difficile de ne pas l’aborder. Je conviens que ce n’était pas votre propos initial, Fabrice. J’espère que vous ne trouverez pas ça trop hors sujet.

          Dois-je, Christophe, sincèrement, proposer une traduction littérale de « big dick science » ? 😉
          Science à la testostérone ? (ce qui serait réducteur sur cette hormone que les femmes ont en grande quantité, contrairement à beaucoup d’idées reçues)
          Science testiculée ? science de ceux qui ont la plus longue ? Une science, en tout cas, qui manque beaucoup d’humilité et de réflexivité.

          Big-dickement vôtre, encore une fois

          Thaïs

  14. « les chevaliers de la table durable »
    https://www.youtube.com/watch?v=5gUUszuJCP8
    Ce film d’animation de moins de 4 minutes, réalisé par Mathéo Charamel et Esther Zenone, élèves de l’Ecole Supérieure du Design de Marseille (Lycée Diderot) en coopération et avec l’appui scientifique du GREC-SUD, aborde la question de la lutte contre le dérèglement climatique en repensant nos modes alimentaires.
    merci Fabrice

  15. Si »le pire n’est pas toujours certain » ainsi que l’a écrit Pedro Calderon de la Barca, pour ce qui est de l’avenir de l’humanité, il est, à mon avis, fortement probable et je partage le pessimisme de Patrick.Peu nombreux en effet sont celles et ceux décidés à changer de mode de vie et à sacrifier un confort qui ne peut être remis en cause et semble acquis pour l’éternité. Je veux simplement pour illustration de la pensée prépondérante la réaction de la grande majorité de la classe politique (et en particulier de nos dirigeants) au sujet de la manifestation contre la « mégabassine »de Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres et surtout les commentaires de la plupart des Internautes à ce propos aux actualités d’Orange , à savoir un torrent d’insultes et de haine vis-à-vis des manifestants. Dans le même ordre d’idées, le résultat de l’enquête publique sur le projet de construction d’une autoroute reliant Castres à Toulouse soutenu par plus de 80 % de celles et ceux qui ont répondu. Bien sûr, on ne peut extrapoler et en conclure dans un cas comme dans l’autre que les personnes qui se sont exprimées sont rigoureusement représentatives de l’ensemble de la population, mais il semble qu’une tendance lourde se dégage et que le chemin pour l’inverser, dans la mesure où cela est possible, sera fort long et très difficile. Mais soyons semblables à Gramsci qui a déclaré:  » Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté . »et continuons à lutter à contre-courant.

  16. Bonjour Fabrice,
    quelle ne fut pas ma surprise lorsque, le 19 octobre dernier, je découvrais un article dans Charlie Hebdo sur « l’assaut du fort de Genas (et des éperviers) » !
    Et depuis, une, des questions me taraudent et je vous les pose :
    comment avez-vous eu connaissance de ce combat pour la préservation du bois du Fort de notre petite commune de l’Est lyonnais ?
    comment avez-vous eu l’envie d’en parler à tous les lecteurs de Charlie Hebdo ?
    J’ose ; je n’aurais peut-être jamais la réponse (car un journaliste ne dévoile peut-être pas ses sources…).
    Un grand merci en tous cas d’avoir relayé notre combat local pour le maintien de ce lieu boisé unique, qui évolue sans intervention, sans pénétration humaine depuis plus de 10 ans. Un îlot de fraicheur, de biodiversité, de vies que nous sommes nombreux ici à vouloir coûte que coûte préserver.
    Merci Fabrice !
    Et si vous avez la réponse à mes questions… mon adresse mail du Genas Club Nature est transmise… 😉
    Bien à vous.

    1. Chère Hélène,

      Je vous l’avoue, je ne sais plus très bien. Mais quand j’ai su, je me suis bel et bien démené pour en savoir plus, et l’histoire, vous le savez mieux que moi, est importante. Emblématique, comme on dit quand on veut paraître. Courage et confiance !

      Fabrice Nicolino

  17. Bonjour,
    À mon avis, la transition énergétique allemande a considérablement affaibli le mouvement antinucléaire.
    Tout le monde a vu ces mines de lignite à ciel ouvert dans ce pays, dont l’extension a été autorisée par un ministre ecolo. Ce même ministre a aussi autorisé la construction de terminaux méthanier, le doublement du nombre de centrales au gaz, la remise en service de centrales au charbon, etc.
    L’électricité en Allemagne est toujours 6 fois plus carbonée qu’en France, et ça ne s’arrange pas. L’urgence climatique est oubliée. Le charbon confinue de produire 30 % de la production, et des millions de tonnes de particules fines qui tuent des milliers de gens par an.

    Pendant longtemps le mouvement antinucléaire a expliqué que l’Allemagne était un exemple, et que le gaz russe était une « énergie de transition » acceptable. Mais les masques tombent, et la réalité de l’échec de cette transition se retourne contre ceux qui l’ont montrée comme example (et qui le font encore)

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