Je serai bref, pour une fois. Enfin, pas trop long. La ville de Nice a connu entre juillet de début septembre 60 de ces nuits qu’on appelle tropicales. C’est une mesure officielle, qui signifie que pendant la nuit, la température n’est pas descendue au-dessous de 20 degrés. Dans ces conditions, on souffre, surtout les vieux, les asthmatiques, les malades. Dans ces conditions, on dort mal, peu.
Je plains ces victimes, car ce sont des victimes, même les si nombreux embagousé(e)s de là-bas. Et dans le même temps, Alger. J’ai parlé au téléphone, voici quelques jours, à un ami perdu de vue. Un Algérien, Kabyle. Il vit en France, visite souvent son pays, qu’il voit s’enfoncer, tout en restant joyeux. Jadis, nous avions interrogé le chanteur Enrico Macias au sujet du maalouf, une musique qui doit beaucoup à la civilisation – Al Andalus – créée en Espagne pendant les siècles où les Arabes étaient dans la péninsule. Le beau-père de Macias était un grand musicien, Cheikh Raymond.
Mais je m’égare. Je demandai à mon ami comment les Algérois, logés si souvent dans de terribles cités de parpaing, avec des coupures d’eau omniprésentes, faisaient pour supporter des températures bien pires qu’à Nice. Elles approchent certains jours de 50 degrés le jour. Il ne savait pas, mais comme c’est un fouineur hors-pair, il m’a promis de mener l’enquête sur un sujet qu’il juge en effet essentiel. Comment font-ils ?
En attendant, l’infamie. Les gogos pensaient que la France éternelle, celle des droits de l’homme, n’avait plus le droit d’exporter des pesticides interdits dans l’Union européenne. Ces chiens de l’agrochimie, en effet, gagnaient des fortunes en empoisonnant à mort les paysans pauvres du Sud. Eh bien, ils continuent, comme l’indique l’extrait d’un article du journal Le Monde qui suit. Je sais qu’il faut être non-violent. Mais c’est dur. Et pardon aux chiens de les avoir comparés à ces salauds. Certes non, ils ne le méritent pas. Ils valent mille fois mieux que les amis du journaliste Patrick Cohen (voir article précédent).
L’extrait du Monde : « Afin de mettre un terme à une pratique qualifiée d’« odieuse » par les Nations unies, la France prohibe depuis 2022 l’exportation de pesticides dont l’usage est interdit dans l’Union européenne (UE) en raison de leur dangerosité pour la santé ou pour l’environnement. Deux ans après l’entrée en vigueur de cette loi pionnière dans le monde, on continue pourtant à produire en France des milliers de tonnes de pesticides interdits et à les acheminer vers des pays aux réglementations moins protectrices, comme le Brésil (première destination), l’Ukraine, la Russie ou l’Inde. Effet boomerang, ces substances chimiques très toxiques reviennent dans les rayons des supermarchés français par le biais de l’importation de fruits, légumes ou épices traités avec ces pesticides. »
En Inde depuis quelques années il y a plus de maladies du foie et des reins à la campagne qu’en ville. Les scientifiques « ne comprennent pas » la raison de cette épidémie… Il suffit pourtant de voir comment les paysans répandent les pesticides à mains nues, mélangent la poudre avec de l’eau à mains nues, les enfants jouant à côté, les enfants des marchands de pesticides qui ont des maladies bizarres… mais bon, si on ne cherche pas on ne trouve pas !
Sur « les nuits tropicales » :
« La première fois que je suis allé à Gourna, en plein été, j’ai rendu visite à M. Stoppelaëre qui habitait dans la résidence Howard Carter, où la chaleur était insupportable. A tel point que je préférai sortir au soleil et proposai à mon ami d’aller voir quelques tombeaux. Il m’emmena au tombeau de Nefer-Renpet, à Khokka, et quand nous arrivâmes, il était fermé. En attendant les clés, nous cherchâmes à nous abriter à l’ombre d’un madyafa voisin. Or il y avait dans la loggia de ce madyafa un courant d’air frais tellement agréable que nous avons immédiatement cherché d’où il venait. La loggia était construite avec le mur du fond face au vent dominant, et ouverte du côté opposé, sous le vent »
Hassan Fathy, Construire avec le peuple, traduction Yana Kornel, éditions Gérôme Martineau, la bibliothèque arabe, Paris 1970
Il est intéressant de savoir que Hassan Fathy est allé pour la première fois à Gourna en 1942. Le peintre Francais Alexandre Stoppelaëre était chef des recherches archéologiques de Louxor de 1942 à 1957. Hassan Fathy a construit sa nouvelle maison, habitable celle-là, en 1945.
https://factumfoundation.org/our-projects/institutional-collaborations/the-theban-necropolis-preservation-initiative/restoration-of-stoppelaere-house/
Le premier immeuble à être connecté au courant électrique le fut aux États-Unis en 1879.
L’Egypte, comme la France et le reste du monde habité aujourd’hui, est habitée depuis plus de 12 mille ans (Ellis et al. 2021) … ça fait donc au minimum 11.845 ans que nous avons décidé d’habiter exactement dans les mêmes régions où nous vivons aujourd’hui, de la Sibérie au Tibet, du Sahara à l’Amazonie… sans électricité !
Bonjour Fabrice, en lien avec votre article voici un tableau montrant les projections du nombre de jours d’anomalies des températures nocturnes, dans les villes de la région PACA pour la période 2041-2070
https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/le-mauvais-temps-et-les-nuages-de-cette-fin-septembre-cachent-des-nuits-tropicales-3038420.html
par rapport à la moyenne connue on constate souvent un triplement du nombre de jours.
Merci pour votre blog toujours très intéressant
Ca sera très intéressant de savoir comment les Algérois font. S’il y a du courant pendant les heures chaudes, ils prennent probablement leur mal en patience avec les ventilateurs plafonniers, les évaporateurs d’eau ou la clim. Mais si les coupures de courant coïncident avec les heures chaudes, comme souvent à cause des clim que tout le monde démarre en même temps, ils réinventent probablement le principe ancien de l’architecture bioclimatique : utiliser différentes parties des immeubles et de la ville de manière différente selon les saisons et les heures. Par exemple à Calcutta en été, dans les années 1990, les trottoirs étaient des dortoirs. Il fallait marcher sur la chaussée entre 10h du soir et 5h du matin. Heureusement à ces heure-là, la ville toute entière dormait ! Le silence ! De vrais dortoirs, avec moustiquaires, nattes, des familles entières… Ceux qui n’avaient pas les moyens d’acheter un ventilateur et n’avaient pas accès à une toiture terrasse.
En Uttar Pradesh, où j’ai vu 45 degrés, c’était pareil: tout le village dormait sur les toits-terrasse. Sans exception. Et quand début juin la saison des pluies commence, on pliait toute la literie dare-dare, parfois au milieu de la nuit, dès les premières gouttes, et on voyait les lampes de poche s’allumer sur toutes les toitures, et tout le village pester et les enfants rire… Mais il y avait un endroit paradisiaque : le jardin de mangues, où la brise rafraîchissante soufflait comme par magie sous les frondaisons l’après-midi, alors même qu’aucun souffle d’air n’était perceptible dans les champs brûlés alentours ! Effet « Venturi », ais-je appris plus tard ! Il restait 3 ou 4 maisons en terre dans le village, et elles étaient plus fraîches que les autres, mais tellement misérables qu’elles n’avaient pas de fenêtres, donc pas d’air, donc impossible d’y rester l’après-midi. Sous un arbre, où dans le jardin de mangues, seuls refuges !
Au Rajasthan la température était pire (48 degrés là où nous vivions) mais c’était plus agréable. Les maisons étaient mieux conçues, et la nuit nous dormions dans un abri conçu pour ça, ouvert de tous les cotés, avec une toiture de paille (changée chaque année) qui n’accumule pas la chaleur durant la journée, et donc ne la restitue pas la nuit. Paradoxalement, le village du Rajasthan était plus pauvre que celui de l’Uttar Pradesh, et presque personne n’avait le courant, qui de toutes façons ne venait que quelques heures, imprévisibles, par jour, mais les gens, conséquence peut-être de leur isolation, avaient conservé leur architecture et leurs habitudes de gestion des saisons.
Mais l’idée de l’architecture « fonctionnelle », où chaque pièce a une « fonction », dormir, manger, recevoir, travailler, etc. inventée par la bourgeoisie Européenne au 19ème siècle et imitée par toutes les sociétés « développées », oblige à maintenir une ambiance vivable à toute heure de toute saison, et c’est impossible sans machines et sans énergie, donc sans pollution, malgré tous les tours de magie que les adeptes du « net zéro » s’échinent à nous démontrer, avec leurs pompes à chaleur sur panneaux photovoltaïques, tuyaux enterrés et sels à changement de phase !
Retrouver l’intelligence d’une architecture où chaque pièce peut servir à tout, comme à l’époque où « mettre la table » voulait encore dire amener les tréteaux, les planches, et disposer la nourriture, dans la pièce ou le lieu où l’on se trouvait, est un travail à faire.