Avant toute chose, je souhaite préciser que le texte qui suit n’est en aucune manière une comparaison terme à terme, qui n’aurait pas le moindre sens. Non, je joue ici sur l’analogie, de manière à mieux illustrer mon propos général. Qui commence ainsi : que veut-il ? Que veut ce Mélenchon dont tant de commentateurs écrivent qu’il est obsédé par son sort personnel ? Il n’aurait qu’un rêve, affronter au second tour de l’élection présidentielle Marine Le Pen, qu’il se ferait fort de combattre, et de battre.
Que Mélenchon soit dans cette posture, je n’en doute guère. Tenu comme il est par le personnage qu’il a forgé et qu’il croit réel, Mélenchon clive, comme il dit. Il sépare le bon grain radical de l’ivraie sociale-démocrate, et fantasmant sur une période révolutionnaire qu’il est le seul à voir, il tonne. Et distribue récompenses et horions, trônant en compagnie d’une cour dont je dirai charitablement qu’elle n’est pas faite d’individus autonomes et critiques, mais de zélotes qui disparaîtraient en cas d’effacement de leur César. J’emploie ce dernier mot, car il renvoie à l’Internationale, ce chant que tant de crapules, de l’URSS à la Chine, du Vietnam à Cuba, ont pourtant encensé : « Ni Dieu, ni César, ni Tribun ». Où l’on voit que l’on aura tout oublié en route. Chez eux.
Je commence mes discutables rapprochements. Après la prise de pouvoir par Staline en URSS, disons 1926 ou 1927, les nouveaux partis communistes créés dans la foulée du coup d’État d’octobre 1917 furent purgés comme il fallait par l’Internationale communiste (le Komintern) qui, depuis Moscou, les finançait et les commandait. Au sixième congrès du Komintern, en 1928, le clan stalinien impose une ligne politique étrange qui n’a pas livré tous ses secrets. Ce qu’on a appelé la « stratégie classe contre classe ».
Il n’y avait plus qu’une classe, du moins celle estampillée par Moscou, c’est-à-dire une classe ouvrière totalement imaginaire. La vraie ne suivait les partis communistes qu’à la marge, mais Staline imposa tout de même un tournant spectaculaire. Les socialistes et sociaux démocrates devenaient des ennemis mortels, des social-fascistes. Pires en fait que les fascistes, car ils entraînaient dans leur piège les ouvriers qui se laissaient influencer par eux. À Paris, les Thorez, Duclos, Marty, Frachon suivirent bien entendu la ligne, qui ne serait rompue qu’au moment du Front Populaire, sur un nouvel ordre de Staline. Voilà que j’oublie Doriot, qui finirait Waffen SS, mais qui espérait encore prendre la direction du PCF. On peut penser qu’en ces circonstances changeantes, la crainte de la guerre, pour une Union soviétique isolée, aura joué un rôle important dans la politique internationale décidée par Staline. Ce qui ne change rien à mon propos.
Quoi qu’il en soit, la stratégie « classe contre classe » eut des effets catastrophiques en Allemagne, où le KPD (le parti communiste allemand) stalinien, aux ordres, refusa toute alliance pour contrer les succès du parti hitlérien. Peut-être ce dernier aurait-il conquis le pouvoir, mais en toute certitude, la politique du KPD aura été d’une grande aide.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les trotskistes chers au cœur de Mélenchon refusèrent toute idée d’union avec ce qu’ils nommaient la bourgeoisie. De Gaulle était le cheval de Troie de cette dernière, tandis que les soldats allemands à Paris demeuraient à leurs yeux des « travailleurs sous l’uniforme ». Et par conséquent, pas question de les attaquer, de les blesser, de les tuer.
Je ne referai pas ici l’histoire à vrai dire fantastique de l’époque. Le certain, c’est que la Résistance antifasciste réunit dans la douleur des maurassiens épouvantables, comme le colonel Rémy, des maurassiens admirables, comme Daniel Cordier, des staliniens épouvantables, comme toute la direction du PCF, des staliniens admirables, comme le colonel Guingouin, des Espagnols échappés des geôles de Franco, des démocrates-chrétiens qui allaient fonder le MRP, droitier, des socialos, des syndicalistes, une foule de sans-parti qui n’accordaient plus aucun crédit à des formes politiques faillies.
Fallait-il ? Fallait-il unir tant de forces disparates ? Poser la question, c’est avoir une réponse limpide. C’était cela, ou accepter le joug. Je n’insiste pas plus sur Mitterrand, le grand homme de Mélenchon, que pour ma part je déteste. Mitterrand fit alliance, lui qui était foncièrement de droite, avec le PCF dès 1965 et n’eut de cesse d’embrasser jusqu’à les étouffer les staliniens, et beaucoup de forces – je pense au PSU de Rocard – qui n’avaient que peu de rapports avec lui et son ambition.
L’ambition. L’ambition et l’hubris de Mélenchon, qui fait passer sa toute petite personne avant les intérêts généraux de ce pays et de ce monde dévasté. La crise climatique commande. Elle est un impératif catégorique devant lequel tous les plans de carrière devraient s’effacer. Mais Mélenchon s’en contrefout. Il faudrait unir et réunir comme jamais dans notre histoire, et lui joue sa misérable carte, dans l’espoir chimérique d’égaler, voire dépasser son héros Mitterrand. Il est donc dans un contre-sens historique total, et ses suiveurs n’ont visiblement rien retenu de l’histoire. L’unité n’est pas la fusion. L’unité n’est pas toujours la confusion. L’unité est aujourd’hui vitale.
Mélenchon croit-il à sa stratégie « classe contre classe » revisitée ? Je n’ai certes pas de lumière sur ce qu’il pense, mais je gage pour ma part qu’il sait la partie perdue pour lui. Il ne peut espérer les voix de ceux qu’il aura insultés tant d’années de suite. Je pense même qu’il n’atteindra jamais un second tour de l’élection présidentielle. Je peux grandement me tromper. Cet homme médiocre me fait penser à Néron, pendant l’immense incendie de Rome, en l’an 64. Je sais qu’il s’agit très probablement d’une légende, mais beaucoup répètent depuis que l’empereur Néron en a été le responsable. Et qu’il en a joui.
Eh bien, je me demande si Mélenchon ne ressemble pas au Néron de cette noire légende. Il ne peut y parvenir ? Alors, ce sera personne.
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Post-scriptum : Le mélenchoniste Louis Boyard, qui fut le guignolo de Cyril Hanouna dans Touche pas à mon poste (TPMP), vient de perdre l’élection municipale de Villeneuve-Saint-George avec le brio qui est sa marque de fabrique. Je note sans surprise ses paroles : « Tout un système qui devant la révolution citoyenne préfère la fascisation de la France.»
Dieu du ciel, ce garçon est un grossier imbécile. Et il reprend sans même le savoir, car l’inculture lui est un métier, les mêmes termes que ceux de la Gauche Prolétarienne de Serge July, Alain Geismar et Pierre Victor-Benny Lévy au début des années 70. C’est-à-dire ces maoïstes qui bavaient d’admiration devant une Chine totalitaire qui tuait ses citoyens par millions. Il ne fait bon le rappeler, d’autant que tous ses dirigeants d’alors ont fait belle carrière.
Selon eux, la France était entrée dans un processus de fascisation. La CGT et le PCF, révisionnistes de la grande pensée marxiste, celle du camarade Mao, étaient des collabos, écrits souvent Kollabos pour mieux marquer une origine teutonne. En 1969, ces visionnaires – du moins Geismar et July signaient un livre délirant que j’ai dans ma bibliothèque, « Vers la guerre civile ». Plus con que cela, on ne trouvera pas.
Et puis, bulle de savon, disparition. July deviendrait chroniqueur de RTL. Geismar, directeur de cabinet de Claude Allègre, négateur de la crise climatique. Benny Lévy, talmudiste en Israël. Je serai d’accord avec Mélenchon sur un point : ¡ Que se vayan todos ! Qu’ils se barrent tous, Mélenchon et Boyard compris.
Bravo Fabrice !
Lisez l’ouvrage « Pilleurs d’État », ces élus qui contournent les lois pour s’en mettre plein les poches, par Philippe Pascot aux ed. Max Milo. et vous aurez une vision d’ensemble dans laquelle Mélenchon n’est pas pire que les autres !
Et qu’il y a autre chose à faire que d’attaquer spécifiquement tel ou tel tout en refusant de s’attaquer au système qui le sous-tend !
Les Français sont des « MOUGEON » !
Tout est dit dans cet ouvrage !
Je crois que la critique que Fabrice fait de Mélenchon est fine et surtout, très spécifique. En d’autres termes, une personne ouverte la prendrais comme une critique constructive.
Moi je verrais De Villepin Président, Mélenchon premier ministre, Alain Gresh ministre des Affaires étrangères, Dr. Raoult ministre de la Santé, Poutou ministre du travail, Asselineau à la défense… exemples parmi d’autres d’une équipe responsable, humaine, raisonnable, honnête, pour laquelle les Français voteraient… mais que les media flingueraient sans relâche… pourquoi avons-nous toujours les pires ? On a ce qu’on mérite, malheureusement.
Luc Montagnier aurait dû être ministre de la Santé, Sternheimer ministre de la recherche, Rabhi ministre de l’agriculture… ils sont morts. On est passés à côté. On a eu ce qu’on méritait ? Triste, quand même…
C’est sans doute dommage pour cette ville martyre du progrès ferroviaire qu’est Villeneuve St George, de n’avoir plus de gouvernance à gauche, quand on voit qu’EELV + le PC se sont couchés pour donner toutes ses chances à Louis Boyard, et que finalement, c’est une bonne dame bien de droite qui emporte la ville, il y aurait de quoi revoir un peu sa stratégie, il me semble. Il aurait été élu, vous auriez entendu hurler au vote communautaire, et c’est plutôt rassurant de se dire que ce soi-disant vote communautaire est un épouvantail, au moins à l’échelle municipale. Quand vous avez besoin d’hôpitaux, de crèches, d’écoles en état de marche, vous mettez de côté vos opinions religieuses ou politiques et choisissez celle ou celui qui a fait quelque chose pour améliorer votre vie quotidienne, même a minima, plutôt qu’un beau jeune homme atterrissant au bout d’un parachute, même rouge vif. Citation de 94citoyen.com, qui résume bien ce qui s’est passé : « Sans nul doute, les électrices et électeurs de gauche ont été contrariés par l’hégémonisme de LFI, conceptualisée nationalement et revendiquée localement par Louis Boyard.”
Bibinato,
Désolé, mais je ne vois pas le rapport