Quand Diabrotica débarque (tous aux abris)

Jacques Baillon, j’espère bien que tu me lis ! Car ce papier que je suis en train d’écrire, c’est ta faute. Jacques est un naturaliste de la région d’Orléans, auteur en 1990 du livre Nos derniers loups, consacré à l’histoire naturelle de ces animaux dans sa région. Je l’ai dans ma bibliothèque, et j’en ai lu l’essentiel il y a une dizaine d’années. Ce que j’appelle un bon livre.

Et à part cela, Jacques m’envoie hier une information qui m’a aussitôt fait sursauter. La voici, dans un bref résumé. Il y a quelques jours, on découvre dans un champ de La Motte-Servolex (Savoie) une chrysomèle du maïs. Diabrotica virgifera virgifera, de son petit nom scientifique, est un coléoptère originaire d’Amérique centrale, devenu ensuite le principal ravageur du maïs en Amérique du Nord. Et il a été signalé pour la première fois chez nous, en Europe, en 1992. En Serbie. Probablement apporté là-bas dans les soutes d’avions militaires américains. D’où cette rumeur persistante : certains services étasuniens auraient délibérément répandu la chrysomèle pour mieux faire passer les OGM. Car Monsanto a, il faut le préciser, mis au point un maïs génétiquement modifié, le MON 863, qui résiste aux attaques du coléoptère.

Je n’ai aucun avis sur la question, car je n’ai pas regardé de près. Et je préfère donc en revenir à l’info du départ, transmise par l’ami Jacques. En Savoie, découvrant la chrysomèle, les autorités appliquent le plan. Et pulvérisent toute la région, dans un rayon de 10 km. Par avion. Réaction presque immédiate : « France Nature Environnement et la Fédération Rhône Alpes de Protection de la Nature dénoncent ces pulvérisations aériennes pratiquées sans information, qui exposent la population locale à un insecticide dangereux et posent un grave problème de santé publique. Par ailleurs les producteurs biologiques de la zone n’ont pas eu la possibilité d’envisager avec les services administratifs concernés des solutions alternatives ».

Roulez jeunesse, passez muscade. Ce que j’en pense ? Voilà une énième poussée bureaucratique, indifférente, automatique. L’administration applique, comme elle a toujours fait. Ce qui me fascine, c’est que cette histoire me rappelle toute l’histoire. Celle des pesticides en France, que j’ai racontée avec François Veillerette dans notre livre Pesticides, révélations sur un scandale français (Fayard). Les mêmes, ou leurs fils, ou leurs petits-fils, ont constamment pulvérisé, sans jamais rien régler. Contre le doryphore, le mildiou, le pou de San José. Pour le plus grand profit de l’industrie, amorale comme on sait, et dont le but unique et perpétuel est de vendre.

Vous allez m’excuser, mais je reviens sur notre livre. Il contient de quoi alimenter vingt procès. Il est empli de vraies révélations sur le système qui a permis l’empoisonnement universel aux pesticides que nous connaissons. Il cite des organismes prestigieux, des noms impeccables, il dénonce à haute voix. Et ? Et rien. Nul n’a osé mettre l’affaire sur la place publique. Aucune des personnes, parfois très en vue, citées et bien souvent vilipendées, n’a osé nous attaquer. Ce n’est certes pas la preuve que nous avons raison sur tout, en tout. En aucune façon. Mais c’est le signal on ne peut plus clair que ces braves gens sont sur la défensive. Qu’ils ont peur. J’aimerais croire qu’ils ont peur de nous. D’un sursaut qui tarde à venir. Vous me comprenez ?

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