Publié en mars 2021
Avouons
qu’on ne sait pas comment ils font. Macron, jamais élu avant 2017,
réussit des numéros d’escamotage dignes d’Houdini, qui parvenait à
se libérer d’un coffre empli d’eau après avoir été menotté.
Le
coup de la Convention citoyenne pour le climat, c’était vraiment
bien. 150 naïfs tirés au sort proposent des mesures pour faire face
au drame, et Macron assure devant les caméras qu’il reprendra « sans
filtre » leurs propositions avant de les écrabouiller.
Et
voilà qu’il récidive avec son projet de référendum. Il veut, il
prétend vouloir que la Constitution intègre la « protection
de l’environnement » comme un principe. Et l’Assemblée fait
semblant de discuter l’affaire, quand chacun sait que cela n’ira
jamais au bout.
Soit
en dernière instance, le Sénat bloquera, et ce sera l’occasion pour
Macron de triompher. Du côté des électeurs écologistes – voyez
comme j’aime la planète – tout en affaiblissant la droite, cette
droite qui règne sans partage sur le Sénat. Soit, si ce référendum
ridicule devait aboutir, il ne se passerait rien quand même. La
Charte de l’Environnement de Chirac en 2O05 n’aura servi à rien, et
ne serviront à rien les moulinets électoralistes.
Les
journalistes politiques sont très souvent des cons, incapables de
relier un point avec un autre. Leur monde se réduit à la
psychologie des egos, petits ou grands. La plupart ne lisent rien
d’autre que des livres inutiles, racontant des histoires
insignifiantes sur des destins lilliputiens.
Si
tel n’était pas le cas, ils confronteraient Macron-l’écologiste à
la liste rouge établie par deux autorités peu discutées :
l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le
Muséum national d’histoire naturelle. Patiemment, au long de 13
années de collectes et d’analyses, leurs spécialistes ont évalué
13 842 espèces animales et végétales présentes en France. 2430
sont menacées d’extinction sur notre sol, soit 17%. Et plus de 30%
des oiseaux (1). Si des yeux autres qu’aveugles regardaient cela en
face, un seul mot s’imposerait, bien qu’aucun ne convienne :
celui d’Apocalypse.
En
France donc, tandis que péroraient entre 2008 et 2021 Nicolas
Sarkozy – « L’environnement, ça commence à bien faire
(2011) -, François Hollande – création d’un secrétariat d’État
à la biodiversité – et notre cher Emmanuel Macron, tout s’est
accéléré. C’est l »organisation profonde de la France, qui est en
cause. Ses modes de production, d’exportation, de consommation,
ses façons d’habiter, de bouger, de se soigner. Le reste n’est que
bullshit, motherfucker, comme
on dit les séries américaines.
Veut-on
souffrir encore plus ? Ce ne sera pas trop difficile, car ce
cirque obscène dure depuis des lustres. Toute parole politique est
corrompue. En mars 2018, Nicolas Hulot, alors ministre de
l’Écologie, monte à la tribune de l’Assemblée nationale. Il vibre,
il est au bord des larmes, et le pire de tout est qu’il est sincère.
Il demande au députés qui s’en tapent « un sursaut
d’indignation ». Il déclare dans le vide : « Il
y a des tragédies invisibles et silencieuses dont on s’accommode
tous les jours, eh bien je vous le dis, tout seul, je n’y arriverai
pas (…) Oui je vais vous présenter un plan biodiversité dans
les semaines qui viennent, qui va succéder à la stratégie de la
biodiversité, mais très sincèrement, tout le monde s’en fiche, à
part quelques-uns ».
Vains
Dieux ! En 2016, Barbara Pompili, alors secrétaire d’État à
la biodiversité de François Hollande, arrache l’interdiction des
pesticides néonicotinoïdes, ces massacreurs d’abeilles. Elle
déclare même, toute fiérote de sa réussite : « Ils
sont dangereux pour notre santé, pour notre environnement, ils
contaminent les cours d’eau, la flore, y compris la flore sauvage.
Ils restent dans les sols très longtemps […] Nous avons une
responsabilité vis-à-vis de nos enfants, nous ne pourrons pas dire
que nous ne savions pas ».
Et
là-dessus, elle autorise en septembre 2020 leur retour. Sur les
betteraves pour commencer. Rien ne bouge, car nul ne bouge.
(1) https://uicn.fr/liste-rouge-france/
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Une
nouvelle manière de faire une enquête
Se
passerait-il quelque chose dans le journalisme ? On sait depuis
longtemps que des centaines de journalistes plutôt jeunes tentent
l’aventure, les aventures. Mais le projet Disclose donne envie de
connaître la suite.
On
résume vite fait. À l’été 2015, notre bon ami Bolloré veille.
Devenu patron de Vivendi, il règne donc sur sa filiale Canal+. Or un
documentaire doit y être diffusé, qui raconte de belles choses sur
les magouilles du Crédit Mutuel, banque qui a aidé Bolloré dans sa
marche triomphale. Il censure.
Le
doc de Geoffrey Livolsi et Nicolas Vescovacci finira par
passer sur France 3, mais pour Livolsi, c’est la goutte d’eau fatale.
Avec quelques amis et confrères, dont Jean-Pierre Canet – tu vas
bien ? -, il lance en 2018 Disclose (disclose.ngo/fr) après une
levée de fonds auprès de simples citoyens.
Le
principe de fonctionnement est simple : plus les donateurs
ouvrent leur porte-monnaie, plus les journalistes travaillent. On
paie pour permettre des enquêtes au long cours. En deux ans,
Disclose a déjà reçu quelques grands prix, dont le Sigma Awards.
Signalons
deux enquêtes qui ne peuvent que plaire dans cette page : l’une
sur l’élevage intensif, l’autre sur les conséquences réelles des
essais nucléaires français à Moruroa et Fangataufa. J’y reviendrai
après avoir lu le livre qui accompagne, dont l’un des auteurs
travaille avec Disclose.
On
peut filer des infos à Disclose de manière discrète en ouvrant un
compte mail sécurisé, via Proton. Ça a l’air compliqué, mais
c’est simple comme tout (1). On peut aussi utiliser l’application
gratuite Signal, qui paraît-il garantit la confidentialité des
échanges.
Bien que si jeune, Disclose a déjà un petit frère breton, Splann (splann.org), d’un mot qui veut dire « Clair ». Et c’est en effet limpide. Le groupe autour de Splann, basé à Guingamp (Côtes d’Armor), entend regarder derrière la carte postale, genre rochers et côte sauvage. Et la cible principale, sans surprise, c’est l’empire agro-alimentaire qui a transformé la Bretagne en une infâme décharge à cochons et à déjections.
(1) https://disclose.ngo/fr/page/devenez-une-source
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Martine
et les jardins ouvriers d’Auber
C’est
une bagarre entre deux mondes irréconciliables. Bien que prévenu,
j’avais laissé filer les jours et les semaines. Et voici que Martine
Rousseau-Oger, amie lointaine mais chère, m’envoie ce qu’elle a
écrit pour son blog si délicieux (1).
Ça
se passe à Aubervilliers, ville historique des prolos, de l’espoir,
du Front Popu, mais aussi de cette canaille de Pierre Laval, qui y
fut maire. «
En sortant du métro Fort-d’Aubervilliers (direction La Courneuve),
Seine-Saint-Denis, et avant d’arriver à quelques hectares de
verdure, on passe devant ça »,
commence Martine. Et ça, ce sont des immondices, des centaines de
canettes, un ignoble parking. Le lieu est délaissé, certainement
sur décision politique.
C’est
ici, ajoute Martine, que « le
Grand Paris Aménagement (GPA) compte fermement installer une piscine
d’entraînement (coût estimé : 40 millions d’euros) pour les
Jeux olympiques 2024 ».
Or juste à côté ont poussé bien avant guère des jardins
ouvriers, loués pour une somme modique. Il y a 86 parcelles, mais un
projet contigu à la piscine prévoit un solarium et une terrasse de
4000 m2. Le tout engloutirait 19 parcelles, pour commencer.
Pour
commencer. On parle aussi d’une
gare, d’hôtels, de logements et de bureaux.Chacun
sent bien que le Grand Paris, les JO de 2024, la marche à l’abîme
sont tout un. Dans le monde des Excellences, y compris Hidalgo, qui
aura tant fait pour les Jeux Olympiques, il n’y a pas de place pour
un jardin ouvrier de pauvre. Si vous êtes dans le coin, allez-les
voir, et bougez-vous le cul (jardinsaubervilliers.fr). On sait
jamais.
(1)
lemonde.fr/blog/correcteurs/2021/03/07/aux-vertus-dauber/