Archives de catégorie : Climat

Pourquoi le vote est-il une sombre connerie ?

Prévenons gentiment que ce sera un article simpliste. Sur la question climatique, qui devient sous nos yeux une tarte à la crème politicienne. Quelles sont les nouvelles ? 2020 a été probablement l’année la plus chaude depuis…très longtemps, à égalité avec 2016 (1). Mais c’est pire en fait, car en 2020, La Niña, phénomène climatique et océanique provisoire, a refroidi la Terre pendant une courte période. Qui l’établit ? L’Agence onusienne Organisation météorologique mondiale (OMM).

Dans la foulée, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lancé : « Nous nous acheminons vers une augmentation catastrophique de la température de 3 à 5 degrés au cours du 21ème siècle ». Rappelons que la foutaise acclamée jusque dans les rangs écologistes – les Accords de Paris – prétend toujours maintenir l’augmentation moyenne de la température sous la barre des 2 degrés, et pourquoi pas autour de 1,5 degré. Jo Biden, qui vient de s’installer à la Maison Blanche, réintègre du même coup les États-Unis dans ces accords, sous les nombreux applaudissements de ceux qui firent un triomphe à Daladier à la Toussaint de 1938. N’avait-il pas sauvé la paix en trucidant la Tchécoslovaquie ?

Du côté des combattants, c’est pire. Car des combattants, il n’y en a pas. Sauf à faire entrer dans la catégorie, et de vive force, l’initiative de l’Affaire du Siècle. On le sait, quatre ONG (2) ont lancé une pétition en ligne qui aurait atteint deux millions et demi de signatures. Que réclame-t-elle ? Exactement ceci : « Saisissons la justice pour que la France respecte enfin ses engagements sur le climat ».

Est-ce sérieux ? Oui. Est-ce déplorable ? Oui. Pour commencer, penser que la justice pourrait modifier le cours d’une société – et de quelle manière fondamentale – relève du baroque le plus achevé. Cela ne s’est jamais vu ni ne se verra jamais. Ensuite et sur le fond, il faudrait donc que la France tienne ses promesses, lesquelles sont incluses dans ces Accords de Paris, cette sombre billevesée.

La vérité, dans ce qu’on peut espérer en connaître, est ailleurs. Le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat  (GIEC) « Le travail et la vie dehors vont devenir insupportables dans des régions de plus en plus vastes et une part de plus en plus grande de la planète sera inhabitable ». Ipso facto, des centaines de millions d’humains se mettront en route vers les zones les moins insupportables. Pour commencer. Cette perspective n’est pas (tout à fait) certaine, mais elle est (hautement) probable. Dans ces conditions bien sûr, il fau(drai)t rompre radicalement avec ce monde, ses innombrables colifichets, ses portables, ses 5G pour la raison évidente qu’ils sont le moteur de l’emballement climatique.

Si nous étions autrement qu’imbéciles et aveugles volontaires, nous formerions en ce moment même une coalition sans précédent contre la bagnole électrique, qui est infâme moralement, infernale climatiquement, et dont l’essor signifie simplement que nul n’entend changer son mode de vie avant sa mort. Car la bagnole individuelle c’est aussi une vision de l’espace, de la vitesse, du déplacement, des villes, et une contamination du psychisme. Sans compter qu’elle est le prolongement de la domination de ceux qui roulent avec – nous, au Nord – sur ceux qui les regardent passer, fardeau sur les épaules – eux, au Sud.

Et pendant ce temps, tous les journaux parlent du matin au soir de masques, de vaccins, de tests, sans seulement parler des causes profondes et documentées de l’émergence de virus dangereux : la dévastation écologique planétaire. Lisez donc Le Grand Saut (Flammarion), bande d’ignares ! Si nous étions tant soit peu lucides, nous ne voterions plus pour les habituels pantins, qui parlent des miettes de pain sur la table tandis que l’immeuble s’effondre irrémédiablement. Autant dire que nous ne voterions plus du tout. Ce que je fais sans gloire, mais sans aucun sentiment de culpabilité. Que tous les prétendants aillent se faire foutre.

(1) https://public.wmo.int/fr/medias/communiqu%C3%A9s-de-presse/2020-est-l%E2%80%99une-des-trois-ann%C3%A9es-les-plus-chaudes-jamais-enregistr%C3%A9es

(2) Greenpeace, Oxfam-France, la Fondation Hulot, Notre Affaire à tous.

(3) lemonde.fr/planete/article/2021/01/15/il-faut-arreter-cette-machine-infernale-du-rechauffement_6066361_3244.html

————————————————-

Un certain Robert McNamara, criminel de guerre

Quand vous lirez ces lignes, le procès d’Évry sera peut-être terminé, et comme je n’en connais pas le résultat, passons vite. Une admirable Vietnamienne, Tran To Nga, poursuit les transnationales de l’agrochimie qui ont fabriqué l’Agent orange, dont Monsanto et Dow Chemical. Cet herbicide persistant, épandu par Américains sur la forêt à partir de 1962, a empoisonné des millions de Vietnamiens, et des milliers de gosses naissent encore avec des malformations, cinquante ans après.

Bref, disons deux mots d’un des plus grands salopards de l’histoire récente, l’Américain Robert McNamara. Né en 1916 – et mort en 2019 -, il mène des études, pour partie en philosophie, puis joue un rôle militaire important après 1941. Il est tenu pour le grand stratège du bombardement non-nucléaire de Tokyo, le 10 mars 1945, qui tue en une nuit 100 000 personnes.

Redevenu civil, il dirige Ford, mais quand Kennedy arrive au pouvoir en 1961, il devient secrétaire à la Défense, équivalent de notre ministre des Armées. Au Vietnam, ce criminel de guerre continuera sa route par des bombardements sur les digues le long du Fleuve Rouge, pour noyer les paysans du Nord, lancera plus largement l’opération Rolling Thunder – des bombardements de villes – et bien sûr l’opération Ranch Hand, celle de l’Agent Orange.

En 1971, la publication des Pentagon Papers par le New York Times montre que McNamara savait dès 1966 que la guerre américaine au Vietnam était perdue. Et alors ? Quittant son poste en 1968, notre crapule devient président de la Banque Mondiale, où il poursuit sous d’autres habits sa mission de destruction du monde et de ses écosystèmes.

Mais faut pas croire, cet homme avait aussi une âme. Travaillant il y a dix ans sur un livre, j’ai pu mettre la main sur un document disons discret – et même secret – du WWF, cette si curieuse association « écologiste ». Datant de 1987, intitulé « Le club des 1001 », il dressait la liste des plus grands donateurs du WWF. Et parmi eux, l’ancien dictateur africain Mobutu. Et parmi eux, Robert McNamara.

——————————————–

Laurent Wauquiez, l’homme qui aime claquer le fric des autres

Y a-t-il politicien plus lamentable que Laurent Wauquiez ? Comme le concours est très relevé, réservons la réponse. Mais enfin, il serait en toute hypothèse sur le podium. Détesté unanimement par son camp – son invraisemblable arrogance passe mal -, il a été président de l’UMP en 2017, et après en avoir été lourdé, il s’est replié sur la présidence du conseil régional AURA, pour Auvergne-Rhône-Alpes.

L’une de ses dernières lubies consiste en une déviation routière entre deux villages de Haute-Loire, Saint Hostien – moins de 750 habitants – et Le Pertuis, moins de 500. Soit 10,5 km qui nécessiteront 13 ouvrages d’art dont un viaduc de 300 mètres de long, Le Roudesse, pour un coût au départ de 260 millions d’euros. Qui paiera ? Le conseil régional de Wauquiez, à hauteur de 198 millions, car dit notre cher ami, « L’État n’a plus d’argent et sans la Région, il n’y aurait pas cette mise à 2×2 voies ». Ajoutant : « C’est un effort énorme de solidarité que fait la Région à l’égard de la Haute-Loire ».

On te croit, mon gars, surtout quand tu prétends que ça diminuera les accidents et que ça rendra la tranquillité aux villages. Ce qui est d’ailleurs vrai, mais qui en France mettrait 260 millions d’euros sur la table pour faire plaisir à 1200 personnes ? L’autre argument de Wauquiez est encore plus drôle : cela ferait gagner du temps. Selon les calculs du quotidien local L’Éveil, entre 2’40 » et 3’50 ». Les travaux sont en cours, les opposants sont sur le pont, Wauquiez se moque d’eux sur tous les tons.

Cinquante ans et plus une seule dent

Le ministère de l’Environnement [ ou de l’Écologie, selon ] a cinquante ans et fait semblant depuis cinquante ans. C’est même pas la faute des ministres, ectoplasmes si contents d’être sur la photo. Le mal est plus profond : ceux qui décident sont ceux qui salopent tout depuis deux siècles.

Presque trop facile. Quand le père Pompidou décide la création d’un ministère de l’Environnement en 1971, il confie la tâche à ce bon monsieur Poujade, maire de Dijon, qui se demanderait pourquoi on l’a choisi s’il n’était pas mort. Sans soute parce qu’il avait été le conseiller d’un ministre de la construction oublié, puis en charge d’une « commission du développement » régionale. Lui-même devait écrire ensuite un livre disant l’évidence dès le titre : « Le ministère de l’impossible ». L’époque était à ce qu’on appela le « gaullisme immobilier » : les combines avec les promoteurs, les lourdes valises de liquide, la traversée de Paris en 13 minutes « grâce » à la voie express qui porte d’ailleurs le nom de son créateur, Pompidou. Ce dernier lâcha : « La ville soit s’adapter à la voiture ». Paris fut à nouveau éventrée.

On ne dressera pas la liste de tous les autres, mais regardons tout de même quelques noms. En 1974, Peyrefitte, l’inénarrable Alain Peyrefitte, qui fut ministre de l’information – flic de la télé – sous de Gaulle. De 1978 à 1981, Michel d’Ornano, dont le cabinet ouvre et couvre en automatique les décharges les plus criminelles, comme celle de Montchanin. De 1984 à 1986, Huguette Bouchardeau – fière PSU -, qui se fait enfler par les ingénieurs de son propre ministère dans l’affaire des déchets de Seveso passés en France. De 1986 à 1988, Alain Carignon, qui finit en taule pour avoir vendu l’eau de Grenoble à la Lyonnaise des Eaux.

De 1989 à 1991, Brice Lalonde, qui fait des bulles avant de copiner avec l’ultralibéral Alain Madelin. De 1995 à 1997, Corinne Lepage, qui en tire le livre « On ne peut rien faire, madame le ministre », qui démontre parfaitement qu’un tel ministère ne sert à rien. De 1997 à 2001, Dominique Voynet, qui accepte de siéger au conseil des ministres où trône un certain Claude Allègre, négateur en chef du dérèglement climatique. Et ne fait rien. De 2001 à 2002, Yves Cochet, inaugurateur de chrysanthèmes. De 2007 à 2009, Jean-Louis Borloo, grand ordonnateur de du grandiose enfumage du Grenelle de l’Environnement avec en guest star Nathalie Kosciusko-Morizet, jouant de la harpe dans son jardin pour Paris-Match. Un dernier pour la route : de Rugy en amoureux transi du homard mayonnaise.

Tout ça ne pèse en réalité de rien. Les ministres passent, qu’on oublie la seconde suivante – qui se souvient de Jarrot, Lepeltier, Olin, Bricq, Borne ? qui se souviendra de Pompili ? – et demeurent les structures. Or sans entrer dans le détail, passionnant, retenons que deux grands corps d’ingénieurs d’État se partagent la direction réelle du ministère : les ingénieurs des Mines et ceux des Ponts, des eaux et forêts. Le pouvoir, c’est eux.

Prenons l’exemple de la Direction générale général de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), qui a dans sa besace la biodiversité, la mer, le littoral, l’eau. En août 2019, son dirlo, Paul Delduc, quitte sa fonction, où il est remplacé par Stéphanie Dupuy-Lyon. Le premier est ingénieur général des Ponts, des eaux et des forêts. La seconde est ingénieure des Ponts, des eaux et des forêts. Idem à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui gère le si vaste domaine des pollutions. Son boss, Cédric Bourillet, est ingénieur des Mines et son adjoint, Patrick Soulé, ingénieur des Ponts, des eaux et forêts. Ces grands personnages savent partager.

Troisième exemple : la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui s’occupe comme il n’est pas difficile de le deviner, du dérèglement climatique. Patron inamovible : Laurent Michel, ingénieur général des Mines.

Tous ces braves gens font partie de ce que Bourdieu appelait la « noblesse d’État », et ce n’est pas un vain mot, puis le corps des Mines existe depuis 1794. Pour l’autre, résultat d’une fusion, il faut distinguer les Ponts et Chaussées, corps né en 1716 et celui du Génie rural, des eaux et des forêts, que certains font remonter à…1291. La France que nous connaissons, c’est eux.

Les ingénieurs des Mines auront mené au cours des deux siècles passés l’industrialisation de la France. Et dans l’après-guerre, créé ou dirigé ELF – le pétrole, les coups d’État en Afrique -, Renault et la bagnole, le nucléaire bien sûr avec EDF, la Cogema, le CEA. Les Ponts, c’est le programme autoroutier, les barrages sur les rivières, les châteaux d’eau et les ronds-points, le béton armé et les cités pourraves de toutes les banlieues. Les Eaux et Forêts, enfin, ont massacré la campagne en remembrant, en arasant des centaines de milliers de km de talus boisés, en aidant à la diffusion massive des pesticides via les directions départementales de l’agriculture dont ils furent les maîtres.

Joyeux, pas vrai ? On crée un ministère en 1971 et on refile les clés à ceux qui ont tout salopé en leur demandant de faire exactement le contraire de ce que leurs chers ancêtres ont fait. En oubliant en plus leur magnifique formation, qui laisse de côté tout ce que l’écologie scientifique a maintes fois établi. Le ministère de l’Environnement de 1971 ? Le ministère de l’Écologie de 2021 ? On sait se marrer, dans les hautes sphères.

Tuyaux crevés, dégueulis assuré

Presque rien, vraiment. Nous sommes à nouveau à Quimper, dans le Finistère. Le 31 octobre, une canalisation d’eaux usées casse d’un coup, obligeant à rejeter dans l’Odet, un petit fleuve côtier de 62 kilomètres de long, des centaines de m3 de dégueulasseries diverses.

On mobilise gaillardement des équipes, des techniciens, du matos lourd et l’on entreprend de creuser un trou à l’endroit du désastre, puis d’en évacuer l’eau par pompage avant de commencer à réparer. En urgence, on pose sur 36 mètres une nouvelle canalisation en fonte, et avant même d’avoir terminé, une autre canalisation majeure pète. C’est la merde, et des dizaines de milliers de m3 – qui saura jamais la vérité ? – partent peu à peu à l’Odet, puis à la mer proche.

Les autorités bricolent, en quoi elles excellent, et préviennent gentiment les industries en amont qu’il est désormais impossible d’envoyer les eaux usées dans la station d’épuration du Comiguel, et qu’il serait hautement civique de garder ses ordures sur place, en attendant que tout rentre dans l’ordre. Le font-ils ? On n’en sait rien.

Là-dessus, les braves d’Eau et Rivières de Bretagne décident de porter plainte, au moins pour connaître les conditions de l’accident (1). Car en effet, de nombreuses questions se posent. La tuyauterie en fonte avait semble-t-il été installée vers 1970. Était-elle de bonne qualité ? Était-il entendu que ces matériaux vieillissent et dureraient aux alentours de cinquante ans ? Et si oui, que n’a-t-on entrepris des travaux de rénovation plus tôt ? En somme et comme si souvent, a-t-on attendu le merdier avant de réagir ? L’addition sera de toute façon payée par le peuple de Quimper, car on ne connaît aucune autre règle.

La pollution de l’Odet est grave pour des milliers, des dizaines de milliers de vies non humaines, végétaux compris. Quant aux conchyliculteurs de l’Atlantique, à 20 km de Quimper, c’est à se flinguer, à un mois de Noël et du Nouvel an. Le préfet a en effet pris un arrêté qui interdit la pêche, et même l’utilisation de l’eau de mer depuis Quimper, sur l’Odet, jusqu’à un rayon de deux km en mer.

Les crevettes, les casiers, les huîtres, c’est râpé. Après la crise du norovirus, qui a ravagé moules et huîtres, après le premier confinement, qui a fermé des marchés entiers, cette pollution majeure risque d’entraîner la fin de nombreuses entreprises. Avis de Kevin Way, président du Syndicat des conchyliculteurs du Sud Finistère, interrogé par Le Télégramme : « Des réseaux vieillissants comme celui-là, il en existe partout ». Et en effet, partout.

Pour rester une seconde dans le turbide domaine de l’eau, on apprenait au même moment qu’en Guadeloupe, des milliers de foyers sont privés à tour de rôle d’eau au robinet, pour cause de conduites d’adduction percées de tout côté. À la rentrée, quarante écoles, deux lycées et un collège n’ont pu ouvrir, faute d’eau.

On peut multiplier les exemples par cent ou mille. Le réseau routier, dédié au culte de la bagnole, dépasse au total 1 million 103 000 km. Combien de temps encore faudra-t-il pour admettre que ce n’est pas tenable ? Que les ressources nécessaires à l’entretien d’une telle folie n’existent pas ?

La France est pleine d’un legs que personne n’entend accepter, comme si ce « confort » imbécile fait de portables, d’ordinateurs, d’écrans plasma, de facebook, de twitter avait été apporté dans la hotte du Père Noël. Nul n’entend payer le prix de nos vomissures dans l’eau que nous buvons ensuite. Ni celui des milliers de décharges, des centaines d’incinérateurs géants, pas davantage celui des centaines de milliers de toits et de lieux farcis à l’amiante. Arrêtons ici cette liste sans fin, et regardons au moins une seconde ce qui nous arrive : tout ce qui a été lancé dans l’euphorie psychopathologique des Trente Glorieuses réclame désormais la note, et elle est en vérité impayable.

Elle sera donc délayée, camouflée, et pour finir ignorée, car elle est la vérité quand tout nous pousse à (nous) mentir. Les craquements de Quimper annoncent bien d’autres déversements, capables de recouvrir le monde.

(1) eau-et-rivieres.org/pollution-odet-nov.2020

—————————————————————-

La clé énergétique, c’est de ne pas consommer

Dans l’ensemble, tout le monde se fout du dérèglement climatique. Tout le monde, sauf quelques pékins, soutenus par une poignée de clampins. Et justement. Ceux de l’association Negawatt, créée – mazette – en 2001, cherchent des solutions. Attention, ce sont des chercheurs, des « spécialistes », des « experts ». Je ne suis pas forcément d’accord sur le fond, mais leurs calculs m’ont toujours apporté du réconfort. Voici donc.

D’abord, qu’est-ce qu’un negawatt ? Grossièrement, le watt qu’on ne produit ni ne consomme. L’équipe – Thierry Salomon, salut ! – produit régulièrement des scénarios énergétiques, et le petit dernier éblouit (1), car il déclare possible une réduction des gaz à effet de serre, en France, de 55% d’ici 2030. Dans dix petites années.

Comment fait-on ? C’est presque simple si l’on s’appuie sur le trépied sobriété/efficacité/renouvelables. Le levier principal, sans surprise, est la réduction de la consommation d’énergie. Qui pourrait réserver pour une fois de bonnes surprises, notamment dans les transports et le bâtiment. On l’oublie trois fois sur trois, mais 30% des émissions de gaz à effet de serre viennent du transport, et toutes les mesures proposées par Negawatt relèvent du simple bon sens.

Et de même pour l’habitat et le bâtiment, le secteur industriel, l’agriculture. Un point critique tout de même à propos de cette dernière : le choix de ne pas intégrer sa consommation d’énergie au bilan général fausse la perspective. Car le modèle de l’agriculture industrielle est l’une des clés de toute bagarre contre la crise climatique.

À part cela, un excellent boulot. Ne manque plus qu’un détail : la volonté politique, totalement absente. La France s’est engagée à une réduction de 40% d’ici 2030 – par rapport à 1990 -, mais d’évidence, elle n’y arrivera pas. D’autant que les émissions importées via le commerce mondial explosent : + 78% depuis 1995. Ici, insulte fortement intériorisée contre le président de la République. Et ses ministres. Et la droite. Et la gauche.

(1) negawatt.org/IMG/pdf/201130_objectif-55pourcent-de-reduction-de-ges-en-2030.pdf

————————————–

Nanoparticules, maxicrapules

C’est tellement délirant qu’on est bien obligé de le croire, tant cela ressemble à ce si beau monde. Présentons. D’abord l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses), notre grande agence publique en charge de notre sécurité, maintes fois essorée ici pour ses liens avec l’industrie des pesticides. Ensuite le registre R-Nano, que cette agence publie chaque année, sur la base des déclarations obligatoires des industriels.

R-Nano (1) analyse la consommation de nanomatériaux, dont on rappelle la taille : si le diamètre d’une bille était d’un nanomètre, alors celui de la Terre serait d’un mètre. Précisions qu’à cette échelle, la matière se comporte d’une autre manière, et qu’elle peut aisément franchir les frontières des organes et même des cellules. Or on en fout partout. Par exemple dans les sauces, sous la forme de nanoparticules de silice. Ou dans les cosmétiques. Ou dans les chaussettes. Ou dans les pesticides. Compter chaque année 400 000 tonnes, dont une partie importée.

Voyons maintenant le résultat, avec l’Anses, qui s’est fendu d’une analyse portant sur 52 000 déclarations enregistrées entre 2013 et 2017 (2). Ce qui suit est tiré du texte original, qui contient du gras. Attention les yeux : « 90 % des données de caractérisation des nanomatériaux telles que la taille, la surface spécifique, la charge de surface ne sont pas exploitables et 10 % seulement renseignent correctement leur usage. L’absence de données ou la mauvaise qualité de celles-ci impacte significativement les possibilités d’exploitation, notamment en matière d’évaluation des risques sanitaires potentiels ». Vu ?

(1) ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20R-nano%202019.pdf

(2) anses.fr/fr/content/nanomat%C3%A9riaux-evaluation-du-dispositif-national-de-d%C3%A9claration-r-nano

Onfray et Zemmour dans le même bateau

Je le sais pour avoir reçu ici même de vigoureux courriers de protestation : Onfray a de nombreux supporters, dont je n’ai jamais été. Ceux qui voudront savoir pourquoi n’ont qu’à chercher à l’aide du moteur de recherche interne à Planète sans visa. Et quant aux autres, ils devront se contenter de ces quelques mots : l’homme est un bateleur, qui a publié plus de 100 livres, sans compter d’innombrables articles, conférences, films même. Il a son rond de serviette au fameux journal rebelle Le Point.

Je vous le demande, je me le demande : où trouverait-il le temps de penser ? Il ne pense pas, il dit qu’il pense. Et parfois, le fumet qui se dégage ne donne pas envie de s’approcher. Je lis à l’instant sur son site personnel ces mots flippants : « Le professeur Raoult propose de guérir avec un médicament a dix euros: il priverait les laboratoires d’une manne planétaire incroyable. On comprend qu’il puisse déplaire et concentrer la haine de ceux qui entrevoient une formidable occasion de faire de l’argent, l’horizon indépassable de Cohn-Bendit ».

Deux commentaires. Un, c’est stupide. Réduire l’affaire Raoult à une simple histoire de fric est inepte. Cela me fait penser à un Allègre, accusant les scientifiques qui travaillent pour le GIEC de mentir sur le dérèglement climatique pour obtenir davantage de crédits pour leurs labos respectifs. Et cela montre au passage que l’homme ne s’intéresse pas à la complexité du monde, mais plutôt aux bouffonneries du jour – celles notamment des réseaux sociaux – qui lui permettront d’être une nouvelle fois au fenestron. Mais j’ai dit deux commentaires. Je suis perplexe – restons mesuré – à propos du rapprochement volontaire entre Cohn-Bendit et le pognon. Pourquoi lui ?

Le deuxième invité de ce jour s’appelle Zemmour, et tout le monde le connaissant, je n’y insiste pas. On voit les deux – Onfray et Zemmour – pérorer sur l’antenne de CNews, propriété de Bolloré. Je passe sur les activités africaines de Bolloré, car sauf à risquer un procès dont ce dernier est coutumier, il me faudrait plusieurs pages. Mais les deux, outre cela, ont choisi une émission présentée par Pascal Praud, l’homme qui ouvre une séquence sur le dérèglement climatique, sourire aux lèvres, avec ces mots : « Moins trois degrés ce matin dans les Yvelines (…), moins un degré hier à Troyes. Attention, sujet sensible, on ne rigole pas avec le réchauffement climatique ».

Je crois n’insulter ni l’un ni l’autre en disant qu’ils sont au fond des climatosceptiques. Sur le blog profus d’Onfray, il y a trois occurrences concernant le climat, dont deux attaques grotesques – pour lui, pas pour elle – contre Greta Thunberg et une contre Christophe Castaner. Ce pauvre monsieur Onfray n’a rien à dire de ce qui est, et de très loin, le plus important. Comme il est scientiste, je gage que s’il parlait de tout cela, il exprimerait sa confiance dans l’imagination technoscientifique des hommes. Mais le fait est qu’il évoque – si mal – autre chose. Quant à Zemmour, il est d’une ignorance telle dans la plupart des domaines de la connaissance, qu’il ferait pitié s’il ne faisait peur.

Lui non plus ne veut rien savoir du climat, de la biodiversité, de la vie même. L’horizon est celui des bandes molletières et de septembre 1914. Cette fois, face à de nouveaux ennemis venus des Arabies. Ce type effarant donne une caution « intellectuelle » à ceux qui, demain, tireront sur les naufragés de notre désastre.

Pourquoi parlent-ils ainsi, et à propos du confinement ? Mais parce qu’ils n’ont rien à dire, mais tiennent à le clamer, voyons. Le parallèle entre les deux est flagrant pour qui sait regarder attentivement. Les deux disent la même chose. Qu’ils sont intelligents, que les autres n’ont pas compris, avec un (à peine) sous-entendu : que ne les a-t-on appelés ? La seule chose importante, pour ces hypernarcissiques, c’est de pouvoir encore parler devant un micro, fût-il celui de Mephisto en personne. Bien entendu, ils peuvent faire rire. Je ne cache pas que les deux m’ont amusé. Mais comment dire ? Tout ce vide. Cette prodigieuse disparition du sens. Cette folie du café du commerce, quand le monde aurait tant besoin de réfléchir.

https://www.youtube.com/watch?v=z7UTrZN1Gtw
Onfray devant Pascal Praud
https://www.youtube.com/watch?v=YRF_qKahpMA
Zemmour face à Pascal Praud

Ce que je n’envie pas (M. Le Fol et Le Point)

J’envie ceux qui, ne pensant rien de précis, vont leur pas, sans se soucier vraiment du coronavirus et de ses conséquences. J’envie, mais bien entendu, je n’envie pas leur concentration sur leur seule personne, leurs proches, l’aujourd’hui. Et d’autant qu’aujourd’hui est déjà demain.

Je lis en ce moment un lamentable article de l’hebdomadaire Le Point, signé Sébastien Le Fol, directeur-adjoint de la rédaction. Comme j’ignorais tout de ce dernier, j’ai fait des recherches rapides, et découvert sans surprise qu’il écrit sans trop savoir de quoi il parle, ce qui arrive, je le crains, fort souvent. On apprend dans un entretien avec Le Télégramme, en 2013, qu’il conseille comme principale lecture du moment le sociologue Gérald Bronner, auquel j’ai été confronté voici quelques années sur France Inter. Je n’ai pas le temps – en outre, je manque d’envie – de parler davantage de ce garçon, soutien déclaré et militant au site scientiste de l’AFIS.

Outre cette belle caution, Le Fol désigne comme étant « le plus grand écrivain français vivant » Gabriel Matzneff. Je n’entre pas même dans le débat sur les ignobles pratiques pédophiles de Matzneff aux Philippines. Cela justifierait la taule pour ce salaud, mais là n’est pas la question. Le penser comme un grand écrivain me conduit à cette grave interrogation : l’est-il ? Et s’il l’est, ce que je ne croirais pas la tête sur le billot, quel rapport avec Miguel de Cervantes, Dostoïevski, Balzac, Dumas, Isaac Bashevis Singer, Rabelais, Philip Roth ?

Mais baste. Le Fol. Dans cet article du Point, il s’en prend à la gauche, à l’extrême-gauche, aux écologistes, au Rassemblement national. Lui, croit-on comprendre, habite la terre illuminée des gens raisonnables, responsables, indiscutables. C’est-à-dire, plus concrètement, le pays en déroute de ceux, libéraux, qui ont conduit jusqu’à ce point les sociétés humaines. Car ce qui unit les bureaucrates totalitaires de Chine, les oligarques russes, les fous déchaînés de Trump, le fou déchaîné de Johnson, Emmanuel Macron, Matteo Salvini, Viktor Orban, c’est bien la croyance que cette forme-là d’économie n’est pas seulement la meilleure, mais la seule.

Le Fol note, le sourire satisfait aux lèvres : « “La nature nous envoie un message […] Le coronavirus constitue une sorte d’ultimatum ”, assure Nicolas Hulot avec des accents millénaristes, comme s’il venait de croiser des extraterrestres sur la plage de Saint-Lunaire ». Que penser d’une pique comme celle-là ? Mais bien sûr, que Le Fol est un complet ignorant. Quand on passe sa vie à admirer un idéologue comme Bronner ou un écrivant comme Matzneff, on n’en a plus pour se cultiver vraiment. Or, pour se pénétrer de l’importance de la crise climatique par exemple, il faut accepter de passer des centaines, des milliers d’heures sur des informations déplaisantes. Déplaisantes, car non seulement elles détournent de rencontres ordinaires et de plaisir, mais elles contraignent à penser notre bref séjour sur terre.

Je le sais, car je m’y essaie depuis des décennies. Un Le Fol, je parie dessus tout le reste de ma vie, se sera contenté de digests rédigés par des gens qui détestent toute mise en cause de ce monde pour la raison évidente qu’ils s’y trouvent bien. À bien y réfléchir, Le Point est le quartier-général d’une presse aussi pernicieuse que l’était celle de l’entre deux guerres du siècle passé. Des ambassadeurs achetaient une ligne éditoriale en apportant dans le bureau des rédacteurs-en-chef des valises de billets.

Ce qui a changé, c’est qu’on n’a plus besoin de payer, et c’est plus grave. L’esprit lui-même est corrompu, qui se croit libre quand il ne fait que hoqueter combien le désastre ambiant est merveilleux. Dans les années 90, Le Point accordait une chronique hebdomadaire à Claude Allègre, climatosceptique et frère de lait du socialiste Jospin. Cet homme détestable aura fait perdre vingt ans à la France face au grand dérèglement en cours. Et Le Point aura récidivé dans les années 2010 avec un autre chroniqueur, lui aussi climatosceptique, le fameux Didier Raoult.

Attention, amis lecteurs. Je ne conteste pas même leur foi libérale. Ce que je ne supporte pas, c’est leur déni. Ils pourraient, après tout, admettre l’existence d’une crise essentielle, attestée par des milliers d’études scientifiques – eux qui disent porter aux nues la science elle-même – et proposer leurs solutions. On verrait bien alors qui déconne. Je serais ravi, personnellement, que tous ces gens disent comment, avec leurs méthodes, nous allons nous en sortir. Mais non, ils nient. Une Le Pen ose penser le monde dans les pauvres frontières de la France, absurde pantomime qui vise à supprimer une complexité qui dépasse le cadre préétabli. Et un Le Fol et ses amis ne font pas autrement. Admettre la réalité d’une crise des limites physiques conduit fatalement à mettre en question une idéologie économique née dans un monde qui se croyait au-dessus de toutes les contingences. Et plutôt mourir qu’en arriver là. On s’en rapproche. De la mort en tout cas.