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Un magnifique Appel mexicain (pour Notre-Dame-des-Landes)

Ça ne pouvait pas mieux tomber pour Planète sans visa. Je venais à peine de mettre en ligne l’article précédent – je me permets de dire qu’il faut le LIRE –, que je recevais le beau texte de solidarité qui suit. C’est un signe des cieux. Un signe facétieux des dieux qui veillent sur nous. Peut-être. En tout cas, le Mexique que j’aime tant, ce Mexique des paysans, des Indiens et de leurs défenseurs envoie un abrazo fraternal à ceux de Notre-Dame-des-Landes. La boucle se boucle, il me semble.
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Le 25 octobre, dans le cadre de la rencontre/séminaire « Mexique – Europe : ils ne passeront pas », des centaines de personnes se sont réunies au Centre intégral de formation indigène/université de la Terre de San Cristóbal de Las Casas au Chiapas. Parmi les participants se trouvaient des internationaux, des habitants de San Cristóbal de Las Casas et de nombreux paysans et délégués des communautés de Bachajón, de Tila, de la forêt des Chimalapas (Oaxaca) ainsi que d’autres villages et hameaux du Chiapas, venus partager et écouter les expériences de résistance face aux mégaprojets, en Europe et au Mexique. L’initiative de cette lettre de soutien, signée depuis par de nombreuses organisations, personnes et collectifs mexicains, est née dans la foulée de ces rencontres.

DU MEXIQUE, LETTRE DE SOUTIEN À LA LUTTE DE NOTRE DAME DES LANDES

30 octobre 2012

Aux gens de Notre-Dame-des-Landes et de la France en résistance

À l’ACIPA, à l’ADECA, à la coordination des opposants au projet d’aéroport,

Aux associations « COPAIN »,  aux habitants et habitantes qui résistent et à tous les occupants et occupantes de « la Zone à défendre » ZAD,

Aux médias alternatifs et sincères,

À l’Autre Campagne et à la Sexta Internationale,

Aux luttes contre les mégaprojets et pour la défense de la Terre de toutes les parties du monde

Ici, au Mexique, c’est rage et indignation que nous ressentons après avoir été informés de l’expulsion et de la destruction de maisons, de forêts et de terres de culture par la police française à Notre-Dame des Landes, depuis le 16 octobre dernier. Une zone agricole est menacée par le gouvernement socialiste français et son premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui veut imposer sur ces champs de l’ouest de la France un nouvel aéroport de taille internationale, et ce malgré l’opposition des paysans et des paysannes, des jeunes et d’une bonne partie de la population. Nous savons que ce chantier est complètement inutile vu qu’il y a déjà beaucoup d’aéroports en France, et nous sommes au courant du réchauffement climatique global provoqué par la multiplication des avions que seuls les riches peuvent se payer. Nous savons aussi, car ils voulaient l’imposer aux villages d’Atenco dans l’État de Mexico, que la construction d’un aéroport entraîne à elle seule la convoitise pour les terres, l’urbanisation accélérée et l’implantation d’industries dans des zones encore rurales, où l’environnement a été préservé. Ce que ces projets amènent, c’est la division et le contrôle social de la population, et encore une fois ce sont les paysans qui se retrouvent spoliés par des constructions imposées de force et uniquement destinées aux gens de la ville ayant beaucoup d’argent.

Malgré l’énorme distance qui nous sépare, nous voulons vous dire que nos luttes sont semblables : votre lutte est un miroir de la situation de pillage que nous vivons sur nos terres. Il est important pour nous de nous informer de ce qui arrive en Europe, parce que ce sont des modèles qu’on veut nous imposer ici aussi et que nous non plus, nous ne voulons pas perdre nos terres, nos territoires et nos modes de vie.

Nous voulons vous dire également qu’au Mexique, nous luttons aussi contre le pillage des terres, comme c’est le cas des communautés de Tila et de Bachajon au Chiapas, où les terres sont menacées d’être spoliées pour des projets touristiques, ou bien encore dans l’Isthme de Tehuantepec, où les terres sont enlevées aux villages indigènes ikoots et binniza, et où sont imposées des centaines et des milliers d’éoliennes produisant de l’énergie pour les multinationales et où, tout comme à Notre-Dame des Landes, la police est envoyée pour surveiller les chantiers ; ou encore à Huexca, dans l’État de Morelos, où des CRS ont été envoyés il y a quelques jours pour imposer un gazoduc et une usine thermo-électrique d’une entreprise espagnole, et cela malgré les risques liés à la proximité du volcan Popocatépetl ; comme à Atenco, où le projet d’aéroport est toujours d’actualité ; comme ce qu’il se passe contre les communautés zapatistes au Chiapas, que le gouvernement veut  déposséder des terres récupérées grâce au soulèvement  de 1994 ; comme, enfin, dans des dizaines et des centaines d’autres villages et de communautés partout au Mexique, où ils nous dépossèdent de la terre et nous imposent des projets de mort, mines à ciel ouvert, barrages hydroélectriques, autoroutes, « villes rurales », et tant d’autres projets de « développement » qui cherchent à en finir avec nos communautés et nos terres collectives.

Ces projets inutiles bénéficient seulement aux entreprises telles que OHL, ENDESA, GAMESA, EDF, MALL, GOLDCORP, BLACKFIRE, IBERDROLA, MONSANTO, parmi d’autres. C’est à cause de ces entreprises qu’ils nous répriment et nous envoient la police et les CRS ; mais aussi qu’ils corrompent, achètent les élections et imposent des gouvernements, comme cela fut le cas du président Enrique Peña Nieto et de tant d’autres marionnettes politiques. Leur cupidité et leur désir sans limites d’imposer ces mégaprojets en arrivent même à l’ignominie d’instrumentaliser des groupes paramilitaires, d’imposer les cartels de la drogue et de payer des tueurs à gage pour nous assassiner.

Partout dans le monde, chaque jour nous voyons plus clairement jusqu’à quel point peuvent en arriver ceux d’en haut afin de mettre en place des politiques qui piétinent les peuples au bénéfice du pouvoir économique. Ils sont capables d’inventer une guerre d’extermination contre tous ceux qui s’opposent comme nous à leurs plans de mort. Mais chaque fois qu’ils nous frappent, nous sommes encore plus conscients du système destructeur auquel ils veulent nous soumettre.

Compagnons et compagnes, nous ne fraternisons pas seulement dans la lutte contre la répression : nous voyons aussi que nous partageons la même conscience que notre planète n’appartient pas aux hommes politiques et aux riches qui sont leurs collègues, mais bien aux peuples et aux êtres vivants qui l’habitent. Nous partageons aussi la pleine conscience du fait que nous luttons partout contre ces gouvernements qui se disent démocratiques mais qui nous imposent ces projets, nous divisent et nous détruisent pour satisfaire la dictature de l’argent.

C’est pour cela que nous voulons vous donner du courage dans votre lutte, dans cette étape difficile où ils saccagent vos maisons et vos terres. Nous voulons vous dire que bien que nous ne soyons pas près de vous, vous n’êtes pas seuls et seules. Nous sommes très nombreux à lutter jour après jour contre ces projets de mort pour défendre nos terres, nos territoires et nos façons d’être, c’est-à-dire pour défendre la vie. Nous sommes très nombreux à lutter contre les entreprises transnationales et les gouvernements corrompus. Ce qu’il nous manque seulement, c’est de nous rencontrer, nous écouter et mieux nous solidariser dans la lutte. C’est le moment de réfléchir et de nous organiser face à la soumission à laquelle ils nous condamnent. C’est le moment de nous retrouver sur cette planète qui se rebelle.

COMPAGNONS ET COMPAGNES :

NOUS NE SOMMES PAS SEULEMENT QUELQUES-UNS, NOUS SOMMES DES MILLIERS! PAS UN PAS EN ARRIÈRE!

NOUS SOMMES AVEC VOUS !

À BAS LES PROJETS DE MORT ¡

VIVE LA SOLIDARITÉ !

VIVE LA LUTTE DE NOTRE-DAME DES LANDES !

VIVE LA LUTTE CONTRE LES MÉGAPROJETS INUTILES!

Signatures:

COLLECTIFS  ET ORGANIZACIONS DU MEXIQUE

Collectif à l’initiative du forum « Mexique – Europe: ils ne passeront pas »; Front des Villages en Défense de la Terre (FPDT), Atenco ; Assemblée des Villages Indigènes de l’Isthme en Défense de la Terre et du Territoire APIIDT), Isthme de Tehuantepec ; Organisations Indigènes pour les Droits Humains à Oaxaca (OIDHO), Oaxaca; Communautés Paysannes et Urbaines Solidaires (COMCAUSA) ; collectif « la Rébellion de Tehuantepec », Isthme de Tehuantepec ; Groupe Solidaire de la communauté La Venta, Isthme de Tehuantepec ; Union des Communautés Indigènes de la Zone Nord de l’Isthme (UCIZONI) ; Radio Communautaire « Las voces de los pueblos » 94.1 Matias Romero, Oaxaca ; Assemblée Nationale des Victimes Environnementales (ANAA); Alliance Mexicaine pour l’Autodétermination des Peuples (AMAP) ; Mouvement Agraire Indigène Zapatiste (MAIZ) ; Réseau National de Résistance au prix cher de l’électricité (Mexique) ; Réseau Mexicain d’Action face au libre-commerce (RMALC) ; Lien Urbain de la Dignité, Puebla ; Nœud des droits humains, Puebla ; Secteur National Ouvrier et des Travailleurs de la Ville, des Champs, de la Mer et de l’Air de l’Autre Campagne ; Syndicat National des Travailleurs d’Uniroyal ; Coalition des Travailleurs Administratifs et Académiques du Syndicat des Travailleurs de l’Université Nationale Autonome de Mexico ; Collectif Action intelligente des chômeurs, étudiants et travailleurs ; Centre autonome d’apprentissage et de formation politique des travailleurs et travailleuses de l’Autre Campagne ; Dorados de Villa ; Communauté Autonome Ernesto Guevara de la Serna ; Communauté Autonome Ollin Alexis Benhumea Hernández ; Secteur des Travailleurs de l’Autre Campagne-Oaxaca ; La Otra Huasteca Totonacapan ; Brigade de rue de soutien à la femme « Elisa Martínez », A.C. ; Réseau Mexicain du Travail Sexuel ; Espace social et culturel LA  KARAKOLA (Mexico DF) ; collectif POZOL, Tuxtla Gutierrez ; Zapateando (média libre adhérent de l’Autre Campagne) ; Agence d’Information Indépendante Noti-Calle ; Notilibertas ; émission radio « Les fils de la Terre » ; revue La Guillotina, Mexico, D.F. ; Croix noire Anarchiste de México ; Nodo Solidale Mexico ; Collectif Azcapotzalco, Mexico DF ; Coordination Nationale « Plan de Ayala »-Mouvement National (CNPA-MN) ; Organisation zapatiste « Education pour la libération de nos Peuples » ; collectif «Caracol Matlatl », Toluca (Etat de México) ; revue électronique Désinformémonos ; Kolektivo « de Boka en Boka», San Cristobal (Chiapas) ; Commune autonome de San Juan Copala, Oaxaca ; Comuneros du village de San Pedro Atlapulco (Etat de México) ; Centre des Droits Humains Digna Ochoa, A.C. (Tonala, Chiapas) ; Conseil Autonome de la zone côtière du Chiapas ; Front civique Tonaltèque AC (Tonala, Chiapas) ; Réseau contre la Répression et pour la Solidarité – Chiapas.

INDIVIDUS

Manuel Antonio Ruiz, Lycée communautaire José Martí ; Ricardo Alvarado (Toluca, México) ; Sonia Voisin (Lyon, Francia), Priscila Tercero, Adhérantes de l’Autre Campagne ; Gloria Muñoz Ramírez; Marcela Salas Jaime Quintana ; Sergio Castro ; Adazahira Chávez ; Felix Garcia Lazcarez ; Dr. Alfredo Velarde Saracho ; Elsa Mocquet, La Milpa, A.C. (San Cristobal, Chiapas) ; Alèssi Dell’Umbria (Marsella-Oaxaca)

COLECTIFS DE SOLIDARITE EUROPEENS

Groupe B.A.S.T.A., Münster, Allemagne ;  Les trois passants, Francia ; Plate-forme de Solidarité avec le Chiapas et le Guatemala de Madrid, España; Caracol Solidario, Franche-Comté ; Espoir Chiapas/Esperanza Chiapas; Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte, Paris; Collectif Chiapas – Ariège ; Comitat Chiapas – Aude ; Nodo solidale, Italie; centre social « le Passe-Partout »  et « Groupe CafeZ », Liège (Belgique).

Ce pauvre vigile de Notre-Dame-des-Landes

Les faits : un vigile payé par la société AGO, faux-nez du bétonneur Vinci, a été cogné par une vingtaine de jeunes (ici). À près de trois heures du matin, non loin d’une maison appelée à être détruite pour faire place à l’aéroport voulu par notre Grand Premier Ministre en personne, pour sa gloire éternelle et celle des juteux travaux inutiles.

Mon appréciation. Premièrement, rien ne prouve bien sûr que Vinci, champion du béton, soit responsable d’une vulgaire provocation. Disons qu’on a le droit de se poser des questions. Est-il raisonnable, dans la situation de tension créée par la présence de centaines de flics dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes, de laisser seul un vigile au milieu de nulle part ? Officiellement, ce vigile était là pour empêcher qu’une maison vouée à la démolition ne soit squattée. On voit mal comment un vigile aurait pu, à lui seul, empêcher une opération collective. Et la preuve, c’est qu’il n’a pas fait le poids le moment venu.

Deuxièmement, il y a eu volonté claire de désinformation. J’imagine – sans aucune preuve, certes – les petites mains de la préfecture – et/ou de Vinci – se réunir une fois, deux fois, trois fois, dix fois, ressassant cette seule question : comment saboter la formidable mobilisation en cours ? Comment s’attaquer à la si bonne réputation de cette lutte exemplaire ? Comment amoindrir l’impact des appels à manifester sur place le 17 novembre ? Eh bien, la violence supposée de ces vilains anarchistes arrive comme à point nommé. Soit un homme seul, pratiquement martyrisé par une bande ne parlant pas même – pour certains de ses membres – français. Tous les spectres habituels sont là. Ravachol d’un côté, accompagné de la bande à Bonnot, et renforcé par de mystérieux étrangers. Notons ensemble que les premiers titres parlaient d’un homme gravement blessé. Il a en fait un arrêt de travail d’une semaine. On a vu pire.

Troisièmement, un flic est un flic, merde alors ! Les militaires professionnels ne veulent plus mourir, comme on le voit à chaque fois en Afghanistan. Et les flics, fussent-ils privés, ne veulent pas recevoir de coups. Qu’ils changent donc de métier ! Quand on occupe militairement une zone, quand on envoie un millier de professionnels suréquipés affronter des jeunes de 20 à 25 ans sans la moindre expérience de la violence étatique, on prend un risque manifeste. Et l’on assume, M. Ayrault ! S’il est un responsable de ce qui est arrivé au vigile, c’est bien vous, monsieur l’Immense Premier Ministre. Vous !

Et pour le reste, tant que cela nous est possible, rions à gorge déployée de ces misérables manœuvres, dignes d’une école maternelle. Si Ayrault, la préfecture, les flics et Vinci n’ont que cette histoire à se mettre sous la dent, c’est qu’ils sont vraiment dans la panade. Et pour le 17, ça promet. Dites, vous n’oubliez pas, hein ? TOUT LE MONDE SUR LE PONT LE 17 NOVEMBRE ! TOUT LE MONDE À NOTRE-DAME-DES-LANDES !

Un branleur parle des gaz de schiste (le cas Rocard)

Michel Rocard est un (vieux) branleur. De la même façon que Sarkozy, plus jeune que lui d’une génération (voir ici). Avant de laisser tomber votre lecture, deux précisions. La première, c’est que dans l’acception que je retiens, branleur veut dire : « Personne qui emploie une partie significative de son temps à ne rien faire d’utile ». La seconde : je vous demande de considérer que Rocard a été le Premier ministre de la France, et qu’il a bien failli être président de la République. On ne présente plus Sarkozy. Et en tout cas, ou j’insulte pour mon seul plaisir onaniste deux hautes personnalités; ou bien notre pays est malade, qui hisse au sommet des hommes incapables d’une œuvre utile aux autres. Ou, ou, ce qui s’appelle une alternative.

Vous lirez plus bas le long entretien que Rocard a accordé au journal Le Monde, dans lequel il déclare de façon burlesque :  « Avec le gaz de schiste, la France est bénie des dieux ». Il y proclame son extraordinaire ignorance de tout. Ainsi dit-il avec aplomb que les gisements de gaz de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) auraient été exploités par fracturation hydraulique – le procédé utilisé pour les gaz de schiste – sans nul problème. Je suis convaincu qu’il croit ce qu’il dit, oubliant même que cette technique n’a jamais été utilisée à Lacq (ici). Et au passage ce qui distingue radicalement la récupération des gaz conventionnels de ceux stockés dans les couches sédimentaires.

Parmi les évidentes différences, je pense spontanément à deux d’entre elles. Un, le gaz conventionnel est en règle très générale concentré dans des zone délimitées, ce qui exclut donc de dévaster des régions entières, sur des dizaines ou centaines de kilomètres. Deux, si l’on utilise – à tort d’ailleurs – l’expression gaz de schiste pour évoquer le gaz non conventionnel, c’est que celui-ci est piégé dans des roches sédimentaires, jusqu’à quatre ou cinq kilomètres de profondeur. La perméabilité de ces roches profondes est incomparablement moindre que celle de roches comme celles de Lacq. Le gaz des roches profondes se trouve dans des pores mille fois plus petits que ceux par exemple du grès, roche qu’on rencontre souvent dans les réservoirs traditionnels. Et c’est bien pourquoi, quand on veut exploiter du « gaz de schiste »,  il faut exploser les couches sédimentaires profondes par fracturation hydraulique pour espérer récupérer un gaz s’étendant sur de vastes surfaces souterraines. Avec des conséquences que l’industrie ne maîtrise pas.

J’espère ne pas avoir été trop chiant. J’ajoute que je suis tout, sauf un spécialiste, et que je ne serais aucunement vexé d’être repris sur tel ou tel point. Mais moi, au moins, je me renseigne. Pas ce pauvre Rocard. Pas lui ! Il dit n’importe quoi sur les gaz de schiste, et les journalistes politiques du Monde – responsables et coupables à mes yeux – le laissent déblatérer, d’autant plus aisément qu’ils sont aussi ignares que lui. Je n’ai pas fini. Oh non ! Cet imbécile de Rocard se présente dans l’entretien ainsi : « Sur ce sujet, étant très écolo, je me suis longtemps abstenu ». Il serait donc écolo. Pourquoi pas ? Jean-Vincent Placé prétend bien l’être. Et ma foi, ne l’est-il pas ?

Le 13 mars 2009, Sarkozy – voyez qu’il n’est pas loin – nomme Rocard « ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux  pôles Arctique et Antarctique ». On se doute que la disparition accélérée de la banquise arctique est la question la plus urgente à étudier. En juillet de la même année, François Fillon demande à ce même Rocard, qui flirte alors avec les 80 ans, de présider une conférence d’experts sur le climat, laquelle remettra peu après un rapport impeccable sur le sujet, directement jeté à la broyeuse. Or donc, il est manifeste que Rocard est un expert de la question climatique, et un gigantesque « écolo ». Qui n’est pas même foutu de considérer deux éléments qui se contredisent totalement.

D’abord, la loi Énergie de juillet 2005 oblige la France à diminuer de 80 % ses – nos – émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Pour atteindre un objectif aussi colossal, il va de soi que nous devrions commencer maintenant. Plus exactement, nous devrions avoir diminué notablement nos émissions. Ce n’est pas le cas, et malgré divers subterfuges à destination des gogos, elles augmentent. Deuxième élément, contradictoire : exploiter le gaz de schiste se trouvant en France augmenterait dans des proportions géantes nos émissions. D’une manière parfaite et mécanique. Ce qui signifie que Rocard, dans son entretien au Monde et avec la bénédiction de ses journalistes, suggère de violer la loi de son pays. Je note avec vous qu’il n’est pas en taule.

Allons un peu plus loin. Rocard se fout du climat avec une gourmandise qui laisse rêveur, mais cela ne date pas d’hier. Le 8 janvier 2010, l’AFP, noble agence de presse, écrit de Rocard qu’il « travaille de longue date sur la question du réchauffement climatique, de la mise en place – lorsqu’il était à Matignon – de la Mission de l’effet de serre à ses travaux récents sur la taxe carbone ». Voyez-vous, le vrai tragique est que c’est vrai. Dans l’insondable vide qui occupe nos politiciens, il y a de la place pour des gestes, quantité de gestes qui ne seront jamais des actes. Rocard a bien accumulé des gestes, sans rien d’autre derrière.

Poursuivons. Cette dépêche de l’AFP arrive après une déclaration fantastique de notre excellent ami sur France-Inter, le 29 juillet 2009. Repérez cette date : à ce moment de sa drolatique histoire, Rocard est censé présider une Commission sur le climat. Et il en profite pour faire de la pédagogie à propos de l’effet de serre. Ce qui donne, en un saisissant verbatim : « Le principe, c’est que la Terre est protégée des radiations excessives du soleil par l’effet de serre, c’est à dire une espèce de protection nuageuse, enfin protection gazeuse qui dans l’atmosphère est relativement opaque aux rayons du soleil. Et quand nous émettons du gaz carbonique ou du méthane ou du protoxyde d’azote, un truc qu’il y a dans les engrais agricoles, on attaque ces gaz, on diminue la protection de l’effet de serre et la planète se transforme lentement en poêle à frire. Le résultat serait que les arrière-petits-enfants de nos arrière-petits-enfants ne pourront plus vivre. La vie s’éteindra à sept huit générations, ce qui est complètement terrifiant. »

Je ne ferai pas l’exégèse de ce grand document. Tout est déconnant à la racine. J’ai beaucoup ri en pensant à ces gaz – hilarants ? – qui attaquent d’autres gaz. C’est une bien jolie pignolade, et elle démontre que Rocard ne sait rien. Rien. Mais qu’il parle pourtant au nom de tous. Est-ce grave ? Chacun jugera en conscience. Sachez du moins que, lorsqu’il sort des inepties sur les gaz de schiste, il ne fait que poursuivre sur une route déjà encombrée. Par ailleurs, si vous voulez avoir une idée de la lamentable carrière politique de Michel Rocard, qui aura raté dans ce domaine toutes ses entreprises, jusqu’à devenir le petit télégraphiste de Mitterrand, qui le méprisait tant, vous pouvez lire un mien article, qui date de près de trois ans.

Sur ce, je vais lire quelque chose qui me plaira. Peut-être Ferdynand Ossendowski, auteur de récits magiques sur la Sibérie sauvage, entre 1898 et 1905.

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Michel Rocard : « Avec le gaz de schiste, la France est bénie des dieux »

LE MONDE |

L'ancien premier ministre Michel Rocard, vendredi 9 novembre à Paris.

L’ancien premier ministre Michel Rocard, vendredi 9 novembre à Paris. | Philip Provily pour Le Monde

Il a accepté l’entretien bien volontiers, même s’il s’amuse qu’on soit venu le voir alors qu’il n’est plus, comme il dit, « en service actif ». A 82 ans, pourtant, c’est un Michel Rocard en pleine forme qui reçoit Le Monde dans son bureau des Champs-Elysées où trône une immense photo de lui emmitouflé dans le froid, qui rappelle qu’il est depuis 2009 ambassadeur chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique.Fidèle à ce qu’il a toujours été, enchaînant les phrases à rallonge sans jamais perdre le fil de raisonnements truffés de digressions, l’ancien premier ministre parle avec liberté et une pointe de badinerie. Sauf quand il évoque la crise, pour laquelle il va chercher dans une liasse de papiers une caricature qui illustre son état d’esprit : on y voit un paquebot au bord d’une chute d’eau, dont un membre de l’équipage dit : « Peut-être faudrait-il songer à changer de cap. »

Partagez-vous le diagnostic de Louis Gallois, dans son rapport sur la compétitivité, sur le « décrochage » français ?

Absolument. Nous vivons en France une étrange situation. Il y a d’abord l’influence du mouvement mondial (on l’appelle crise mais c’est une mutation), c’est-à-dire un gros ralentissement de la croissance, la montée généralisée de la précarité au travail, l’empêchement de la baisse du chômage et la réapparition d’une vraie pauvreté qui touche 3 %, 4 %, 5 % de la population et qui avait disparu dans les années de la grande croissance. Tout cela, c’est la crise, et elle dure depuis vingt ans.

De l’épisode 2007-2008, il reste, outre la disparition de plusieurs centaines d’établissements financiers, une situation d’inhibition des banques devant le crédit interbancaire et le financement des entreprises. Le tout donne l’entrée en stagnation que nous subissons. A cela s’ajoute en France l’effondrement soudain de notre appareil de production. Ce diagnostic-là, posé par Louis Gallois, est essentiel. Il appelle une conscience de l’urgence et une réponse forte.

Les conclusions tirées par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, sont-elles à la hauteur ?

L’économie n’est pas une science exacte. Mais ce qui est à la hauteur du défi qui nous est posé, c’est l’action conjointe du gouvernement et du patronat pour mettre l’économie française en état de redémarrer. Il y aura des gens pour dire que l’effort fiscal de 20 milliards d’euros n’est pas suffisant, et qu’il aurait fallu 50 ou 60 milliards d’euros, comme en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais la vingtaine, c’est probablement le maximum possible aujourd’hui. Et c’est l’une des plus grosses frappes conjoncturelles des gouvernements de la République française qu’on ait vu faire depuis des décennies. C’est à la fois courageux et pertinent.

M. Ayrault a décidé d’augmenter la TVA. Qu’en pensez-vous ?

J’aurais accepté une augmentation de la CSG , même si je sais que cet impôt – parce qu’il est proportionnel au premier euro, général et à peu près sans niches – est brutal et même cruel. Mais j’y étais prêt car c’était une garantie d’un allégement massif des charges des entreprises. Alors bien sûr, on aurait dit : ‘Comment ? Mais le pouvoir d’achat est déjà stagnant !’ Il fallait répondre fermement : le danger, c’est un million de chômeurs de plus et rapidement. Mieux vaut donc partager la charge entre les ménages pour contribuer à remettre notre système productif en route.

Le gouvernement a-t-il eu raison de ne pas suivre M. Gallois sur le gaz de schiste ?

Sur ce sujet, étant très écolo, je me suis longtemps abstenu. Mais je n’ai rien lu qui soit complètement convaincant. On a un réflexe fantasmé un peu du même type que face aux OGM. Quand on sait que le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique sans dégâts sur place, on s’interroge. Or la France est bénie des dieux. Pour l’Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole. Peut-on s’en priver ? Je ne le crois pas.

Comment avez-vous vécu les premiers mois du retour de la gauche au pouvoir ?

Je ressentais un petit malaise. Après tout, le président, le gouvernement, ce sont mes copains, mon monde ! Mais j’avais trouvé dangereux que le PS fasse campagne en tenant pour acquis qu’on aurait chaque année une croissance de 2,5 %. C’était évidemment impossible et je croyais dommageable – je le lui ai dit – que François Hollande ait repris cette antienne…

Du coup, nous venons de vivre six mois pendant lesquels ceux qui produisent, les entreprises et leurs patrons, se sont sentis les boucs émissaires de la nouvelle majorité. Or dans la crise actuelle, nous n’avons qu’un instrument de défense : notre appareil productif. M. Gallois le dit, je l’avais dit aussi à ma manière : il faut d’urgence signaler au monde de l’entreprise qu’on sait qu’il est là, qu’on veut qu’il tienne le coup et qu’on va l’y aider. Ce signal a été donné cette semaine. Il était temps.

L’automne a été dominé par les discussions sur les 3 % de déficit du produit intérieur brut (PIB) dès 2013. Que pensez-vous de cet objectif ?

Les gouvernements d’Europe restent trop monétaristes. Ils pensent que les marchés s’auto-équilibrent et que moins l’Etat s’occupe d’économie, mieux l’on se porte. On le voit dans la priorité donnée à l’équilibre des finances publiques et dans le traité budgétaire européen. Or la crise a montré la fausseté de cette analyse, et ce n’est pas un hasard si depuis quinze ans, le jury du prix Nobel couronne des néokeynésiens, comme Armartya Sen, Joseph Stiglitz ou Paul Krugman. Je pense qu’ils ont raison, qu’il vaut mieux payer ce que l’on peut de ses dettes mais que la dépense publique est l’un des moteurs de l’activité. La freiner trop pousse à la récession. La brutalité des 3 % peut être dangereuse.

Il y a de toute façon une bataille pour l’Europe dans les règles actuelles, 3 % compris. Puis il faudra mener et gagner une deuxième bataille de doctrine économique, sur ‘comment vivre avec de la dette sans entrer en récession’.

L’Allemagne peut-elle entendre ce discours ?

L’Allemagne est certes fondamentalement monétariste, mais elle sait depuis la crise des dettes souveraines que la solution pour l’Europe passe par plus de fédéralisme. En outre, elle est en stagnation, sinon en récession. Elle a donc évolué. De son côté, le Royaume-Uni, qui bloque tout progrès de l’intégration européenne depuis 1972, s’est mis à l’écart de la zone euro. Profitons-en. Cette double situation offre la perspective de repartir vers la construction européenne. Ce doit être la priorité du gouvernement français.

La France s’éloigne-t-elle trop de l’Allemagne en ce moment ?

Probablement. La relance européenne ne peut partir qu’avec les Allemands. Il ne faut jamais l’oublier.

M. Hollande va faire sa première conférence de presse mardi. Qu’attendez-vous de lui ?

C’est toute la France qui attend d’y comprendre quelque chose. On a besoin de savoir si François Hollande pense toujours que la croissance peut revenir assez vite, ou s’il admet que nous sommes dans une crise plus profonde. On attend qu’il parle de l’Europe et qu’il reconnaisse que le commandement est allemand, tout en menant campagne contre le monétarisme ambiant.

Je suis allé à Notre-Dame-des-Landes, et j’y retournerai

En pensant à Lilou

Pour ceux qui ne sont pas au courant, car il y en a. Ayrault, actuel Premier ministre et ancien maire de Nantes, veut imposer un deuxième aéroport à cette ville de 300 000 habitants. Il a ressorti pour cela un projet des années 60, qui nécessite de détruire un bocage de près de 2 000 hectares somptueusement préservés. Sur place, la bataille fait rage entre 200 à 300 jeunes qui occupent les arbres et les clairières, d’une part, et environ 1000 flics de l’autre.

Mardi passé, avant-hier, j’étais à Notre-Dame-des-Landes. Je ne peux pas vous raconter pour le moment, car j’y étais en mission commandée. Mais c’était d’une rare beauté. Le bocage convoité par les abrutis du projet d’aéroport est somptueux, gorgé d’eau, décoré de houx géants, d’aubépines, de chênes. On s’y enfonce dans une boue noire qui paraît pouvoir vous aspirer, on y rencontre un peuple sautillant de Hobbits – des jeunes squatters venus de France, de Belgique, d’Angleterre, d’Allemagne, d’Afrique du Sud, d’Australie – qui refusent l’argent et toutes les conneries du monde. Dans ce pays neuf fait pour Peter Pan, le Lapin Blanc, John le Lézard ou le chat du Cheshire, traverser le miroir est un véritable jeu d’enfants.

Vous suivez un chemin, en pleine forêt, encerclé par les bouleaux et les châtaigniers, et vous tombez sur une clairière où les Hobbits ont planté une maison sublime, faite de matériaux récupérés dans les déchetteries et poubelles de notre si pauvre univers. Ou vous vous retrouvez comme par magie au pied d’une cabane poussée dans les arbres, tenue par des cordes et des nœuds, sans l’ombre d’un clou ou d’une vis. Je vous résume : ceux qui refusent le grand massacre sont d’une part un collectif d’habitants, que j’ai rencontrés. Ils sont épatants, et s’appuient avec bonheur sur les 200 à 300 Hobbits dispersés dans les forêts alentour. Ajoutons quelques dizaines de paysans, dont la propriété serait en partie ou en totalité touchée par les sagouins de l’aéroport. Ne pas oublier les flics. Depuis le 9 octobre, ils sont entre 500 et plus de 1 000 à tenter de virer les Hobbits. Avec des dizaines d’engins, parfois des hélicos. Ils ont aidé à détruire quantité de cabanes, mais aussi des maisons en dur, qui étaient là depuis des lustres. Ces pauvres barbares n’ont visiblement pas conscience de la triste besogne qu’on leur fait accomplir.

Bon, stop, car j’ai à faire. J’ai à écrire. Encore un mot : le samedi 17 novembre, une grande manifestation nationale a lieu sur place. Il s’agira de réoccuper le bocage au nez et à la barbe des gardes mobiles. Et de rebâtir, poutres et planchettes en main, ce qui a été détruit. Si la flicaille ne gâche pas cette fête, cela sera sans doute grandiose. Parmi les lecteurs de Planète sans visa, quantité ont déjà demandé : mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il y a des jours où je ne sais pas quoi répondre, mais en ce matin du 8 novembre 2012, je vous le dis sans hésiter : il faut aller à Notre-Dame-des-Landes. Il faut montrer que nous sommes là, bien là, et que ce lamentable aéroport ne doit pas être construit. Merde ! L’heure n’est pas à la dérobade. Il faut y être. Il faut en être. Pas de mot d’excuse.

Le site des Hobbits : http://zad.nadir.org/

Le site de l’Acipa, la grande association locale : http://acipa.free.fr/

Une vidéo : http://www.laseiche.net/les-chroniques-de-la-seiche/article/si-loin-si-proche-3-en-pays-de

Un impitoyable match Sarkozy-Al Gore (sur le climat)

François N. a déposé en commentaire, et qu’il en soit remercié, une formidable vidéo qui ne dure – hélas – que  30 secondes (ici). On y voit Nicolas Sarkozy, en 2009, alors qu’il est président de la République. Nous sommes précisément le 23 septembre à New York, au beau milieu d’une réunion qui rassemble des dirigeants du monde entier. La date est importante, car deux mois et demi plus tard se tient la grande conférence mondiale sur le climat, à Copenhague. Les politiciens du monde entier sont rappelés à leur responsabilité historique : le dérèglement climatique menace sans détour les civilisations humaines.

Que va donc faire un homme – Sarkozy – qui a promis en 2007, au temps du Grenelle de l’Environnement, une « révolution écologique » ? La veille, le 22, il a fait un grand discours sur le sujet, du haut d’une tribune de l’ONU. Vous en trouverez le texte en bas de cet article. Rien de ce qu’il promet ne sera tenu, ce qui va de soi. Qui se conduirait de la sorte dans le domaine privé serait vite traité de charlatan, de bouffon. Mais pas lui, lors même qu’il annonce : « Nous savons que nous devons le limiter [le réchauffement] à 2° et que si nous ne réussissons pas, ce sera la catastrophe. Ce point ne supporte plus aucun débat. Nous sommes, au-delà de nos différences, la dernière génération à pouvoir agir ».

Mais revenons à la vidéo proposée par François N., qui est un extrait d’un interview donné à France 2. Comme c’est court, je me propose de tout citer. Sarkozy a le visage grave des grands jours de la République. Il veut être cru. Voici : « Des scientifiques et des savants du monde entier se sont réunis pendant des mois et des mois pour dresser un constat c’est le constat qui est accablant. Le monde va à sa perte si on continue à émettre du carbone – ses mains se lèvent, comme pour monter au ciel, et son regard suit – qui crée un trou dans la couche d’ozone et qui brise les équilibres de la planète. Ça – il fixe la caméra -, c’est un constat ».

Que dire ? Commençons par le moins grave. Des scientifiques et des savants ? Hum, ce ne serait donc pas la même chose ? Des mois et des mois, alors que le Giec a été lancé vingt-et-un ans plus tôt, en 1988 ? Passons généreusement. Le pire est bien entendu cette ridicule confusion entre deux phénomènes majeurs, mais distincts. La couche d’ozone d’altitude protège la planète de rayonnements solaires ultraviolets, potentiellement meurtriers. Ce qu’on a compris en 1985, c’est que certains produits chlorés pouvaient expliquer un amincissement très inquiétant de cette protection vitale. Le dérèglement climatique provient, lui, d’une émission incontrôlée de gaz à effet de serre, parmi lesquels le CO2, dont la conséquence est l’augmentation continue de la température moyenne du globe.

Donc, Sarkozy se trompe en profondeur. Il se situe là au pire niveau des discussions de bistrot. Il est con. D’autant plus con – à cette hauteur, il faut parler de connerie stratosphérique – qu’il est le président de la République. Sur un sujet comme celui-là, qui en commande tant d’autres, il n’a simplement pas le droit d’être une buse. Il l’est pourtant, et au passage, pardon aux buses, qui sont de magnifiques oiseaux. Sarkozy, alors qu’il fait de la politique depuis près de 40 ans – nous sommes en 2009 -, n’a jamais pris soin de lire un livre sur la question. Il n’a pas même parcouru les pages wikipédia qui résument le tout,  ce qui lui aurait pris un quart d’heure. La seule explication est qu’il s’en fout totalement. Cela ne l’intéresse pas. Il aura passé des centaines, peut-être des milliers d’heures à scruter la carte électorale de la France, tantôt pour battre la gauche, tantôt pour s’imposer dans son parti, mais pas une seule à se renseigner sur la crise climatique.

Mais cela va plus loin encore. Car Sarkozy, ce 23 septembre 2009, n’improvise pas. En face de France 2, même s’il a l’air direct – cela se travaille avec des pros du media training -, il ne fait que répéter ce qu’un conseiller lui aura écrit sur une feuille deux heures avant. Il ne batifolerait pas sur un sujet de cette nature. Non, il adapte ce que d’autres ont synthétisé pour lui. Ce qui signifie que ses conseillers sont aussi désespérément incultes que lui. Est-ce étonnant ? Non, pas pour moi en tout cas. Dans un monde mieux fait, cela ferait réfléchir les écologistes de salon qui ont participé au honteux Grenelle de l’Environnement, donnant un brevet de haute moralité à des gens comme Sarkozy ou Borloo, qui ne vaut évidemment pas mieux. Notez que ces écologistes-là ont fait de même, un ton au-dessous, avec Hollande,  au cours de la Conférence Environnementale de septembre dernier. Hollande, soyez-en assurés, ne vaut pas mieux que Sarkozy. Il est manifeste, pour qui l’écoute, qu’il n’a jamais rien lu de sérieux sur la crise écologique. Ce qu’il veut, tout comme Sarkozy en 2007, c’est deux ou trois points de croissance en plus.

Comme on vote aux États-Unis ces jours-ci, je vous fais remarquer que ni Obama ni Romney n’ont sérieusement parlé de la crise climatique. Malgré l’incroyable tempête Sandy, qui a ravagé la côte Est étasunienne. Le drôle, c’est que la seule parole tant soit peu sensée est venue du milliardaire Michael Rubens Bloomberg, maire de New York depuis 2002 et fondateur de l’empire financier Bloomberg LP. Annonçant – alors qu’il est « indépendant » des deux grands partis américains – qu’il voterait Obama, il a ajouté, parlant explicitement du dérèglement climatique  : « En 14 mois, deux ouragans nous ont forcé à évacuer des quartiers entiers, ce que notre ville n’avait jamais fait auparavant. Si c’est une tendance, elle n’est pas viable ». Je précise que, n’étant pas devin, j’ignore si Sandy peut être corrélée au réchauffement de la planète. En revanche, je suis sûr que la question se pose.

Et ce grand couillon d’Al Gore ? On n’aura pas entendu, dans la campagne qui s’achève, celui qui fut vice-président de Clinton de 1992 à 2000. Gore ne vaut pas mieux que notre Sarkozy, et peut-être moins à bien y réfléchir. Car ce royal hypocrite est désormais l’une des grandes fortunes de ce monde malade, notamment au travers du fonds de pension Generation Investment Management LPP. Il est au conseil d’administration d’Apple, il est actionnaire de Google, mais comme monsieur a des vapeurs, il donne aussi dans le discours « écologiste ». Vous savez sans doute qu’il est l’acteur et le seul orateur du film An Inconvenient Truth, Une vérité qui dérange en français. Sorti en 2006, le film a permis à Gore d’apparaître comme un combattant ferme du dérèglement climatique, ce qui a pesé lourd dans son obtention, en 2007, du Prix Nobel de la Paix.

Qui oserait attaquer pareille icône ? Dès 1992, il publie un livre correctement informé sur la crise écologique, Earth in Balance. Je me souviens en avoir écrit une critique favorable. Quelle sottise ! Quelle crédulité ! En 1997, à Kyoto, pendant la fameuse conférence sur le climat, Gore assume et défend à 100 % – n’oublions pas qu’il est alors le vice-président – le sabotage américain, qui conduira au fiasco dont nous ne sommes toujours pas sortis. Depuis, et jusqu’à la lamentable campagne électorale en cours, Gore n’a cessé de jouer sur tous les tableaux. Gagnant du fric avec la destruction du monde, et prétendant être, dans le même temps, le Chevalier blanc des Amériques. L’avez-vous entendu ces dernières semaines ? Non pas. Il a laissé faire, comme à l’habitude. Obama, Gore, Sarkozy, Hollande : le monde est gouverné par des nains. Avec toutes mes excuses aux nains – décidément, les mots trahissent -, car Dieu sait qu’ils ne sont pas concernés. Le monde est gouverné par d’épouvantables couillons.

 

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Sommet sur le climat à l’ONU – Discours du Président Sarkozy

(New York, 22 septembre 2009)

Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement,

Aujourd’hui, nous avons 87 jours pour réussir ou pour échouer. Grâce au constat des savants unanimes, nous savons que le réchauffement climatique est une réalité. Personne ne peut contester cette réalité.

Nous savons que nous devons le limiter à 2° et que si nous ne réussissons pas, ce sera la catastrophe. Ce point ne supporte plus aucun débat. Nous sommes, au-delà de nos différences, la dernière génération à pouvoir agir. Et pour la première fois, nous devons décider non pas pour nos pays, non pas pour nos régions, non pas même pour nos continents, mais nous devons décider pour la planète.

En résumé, nous avons le choix de la catastrophe ou de la solution. Nous décidons pour la planète tout entière et ce que nous ne déciderons pas, ceux qui nous suivront ne pourront plus le faire. Rarement un choix a été aussi crucial pour l’avenir de l’humanité.

Monsieur le Secrétaire général, regardons clairement où nous en sommes. Nous sommes aujourd’hui sur la voie de l’échec, si nous continuons ainsi. Ce n’est pas la peine d’être hypocrite, ce n’est pas la peine de nous lancer dans les petits jeux diplomatiques ou politiques. Ce n’est même pas la peine que je vous inflige un discours grandiloquent à 87 jours de Copenhague. Nous avons besoin de propositions, d’actions, de responsabilités.

Nous savons parfaitement quels sont les quatre principes qui feront le succès de Copenhague :

– Réduction de 50 % des émissions mondiales d’ici à 2050.

– Pour les pays développés, ce n’est pas une réduction de 50 % qu’il faut, c’est une réduction d’au moins 80 % d’ici 2050.

– Pour les pays émergents, il faut réduire la croissance de leurs émissions avec l’aide financière et technologique des pays développés, j’y reviendrai.

– Et enfin, d’une façon ou d’une autre, il faudra payer pour les pays les plus vulnérables, ceux d’Afrique et les petits Etats insulaires, il n’y a pas d’autre choix.

Qu’est-ce qu’il manque ? Il manque aujourd’hui deux choses : la volonté et la confiance.

Il y a beaucoup de dirigeants qui ont peur qu’on leur demande de choisir entre la croissance et la protection de l’environnement, on peut les comprendre, confrontés qu’ils sont à la pauvreté et au chômage. Mais ce choix, personne n’a à le faire et en Europe, nous démontrons qu’on peut passer d’une croissance forte en émission de carbone à une croissance durable. Nous l’avons démontré en Europe avec le paquet énergie-climat et nous l’avons démontré en France avec la création d’une fiscalité écologique.

Personne n’aura à choisir entre le chômage et l’environnement, entre la propreté et la protection de la planète. Dans les bonnes nouvelles, il n’y en a pas beaucoup, mais je veux saluer le leadership du nouveau gouvernement japonais qui a pris des engagements très forts et également les engagements de la Chine. Mais maintenant, il faut aller beaucoup plus loin.

Je veux proposer qu’on mette en place un mécanisme efficace pour financer ceux qui en ont besoin et pour opérer les transferts de technologie. Si on ne fait pas cela, les pays émergents ne nous rejoindront pas. Or, ils doivent nous rejoindre parce qu’ils sont comptables, eux aussi, de l’avenir de la planète.

Le Mexique a fait une proposition de contribution universelle, la France la soutient. La Commission européenne a évalué à 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 le financement que nous pourrions envisager pour aider les pays en voie de développement à s’adapter au nouveau concept de la croissance durable, nous sommes prêts à le faire. Vraiment, m’adressant aux pays en développement et aux pays émergents, je vous le dis, les transferts financiers et les transferts de compétences technologiques, nous sommes prêts à les faire. Soyez vous-même au rendez-vous de la planète.

Je dois être franc, en France et en Europe, nous taxons les entreprises polluantes, aucun pays ne pourra s’exonérer d’efforts. Soit nous y allons tous ensemble et nous vous aiderons à financer, nous vous aiderons par les transferts de technologie ; soit nous n’y allons pas et dans ce cas là, nous serons obligés de créer une taxe carbone aux frontières de l’Europe. On ne peut pas avoir, face à la gravité de la situation, une partie du monde qui protège la planète et une autre partie du monde qui dit non sans raison, ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Pour l’instant, on ne veut pas s’y mettre. Il faut qu’on s’y mette tous et nous, les pays développés, on vous y aidera, financièrement et technologiquement.

Je veux également dire que la France fera des propositions avec le Brésil et les pays du bassin du Congo sur la question de la forêt. Il y a 20 % des émissions qui sont dues à la destruction de la forêt. Il faut aider les pays qui ont les plus grandes forêts du monde, qui sont des réservoirs pour la protection de l’environnement, à les entretenir, à les protéger, voire à les développer. Cela, c’est une solidarité active. Je pense à l’Amazonie, je pense à la forêt du bassin du Congo, je pense bien sûr à la forêt de Sibérie. Les forêts sont les biens de l’humanité.

Enfin, je souhaite que l’on prenne une initiative particulière pour l’Afrique. Il y a 17 % des Africains seulement qui ont accès à l’énergie primaire, on ne peut pas laisser l’Afrique dans cette situation. Au fond, nous, les pays développés, nous devrons payer et transférer de la technologie ; vous, les pays émergents, vous devrez vous engager à réduire vos émissions sans que cela ne nuise à votre croissance ; quant aux pays pauvres, ils doivent être au cœur de la stratégie de Copenhague. Mais tous, nous tirerons un bénéfice de cette nouvelle croissance.

Enfin, je terminerai, Monsieur le Secrétaire général, en faisant deux propositions. La première, c’est qu’enfin nous nous décidions à créer une seule organisation mondiale de l’environnement. Ce n’est pas tout de faire de Copenhague un succès, encore faut-il savoir qui gérera les conséquences des décisions prises à Copenhague. Il y a une soixantaine d’organisations éparses qui s’occupent des mêmes questions, créons une Organisation mondiale de l’environnement, décidons du principe de cette création dès Copenhague.

Deuxième chose, je propose que les chefs d’Etats des principales économies qui représentent rien moins que 80 % des émissions de gaz à effet de serre, nous nous retrouvions à la mi-novembre, c’est-à-dire entre votre réunion, Monsieur le Secrétaire général, et Copenhague pour sortir des jeux de rôles, des discours qui ne sont pas suivis d’effets, des jeux diplomatiques, pour mettre sur la table des propositions concrètes.

Vous l’avez compris, Mesdames et Messieurs, la conviction absolue de la France, c’est que le temps n’est pas notre allié, le temps est notre juge, nous sommes déjà en sursis. Prenons nos responsabilités, non pas dans les discours, mais dans les faits, la France et l’Europe sont bien décidées à faire cela. Je vous remercie.