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Les biocarburants, la morale et l’élection présidentielle

Que notre monde soit au bout de sa route, l’affaire des biocarburants en apporte une preuve dont je me serais bien passé. Je ne veux surtout pas dire que nos sociétés vont disparaître rapidement. Leur temps et leurs soubresauts se moquent bien de l’échelle qui est la nôtre. Mais elles sont entrées dans un processus de dislocation qui ne peut désormais s’arrêter. En plus de tout le reste, que vous connaissez comme moi, qu’il s’agisse de la crise écologique ou des impasses de « l’économie » officielle, il y a ce que nous appelons communément la morale.

Aucun groupe humain ne se maintient longtemps sans un ciment invisible, omniprésent pourtant, qui permet d’accepter l’obligation sociale. Qui donne aux existences un minimum de sens cohérent, de manière que la vie de chaque jour, le reflet dans le miroir, l’adresse aux enfants demeurent acceptables ou mieux encore désirables. Or tout se dissout. Les voleurs d’en haut s’emplissent les poches, légalement ou non, et profitent du butin, tandis que les Apaches, d’ici ou d’ailleurs, partent aux galères pour avoir vendu du shit ou dérobé un téléphone portable. Mais pour en revenir à la question du jour, les biocarburants éclipsent tout.

Je rappelle l’excellent principe : dans un monde toujours plus dévasté par la faim, des hommes bien nourris – beaucoup au Nord, certains au Sud – ont imaginé la transformation de plantes alimentaires en carburant automobile. Que cela soit un crime complet, et même un assassinat, qui pourrait donc le contester, et avec quels arguments ? Il est possible, il est même probable – mais nullement démontrable – que des centaines de milliers d’hommes ont été achevés sur l’autel de cette nouvelle industrie. Je me refuse à évoquer des données précises, car nous sombrerions alors dans la statistique, dans cet habituel voyeurisme des gavés que nous sommes. La faim. Celle qui tenaille pour de vrai, pendant des semaines et des années. Qui rend fou quand il devient impossible de donner quelque chose au mioche qui réclame. Allons nous plaindre après cela de la cuisson de notre steak quotidien.

Je sais cela, et dans le détail, car j’ai publié en septembre 2007, à l’époque du si lamentable Grenelle de l’Environnement, un livre dont je suis fier : La faim, la bagnole, le blé et nous, Une dénonciation des biocarburants (Fayard). Je crois y avoir révélé l’essentiel. Soit la constitution d’un lobby jusqu’au cœur de l’État, piloté par l’agriculture industrielle, en panne de débouchés pour ses si goûteux produits. Soit la grossière manipulation de l’opinion, à qui l’on a vendu cette idée ridicule que les biocarburants seraient bons pour le climat, quand ils aggravent le dérèglement en cours. Soit la destruction accélérée de milieux naturels prodigieux – par exemple les forêts pluviales d’Indonésie – afin de les remplacer par des plantations, comme des palmiers à huile, matière première des biocarburants. Ou la vente de millions d’hectares d’un tenant dans le bassin du Congo, pour y planter jatropha, manioc ou Dieu sait quoi, aux mêmes fins en tout cas. Soit l’annonce de famines terriblement aggravées par la concurrence entre des terres à vocation agricole et des terres sacrifiées à cette putain de bagnole.

Voilà que la Cour des Comptes française s’en mêle. Longtemps après une poignée de grands scientifiques, qui ont tordu le cou aux légendes commerciales et industrielles au sujet des biocarburants. Et bien loin derrière les institutions, souvent ultralibérales pourtant, comme la FAO, l’OCDE, le FMI, etc. qui toutes se sont attaquées aux mythologies associées au monstre. Il n’empêche : notre Cour des Comptes, donc. Et que dit-elle (ici) ? Un, nos conseillers si bien rémunérés ne savent que ce qu’ils lisent, et ils lisent apparemment peu. Ainsi ne peuvent-ils prendre en compte le désastre écologique global, humain, moral que représente cette invention du diable. Ils se contentent, avec la prudence qui est consubstantielle à leur confortable état, de noter : « Si, en France, le bilan coût / avantages des biocarburants du point de vue de leur effet sur l’environnement donne lieu à certaines critiques, la contestation qui environne cette question dans les autres pays du monde est beaucoup plus forte et va croissant ». Ajoutons que leur (nov)langue est à faire peur, mais c’est une autre histoire.

Se préoccupant avant toute chose de pognon, la Cour note avec une tranquille désapprobation (ici) que les exonérations fiscales en faveur des biocarburants ont coûté 3 milliards d’euros au budget commun entre 2005 et 2010. Au seul profit du lobby de l’agriculture industrielle. Rappelez-vous, si vous l’avez oublié, que le président en titre du « syndicat » agricole FNSEA, Xavier Beulin, est le patron de Sofiproteol, holding pesant plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010, et dont le cœur de métier est la prolifération des biocarburants.

Moi, lorsque j’ai publié mon livre – je l’ai déjà écrit ici, mais je me dois de le marteler -, j’ai alerté tous les responsables de l’écologie en France. Quand je dis tous, j’exagère bien sûr. Mais pour les autres, il y avait tout de même mon livre. J’ai alerté, comme on dit, et suggéré quantité d’actions concrètes, auxquelles j’aurais volontiers participé au premier rang. Elles n’étaient pas toutes légales, non pas. Mais il me semble que face à une offensive planétaire du crime organisé, il faut accepter de risquer. Ses biens et sa liberté, pour commencer. Ne croyez pas que je verse avec facilité dans la grandiloquence. J’exprime ce que je pense. Et si même je devais reculer en telle ou telle circonstance, cela ne déconsidérerait que ma personne. Ni ma cause, ni les moyens proposés.

Une conclusion ? Les mouvements écologistes officiels et tous ces braillards de gauche ou d’extrême-gauche qui donnent des leçons à l’univers et prétendent incarner le bien, toutes ces excellentes personnes acceptent sans seulement moufter l’une des agressions les plus totales contre la vie et la morale élémentaire qu’on puisse imaginer. Et quand la barbarie montrera le bout de son groin, quel que soit ce groin, les mêmes, avant de s’enfuir, trouveront encore le moyen de justifier leur lâcheté et leur petitesse. Ils auront encore raison, car telle est la définition qu’ils se sont octroyé : toujours retomber sur ses pattes. Mais moi, je les exècre.

PS : Allez donc voter, je crois que j’ai autre chose à faire.

Sur Durban (rien à ajouter à ce qui suit)

Je critique beaucoup, et compte bien continuer. Mais j’ai aussi des affinités. Parmi les associations écologistes « officielles », nul doute à mes yeux que les Amis de la Terre sont un cas à part. Je connais, un peu au moins, certains de ses membres. Je trouve des gens comme Sylvain Angerand ou Christian Berdot simplement formidables. Et même si je sais moins au sujet de Martine Laplante, Caroline Prak, Alain Dordé, Laurent Huttinet, tout m’indique qu’ils sont valeureux. En conséquence de quoi, je vous glisse ci-dessous le bilan tiré par les Amis de la Terre du minable sommet climatique qui vient de s’achever en Afrique du Sud. Non, rien à ajouter.

Durban : un sommet qui touche le… fond.

Montreuil, le 12 décembre 2011 – A Durban, on s’est mis d’accord pour continuer à discuter en vue d’un accord, en 2015, qui devrait préfigurer d’un autre accord plus ferme, qui pourrait entrer en vigueur en 2020, si on est d’accord pour fixer des objectifs contraignants, sans savoir si ces objectifs auront un quelconque effet sur les climats. C’est ce qu’on appelle « une avancée considérable ».

Le Protocole de Kyoto est entré en vigueur en 2005. Dans l’esprit de ses auteurs, le plus gros effort devait d’abord être fait par les pays qui, pendant des décennies, ont produit des gaz à effet de serre et sont historiquement responsables des changements climatiques auxquels nous assistons aujourd’hui.

Le protocole prévoyait une baisse des émissions de gaz à effet de serre entre 2008 et 2012,  de 5,2 % par rapport au niveau de 1990 pour les états industrialisés. De 1990 à 2008, le Japon a augmenté ses émissions de 6,5 %, les Etats-Unis de 16 %, l’Australie et la Nouvelle Zélande de 25 %, le Canada de 28 %. La France les a diminuées de 0,8%. (A noter les résultats de l’Allemagne : -17 %) (1).

Face à l’immobilisme des grands pollueurs historiques, les pays émergents comme la Chine et l’Inde se font prier et ne veulent pas remettre en cause leur croissance industrielle. L’Union européenne joue toujours un rôle ambigu, entre des ambitions affichées et des actes souvent modestes, sans compter son soutien actif à de nombreuses fausses solutions nuisibles socialement et écologiquement comme les marchés carbone, la compensation et les agrocarburants.

Entre ces deux fronts, les pays les plus pauvres subissent déjà lourdement les changements climatiques. Pour le nigérian Nnimmo Bassey président de la Fédération Internationale des Amis de la Terre : « Ce que les pays riches doivent entendre haut et fort, c’est que l’Afrique ne veut pas payer pour leur crise. Tout autre accord qu’un accord juridiquement contraignant avec de fortes réductions des émissions pour les pays développés, dans une seconde phase d’engagements du Protocole de Kyoto, doit être appelé par son nom : ce sera un permis d’incinérer l’Afrique et ses peuples. »

L’accord de Durban prévoit qu’un Fonds Vert soit être mis en place. Les pays industrialisés se sont engagés à payer 100 milliards de dollars, mais pour l’instant le vert reste la couleur de l’espoir et pas encore celle des dollars. Pour les Amis de la Terre, ce Fonds n’est pas une aumône, mais seulement le remboursement des dettes écologiques et climatiques des pays riches envers les pays qu’ils ont pillés ou qui supportent déjà les changements climatiques.

Pour Martine Laplante, présidente des Amis de la Terre France : « Ce nouveau traité est une ruse pour détourner l’attention du monde, de l’échec des pays développés à respecter les engagements existants de réduire leurs émissions. Nous n’avons pas besoin d’un nouvel accord. Il y en a un qui existe déjà. Un nouveau mandat sera une porte ouverte à la dérégulation en matière de climat, les pollueurs continueront à polluer, les spéculateurs tireront profit de la pollution  et le reste du monde devra supporter le fardeau de la crise climatique ».

Les Amis de la Terre craignaient que l’agriculture et les forêts ne soient introduites dans les mécanismes de la finance carbone. Les délégués se sont mis d’accord sur le très contesté programme REDD (programme de réduction des émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts). Des financements privés et des mécanismes basés sur le marché  pourront financer ces programmes. Un groupe de travail va aussi préparer l’éventuelle entrée de l’agriculture dans ces mécanismes. On livre les forêts et l’agriculture à la spéculation aux dépens des humains les plus vulnérables et des climats.

Pour Bobby Peek de groundWork (Amis de la Terre d’Afrique du Sud) : « On voit très bien ce qui conditionne l’ordre du jour des discussions. De plus en plus de pays viennent à ces négociations sur le climat avec un seul objectif en tête : défendre et promouvoir les intérêts de leurs industries polluantes et de leurs multinationales et pour s’opposer à tout effort mondial pour aboutir à un accord juste et solide qui lutte contre les changements climatiques. Beaucoup de pays profitent de ces négociations climatiques pour impulser de fausses solutions dangereuses pour les climats comme l’expansion des marchés carbone. »

Mithika Mwenda a participé à la Caravane de l’Espoir organisée par l’Alliance Pan-Africaine pour la Justice Climatique. Elle est partie du Burundi et a traversé l’Afrique jusqu’à Durban. Pour lui : « Les climats, c’est comme le Titanic. Les pays riches pensent qu’ils vont s’en sortir. C’est sûr qu’avec le peu de ressources qu’elle a pour s’adapter, l’Afrique coulera en premier, comme les passagers de troisième classe. Mais à la fin, tout le monde coulera. Personne n’y échappera, nos sorts communs sont étroitement et intimement liés. »

(1) http://unfccc.int/files/essential_background/background_publications_htmlpdf/application/pdf/ghg_table_06.pdf

Robert Redford en version française (sur Obama)

L’ami Jean-Paul Brodier m’envoie la traduction, en français, de l’article en anglais de Robert Redford, publié ici hier. Vous pourrez donc lire directement ce que l’acteur reproche à Obama. Le ton est désespérément – à mes yeux – américain. Redford soutient le système, mais condamne ses excès. Ma foi, je n’y peux rien. Pour le reste, c’est intéressant. Merci à toi, Jean-Paul.

La tribune de Redford a été publiée dans le journal en ligne The Huffington Post.

Robert Redford

Acteur, metteur en scène, militant de l’environnement

Le gouvernement Obama fait-il passer les profits des entreprises avant la santé publique ?

L’une des raisons pour lesquelles j’ai soutenu le Président Obama est qu’il a dit que nous devons protéger la propreté de l’air, de l’eau et des terres. Mais à quoi bon dire des choses justes si des actes ne suivent pas ? Depuis le début d’août, trois décisions administratives — sur les forages dans l’Arctique, l’oléoduc Keystone XL et l’ozone qui produit le smog — ont toutes été rendues en faveur de l’industrie polluante, à l’encontre de la santé publique et d’un environnement propre. Comme tant d’autres, je commence à me demander où en est au juste cet homme.

Depuis des mois, L’Agence de Protection de l’Environnement était prête à édicter de nouvelles règles sur l’ozone en vue de réduire le smog qui provoque des crises d’asthme et d’autres maladies respiratoires. Nous avons un besoin criant de ces nouvelles normes qui, selon les estimations de l’agence, pourraient éviter douze mille morts prématurées par an.

Pourtant, vendredi, la Maison Blanche a gelé les nouvelles règlementations. Le résultat : ces protections vitales seront retardées au moins jusqu’à 2013 — comme par hasard, après la prochaine élection présidentielle. La semaine précédente, le ministère de Affaires Étrangères [State Department] a donné un feu vert préliminaire au projet Keystone XL, un oléoduc qui amènerait le pétrole brut des sables bitumineux canadiens jusqu’aux raffineries texanes.

Si cet oléoduc obtient dans les prochains mois l’approbation définitive du gouvernement, il va marier l’avenir de notre énergie au pétrole le plus sale de la planète. Il va plonger notre pays dans une des pratiques minières les plus destructrices qu’on ait jamais imaginées. Et il mettra en danger les agriculteurs, les éleveurs et les terres arables au travers des grandes plaines du cœur de l’Amérique. C’est pourquoi le gouverneur républicain du Nebraska s’est élevé contre lui cette semaine.

Et juste le mois dernier, le ministère de l’Intérieur a donné un accord conditionnel au plan de la Shell Oil pour lancer, dès l’été prochain, le forage de quatre puits exploratoires dans les eaux de l’Arctique au large du versant nord de l’Alaska. Le Congrès n’a pas encore adopté la moindre loi pour renforcer les garde-fous contre les forages en mer, à la suite des épanchements de BP l’année dernière, mais voilà que nous autorisons Shell à forer dans une des zones de pêche les plus riches de la nation, dans des eaux qui sont gelées huit mois chaque année, à un endroit situé à cinq jours de bateau de la station des gardes-côtes la plus proche.

Que se passe-t-il ici ?

Dans chacun des trois cas, les décisions administratives sont arrivées à la suite d’une campagne méprisante de lobbying de l’industrie, basée sur le mélange habituel d’exploitation de la peur et de mensonges. Avec notre économie chancelante et le chômage à 9,1%, quelques-uns des plus gros pollueurs industriels du pays et leurs alliés du Congrès se mettent tout d’un coup à parler d’emplois.

Les lobbyistes de la Chambre de Commerce des E.-U., la National Association of Manufacturers et d’autres puissants intérêts industriels ont passé l’été à harceler la Maison Blanche pour ôter de leur chemin les nouvelles normes anti-smog. Si nous devons nettoyer nos saletés — disent-ils — nous n’embaucherons pas de nouveaux travailleurs.

Vraiment ? Les entreprises américaines ne pourraient embaucher des travailleurs que si elles sont autorisées à polluer notre air au point que les gens tombent malades, cessent de travailler et meurent ? Ça ne tient pas debout. Les entreprises embauchent des travailleurs pour honorer des commandes de leurs produits et services. Nettoyer leurs saletés a un coût qui fait partie de l’activité, et c’est un coût nécessaire. Ce n’est pas une question d’emplois, c’est une question de profits.

Le fait est que les garde-fous fédéraux pour la santé publique, la sécurité au travail et notre environnement ont dégagé jusqu’à 665 milliards de dollars de bénéfices économiques mesurables au cours de la seule décennie passée, avec un coût pour l’industrie de 62 millions — tout au plus — selon le bureau de la Maison Blanche pour la gestion et le budget.

Même selon une analyse économique stricte, en d’autres termes, les bénéfices nationaux des garde-fous fédéraux dépassent les coûts de plus de dix fois.

Je veux que nos niveaux de smog s’abaissent pour que davantage de nos enfants et de nos anciens puissent respirer un air propre. Faire passer les profits des industriels avant la santé publique est inadmissible, Il serait outrageux qu’un président le supporte, celui-ci ou un autre.

Quant au Keystone XL, c’est une idée terrifiante pour le pays. Il faut l’arrêter. C’est le message que plus de mille Américains inquiets ont adressé directement à Obama, par des manifestations devant la Maison Blanche au long des deux semaines passées. Parce que l’oléoduc traverserait notre frontière avec le Canada, c’est un projet international qui ne peut pas avancer sans que le président ait déterminé que c’est dans notre intérêt national.

Ce n’est pas le cas. C’est dans l’intérêt des grandes compagnies pétrolières. Si vous vérifiez, pourtant, vous constaterez qu’elles se portent fort bien. Elles ont accumulé des profits, à hauteur de 67 milliards de dollars rien que pour les six premiers mois de cette année. Je suis favorable aux profits, mais pas quand ils viennent de quelque chose d’aussi destructeur que les sables bitumineux.

Déjà dans les forêts boréales de l’Alberta, la production des sables bitumineux a transformé en mine à ciel ouvert une surface de la taille d’Orlando, en Floride. Elles est écorchée et polluée, peut-être pour toujours. Le Keystone XL couperait à travers des parties du Montana, du Dakota du Sud, du Nebraska et de l’Oklahoma, sur son trajet vers les ports de Houston et Port Arthur au Texas. Il exposerait le cœur de notre pays aux sortes de ruptures et d’épanchements qui ont provoqué des désastres pas plus tard que l’année dernière   dans la Yellowstone River, la Mer du Nord et le golfe du Mexique.

Ces désastres se sont rappelés à moi il y a trois semaines, quand le gouvernement a donné un accord conditionnel au projet de Shell de forer dans l’Arctique. Au lieu d’aller au bout du monde pour sacrifier à notre addiction au pétrole, et de mettre en danger des eaux irremplaçables, l’habitat et même le pain des Américains, nous avons besoin d’investir dans les stratégies des énergies propres de demain. C’est la façon de remettre les Américains au travail, de développer les sources renouvelables d’énergie et de combustible, de construire les voitures, les maisons et les ateliers de la prochaine génération pour un usage efficace de l’énergie.

Le Président Obama a fait beaucoup pour la protection de la santé publique et de notre environnement. Il a encouragé les investissements dans l’énergie propre, les chemins de fer à grande vitesse et la réduction des émission de carbone qui réchauffent notre planète. Il a promu l’amélioration du rendement des appareils domestiques et industriels, ce qui nous économisera à tous des milliards de dollars chaque année. Et l’accord qu’il a obtenu cet été sur la consommation des véhicules réduira notre consommation de pétrole de rien moins que trois milliards de barils par jour d’ici à 2030.

Tout cela est positif et fort. Mais nous devons continuer d’avancer. Ce n’est pas le moment de nous détourner des progrès dont nous avons besoin. Je veux croire que le Président Obama sait toujours qu’il est important de protéger la propreté de l’air, de l’eau et des terres. Comme tant d’autres, j’attends de lui qu’il se batte pour tout cela. J’attends de lui qu’il se batte pour notre avenir. Mais nous ne pouvons pas attendre indéfiniment.

La supercherie de madame Kosciusko-Morizet (sur les gaz de schistes)

Vous lisez comme moi les journaux, ou vous écoutez sans doute les radios. Sentant monter une vraie grande colère nationale contre les gaz de schistes, madame Kosciusko-Morizet (ici) tente d’éteindre l’incendie, qui la menace directement. Car bien sûr, comment justifier une telle horreur quand on se prétend écologiste et qu’on entend – elle l’a dit et répété – devenir un jour présidente de la République ? C’est ce que j’appellerais une mission impossible.

La plupart des écologistes de cour et de salon adôôôrent madame Kosciusko-Morizet. Ils la trouvent belle, ils se trouvent beaux de la trouver belle. Ils rient avec elle sur les photos, vantent ses supposées qualités et ses soi-disant compétences. Fort bien. J’ai l’honneur de ne pas faire partie du club et de penser sans détour que madame Kosciusko-Morizet, secrétaire générale adjointe de l’UMP – vous imaginez ce que cela veut dire ? – est une politicienne ordinaire. Point barre.

Le moratoire, c’est du vent

Sur l’affaire des gaz de schistes, je n’ai hélas pas le temps de développer, mais je le ferai dès que possible. Il faut oser parler d’une supercherie. D’abord parce que le moratoire évoqué par madame Kosciusko-Morizet ne peut venir d’une parole, fût-elle ministérielle. Il faut une décision, écrite. Ce n’est pas le cas pour l’heure, et les propos de madame Kosciusko-Morizet ne sont donc, en tout cas pour le moment, que du vent. De l’air brassé sous le nez de journalistes complaisants. Mais il y a bien pire. Car madame Kosciusko-Morizet a également annoncé la création d’une mission d’expertise. Elle est bonne, elle est excellente, on nous a déjà fait le coup 1 000 fois.

Dans ce pays perclus qu’est la France, à qui diable peut-on confier pareille expertise ? Mais à des experts, pardi ! Seulement, ce travail technique hautement spécialisé est un monopole, tout simplement. Qui appartient à deux corps d’ingénieurs d’État, ceux que Pierre Bourdieu appelait fort justement la « noblesse d’État ». J’ai nommé le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), créé avant la Révolution française, et qu’on a longtemps appelé le Corps des Mines ; et puis le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), l’ancien corps des Ponts et Chaussées.

Derrière le programme électronucléaire

Pour aller très vite, ces deux corps trustent un nombre de postes de pouvoir ahurissant. Dans les ministères clés comme dans l’industrie. Le premier  a lié son histoire, depuis la guerre, avec le nucléaire, dont la bombe, et le pétrole. Ce sont les Mineurs qui ont arraché la décision de bâtir notre parc électronucléaire. C’est l’un d’entre eux, Pierre Guillaumat, qui a été le premier patron d’Elf-Aquitaine. À mon sens, ce corps pourrait bien être le pouvoir le plus considérable de notre pauvre République. Le corps des Ponts et Chaussées, de son côté, est derrière une infinité de destructions, dont le réseau routier et autoroutier, les ponts et rocades, les châteaux d’eau, les ronds-points.

Je vous le dis très calmement : ces gens tiennent le manche, mus, soutenus par un sentiment de toute-puissance lié à leur histoire pluricentenaire. Ils ont résisté aux guerres comme aux révolutions. Les ministres et les régimes passent, eux restent. Bien entendu, l’écologie n’a jamais été au programme de leurs écoles, entièrement au service de la technique et du pouvoir. Mais pour en revenir à notre sujet, quand un ministre crée une mission d’expertise, elle est fatalement confiée à ces braves serviteurs de l’intérêt commun. Madame Kosciusko-Morizet n’a pas dérogé à cette règle et sa mission sur les gaz de schistes est entre les mains du CGIET et du CGEDD. Or, le premier, bien plus encore que le second, est à la fois juge et partie. Car je vous en fais la confidence ici, et vous demande de la répéter partout où vous le pourrez : le moteur de cette folie globale appelée « gaz de schistes », en France du moins, c’est le corps des Mines, c’est le CGIET. On demande à ceux qui ont promu cette nouvelle aventure de nous expliquer les problèmes qu’elle poserait éventuellement. Au secours !

Croyez-vous que ce pauvre Borloo, signataire en mars 2010 des autorisations d’exploration, connaissait quoi que ce soit au sujet ? Évidemment, non. Mais les ingénieurs des Mines, oui. J’ai le pressentiment qu’ils veulent rééditer leur exploit du début des années 70, quand ils ont obtenu du régime pompidolien de l’époque le droit de semer partout des centrales nucléaires, ce qui a leur donné un surcroît de puissance sans égale. S’ils obtiennent satisfaction avec le gaz de schistes, ils offrent du même coup au pouvoir actuel un semblant d’indépendance énergétique, ce qui les rend intouchables pour longtemps.

On se doute bien que ces grands ingénieurs ont d’autres soucis en tête que le dérèglement climatique, non ? J’ajoute qu’une réforme passé inaperçue a créé en région les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (les Dreal), qui ont englouti la maigrelette administration de l’Écologie (les Diren) ainsi que les directions de l’Équipement. Dans ces nouvelles structures, ingénieurs des Mines et ingénieurs des Ponts et Chaussées font la loi, comme il se doit. Ce sont ces Dreal qui auront à gérer les dossiers concrets d’exploration des gaz de schistes.

Chez Total, Vallourec, Suez, et dans les ministères

À ceux qui pourraient croire que je fantasme, je conseille vivement de lire et de se renseigner. J’ai à peine commencé mon propre travail de mise à jour que je tombe déjà sur cette évidence : les ingénieurs des Mines sont partout dans ce dossier pourri. À la tête de Total et de Suez, bien sûr. Mais aussi chez Vallourec, qui produit les tubes destinés à l’exploitation du gaz. Et bien évidemment au ministère de l’énergie de ce cher monsieur Besson. Et bien évidemment au ministère de l’Écologie de cette chère madame Kosciusko-Morizet.

En résumé, nous avons affaire à un coup de force oligarchique. Je ne suis pas en train de parler d’un complot. Je suis aux antipodes de ces fumeuses visions. Ces gens ne se montrent pas sur la place publique, certes. Mais c’est de notre faute, et de notre faute seulement. Tout est à portée de main, et de critique : une infime minorité de puissants entend passer en force sur la question décisive de l’énergie. Comme en 1974 à propos du nucléaire. Cette fois-là, nous avons été battus à plate couture. Mais aujourd’hui, sur fond de crise climatique, nous n’avons plus le choix. Il faut gagner ce combat. Et donc, surtout, avant tout, ne pas se laisser manipuler par des personnages comme madame Kosciusko-Morizet ou MM. Borloo et Sarkozy.

En attendant des échéances qui se rapprochent à toute vitesse, on peut évidemment signer la pétition, et la faire tourner (http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci/). Ce n’est, toujours et encore, qu’un début.

PS : mon ami, mon cher ami François Veillerette, vice-président du Conseil régional de Picardie, a obtenu un vote remarquable que je vous laisse découvrir. François, des bises pour vous trois !

COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 4 février 2011

Gaz et pétrole de schiste : Le Conseil régional de Picardie décide d’interdire par tous les moyens l’exploitation sur son territoire

Lors de la session de ce matin 4 février, le Conseil régional de Picardie a voté à l’unanimité une délibération engageant la région à s’opposer par tous les moyens à l’exploitation des gaz et des pétroles de schiste sur le territoire. Porté par François Veillerette, vice président chargé de la santé et Christophe Porquier, vice président énergie-climat, ce vote confirme la position ferme et nette du Conseil régional à ce sujet.

C’est sans consultation avec les collectivités locales et encore moins avec la population que l’Etat par l’intermédiaire de son ministre de l’environnement de l’époque, Jean-Louis Borloo a accordé un permis d’exploration à la société Toréador Energy France SCS dans la région de Château-Thierry (Aisne). Ce permis délimite une surface de 779 km2 dans laquelle sont programmés 6 forages.

Ce type d’exploitation engendre de lourdes conséquences pour l’environnement et la santé publique. La technique utilisée pour extraire les gaz, ou, comme c’est le cas en Picardie, du pétrole de schiste, consiste à fracturer la roche à l’aide de millions de litres d’eau (il faut environ 20 000 m3 d’eau pour un seul puit) additionnés à un mélange de produits chimiques particulièrement toxiques.

Mercredi 2 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’environnement, a annoncé la création d’une mission chargée « d’évaluer les enjeux, et d’abord les enjeux environnementaux » de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes. En attendant le rapport de la mission en juin prochain, aucune autorisation de travaux ne sera donnée.

Ce réveil tardif de l’Etat confirme la nécessité qu’une réelle concertation publique soit menée.

C’est pourquoi, en  plus de sa décision d’interdire l’exploitation des gaz  et pétroles de schistes, la Région exige un moratoire sur la prospection de ces gaz et demande l’organisation d’un débat public et la réalisation d’études d’impact. Par ce biais, la région compte garantir la protection de la population et de l’environnement et lui apporter l’information nécessaire et faire valoir ainsi le principe constitutionnel de précaution.

François Veillerette
Vice-président chargé de l’agriculture, alimentation, santé

Et pourquoi pas Jean-Louis Borloo (Arrest him) ?

Et si on faisait un concours doté d’un prix véritable ? Et s’il s’agissait de tenter d’arrêter l’un de nos politiciens favoris ? Allez, je vous raconte : il existe en Grande-Bretagne un jeu qui fait fureur – au moins sur le Net – et qui s’appelle Arrest Blair (ici). Les règles en sont strictes. Évidemment, toute violence est proscrite. Pour gagner le quart du pot existant au moment où quelqu’un estime avoir réussi, il faut avoir essayé, symboliquement, une interpellation de Tony Blair, ancien Premier ministre, pour crimes contre la paix. Ce charmant homme a lancé son pays dans l’invasion de l’Irak en mentant, tel un arracheur de dents, sur l’existence d’armes de destruction massive dans l’arsenal de Saddam Hussein. Il faut également des témoignages et des traces écrites ou filmées dans la presse. Ce qui me semble assez juste. L’émulation est saine.

Moi, je crois que l’on s’amuserait bien en France si l’on savait faire de même avec quelques-uns de nos préférés. Je pense immédiatement à Jean-Louis Borloo, que les écologistes officiels et de salon ont propulsé sur la scène médiatique depuis le si funeste Grenelle de l’Environnement. Il en est bien d’autres, y compris des dames, mais Borloo me plaît décidément. Ministre de l’Écologie, officiellement en première ligne dans la lutte contre la crise climatique, il a signé le 1er mars 2010 des autorisations d’exploration en vue d’exploiter en France des gaz de schistes. Des dizaines de milliers de km2 sont concernés, et si les marchands, en cheville avec nos damnés politiques, parviennent à leurs fins, c’en sera fini, bien sûr de la loi de 2005 sur l’énergie. Laquelle prévoit de diviser par quatre au moins nos émissions de gaz à effet de serre.

Le triomphe des gaz de schistes, voulu et contresigné par Borloo, signifierait évidemment la fin de ces promesses qui n’engagent que ceux qui les croient. Et même la fin de toute négociation internationale, car si un pays riche comme la France augmente massivement ses émissions, tout autre pays se sentira autorisé à le faire. Je crois pouvoir écrire que la signature de Borloo qualifie un crime écologique. Et je suggère donc respectueusement à qui en aurait le temps et l’envie de se pencher sur la création d’un site Internet sur le modèle de nos amis british. Tiré du Blues parlé du syndicat, adapté de Woody Guthrie par Béranger : « Enfin ce que je vous en dis…Prenez-le comme vous voulez ! Mais faites-le ».