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Si tu vas à Copenhague (en passant par Rio*)

Il n’est pas trop tôt pour vous parler de Copenhague. La capitale du Danemark abritera en décembre prochain une conférence sur le climat que ses promoteurs présentent depuis des mois comme décisive. Il y a tant d’acteurs en jeu, dont l’intérêt bien compris est d’exploser d’enthousiasme à la sortie, que je serais bien étonné d’entendre autre chose au moment de la clôture. Le président Obama vient, vous le savez sans doute, d’arracher un vote devant la Chambre des Représentants, qui prévoit de réduire les émissions de gaz à effet de serre américaines de 17 % en 2020 par rapport au niveau de 2005 (ici). Encore faut-il un second vote par le Sénat.

On s’habitue à tout. À Kyoto, en 1997, l’administration Clinton avait accepté pour l’année 2012 une réduction de 7 % des gaz à effet de serre made in America par rapport aux chiffres de 1990. Le Sénat avait refusé de ratifier le traité par 95 voix contre…zéro. Et depuis 1990, sachez-le, l’Amérique augmente ses émissions d’environ 1 % par an. Il est donc manifeste qu’en cette année 2009, les États-Unis, par leur comportement irresponsable, ont aggravé la crise climatique dans des proportions importantes.

Mais voilà Obama-Zorro, enfin, qui propose donc de prendre comme année de référence 2005. Ah le rusé renard – zorro, en espagnol – que voilà ! Je n’ai pas calculé, mais à la louche, je dirais que, si les engagements américains sont tenus, on en reviendrait, vers 2020, à peu près au niveau de 1990 ! Encore bravo. Pour le reste, car il y a beaucoup de restes, je suis navré de vous dire que cela se présente bien mal. Est-ce étonnant ? Les émissions concentrent les contradictions de notre monde malade comme aucune autre question. La machine qui nous tue, qui nous fait mal – et tant plaisir -, cette machine a besoin de cracher au-dessus de nos têtes. Et les parapluies ou parasols ne servent plus de rien.

Une étude on ne peut plus récente (ici), qui a mêlé les efforts de  la Commission européenne, du Centre commun de recherche (CCR) et du Netherlands Environmental Assessment Agency, estime que les émissions mondiales ont augmenté de près de 4 % l’an, en moyenne, depuis 2002. Les émissions mondiales de CO2 seraient passées de 15,3 milliards de tonnes en 1970 à 22,5 milliards de tonnes en 1990 et à 31,5 milliards de tonnes en 2008. Voyez-vous cela ! Plus de 40 % d’augmentation depuis 1990, date retenue par le protocole de Kyoto pour commencer à réduire la voilure. 40 % !

Pour la toute première fois – cela devait bien arriver -, les émissions des pays du Sud dépassent celles du Nord. En pourcentage,  50,3 % contre 46,6 % et 3,2 % représentant les transports internationaux. Cela n’a guère de sens, compte tenu des incertitudes, mais je rappelle que des spécialistes sérieux clament qu’il faudrait réduire de 80 % au moins les émissions du Nord en trois ou quatre décennies. On y va droit, c’est indiscutable.

* Merde, je n’ai plus vingt ans. Le titre de ce papier cache une allusion toute bête à une chanson que j’écoutais lorsque j’avais sept ou huit ans – 1963, donc -, et qui s’appelle Si tu vas à Rio, par Dario Moreno. Le refrain dit : Si tu vas à Rio/N’oublie pas de monter là-haut/Dans un petit village/Caché sous les fleurs sauvages/Sur le versant d’un coteau. Deux petites choses : d’abord, mille excuses aux moins de cinquante ans, j’essaierai de ne pas recommencer. Ensuite, j’affirme haut et fort que Dario Moreno, qui faisait apparemment rire tout le monde, me faisait pleurer secrètement. Je ne dois pas être normal.

Et blablabla and so on and so forth (la taxe carbone)

Vous voyez bien que, chaque jour, je pourrais faire le même numéro. Je vous jure que je vais changer de sujet et parler dès la prochaine fois d’autre chose. Mais ce soir encore, le foutage de gueule à quoi nous nous condamnons – par notre incapacité collective – me monte au cerveau. Vous le savez comme moi, la taxe carbone, présentée il y a deux ans comme le cœur du Grenelle de l’Environnement, est repoussée aux Calendes grecques (ici).

Les calendes. Le mot pourrait remonter jusqu’aux si anciens Étrusques, ce qui expliquerait au passage la présence de la lettre k dans l’expression romaine Ad kalendas graecas. Les Romains, en effet, utilsaient peu de mots latins contenant la lettre k, à laquelle ils préférèrent vite le c. Et les rares qui en contiennent sont semble-t-il d’origine étrangère. Quoi qu’il en soit, les calendes correspondaient dans la Rome antique à un jour bien précis, celui qui ouvre chaque mois nouveau. Par exemple le premier de Maius ou d’Aprilis ou de September.

Le jour des calendes romaines, figurez-vous que les débiteurs de toute sorte devaient payer ce qu’ils devaient. Les dettes inscrites dans les calendaria – sortes de livres de comptes – devaient être honorées. Mais pourquoi parle-t-on aujourd’hui de calendes grecques ? Simplement pour la raison que la Grèce de Platon et de Socrate n’a jamais connu de calendes. Envoyer quoi que ce soit aux calendes grecques est donc le meilleur moyen de ne jamais payer ses dettes. Très exactement ce que fait le gouvernement de messieurs Sarkozy et Borloo en proposant un grotesque Livre blanc sur la taxe carbone, qui sera suivi de réunions d’experts et de « conférences de consensus » avant d’être examiné de près en 2011, à la veille d’élections présidentielles délicates. Tout cela est on ne peut plus crédible.

Comme est crédible la présence de Michel Rocard, ci-devant ponte socialiste, qui aura décidément tout raté, jusqu’à sa sortie. Quel (vague) souvenir gardera-t-on du vieux monsieur ? Probablement qu’il servit de paillasse à Mitterrand. Peut-être qu’il s’agita en vain pendant une trentaine d’années, avec quelques autres qui lui ressemblaient tant. C’est tout de même bien peu. Je ne sais si vous êtes au courant, mais monsieur Sarkozy a décidé de faire de Rocard un président. Si. Président du machin qui permettra de jeter aux oubliettes toute idée d’une vraie réforme écologique de la fiscalité. Et il a accepté. Lui, Rocard. Par Dieu ! La vieillesse est bel et bien un naufrage.

Ce qui se cache derrière le charbon chinois

Ce qui se passe en Chine est tellement incroyable que personne ne le croit. Et ce n’est pas plus compliqué que cela. Tenez, des scientifiques ont pu observer depuis un avion, à 10 000 mètres d’altitude, un gigantesque nuage fait d’ozone, de poussières et de suie qui courait depuis le sud de l’Allemagne jusqu’à la mer Méditerranée. Après de savantes analyses, ils ont conclu que l’ensemble venait de Chine (ici, en anglais). Les nuages de pollution made in China sont partout, de l’Amérique du Nord au Japon, en passant par l’Europe.

Si vous voulez avoir une idée de ce que l’industrie du charbon – 69 % de l’électricité chinoise en provient – provoque là-bas, je vous invite fortement à visiter ce diaporama interactif (ici). Je ne sais pas si c’est très répandu sur le Net, mais je dois vous dire que j’ai été soufflé par cette forme, que je ne connaissais pas. On répond à des questions, alors qu’apparaissent des photos, et une voix chinoise répond. On peut visiter un temple en compagnie d’un mineur. On peut descendre avec lui dans la mine. On peut demander à une dame qui ramasse des restes de charbon sur la route si les environs sont pollués. Et elle répond.

Pour ma part, je n’avais jamais vu de bidonvilles chinois en photos. Et vous ? Ils existent pourtant, probablement par centaines et milliers autour des mines de charbon. C’est insupportable, les mots sont impuissants. La Chine détruit un peu beaucoup le climat, poussé par nos modèles, nos valeurs, nos industries. Je vous signale un remarquable reportage de Pascale Nivelle, dans Libération de ce 1er avril 2009. La correspondante du journal à Pékin lève un voile sur les « prisons noires » du régime. Des milliers, peut-être des dizaines de milliers de personnes sont enfermées dans des prisons qui, officiellement, n’existent pas. Elles sont battues tant qu’elles ne retirent pas les plaintes déposées contre la corruption et les autorités, c’est-à-dire la même chose. Nivelle a suivi le cas de Sun Yuyuan, qui tentait de protester contre la direction d’une…mine de charbon.

Et le G20 se tient à Londres aujourd’hui. Commentaire du journal Le Monde, hier : « Face à un modèle américain en pleine déconfiture, Pékin veille à se présenter comme le “bon élève” de l’économie mondiale et met en avant ses efforts en matière de relance – le plan chinois est l’un des plus élevés au monde – ou de promotion des échanges : Pékin envoie dans les pays riches des délégations d’acheteurs, et s’efforce de soutenir les pays émergents qui seraient tentés par le protectionnisme, en leur offrant des garanties en cas de crise monétaire ».

Plus fou, tu meurs. Et c’est bien ce qui se passe.

Coup de gueule sur la crise climatique (contre tous ses négateurs)

Tout ce que je vais écrire là est amical, soyez-en sûrs. J’ai eu des échanges privés avec Hacène – lecteur régulier – sur le sujet du climat, qui m’opposent frontalement à lui, et je ne le considère pourtant pas comme un homme infréquentable. J’en serais resté là sans certains commentaires de mon dernier papier sur Allègre, qui m’ont conduit à réagir. J’espère ne vexer personne, mais dans le cas contraire, je crains de n’y rien pouvoir.

Je dois ajouter que ce rendez-vous ne deviendra pas un club de discussion sur la crise climatique. Libre à chacun de penser ce qu’il veut, de douter, de faire les pieds au mur. Mais ce blog est celui de la crise écologique, et je refuserai obstinément que s’y insinuent des mises en question du vaste dérèglement en cours. Il est bien d’autres lieux pour cela. Croyance ? s’interroge un commentaire à propos du climat. Il existe aujourd’hui en France des scientifiques qui n’ont pas digéré Darwin et demeurent lamarckiens. Il existe hélas des flopées de vrais croyants qui pensent que le monde a 6 000 ans au plus. Sur cette terre, on trouve tout ce qu’on veut, même ce qu’on ne veut pas.

Je ne suis pas scientifique, mais je regarde cette question du climat depuis près de 20 ans, avec sérieux. 20 ans, je le confirme. Et j’ai tout de même eu le temps de lire quantité de choses sur le sujet. Bien sûr, cela ne prouve strictement rien. Mais que l’on me fasse au moins le crédit que je n’écris pas n’importe quoi. Ce qui me frappe le plus, dans cette affaire, c’est la rapidité avec laquelle un consensus mondial s’est formé. À ma connaissance, c’est une première. Des milliers de scientifiques de presque tous les pays du monde sont tombés d’accord pour estimer qu’on assistait à un réchauffement planétaire du climat, qui prend souvent la forme d’un grand désordre, et que les activités industrielles de l’homme en étaient (presque) certainement responsables.

À côté de cela, une poignée – à l’échelle concernée – d’autres scientifiques se montrent sceptiques sur tel ou tel point. Peut-être ont-ils raison ici ou là. Le dérèglement n’est pas une vérité révélée, mais un événement jamais encore observé par les hommes au long de leur histoire. Il va de soi qu’au cours des vingt années passées, d’innombrables sottises ont pu être proférées et même écrites par des sommités. Et ce n’est pas fini !

La recherche, sur un sujet aussi extraordinaire que complexe, mène fatalement à des approximations, des erreurs, des impasses. Et alors ? Toute l’histoire des sciences est faite de ces sinuosités. Faut-il la jeter aux chiens ? En face de ces innombrables recherches, personne, je dis bien personne n’a été capable d’expliquer la détérioration stupéfiante du climat mondial. Oui, la banquise arctique fond de manière accélérée. Oui, des lacs de plusieurs kilomètres de long se forment au-dessus des glaciers du Groenland. Oui, le permafrost commence, dans certaines zones, à relâcher des gaz à effet de serre qu’il contient par milliards de tonnes. Oui, les océans peinent à jouer correctement leur rôle habituel de « puits de carbone », etc. J’écris etc, car je suis fatigué, figurez-vous. Le fait est que le cycle du carbone est bouleversé. Et comme il s’agit d’un composant de base de la vie, nul doute que les conséquences seront aux dimensions.

Quelles conséquences ? Mais nul ne le sait, pour sûr ! Il y a en effet tant d’incertitudes que la palette des opinions – des opinions – sur l’avenir de l’humanité est très largement ouverte. Et c’est ce moment dramatique de notre histoire commune que choisissent certains pour contester notamment les travaux du Giec, seul instrument à notre disposition dans le temps qui sera utile. Le Giec, je le rappelle, est le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat, mis en place en 1988. Je laisse de côté les négateurs purs et simples, dont j’ai dit tout le bien – voyez le cas Allègre – que j’en pensais ici. Mais bien d’autres, comme Hacène, perdent – à mes yeux en tout cas – un temps furieux sans avancer d’un millimètre.

Pour cause ! Il leur faudrait expliquer ce qui a fondé le consensus du Giec. Or, sauf à imaginer un délire conspirationniste, ces femmes et ces hommes qui travaillent pour nous n’ont pas signé un pacte avec le diable. Ils appartiennent à des centaines de labos différents, ne sont pas payés par les mêmes sources, souvent ne se connaissent même pas. Alors quoi ? Un complot ? De qui, pourquoi, comment ? Donnez au moins une réponse satisfaisante, nom de Dieu !

Tous ces scientifiques n’ont pas le cul vissé sur leurs chaises, à faire tourner des modèles mathématiques. Beaucoup sont sur le terrain, au plus près des phénomènes. J’ai signalé il y a des mois un livre que (presque) personne n’a lu. Le livre d’un grand journaliste scientifique, Fred Pearce (Points de rupture, Calmann-Lévy). Pearce n’est pas dans mon genre. Il ne s’enflamme pas. Et, sur le climat, il a longtemps été sceptique, contrairement à moi. Mais son livre est tout simplement remarquable. Je paie pour de vrai une bouteille de champagne à qui en fera une critique argumentée, d’un point de vue sceptique. Parce que, merde, il ne faut pas pousser.

L’un des personnages les plus souvent mis en avant par les négateurs du climat s’appelle Marcel Leroux, un climatologue français mort en 2008. Requiescat in pace. Certes. Mais enfin, lisons ensemble les inepties, dignes d’Allègre – les deux hommes s’appréciaient – que Leroux a déclarées en 2002 (ici) à un journal de la région lyonnaise. Lisons, s’il vous plaît (ici) :

Entreprises Rhône-Alpes : Le monde scientifique semble unanime sur le fait que la planète se réchauffe et sur les conséquences à venir : fonte des pôles, montée du niveau des océans…

Marcel Leroux : C’est un mensonge, un psittacisme (répétition mécanique de phrases entendues, sans que le sujet les comprenne), du “climatiquement correct”. Et même s’il arrivait, ce réchauffement serait plutôt un bienfait : il s’accompagnerait d’un plus grand confort de vie dans les régions froides, d’une diminution des budgets de chauffage, d’une plus grande clémence du temps et d’une extension des terres cultivables. Ainsi, dans les années 1930 à 1960, une élévation régionale de la température a permis aux forêts canadiennes et scandinaves de s’étendre vers le nord. Et au Sahel d’accroître la pluviométrie, permettant aux populations d’empiéter sur un Sahara devenu plus fertile (…) L’idée du réchauffement de la planète, elle, a été relancée après la grande sécheresse de 1988 aux Etats-Unis. Des lobbies (écologistes en particulier) en ont profité pour nous replonger dans la psychose climatique. De même, plus personne ne parle du trou dans l’ozone : on sait que c’était un mensonge. L’affaire avait été montée par DuPont de Nemours qui avait besoin d’accuser les CFC pour mieux vendre ses substituts. Tout cela me fait penser aux prédicateurs américains qui rendent l’Homme responsable de tous les maux de la Terre. Il y a dans ce mouvement une vraie dimension psychologique et sociologique. Mais aucune réalité scientifique.

Je ne commente pas. Je ne veux pas insulter des morts. Tel était Leroux. Des lobbies auraient relancé une psychose. Rien ne serait vrai dans cette crise. Pas même le trou dans la couche d’ozone, qui a pourtant doublé le nombre de cancers de la peau au Chili en dix ans (ici). Non, je me dois d’être honnête avec vous. Je considère la bagarre contre le dérèglement climatique comme l’engagement premier, essentiel, des écologistes. Et je ne suis pas là pour convaincre ou défaire les sceptiques. Il existe bien d’autres journaux, bien d’autres sites sur le Net, bien d’autres blogs aussi pour jouer le jeu de l’irresponsabilité. Ne comptez pas sur moi.

Claude Allègre récidiviste (mais que fout la police ?)

C’est le hasard, car je tenais ce papier sous le coude depuis quatre ou cinq jours. Vous y verrez, j’y vois en tout cas un hommage à la mémoire de mon ami Henri Pézerat, qui sera enterré aujourd’hui vendredi. Allègre est l’antithèse boursouflée de suffisance de ce que fut Henri. Allègre, qui a travaillé comme Henri à l’université de Jussieu (Paris), n’hésitait pas à dire en 2005 dans L’Express : « Je le dis et je le répète : à faible dose, la poussière d’amiante n’est sans doute pas plus dangereuse que la poussière de silice qu’on respire sur la plage ». Une étude de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) vient précisément de reconnaître qu’ « une révision de la réglementation actuelle est justifiée ». Il faudra, selon l’Afsset, « tenir compte des dangers avérés et potentiels des fibres fines et des fibres courtes de ce minéral, alors que seules les fibres longues sont prises en considération pour évaluer la pollution d’un lieu (ici) ».

La suite concerne Allègre, une nouvelle fois. Nul doute qu’il s’agit, malgré tout, d’un cas intéressant. Un homme qui nie à la fois la dangerosité de l’amiante et la réalité du réchauffement climatique est intéressant. À fortiori quand il est complaisamment présenté comme un grand scientifique. Et davantage encore si l’on ajoute que cet homme a été ministre d’un gouvernement de gauche il y a une poignée d’années et ami proche, y compris sur le plan intellectuel, d’un certain Lionel Jospin. Jospin, le grand espoir du changement. Le digne successeur de François Mitterrand.

Pardon de me copier sans vergogne, mais j’ai déjà écrit sur Allègre. Je tiens notamment à ce (très) long parallèle entre Tazieff et Allègre, qui résume parfaitement ma pensée sur le sujet (ici). Mais il y a deux autres articles qu’il m’est difficile de ne pas recommander, car je les ai écrits aussi. Oui da, moi (ici et ici). Si je vous embête encore avec ce sensationnel personnage, qui lorgne désormais sur un poste ministériel chez Sarkozy, c’est parce qu’il vient d’écrire un article dans le journal Le Point (ici).

Encore une fois, c’est prodigieux. Allègre devrait avoir une médaille pour chaque invention qu’il imagine. Mais la fabrique nationale suffirait-elle ? Je ne peux ni ne veux tout souligner. Vous savez lire comme moi. Un petit commentaire ne vous sera pourtant pas épargné. Notez ces deux phrases, et regardez-les ensuite de près : « La température moyenne des océans n’augmente plus depuis 2003. L’année 2008 aura été dans l’hémisphère Nord parmi les plus froides depuis dix ans et tout indique que l’année 2009 sera identique ».

Que dire qui ne soit aussitôt une retentissante injure publique ? Je ne confronte pas même à la réalité des faits et des études raisonnablement établies. Je laisse ce travail à d’autres, s’ils en ont envie. Non, je pense à la logique interne de ces mots. Ainsi de l’usage du présent indicatif pour signaler une impossibilité manifeste. Comment voulez-vous savoir que la « température moyenne » des océans n’aurait plus bougé depuis 2003 ? Seul Allègre est en mesure de tels miracles.

Autre point remarquable : l’année 2008. Là encore, restons-en à la logique interne. L’hémisphère nord aurait connu une année « parmi les plus froides depuis dix ans » ? Si tel était le cas, que nous dirait-il ? Absolument rien. Le dérèglement climatique global s’accommoderait aisément d’un tel phénomène. Dans le même temps, Allègre ne dit rien de l’hémisphère sud, qui pourrait modifier en profondeur la donne. Autrement dit, son propos est dépourvu de sens. Mais le pompon est dans les derniers mots : « tout indique que l’année 2009 sera identique ». N’oublions pas que l’auteur est un scientifique. S’il dit tout, ce doit être tout. Donc, tout dirait que l’année météo, avant même de s’être déroulée, sera identique à la précédente.

On est là dans une extraordinaire démonstration. Allègre n’est plus, s’il l’a jamais été, dans la prévision. Mais dans la prédiction. Dans la divination. Demain, il ira à Delphes, consulter les oracles. Ou se fera tirer les cartes par madame Irma. L’esprit humain est grand, invincible, presque sans limites dans sa fantaisie. Cet homme a été ministre de la gauche sans que personne dans ce camp ne s’étonne de ses positions sur l’amiante et le climat, connues depuis près d’une quinzaine d’années. Cet homme sera peut-être, demain, ministre de la droite. Voilà qui me fait réfléchir à l’état de la pensée politique. Voilà qui me fait songer que nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

PS : Comment une seule et même terre peut-elle porter à la fois un Henri Pézerat et un Claude Allègre ? Voilà bien l’un des nombreux mystères que j’emporterai avec moi. Quand le moment sera venu. Je ne suis pas pressé, non pas.