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Les amitiés particulières de France Nature Environnement (Acte 4)

À DIFFUSER SANS MODÉRATION DANS TOUS LES RÉSEAUX

À propos de la forêt dans le monde (un scandale authentique)

Donc, France Nature Environnement (FNE) copine avec l’industrie du bois de manière à octroyer un label commercial, en France, aux monocultures de pins et de Douglas (voir l’article précédent). C’est lamentable, assurément, mais cela ne touche pas aux joyaux de notre Couronne planétaire. Au moins, du moins, les forêts tropicales et boréales ne sont pas concernées. Sauf que si. Elles le sont. Exactement de la même manière. Ou plutôt d’une façon beaucoup plus grave, avec la pleine, entière et consciente coopération de quelques responsables de FNE. Car ils sont au courant, pour l’essentiel, depuis longtemps. Comme je ne sais l’expliquer vraiment, je me contenterai provisoirement de dire qu’ils ont perdu la tête. Mais voici l’histoire.

Le label PEFC est international. Il délivre aussi des certificats de bonne conduite pour les forêts boréales et tropicales. Et cela donne des résultats inouïs. Avant de détailler, je dois nommer une fois encore Sébastien Genest, le président de FNE. Je ne lui cherche pas noise, je lui demande seulement d’assumer publiquement ses positions publiques. Et en voici une, de taille.

C’est lui – il est forestier – qui a poussé FNE à soutenir le label PEFC. Et il est aujourd’hui membre de son bureau international (ici). Regardez donc ces têtes satisfaites d’elles-mêmes, et ces titres ! Chairman, Vice Chairman, Board Member. Oh, il n’y a pas besoin de longues études pour comprendre comment marche un tel système. Quoi qu’il en soit, Sébastien Genest est au bureau international, où il sert de caution mondiale à un label qui se situe pourtant aux antipodes de l’écologie. Et il est le seul ! Le SEUL ! Aucune autre association écologiste n’a osé apposer son nom au bas des tracts PEFC, ce qui est tout de même rassurant. Mais aussi très inquiétant. Au nom de quoi FNE, qui ne dispose d’aucune expertise, d’aucun relais, d’aucun engagement dans les pays-clés de la biodiversité, ose-t-elle parler au nom de tous ? Au nom de quoi ose-t-elle prétendre que le label PEFC est bon dans les lointaines contrées boréales et tropicales ? Ce serait farce, en d’autres circonstances.

Aux États-Unis, un autre label existe depuis des lustres, American Tree Farm System (ATFS). Comme il a le même but que PEFC – vendre du bois -, il était logique que les deux s’épaulent. De rapprochement en rapprochement, un accord est conclu en 2007, mais qui doit être avalisé par un audit rigoureux. Pensez, ces gens sont sérieux. Or donc, PEFC donne mission à un organisme indépendant, ITS, basé en Australie, de certifier le certificateur qu’est ATFS. Le choses deviennent alors passionnantes.

Car il s’agit d’une rencontre entre deux adversaires assumés de l’écologie. ATFS, le label américain, est de son côté sponsorisé par le géant de l’agochimie BASF ! Si vous voulez souffrir, allez voir comment les deux larrons accordent des récompenses ensemble (ici). C’est simplement effarant. Et quant à l’organisme indépendant censé garantir l’engagement d’ATFS, il s’agit de la société International Trade Strategies Pty Ltd, dont le propriétaire s’appelle Alan Oxley (ici).

Oxley ! Nous n’habitons pas en Australie, et c’est dommage, car cet homme y est connu là-bas pour ce qu’il est. Je vous résume. Oxley a été l’ambassadeur de l’Australie aux négociations du Gatt – l’ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – il y a plus d’une vingtaine d’années. Peu d’hommes de son pays auront fait davantage pour la mondialisation de l’économie, synonyme de destruction de la vie. Vraiment peu. Mais il faut ajouter qu’Oxley est un lobbyiste acharné au service de l’industrie transnationale et qu’il est éditorialiste d’un site internet très marqué à droite, TCS Daily (ici). J’ajoute que lorsqu’Oxley a commencé à y écrire, ce site était soutenu, entre autres, par l’entreprise pétrolière Exxon Mobil.

Et c’est logique, terriblement logique, car Oxley a été au cœur des manœuvres pour retarder la prise de conscience du dérèglement climatique en cours. Selon des sources dignes de foi, il ferait partie d’un groupe qui a tenté et tente probablement encore d’influencer les journaux et les décideurs en faveur du scepticisme climatique. En somme, il serait un Claude Allègre, rémunéré pour ses services, à la différence de l’autre.

Dans ces conditions, M. Oxley était-il l’homme désigné pour certifier que le bois labellisé ATFS est durable ? C’est en tout cas ce qu’il a fait. Le 7 août 2008, le label ami de BASF, adoubé par le lobbyiste Oxley, entrait dans la grande famille PEFC,  sous les applaudissements du bureau international dont fait partie Sébastien Genest, président de FNE.

Dingue ? Je vous laisse le soin de juger. Et m’apprête à clore cet éprouvant chapitre par un événement bien plus inouï encore. La Tasmanie, île proche de l’Australie, compte quelques forêts primaires parmi les plus belles du monde. Des arbres hauts de plus de 100 mètres et vieux de quatre siècles protègent un monde auquel nous devons tout. Le dernier des écologistes devrait être prêt à l’action la plus vive pour les préserver.

Des entreprises forestières se sont pourtant attaquées, ces dernières années, à cet héritage sacré. Après tronçonnage des arbres-cathédrales, passage d’hélicos et largage de napalm – comme au Vietnam – pour cramer les souches et laisser la place à des plantations d’eucalyptus à croissance rapide. Comme avec les Douglas du Morvan, napalm en moins. Pour que les bestioles qui auraient survécu ne puissent boulotter les tendres pousses d’eucalyptus, du poison neurotoxique a comme de juste été épandu autour des plants. Le tout pour fabriquer du papier. Du papier à chiottes, par exemple.

Et ce saccage dégueulasse a reçu le label PEFC. Oui. D’après The Wilderness Society, plus de 140 000 hectares de forêts primaires de Tasmanie auraient été convertis en plantations depuis 1997. Mais cette manière de tout détruire serait durable ! En Australie, l’affaire a fait un raffut du diable, à l’initiative de nombreuses véritables associations écologistes Si vous voulez en savoir plus, reportez-vous au copieux dossier réuni par les Amis de la Terre, impeccable en la circonstance (ici). Le gouvernement australien a promis 50 000 dollars pour aider PEFC à contrer la campagne écologiste de protestation. L’ambassade australienne à Paris assure que l’argent n’a pas été versé. Dans tous les cas, se rend-on bien compte, ici, de ce que cela signifie ?

Depuis 2007, la conversion des forêts primaires aurait pris fin, du moins à grande échelle. Car les coupes rases de forêts primaires continuent, suivies de « nettoyage » au napalm. La conversion en eucalyptus serait limitée à des blocs de dix hectares, lesquels peuvent évidemment, quand on les additionne, représenter des surfaces géantes. Le label PEFC ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Non pas. Le prochain objectif est d’une importance majeure, car il s’agit de la Malaisie, pays d’Asie du sud-est où subsistent, dans la partie malaisienne de Bornéo, d’exceptionnelles forêts primaires.

Mais il y a – elle n’est pas la seule, de loin ! – la compagnie Samling Global Limited, fondée en 1963 en Malaisie. Enregistrée aux Bermudes, son chiffre d’affaires approchait 400 millions de dollars en 2006. Elle exploite des concessions forestières en Malaisie, au Guyana – Amérique du Sud – et en Nouvelle-Zélande, sur environ 4 millions d’hectares. Comme je n’écris pas un livre, je ne peux détailler ici tous les conflits déclenchés cette compagnie avec les populations locales. Au Sarawak, les Penan chers au cœur du Suisse Bruno Manser – disparu dans de troubles circonstances – se battent contre la Samling depuis des décennies.

Un autre peuple de Bornéo, les Kenyah, sont mobilisés en ce moment même contre la compagnie. L’an passé,  les Kenyah ont dressé des barricades pour empêcher les camions de la Samling d’emporter des arbres de leur forêt du haut Sungai Sebua, du Sungai Jekitan et du Sungai Moh. Sur leurs dérisoires pancartes, on pouvait lire : « Samling, ne volez pas les richesses des terres des pauvres pour les donner aux riches de la ville ».

Je pense que cela suffit comme cela. La Samling est donc dirigée par de très braves gens. Lesquels ont obtenu en 2005 une certification forestière appelée Malaysian Timber Council Certi?cation (MTTC, ou Conseil malaisien de certi?cation du bois). Exactement comme les Américains d’ATFS. Restait, et reste au moment où j’écris, à réussir la dernière partie de l’opération, qui consiste à faire reconnaître le label malaisien MTTC par PEFC, ce joli machin cautionné par Sébastien Genest et FNE.

Car, je vous le rappelle, tout n’est que commercial et industriel. Si vous avez le label PEFC sur votre bois, fût-il celui des Kenyah, il pourra être vendu dans le monde entier. Et sinon, vous devrez trouver une autre combine. En ce début du mois de mars 2009, où en sommes-nous ? Selon mes informations, l’affaire avance à grand pas. Un processus de reconnaissance du label malaisien MTCC par PEFC est en cours. Au terme de ce « travail » (ici), la Samling devrait donc pouvoir disposer du sésame sur toutes ses grumes, le mot qui ouvre tous les marchés, PEFC. Bien entendu, toutes les associations écologistes malaisiennes dénoncent cette imposture. Mais que sont-elles, face à la clairvoyance de FNE ?

Oh, j’allais oublier. France Nature Environnement a bien de la chance. Oui, bien de la chance. Car dans la discrétion qui sied à ce genre de pratiques, le ministère de l’Agriculture français prend en charge le salaire de certains de ses chargés de mission. Au moins d’un, qui occupe une partie de ses journées à travailler sur le cas malais.

Dans ces conditions, je me permets de proposer à Sébastien Genest un débat contradictoire. Où il voudra. Quand il voudra. De la manière qui lui conviendra le mieux. Je ne poserai qu’une condition : venir accompagné de deux témoins. Et je suggère que nous discutions sans agressivité ni complaisance de cette certification PEFC. Moi en tout cas, je n’ai rien à redouter. Et l’enjeu concerne la totalité du mouvement écologiste. FNE, à mes yeux, doit se reprendre et quitter le bureau international de PEFC. Nous devons, tous ensemble, empêcher la certification en cours de l’entreprise Samling. Pour commencer. Pour recommencer.

Les amitiés particulières de France Nature Environnement (Acte 3)

 À FAIRE CIRCULER SANS MODÉRATION DANS LES RÉSEAUX

 À propos de la forêt en France

La forêt. Les arbres et leur puissance m’envoûtent. Et la vie qui s’y trouve. On comprendra mieux de la sorte les raisons de ma colère contre ceux qui pactisent. Contre ceux qui avalisent. Contre ceux qui labellisent. Un avertissement : ce texte sur l’écolabel forestier dit PEFC (Pan European Forest Certification) est long, et ressemble à un sentier dans une vraie forêt naturelle. J’espère que vous ne vous perdrez pas en route. Le pire, sachez-le en tout cas, est à la fin. La fin de la deuxième partie. Car il y a deux parties, oui. La France d’abord, le monde ensuite.

Et je commence. Moi, je suis fier d’être l’ami de Lucienne Haese, ma chère Lulu d’Autun. J’ai déjà parlé de cette femme d’exception (ici), qui défend les forêts, les vraies forêts du Morvan avec une vaillance qu’on n’imagine pas. Dans cette partie de la Bourgogne, les arbres feuillus qui sont l’âme morvandelle s’effacent devant les plantations. Des plantations de sapins de Douglas, essentiellement, bien que le nom de sapin soit impropre. C’est un conifère d’Amérique du Nord, introduit en France en 1842, et qui pousse vite, très vite, au-delà de 50 mètres de hauteur.

Cet arbre devait fatalement devenir un instrument du productivisme, et cela n’a pas manqué. Dans le Morvan,  les résineux représentaient déjà 23 % du peuplement forestier en 1970, à la suite de subventions massives. Et 40 % en 1988. Et plus de 50 % aujourd’hui. Au détriment de la chênaie-hêtraie, pardi. Pardonnez-moi de me citer : « Des grandes compagnies bancaires ou d’assurance – Axa, les Caisses d’épargne – paient des gens pour repérer les ventes de forêts, ou pour les susciter. Ainsi sont apparues des propriétés de centaines d’hectares d’un tenant, sur lesquelles passent d’infernales machines à déraciner les arbres tout en les découpant. Table rase ! Coupe à blanc ! Lulu m’a montré des photos : je ne croyais pas cela possible en France. Une déroute écologique ».

Et pourtant, la Bourgogne est considérée par les gens du label PEFC comme exemplaire. Je les cite : « La Bourgogne a été la première région française à être certifiée pour la qualité de sa politique forestière de gestion durable selon le référentiel PEFC ». Bien entendu, à l’exception d’une poignée de spécialistes, personne ne sait ce que signifie PEFC. Mais je vais vous l’expliquer en détail, faute de quoi rien ne sera compréhensible.

PEFC veut donc dire à l’origine Pan European Forest Certification, c’est-à-dire Certification forestière pan-européenne.Il s’agit d’un label commercial imaginé en 1999 par les industriels du bois de six pays : l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Norvège, la Suède et la Finlande. Il n’y a aucun mystère. Ces industriels, sentant le vent tourner et les esprits changer, ont réfléchi à la manière de changer l’image de marque de leurs produits. Et inventé un label « durable » systématiquement associé au bois qu’ils vendent. C’est de bonne guerre, c’est pure routine commerciale.

Mais que veut dire au juste ce label ? Comme on a vu, il permet d’assurer que les plantations de Douglas, malgré la dévastation, sont exploitées de manière « durable ». Dans la « forêt » des Landes, qui vient d’être fauchée par la tempête, c’est exactement la même chose. Avant la catastrophe, cette « forêt » s’étendait sur un million d’hectares, dont 90 % plantés en pins maritimes. Soit une gigantesque monoculture qui est à l’opposé de ce que l’écologie la plus élémentaire appelle une forêt. Sur le plan biologique, ce territoire se rapproche davantage du désert.

Et ? Et le « patron » local du label PEFC s’appelle Guillaume Grigaut, responsable du Comité interprofessionnel des bois d’Aquitaine (Ciba). Ce Ciba regroupe on s’en doute l’industrie. Et son but est de produire du bois aussi vite qu’il est possible, et au plus bas coût possible. Évidemment. Jetez donc un œil à cette présentation de la forêt par la Chambre d’agriculture des Landes. C’est saisissant (ici) ! Deux extraits. Le premier : « La productivité de cette forêt a fortement augmenté pour atteindre aujourd’hui 12 m3 par ha et par an contre 4 à 5 m3 il y a 25 ans. Cette évolution s’explique par le passage d’une forêt destinée au gemmage (récolte de la résine) à un peuplement pour l’industrie du bois . L’amélioration génétique avec des variétés à croissance plus rapide et à port plus droit a fortement contribué à cette évolution ». Le second : « Les densités de boisement sont de 1200 à 1600 arbres par ha pour atteindre à la coupe rase 250 arbres par ha contre 130 il y a 25 ans. Dans le même temps, la durée de coupe a été réduite de 70 à 40-50 ans aujourd’hui. Ce raccourcissement (…) optimise la courbe de croissance des arbres. La coupe rase peut permettre une récolte de 300 à 400 m3 par ha variable selon la conduite du peuplement ».

J’espère que cette belle « forêt » vous fait autant envie qu’à moi. En tout cas, telle est la réalité. Dans les Landes, l’industrie du bois augmente la productivité de ses coupes rases tout en disposant du label PEFC, et les deux fonctions logent sous la même casquette, celle de M. Grigaut. Cela n’est guère étonnant, car le cahier des charges du label, qui rappelle tant l’esprit de l’agriculture raisonnée – faux-nez de l’industrie de l’agriculture – consiste avant tout à respecter les lois en vigueur. Audacieux, n’est-ce pas ?

Mais regardons de plus près. On retrouve dans la plupart des cahiers des charges régionaux du label PEFC les mêmes mots, qui ne dissimulent pas grand chose. Exemple : il ne faut pas « exécuter de coupe rase sur une surface d’un seul tenant supérieure à 25 hectares, ou 10 ha dans le cas de pente supérieure à 30% ou de site à forte fréquentation touristique, sans notice analysant l’impact de la coupe sur le paysage, l’érosion des sols et l’équilibre de la récolte ». Admirez avec moi ! Jusqu’à 25 hectares, on peut tout arracher, et au-delà, rédiger une notice que personne ne lira jamais. On a déjà vu plus rude règlement.

Tout est à l’avenant, résumé dans cette formule-choc : le propriétaire doit « respecter, concernant son activité forestière, les lois et règlements, en particulier les dispositions du code forestier, du code de l’environnement, du code de l’urbanisme et du code du travail ». Ce qui autorise – et c’est écrit en toutes lettres d’un bout à l’autre de la France – à utiliser des pesticides en forêt, et bien entendu des engrais de synthèse, mais « de manière raisonnée ». En revanche, il faut s’abstenir de tout épandage le long des cours d’eau, sauf exception. En Bourgogne, on a même le droit d’extraire ou d’exploiter commercialement la tourbe ou la terre de bruyère. Mais attention les yeux, « après avoir pris garde à ne pas modifier la dynamique de l’écosystème ».

Comment obtient-on le sésame PEFC ? En adressant un chèque à l’organisme régional. Soit en général 10 euros plus 0,5 euro par hectare et par an. Donné. En échange, les propriétaires s’engagent comme des petits fous. Extrait de l’animation « Comment ça marche », réalisée par le label lui-même (ici) : « L’adhésion du propriétaire ne se limite pas à sa contribution. Elle est assortie d’un engagement à appliquer les recommandations de la politique régionale de qualité de la gestion forestière durable ». Le mot clé, selon moi, est recommandation. Un mot d’une douceur de rêve.

Finalement, à quoi sert donc ce label ? Le Centre régional de la propriété foncière (CRPF) Midi-Pyrénées (L’Écho des forêts n°38) répond sans état d’âme : « Enfin et surtout, l’argument est commercial, la certification est aujourd’hui un atout pour mieux vendre et exporter, mais, tre?s vite, demain, elle deviendra une ne?cessite? pour tout simplement vendre ». Essayez de pardonner ma longueur. Je la crois nécessaire pour comprendre ce qui se passe.

Place désormais à France Nature Environnement (FNE), ces écologistes officiels qui ont pris leurs quartiers au ministère. On aura compris que je ne vise donc pas les dizaines de milliers de bénévoles vaillants qui sont fédérés, bon gré mal gré, à ce conglomérat. Mais un groupe d’apparatchiks comme il naît dans toute institution humaine, aussi noble soit-elle au départ.

FNE est associée depuis le début, depuis 1999, à la certification forestière PEFC. Des représentants d’associations de terrain siègent ès qualité, dans les grandes régions, à des réunions sans autre but que de permettre à l’industrie de vendre. À mes yeux, FNE sert ainsi de caution à une opération commerciale ordinaire. On chercherait en vain – cela dure depuis dix ans, tout de même – la moindre évolution importante des propriétaires forestiers. Une plantation de Douglas, un champ dopé aux pesticides de pins maritimes seraient des forêts. Et pourraient mériter, aux yeux d’une grande confédération écologiste, un label durable. Eh bien, cela m’est insupportable. Simplement.

Dans une réunion interne de FNE, qui s’est tenue le 20 décembre 2008, on apprend des choses ahurissantes sur ce fameux label PEFC. D’abord, sur ses dimensions réelles, qui couvrent la bagatelle de 45% du volume de bois mis sur le marché. Près de la moitié du bois made in France  est donc certifié PEFC. Notre pays aurait basculé sans en avoir conscience dans une gestion exemplaire de ses forêts. Génial !

Génial, mais faux. Un propriétaire est contrôlé tous les dix ans en moyenne, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on n’est pas vilain avec lui. Lisez donc cet extrait du compte rendu de la réunion : « Un constat est fait dans les rapports de contrôles : la plupart du temps les observations sont notées en axes d’amélioration plutôt qu’en écart. Depuis la création de PEFC, il n’y a eu aucune exclusion ». Vous avez bien lu. Ce système est si parfait et ses membres si vertueux que pas une seule exclusion du label PEFC n’a été prononcée en dix ans. Et ce label couvre 35 % de la forêt française, tant publique que privée !

La vérité, comme si souvent, est ailleurs. Et c’est encore cette réunion de FNE qui la révèle en toutes lettres : « PEFC est informée que certains chantiers se passent dans des conditions douteuses. Mais c’est une limite du système : les ER manquent d’impartialité et d’indépendance pour traiter de manière satisfaisante ces non-conformités. Les mesures de correction ne sont pas suffisantes. PEFC France a conscience de la faiblesse des ER concernant les contrôles ». Rions tant qu’on le peut encore. Les ER sont les « entités régionales » de PEFC, ses antennes. Ainsi donc, faute d’indépendance, elles sont incapables d’évaluer la qualité des chantiers forestiers. Nous voilà dans la farce la plus totale qui soit. FNE donne son imprimatur à un label qui est distribué à qui passe dans la rue. Un label qu’il est impossible de perdre.

Il existe à ma connaissance un cas où cette étrange opération a connu un sérieux raté. J’espère qu’il en est d’autres, d’ailleurs. Dans la région du Nord-Pas-de-Calais, l’association Nord-Nature, qui représente FNE, a claqué la porte des réunions PEFC en 2004. Et rompu tout lien avec ce label. L’affaire n’a pas été ébruitée, mais elle est instructive, car l’écologiste sincère qui assistait aux réunions pour le compte de FNE n’a jamais pu se faire entendre sur des questions de base. Ni sur la biodiversité, ni sur la protection des milieux fragiles, ni sur la politique sylvicole, qui détermine pourtant bien des choses. Dans le Nord, oyez, les forestiers gèrent leur label en famille, à l’abri des regards. Depuis 2004, il existe au moins une région rebelle aux desiderata de Sébastien Genest. Mais qui le sait ?

Je m’arrête ici, mais il y a une suite, qui sera tragique. Car PEFC est un label international, soutenu d’un bout à l’autre de la terre par FNE. Seule. Je veux dire qu’aucune association écologiste, de quelque pays que ce soit, n’a jugé bon de siéger dans ce machin-là. Sauf FNE, qui n’a strictement aucune légitimité pour cela. Vous verrez dans le prochain épisode que FNE, qui ne sait rigoureusement rien de ce qui se passe dans les pays du Sud, accepte pourtant de cautionner les pires atteintes aux écosystèmes les plus essentiels de la planète. Vous avez encore le droit de douter. Attendez de voir les preuves, car elles existent.

Considérations sur l’imbécillité (en Espagne et ailleurs), bis repetita

Préambule qui n’a rien à voir ou presque : Henri Pézerat, mort le 16 février 2009, a été enterré hier par ses amis. À l’heure qu’il est – cela peut changer, je l’espère en tout cas -, aucun article de presse n’a rappelé son rôle proprement historique dans la bataille contre l’amiante. Nous verrons, mais j’y reviendrai. Et maintenant, sans transition, la suite.

Le texte qui suit n’est pas neuf, car il a été publié la première fois ici le 28 janvier 2008, il y a plus d’un an. Le relisant à la suite d’une recherche sur un autre sujet, je me suis dit qu’il méritait bien d’être remis en ligne ( un autre, complémentaire, ici). Souvenez-vous comme l’Espagne inspirait nos politiques de gauche, Ségolène Royal en tête, quand son économie de pacotille brillait encore de tous ses feux toxiques. Ou de droite, quand Aznar entendait détruire le fleuve qui a donné son nom à la péninsule ibérique – l’Ébre – et détourner ses eaux jusqu’aux plantations chimiques de tomates, loin au sud. Tout n’était donc que faux, tout n’était que carton-pâte. Mais il faudrait pourtant faire confiance à ceux qui prétendaient exactement l’inverse. Eh bien, si cela vous dit d’y croire encore, ne vous retournez pas pour voir si je suis là. Car j’ai déjà disparu.

Le 28 janvier 2008. Avouons que ce papier s’adresse d’abord à ceux qui croient encore dans la politique. Je veux dire la politique ancienne, celle qui émet les signaux que nous connaissons tous, celle de madame Royal, de monsieur Sarkozy. Celle venue en droite ligne de 200 ans d’histoire tourmentée.

On le sait, ou l’on finira par le savoir, je ne porte plus guère attention aux acteurs de ce jeu de rôles, mais je ne cherche pas à convaincre. Je ne fais qu’exprimer un point de vue. Et voici pour ce jour : j’aimerais vous parler d’Andrés Martínez de Azagra Paredes. Un Espagnol. Cet ingénieur, également professeur d’hydraulique, propose un néologisme : oasificación. Pour nous, Français, ce n’est pas très difficile à comprendre : il s’agit de créer des oasis. Martínez est un homme très inquiet de l’avenir de son pays, menacé par des phénomènes de désertification dont nous n’avons pas idée. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà, comme aurait dit Montaigne. Mais nous avons grand tort, en l’occurrence, de ne pas tendre l’oreille.

Martínez, en tout cas, a des solutions ( attention, en espagnol : ici). Cela consiste, sommairement résumé, à récupérer l’eau, de pluie surtout, et à restaurer un couvert végétal là où il a disparu. En mêlant savoirs ancestraux et technologies nouvelles. J’avoue ne pas en savoir bien plus. Est-ce efficace ? Peut-être.

Mais la vraie question est autre : l’Espagne devient un désert. Bien entendu, il est plus que probable que nous ne serons plus là pour admirer le résultat final. Le processus est pourtant en route (ici) : le tiers du pays est atteint par des formes sévères de désertification, et le climat comme la flore et la faune seront bientôt – à la noble échelle du temps écologique – africains. J’ai eu le bonheur, il n’y a guère, de me balader sur les flancs de la Sierra Nevada, cette montagne andalouse au-dessus de la mer. Je me dois de rappeler que nevada veut dire enneigée. De la neige, en ce mois de novembre 2005, il n’y en avait plus.

Pourquoi cette avancée spectaculaire du désert en Europe continentale ? Je ne me hasarderai pas dans les détails, mais de nombreux spécialistes pensent que le dérèglement climatique en cours frappe davantage l’Espagne que ses voisins. Et comme le climat se dégrade aussi en Afrique, notamment du nord, il va de soi que les humains qui ont tant de mal à survivre là-bas ont tendance à se déplacer plus au nord, au risque de leur vie quand ils tentent la traversée vers les Canaries ou le continent.

Et que fait le gouvernement socialiste en place ? Eh bien, avec un courage qui frise la témérité, il vient de décider la création d’un Plan national contre la désertification. Tremblez, agents de la dégradation écologique ! Je ne vous surprendrai pas en écrivant que les choix faits depuis 50 ans n’ont jamais qu’aggravé les choses. La surexploitation des ressources en eau, la déforestation, l’agriculture intensive et l’urbanisation sont les points les plus saillants d’une politique d’autant plus efficace qu’elle est évidente, et rassemble tous les courants qui se sont succédé au pouvoir.

Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Donc, Zapatero. Il me fait penser à DSK. Ou à Moscovici. Ou à Delanoé. Ou à tout autre, cela n’a pas la moindre importance. Il se vante donc de l’état de l’économie sous son règne, espérant bien remporter les élections générales du 9 mars prochain. Comme je m’en moque bien ! Car il y a tout de même un peu plus important. Certes, le socialistes locaux ont stoppé – pour combien de temps ? – le démentiel Plan hydrologique national de la droite, qui entendait détourner une partie des eaux de l’Èbre – fleuve du Nord qui a donné son nom à la péninsule – jusque vers l’extrême sud et les côtes touristiques.

Certes. Mais la soi-disant bonne santé du pays repose, pour l’essentiel, sur la construction. Qui n’est bien entendu que destruction. Jusqu’à la crise des subprimes, ces damnés crédits immobiliers américains, l’Espagne était considérée comme un modèle (ici) à suivre partout en Europe. Écoutez donc cette nouvelle chanson, dans la bouche de Patrick Artus, gourou financier bien connu : « La crise récente risque de montrer qu’il s’agissait de “faux modèles” à ne pas suivre. Que reste-t-il du dynamisme de ces pays, une fois enlevés l’expansion des services financiers et de la construction, qui y représentaient 50 % à 80 % des créations d’emplois ? ».

Zapatero est un grossier imbécile. Je vous le dis, vous pouvez le répéter. Imbécile, je pense que cela va de soi. Grossier, car dans le même temps que sa ministre de l’Environnement faisait semblant d’agir contre l’avancée du désert, on apprenait la teneur de quelques chiffres officiels. L’an passé – de juin 2006 à juin 2007 -, les mairies du littoral espagnol reconnaissaient l’existence de projets immobiliers plus nombreux que jamais. Soit 2 999 743 nouveaux logements, 202 250 lits dans l’hôtellerie, 316 terrains de golf et 112 installations portuaires avec 38 389 places neuves pour les jolis bateaux. Sans compter 90 cas de corruption établis, impliquant 350 responsables publics.

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (ici). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Ce qu’ils veulent faire du sorgho

Les – nombreux – ridicules et précieux se battent toujours pour connaître l’étymologie vraie du mot sorgho. Je dois vous avouer que je m’en fous. J’aime pourtant les mots, il m’arrive de me passionner pour leur origine, mais en ce cas d’espèce, franchement, je m’en fous.

Le sorgho est une plante alimentaire merveilleuse, voilà ce qui m’importe en ce début d’année 2009. Qu’on l’appelle gros mil, millet indien, blé égyptien, le sorgho est la cinquième céréale la plus cultivée au monde. Après le maïs, le riz, le blé, l’orge. Elle nourrit ou contribue à nourrir des centaines de millions de pauvres, notamment en Asie et en Afrique. Elle permet même, quand la vie est décidément trop dure, de faire de la bière ou de l’alcool. Ce n’est pas bien de se saouler, mais ça soulage, comme l’on sait.

Et j’en aurais bien besoin ce soir, croyez-moi. Je lis en effet de désastreuses informations. La première concerne Arvalis, qui est un institut au service de l’agriculture industrielle. Si le cœur vous en dit, allez donc lire leur sérénade consacrée au sorgho (ici). Extrait : « Si, dans le passé, les aides accordées aux oléo-protéagineux rendaient la culture de tournesol plus rentable que celle de sorgho, la nouvelle PAC devrait modifier la donne, et notamment dans les zones dans lesquelles les rendements en tournesol sont limités (…) Nous nous réjouissons à ce titre que le ministère de l’ agriculture ait placé le sorgho dans la même famille de culture que le maïs  – et non dans celle du blé dur comme cela avait été envisagé initialement – dans le cadre des BCAE III qui concernent la diversité des assolements ».

Ce qu’il faut retenir est simple : les braves gens qui ont changé l’agriculture en un vaste désert gorgé de pesticides viennent de trouver une nouvelle manne : le sorgho. Soyez certains que cela ne s’arrêtera pas en si mauvais chemin. Deuxième nouvelle qui en dit un peu plus encore sur l’état d’immoralité – faudra-t-il bientôt parler d’amoralité ? – de tant de chercheurs. Une palanquée de « savants » vient de publier une étude sur le séquençage du sorgho (ici, mais en anglais).

L’un de ces foutriquets, une femme appelée Anna Palmisano, directrice associée au département de l’Énergie américain, a notamment déclaré à l’agence Reuters : « Le sorgho est un excellent candidat pour la production de biocarburants, avec sa capacité à supporter la sécheresse et à prospérer sur des terres plus marginales (…)  Le génome entièrement séquencé sera un outil indispensable pour les chercheurs qui veulent développer des variétés de plantes permettant de maximiser ces bénéfices ».

Maximiser ces bénéfices. N’est-elle pas belle, cette vie où des biologistes moléculaires, grassement payés, étudient en labo le génome de ce qui nourrit des peuples entiers ? N’est-il pas beau, ce monde où leurs nobles études, financées pour partie au moins par l’industrie, concluent qu’on peut changer en carburant automobile ce qui devrait remplir l’estomac des humains ?

L’association Oxfam vient de publier en langue française un rapport intitulé : « Un milliard de personnes ont faim » (ici). Je pense, avec Prévert, à « ceux qui soufflent vides les bouteilles que d’autres boiront pleines ». À tous ceux qui « ont le pain quotidien relativement hebdomadaire ». Je n’aime pas, je n’aime plus la violence. Mais parfois, oui, je l’avoue, elle me manque.

Une information anodine (sur Publicis et Google)

Avant que de clore le long et pesant chapitre Badinter, cette info, qu’une amie a dégottée pour moi. Je la trouve très jolie, d’autant qu’elle se passe de commentaire (ici).

Google et Publicis main dans la main dans la pub en ligne

La rédaction, publié le 23 janvier 2008
Google et Publicis, quatrième groupe de publicité au monde, ont décidé de coopérer sur le marché du marketing en ligne. Ce partenariat a été annoncé le 22 janvier lors d’une rencontre avec la presse, à Paris. Pour l’occasion, le patron de Google Eric Schmidt, s’était déplacé pour rencontrer Maurice Lévy, le président de Publicis.

Très peu de détails ont été dévoilés sur la nature de cette coopération. Selon Reuters, les deux partenaires se sont contenté d’indiquer que Google apportera son savoir-faire technologique – comprendre ses solutions d’enchères sur mots-clés -, tandis que Publicis fournira « son expertise en matière d’analyse et de media planning ».

Selon le site Cercle Finances, qui cite des sources proches du dossier, le moteur de recherche va détacher une équipe qui sera chargé exclusivement de travailler avec Publicis. Eric Schmidt a révélé qu’environ 80 % des revenus de Google en Europe proviennent de l’achat de mots clé par des groupes de publicité, indique les Echos.

Les deux sociétés travaillent sur ce dossier depuis plus d’un an. L’objectif est de « développer les activités de ses clients grâce à une meilleure utilisation d’internet, en envoyant le bon message au bon moment », a expliqué Maurice Lévy, selon Reuters.

Par La rédaction, ZDNet France