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Une réponse à Yves Bonnardel (sur les défenseurs du Loup)

Comme je manque toujours – péniblement – de temps, je m’étais dit que je ne devais pas répondre au commentaire d’Yves Bonnardel (voir l’original au bas de ce texte), publié ici à la suite de mon article titré La guerre aux bêtes (un été pourri). Bien m’en a pris, car cela a permis à nombre d’entre vous d’échanger, dans une clarté somme toute convenable. Mais en même temps, je ne souhaite pas laisser passer ce texte sans y ajouter quelques remarques. À l’avance, que l’on m’excuse pour le peu de temps que j’y consacre. Ce n’est certes pas par manque d’intérêt, ou de respect pour qui que ce soit. Chacun a ses obligations.

Yves Bonnardel, je ne vous connais pas, et je vois bien comme vos propos sont sincères. Mais comme vous n’y allez pas avec le dos de la cuiller pour pourfendre vos supposés adversaires – l’obscénité prêtée aux « écologistes » n’a rien d’une gentillesse -, je me permettrai moi aussi d’utiliser un ton plutôt dur. Il ne vous vise pas vous, Yves, mais les idées que vous défendez.

Je déteste la souffrance, la violence et la mort. J’ai fait souffrir, j’ai utilisé la violence, et parfois l’extrême violence, je me sens capable d’infliger la mort. Hum. Je suis peut-être bien un salopard accompli. C’est possible. On ne se connaît pas soi même.

La vie reste un mystère total, malgré les apparences d’explication imaginées par les hommes depuis des dizaines, peut-être des centaines de milliers d’années. Je reconnais que nos cerveaux sont fertiles, inventifs, ingénieux, parfois même – dans les limites imposées – géniaux. Mais enfin, soyons honnêtes au moins cette fois : à chaque fois que l’on prétend faire reculer la question en inventant une réponse, une autre interrogation surgit sans prévenir. C’était vrai au temps de Socrate, et cela le demeure sous le ciel des astrophysiciens.

Ce monde est régi par des règles qui, même si elles nous échappent au fond, marquent nos faibles esprits. Il n’est pas drôle pour une âme noble – et je suis certain, sans nul jeu, que vous êtes, Yves Bonnardel, une âme noble – de constater l’évidence que la mort nourrit la vie. Pour ce que l’on sait, le temps géologique – appelons cela, faute de mieux, l’Évolution – a créé, éliminé, sélectionné des millions  d’espèces de formes vivantes. Nous ne considérons guère que les animaux, très vraisemblablement parce qu’ils évoquent, fût-de de loin, ce que nous sommes. Les végétaux, avouez-le sans honte, tout le monde s’en moque.

Demain ou dans 10 000 ans – c’est la même chose, non ? -, d’autres humains que nous auront peut-être une vision élargie de ce qu’est réellement le vivant. La perception des arbres, pour ne prendre qu’un exemple, a considérablement changé en une cinquantaine d’années. On sait, bien que cela nous dépasse, qu’ils se parlent. Par exemple. Que ne saura-t-on demain à leur sujet ? Ou à propos des herbes de la prairie, que dévorent vos chèvres avec appétit ? Ou des champignons et lichens ? Ou des pierres elles-mêmes,  qui nous semblent mortes ?

Je note, et nul ne peut raisonnablement s’écarter du constat, que des animaux sont des carnivores. Ils consomment de la chair. Ils ont appris ainsi, sans qu’apparemment on leur ait demandé, et la totalité de leur organisation interne est liée à ces besoins. Car ce sont des besoins, et non des désirs. Ou si ? Renonceraient-ils à la viande, sur quelque étrange impulsion, qu’ils mourraient fatalement, après – qui sait ? – d’horribles souffrances. Leurs éventuels petits également.

D’innombrables chaînes alimentaires – peut-être toutes, à bien réfléchir – sont nouées en fonction de l’existence d’espèces carnivores. Je n’hésiterai pas à écrire que si, par un douteux coup de baguette magique, les espèces carnivores disparaissaient, l’ensemble si extraordinaire que l’on a coutume d’appeler la Vie courrait des risques d’extinction. Je note en passant que les activités humaines aboutissent d’ailleurs à ce résultat.

Et je reprends. La Vie – et l’existence d’espèces carnivores – est-elle plaisante ? Pas seulement, il s’en faut de beaucoup. Pour en rester au sujet évoqué par Yves Bonnardel, je déteste penser aux escargots qui finissent dans la gueule du hérisson. Attention ! je ne dis pas cela par ironie. Je déteste. La pensée d’une brebis égorgée par un loup est une souffrance. Et je maudis aussi, au passage, les imbéciles qui s’en sont pris, dans ce coin du Sud que j’aime tant, à ce bout de forêt qui descend vers Saint-Jean. Et pas seulement, je le jure bien, par dépit esthétique. Mais parce que l’idée d’une tronçonneuse attaquant la chair vive d’un être plein de sève me dégoûte.

Le reste me sépare totalement d’Yves Bonnardel. Les positions qu’il défend me paraissent relever de ce que j’appellerai un délire culturaliste. Ou si l’on préfère anthropocentrique. L’Homme est à ce point tout-puissant qu’on attend de lui qu’il rebatte les cartes de la Création, qu’il redessine les contours d’un monde qu’il ne comprend pas, qu’il distribue les bons points à quelques Élus, et une malédiction éternelle à ces masses profuses qui ne suivent pas l’Enseignement. En résumé, ces conceptions donnent à la culture humaine – pour laquelle j’ai pour ma part beaucoup d’admiration et beaucoup de détestation – le droit et le devoir de se substituer à la Nature, qui aurait si gravement failli.

Nous ne sommes pas loin – je crois que la porte est grande ouverte  – du transhumanisme. Autrement dit, cette idéologie nauséabonde pour laquelle il faut « améliorer » l’Homme par une adjonction continuelle de colifichets technologiques.  Je ne dis pas qu’Yves Bonnardel est un transhumaniste (ici); j’affirme qu’il leur ouvre des voies d’accès. Et je me permets de dire que cet esprit de toute-puissance est au fondement de l’infamie industrielle, qui détruit sous nos yeux, un à un, tous les équilibres écosystémiques. Si l’on pense que la culture et la morale sont capables de refaire le monde en arrachant de la sorte ses racines – dont l’âge se chiffre en centaines de millions d’années -, c’est donc que tout est possible. Tout.

Je n’entends pas renoncer pour autant à me battre contre la cruauté, contre le mal fait aux animaux, contre la souffrance autant qu’il est possible. Car tel me paraît être le rôle d’un homme accompli sur cette Terre martyrisée :  utiliser sa morale, si petite et fragile qu’elle soit, de manière à faire reculer le Mal. Et si cela n’est que d’un millimètre, tant pis. Cette aune est la nôtre, celle de nos êtres passagers. Le millimètre est bien notre mesure réelle.

Un ultime point, et je m’adresse cette fois à Yves Bonnardel. À lui seul. Pourquoi ce désastreux besoin de disqualifier par avance, et avec des arguments qu’ils ne défendent pas, ceux que vous critiquez ? Vous avez bien le droit de ne pas aimer les loups, mais au nom de quel étrange dérèglement pouvez-vous juger que ceux qui les défendent défendraient de même « l’admiration des forts, l’oubli des faibles » ? Ce n’est pas seulement ridicule, c’est obscène, pour reprendre un mot de votre vocabulaire.

Et pourquoi diable renvoyer les mêmes défenseurs du Loup, comme un vulgaire Luc Ferry dans son affreux pamphlet (Le Nouvel Ordre Écologique), à la soumission au fascisme ? Les heures noires ? C’est simplement désolant.

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yves bonnardel | Bonjour,

Je me permets de vous faire entendre un autre son de cloche concernant la présence des loups. Un son de cloche non spéciste. Il y a huit mois, j’ai pris en charge 64 chèvres cachemire, justement pour les sauver : l’éleveur qui les avait auparavant en avait perdu 85 sur 170 en deux ans, massacrées par ces prédateurs tant admirés. Malheureusement, ces chèvres que j’ai reprises en urgence alors qu’elles se faisaient décimer tous les jours, étaient « pleines » et je me retrouve maintenant avec 93 chèvres et chevreaux à protéger (il va de soi qu’elles n’iront pas à l’abattoir, ni ne seront exploitées). Or, un couple de loups en provenance du Vercors vient de s’installer dans la région (je suis dans le Haut-Diois, limite Drôme provençale). J’ai beau passer un temps fou à essayer de faire des parcs électrifiés tout autour (des parcs qui font parfois plus de 5 km de long !), je sais que ça ne les découragera pas de venir attaquer les chèvres (et les autres : il y a aussi des cerfs, des chevreuils, etc.), de les pourchasser en les terrorisant, de les égorger et finalement de les massacrer les unes après les autres : les brebis de l’éleveur voisin se font ainsi décimer depuis un mois et demi à à peine un km de chez moi : plus d’une vingtaine ont déjà été tuées en si peu de temps (une fois, une dizaine d’un coup), les autres sont complètement traumatisées… La présence de chiens de défense de troupeaux hélas n’y change pas grand chose…

Bref, je me retrouve confronté au « problème du loup » de la même façon que les éleveurs, si ce n’est que, évidemment bien plus que eux, je me soucie du sort des victimes elles-mêmes : elles ne sont pas pour moi des sources de profit, mais sont des êtres sensibles (sentients) comme vous et moi et qui, comme vous et moi, souhaitent de toutes leurs forces jouir de leur vie le mieux possible et le plus longtemps possible. Je ne fais pas de différence spéciste à ce niveau-là entre elles et moi : nous tous voulons vivre, voulons éviter de vivre dans la peur constante, voulons éviter de perdre nos proches (nos petits, par exemple, ou notre mère), voulons éviter d’avoir à courir désespérément devant des animaux affamés dont les machoires ne pardonnent pas…
Oscar Horta a publié récemment un texte qui en dit long sur la peur qu’inspirent les loups à leurs proies, là où ceux-ci peuvent agir à leur guise : dans le parc de Yellowstone, aux USA, on a réintroduit des loups pour tenter de diminuer les populations de Wapitis (des sortes de chevreuils) qui, trop nombreux, mettaient en danger la reproduction d’une plante. Ça a très bien marché : la population de wapitis a diminué de moitié, non pas tant parce qu’ils se font manger (ce qui est aussi le cas) que parce qu’ils sont terrorisés et n’osent plus s’aventurer en espace découvert, s’alimentent de ce fait insuffisamment, et meurent en conséquence de maladies ou de malnutrition… On imagine la réalité qu’ils vivent au quotidien, pour « préférer » se laisser mourir de faim !!!
(cf. Oscar Horta, « Éthique de l’écologie de la peur versus paradigme antispéciste. Changer les objectifs des interventions dans la nature » : http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article422)

Je trouve que la façon dont les éleveurs se rapportent au problème de la présence des loups est obscène : l’élevage est un rackett sanguinaire qui s’exerce à l’encontre des bêtes élevées, et les éleveurs sont des assassins différés qui n’aiment évidemment pas la concurrence. En fin de compte, il ne s’agit rien moins que de rivalité entre prédateurs, les uns mangeant les proies que les autres comptaient sans scrupule amener à l’abattoir (encore que la plupart des éleveurs que je connais n’aient tout de même pas si bonne conscience que cela).

Mais, et c’est pour cela que je réagis à cet article, je trouve la réaction des écologistes, quoique fort différente, absolument aussi obscène.
Jamais la moindre empathie pour les victimes des ours, ou pour celles des loups. Ce qui compte pour les écolos, c’est l’ordre naturel, la beauté de la biodiversité quelle qu’elle soit, l’harmonie résultant de l’interdépendance (un mot dégoûtant pour signifier que certains massacrent les autres), bref, c’est une sorte de rapport esthétique au monde qui se moque de la triviale réalité vécue par les êtres terre à terre qui sont assimilés à « la nature » et qui vivent dans la crainte perpétuelle, dans la douleur de perdre leurs proches, dans la souffrance de la vie qui s’écoule par la gorge ouverte…
Ce qui compte aux yeux de tant de naturalistes, c’est que continue à s’exercer la prédation, ce symbole si fort de la « nature » (cf. « La prédation, symbole de la nature » : http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article104).
Ce qui compte, c’est de pouvoir continuer à admirer les prédateurs, c’est continuer à se projeter en eux, et non en leurs proies.

C’est vraiment un sale rapport au monde qui s’exprime là : l’admiration des forts, l’oubli des faibles, la vénération pour la totalité (« la nature ») sans considération pour ce qu’elle signifie « en vrai » (dans la réalité vécue) pour les êtres qui sont censés lui « appartenir »…

Ce rapport-là me rappelle les heures les plus sombres de notre histoire occidentale, quand c’est non pas « la nature », mais « la société » qui en était l’objet. C’est fondamentalement le même rapport qui continue de s’exprimer, et dont certains restent condamnés à faire les frais.

Mélenchon et le Pérou (une triste histoire si ordinaire)

Je ne sers que de relais à une information parue ailleurs, en l’occurrence Mediapart. Et je précise que je ne partage pas les illusions de son auteur. Ce dernier semble appartenir à cette gauche altermondialiste qui estime que, même quand il se trompe aussi gravement, Mélenchon fait partie du même espace politique et moral. Ce n’est évidemment pas mon cas, ainsi qu’en attestent plusieurs articles consacrés à ce monsieur. Pour être sincère, je ne me donne pas même le droit d’écrire sans détour ce que je pense de lui, car alors, on m’accuserait sans nul doute d’aller trop loin. Il est vrai que je vais fort loin, mais il vaut mieux que cela reste dans ma tête.

En tout cas, voici. C’est un texte militant, pour sûr. Mais il contient des faits qu’il est loisible à chacun d’explorer. Pour ce qui me concerne, j’en sais assez sur la famille Humala pour être bien certain que M.Mélenchon, adorateur de l’Amérique latine, plutôt d’une Amérique latine frelatée, fantasmée, reconfigurée pour les besoins de ses exhibitions françaises, continue sa route en direction du Grand Rien, son vrai destin.

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Mélenchon en Amérique Latine, Mélenchon citoyennement à côté de la plaque !

|  Par Antoine (Montpellier)

COMMUNIQUÉ : Mr Mélenchon et le Pérou

COMITÉ DE SOLIDARITÉ AVEC CAJAMARCA : LES DÉCLARATIONS DE JEAN-LUC MÉLENCHON SUR LE GOUVERNEMENT D’OLLANTA HUMALA

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Photo. Pérou : répression des opposants à la mine de Conga. 5 morts, Jean-Luc Mélenchon !

Le dimanche 14 juillet 2013, Jean-Luc Mélenchon, un des leaders du Parti de Gauche, était au Pérou où il s’est entretenu avec le président de la République péruvienne, Ollanta Humala. Cette visite cordiale d’une des figures de la gauche française a été relatée par Mr Mélenchon lui-même sur son blog et sur le site du Parti de Gauche. S’il fallait n’en retenir que quelques mots, elle se résumerait ainsi : « Ollanta Humala, le président du Pérou, fait vite et bien ce que le président d’un pays riche comme le nôtre se montre incapable de commencer ». [le texte de JL Mélenchon sur son blog]

Eloge du gouvernement péruvien d’un côté et critique au gouvernement français de l’autre, la manœuvre est simple et efficace. Problème : il semble que Mr Mélenchon ait été mal renseigné sur la politique menée par le président péruvien. Rappelons que « la création d’une retraite » évoquée par Mr Mélenchon est en fait un programme social « Pension 65 » – et non un système de retraite – qui, jusqu’à présent, n’est opérationnel que sur 5% du territoire et se trouve déjà entaché d’un scandale de corruption. La croissance n’est pas de six points mais de sept pour l’année 2012, largement soutenue par les exportations du secteur minier (60% des exportations nationales en 2012). Or, les principales régions d’extraction des matières premières coïncident encore et toujours avec les régions les plus pauvres du pays (Cajamarca en est l’exemple).
Ceci ne nous semble pas « être le chemin du développement humain ». L’est encore moins la violente répression s’exerçant dans le cadre des nombreux conflits sociaux agitant le pays. Selon un rapport de la CIDH : depuis 2011, année de l’arrivée d’Ollanta Humala au pouvoir, 24 manifestants ont été assassinés et 649 personnes ont été blessées par la police et l’armée, qui ont utilisé même des armes de guerre contre eux. Au Pérou, on ne se réjouit peut-être pas de l’existence des riches mais on en subit autant qu’ailleurs l’emprise, le peuple de Cajamarca dans sa lutte contre la multinationale Newmont-Buenaventura-Yanacocha en sait quelque chose : il y est le spectateur quotidien de l’acoquinement du gouvernement d’Humala avec le grand capital.
Le président Ollanta Humala perpétue la même politique et suit le même chemin que ses prédécesseurs Alberto Fujimori ou Alan Garcia, par ailleurs critiqués par Jean Luc Mélenchon, c’est-à-dire l’octroi sans limites de concessions et de droits à des sociétés multinationales dans l’extraction des ressources du pays et ce au détriment des industries et des populations locales. Actuellement plus de 50% du territoire péruvien est sous concession d’entreprises minières ou pétrolières, essentiellement des multinationales et dans leur majorité Nord-Américaines, c’est une étrange manière d’être indépendant quand on sait que la loi permet aux multinationales de louer les services de la police nationale.
Qu’un homme de gauche comme Mr Mélenchon se retrouve soudainement à soutenir un gouvernement de droite est suffisamment grave pour être dénoncé par les acteurs qui, depuis la France, travaillent activement pour dénoncer les dérives de la politique néolibérale de Mr Humala. Le Comité de Solidarité avec Cajamarca, formé il y a presque deux ans, en soutien à un des mouvements sociaux les plus importants en Amérique Latine actuellement (le mouvement du « No à Conga » né de l’opposition au mégaprojet minier Conga), se déclare préoccupé par cette utilisation politicienne que Mr Mélenchon fait de la politique péruvienne.
Cette manœuvre de désinformation des citoyens français et des militants du Parti de Gauche nous paraît d’autant plus scandaleuse que Mr Mélenchon peut difficilement nier que plusieurs tentatives de sensibilisation sur la situation péruvienne ont été menées par le Comité de Solidarité avec Cajamarca auprès du Parti de Gauche. D’ailleurs, des représentants parisiens du PG avaient participé à une mobilisation devant l’ambassade du Pérou l’an dernier pour dénoncer la répression du gouvernement ayant tout de même coûté la vie à cinq manifestants. Cependant et depuis lors, le Parti de Gauche s’est abstenu – à la différence des 23 organisations politiques, syndicales et sociales signataires du communiqué du premier juin 2013 adressé au président Humala  –  de toute participation aux actions ou communications publiques réalisées par le Comité. Ce silence, puis les dernières déclarations de Mr Mélenchon, laissent penser que l’intérêt de ce dernier pour le Pérou est des plus superficiels et ne vise qu’à une chose : multiplier les déclarations d’opposition envers le gouvernement français. Pire, Mr Mélenchon, loin de méconnaître le cas péruvien, le balaie d’un revers de main en faisant le jeu de la droite péruvienne et en délégitimant la lutte des peuples originaires qui défendent sans relâche leurs terres et une autre vision du développement humain depuis déjà presque deux ans. C’est le cas, entre autres, des Gardiens des lacs de la région de Cajamarca.
Le Comité de Solidarité avec Cajamarca invite Mr Mélenchon, mais aussi tous les militants du Parti de Gauche, à reconsidérer cette prise de position qui va à l’encontre du travail réalisé par le Comité et les organisations signataires et qui alimente des pratiques aussi condamnables que celle de la désinformation. Notre Comité et ses alliés redoubleront d’efforts pour surmonter tous les  obstacles  à cette tâche indispensable, à cet engagement solennel avec le peuple de Cajamarca dans sa lutte légitime que nous avons pris ensemble, au compte des intérêts finalement de l’ensemble des peuples du Pérou.
Non à l’imposition du projet minier Conga par l’État péruvien et la multinationale minière Newmont-Buenaventura-Yanacocha !

Non à la répression violente exercée par le gouvernement Humala !

Vive les Gardiens des lacs et le peuple de Cajamarca !

Conga No Va, ni ahora ni nunca !

Publié par CS Cajamarca

Le texte sur le site Solidarité Cajamarca

A lire aussi 

 Nous écrivions sur ce blog, il y a peu, les lignes ci-dessous à propos du soutien du PG à la politique de Rafael Correa en Equateur. Ces remarques s’appliquent au cas du Pérou et, de manière générale, interrogent l’absence de recul critique dont font preuve le PG et Jean-Luc Mélenchon vis-à-vis des « révolutions citoyennes » d’Amérique Latine. Le dérapage sur le Pérou illustre caricaturalement un travers qui « oublie » que des populations, loin du paradis démocratique évoqué, subissent parfois des répressions bien peu …citoyennes au coût parfois dramatique !

Un exemple d’unilatéralisme analytique : le PG et l’ Equateur 

Le Parti de Gauche développe un soutien sans faille à la politique de Rafael Correa. On pourra lire dans le « kit militant » équatorien qu’il a édité, à l’occasion de cette présidentielle, comment ce parti fait l’impasse, dans son analyse du processus politique de ce pays, sur les limites, voire les graves carences, que pointe Alberto Acosta. […]

En Equateur, comme d’ailleurs au Venezuela, le rôle des mouvements sociaux est borné par les structures politiques (assemblées mais aussi parti du pouvoir) qui cherchent à garder toujours l’ascendant sur ceux-ci dans une dialectique de mobilisation « avec les élus », « par les élus », dérivant en mobilisation « pour les élus », « pour le président » lesquels, bien entendu, incarnent univoquement l’intérêt du peuple. Circularité argumentative dont on n’est pas obligés de penser qu’elle est la quintessence d’une politique pour la rupture écosocialiste et d’une démocratie par et pour le peuple (pardon pour la redondance) !

La guerre aux bêtes (un été pourri)

Qu’il fasse beau, qu’il vente ou qu’il gèle, qu’il pleuve sur les plaines ou que les plages brûlent, cet été 2013 est évidemment pourri. Pour les bêtes, dont les hommes n’ont rien à faire. Les animaux dégustent, autant qu’hier, peut-être moins que demain, et nul ne se lève pour les défendre. A part vous ? Oui, à part vous. Mais cela ne sera pas suffisant.

Sus aux loups et aux louveteaux

Vous qui aimez ces êtres, pardonnez à l’avance ce qui suit, car les nouvelles ne sont pas fameuses. On commence par une lettre adressée au préfet des Alpes Maritimes le 2 juillet 2013 par six associations, dont la LPO, l’Aspas, Ferus, France Nature Environnement (FNE), qui demande des éclaircissements. Le 18 juin, dans le cadre d’un plan d’État scélérat, des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont buté une louve. Or elle était allaitante. Or elle allaitait probablement 5 louveteaux, qui ont fatalement rejoint, depuis, le vaste domaine où s’égaillent les loups assassinés.

Les associations suggèrent au préfet de décompter les cinq louveteaux sacrifiés du total des loups – 24 – que le plan Loup prévoit de tirer. J’espère qu’elles ne m’en voudront pas, mais je ne supporte pas que l’on prête la main, fût-ce d’une manière aussi indirecte, à la décision étatique de tuer des loups, dont je rappelle qu’ils sont officiellement protégés par la Convention internationale dite de Berne. J’ai déjà dit ou écrit quantité de fois que le retour du Loup en France, après 1992, posait des problèmes, et que toute solution passait par des compromis.

Je ne me suis jamais moqué des éleveurs, même si certains sont d’évidence de simples chasseurs de prime. Je suis pour le débat libre, mais de l’autre côté de la ligne de mire, il n’y a personne. La Confédération paysanne, en qui je plaçais des espoirs, se déshonore chaque jour un peu plus, qui réclame la peau du Loup chaque fois qu’un micro s’ouvre devant un responsable. Communiqué de la Conf’, en date du 22 mai, qui dénonce la : « pression insoutenable que produit la prolifération de l’espèce loup ». La biodiversité, c’est bon pour les peuplades. C’est bon pour les Africains, qui voient leurs cultures dévastées par des éléphants en mal de migration. C’est bon pour les paysans de l’Inde, dont plusieurs dizaines sont tués chaque année par les derniers tigres du pays. Pas pour nous, qui nous gorgeons de mots sans signification et de grandes envolées du haut des tribunes. Putain, comme les blablateurs me pèsent !

Le 9 juillet, on apprenait que le préfet du Var recherche des tueurs spécialisés de loups, en Amérique du Nord ou en Russie.

Ces si sympathiques paysans industriels

J’ai croisé Christian Pacteau par l’intermédiaire de Générations Futures, une association de combat contre les pesticides, et je savais son engagement en faveur des busards dans le Marais poitevin, notamment autour de la baie de l’Aiguillon. Ces oiseaux nichent à terre, dans des prairies ou des champs, et sans le concours des paysans, il est difficile de sauver nombre de poussins. Une lame de fauche utilisée au mauvais moment détruit évidemment un nid qui se trouve au sol. Bref. Christian, dans un mail adressé au réseau Busards au début de cet été  :  « Vous connaissez tous les hécatombes de prédateurs, notamment du Milan royal en raison de l’usage de la bromadiolone (…) Les agriculteurs de la Baie (…) ont décidé, sans jamais proposer de dialogue à la LPO, de refuser de collaborer à la protection des Busards, donc de refuser la localisation dans les champs et, puisqu’ils sont propriétaires des chemins de remembrements payés à 50% au moins par le Conseil Général, d’interdire leur usage aux stagiaires chargés de la surveillance (…) Ce n’était pas toujours facile, cela devient impossible
La nature n’est pas en sursis, sous nos yeux elle s’effondre »
.

Les loups et les busards ne sont pas seuls dans le collimateur. La Fédération des acteurs ruraux (FAR), lancée dans les Alpes en novembre 2010, veille. L’un de ses responsables, Joseph Jouffrey, est président de la Fédération départementale ovine (FDO) des Hautes-Alpes. Son genre à lui, c’est ça : « Alors que nous vivons en symbiose avec la nature nous voilà considérés comme des terroristes ». La faute au « néocolonialisme environnementaliste ». Mais ça devrait s’arranger dès que les loups et les ours auront été exterminés. Jouffrey ne dit pas ces derniers mots explicitement, mais je jure bien que l’esprit du monsieur n’est pas éloigné de la lettre.

Sur le site internet de la FAR, en ce triste été, on trouve cet extrait d’un article du quotidien régional Le Dauphiné Libéré, en date du 10 juillet : « Entre colère et inquiétude à Plan-de-Baix dans le Vercors drômois. Hier mardi, une vache laitière qui venait de vêler dans une prairie à quelques mètres du domicile d’un exploitant agricole, a été attaquée, vivante, par 150 vautours. “Ils ont tout mangé, ils sont même entrés à l’intérieur !” témoigne l’agriculteur. “Ces vautours doivent crever de faim ! Mais qu’allons-nous faire avec nos bêtes”… ? »

Et un autre, tiré d’un article du même journal, deux jours plus tôt, soit le 8 juillet. Nous ne sommes plus dans le Vercors, mais en Savoie : « Samedi, entre 13 h 30 et 14 heures, une génisse en pension au lieu-dit Fondorsol à Saint-Julien-Montdenis a été attaquée par une cinquantaine de vautours. Ces derniers ont réussi à l’isoler du reste du troupeau avant de se jeter sur l’animal âgé de deux ans. Des vététistes passant à proximité ont assisté à l’attaque, mais ils n’ont rien pu faire, à part prévenir les propriétaires se trouvant plus bas, en train de faire les foins. Ces derniers ont signalé l’attaque à la Direction départementale des territoires de Savoie ».

Les « déificateurs » du monstre

Et encore d’autres extraits, d’autres journaux, rapportant les mêmes histoires de vautours découpant, au rasoir de leur bec, vaches et veaux, en attendant les tendres bébés aux joues rondes, victimes toutes désignées des futures agapes. Une randonneuse de 53 ans, tombée en avril dans un ravin pyrénéen, n’a-t-elle pas aussitôt été dépecée par ces salopards ? Commentaire avisé de la FAR : « Les déificateurs de ce prédateurs tous comme l’administration qui les autorise a créer et entretenir une surpopulation de prédateurs sont responsable de ces attaques ». Je ne me suis pas permis de retoucher, car je tiens à ma peau de « déificateur ». Où l’on voit en tout cas que les vautours feraient bien de planquer leurs miches, car il s’agit comme il se doit de les éliminer.

Faut-il vous faire un dessin ? J’en doute. Les ennemis des bêtes retrouvent, intacte, leur haine du sauvage et de tout ce qui échappe à leur délétère emprise. Ils ne tarderont pas à planter les rapaces nocturnes sur leurs granges en polystyrène. Enfin, ils trouveront autre chose, car tout de même, ne sont-ils pas nos vrais « progressistes » ? Comment voulez-vous que les vautours, conformés par l’évolution pour être des charognards se mettent à tuer des animaux vivants ? C’est inepte, contraire aux connaissances de base, mais que s’en foutent les abrutis ? Il s’agit de montrer qu’on en a, n’est-ce pas ? Que l’on ne va pas se laisser emmerder par des écolos-des-villes et des animaux-des-champs. Qui commande la nature, dites-moi donc ?

En conséquence directe, ce n’est pas à ces dangereux crétins que je m’adresse, mais à vous. Le Vautour fauve, réintroduit à si grand-peine en France – je m’incline au passage devant la ténacité des frères Jean-François et Michel Terrasse – compte quelques centaines d’individus, et c’est de loin le plus nombreux dans nos ciels. Le Vautour moine, le Percnoptère, le Gypaète barbu – les trois autres espèces vivant en France – ont des effectifs dérisoires. Et il leur faut échapper aux lignes à haute tension, aux pesticides, aux chasseurs fous, beaucoup moins rares qu’eux. Vous trouverez au bas de cet article un commentaire avisé du grand naturaliste Roger Mathieu, auquel il n’y a rien à ajouter. Et poursuivons ce chemin de croix.

Un si joli terrier artificiel

Philippe Charlier – merci ! – m’envoie un compte-rendu de l’Assemblée générale de la Fédération des chasseurs de la Nièvre, qui date d’un an. Elle s’est en effet tenue le 5 mai 2012, mais le texte n’en a, semble-t-il, jamais été rendu public. On va donc y remédier, mais avant cela, sachez que le maire-adjoint de Nevers, Christophe Warnant, a ouvert cette belle séance sur des mots d’anthologie. Voici : « Nous faisons annuellement appel à vos services. Nous allons le faire prochainement pour éliminer les oiseaux qui sont en trop grand nombre dans cet espace urbain ». Bienvenue à Nevers, ville socialiste, et merci à Christophe Warnant, vaillant militant du parti au pouvoir.

Donc, cette assemblée générale. Intervention tout en beauté de madame Émilie Philippe, secrétaire de l’association Vénerie sous terre. Pour ceux qui ne connaissent pas ce délicieux passe-temps, je précise que la vénerie sous terre consiste à acculer dans leurs terriers des animaux comme le Blaireau ou le Renard, par exemple à l’aide de chiens entraînés. Puis de les sortir de force, par exemple à l’aide de pinces. Puis de les tuer. Puis de s’embrasser pleine bouche en essuyant le sang qui coule.

Ce jour d’assemblée, madame Émilie Philippe a besoin d’un coup de main. On ne parle pas assez des soucis et tracas des équipages de vénerie. Voyez-vous, et c’est madame Émilie Philippe qui parle, « nous recherchons une bonne âme, habitant à proximité, qui accueillerait un couple de renards ». Voilà qui est bien mystérieux si l’on ne connaît pas le reste. La suite : « Nous avons pour projet la mise en place d’un terrier artificiel, pour que toute personne qui le souhaite vienne entraîner ses chiens, c’est un outil qui manque cruellement ». Ces excellentes personnes font donc prisonnier un couple de renards, de manière que leurs chiens puissent les terroriser, dans un terrier artificiel, le temps d’un nécessaire apprentissage. En deux mois, conclut madame Émilie Philippe, « à deux équipages, nous avons déjà comptabilisé une centaine de renards ». Vous aurez probablement remarqué l’euphémisation de l’assassinat, qui devient par extraordinaire un simple acte comptable. Les vrais tueurs ont toujours trouvé des mots de remplacement pour décrire leurs activités.

Les tigres fantômes du parc Jim Corbett

Est-ce tout ? Encore deux bricoles. Le journal indien Down to Earth – ohé ! Laurent Fournier –  publie une enquête formidable et désastreuse sur le sort fait aux tigres sur le territoire du parc national Jim Corbett, le plus ancien du pays. C’est long, et en anglais (ici). Également en anglais, une chronique du grand journaliste britannique George Monbiot, que je ne lisais plus depuis un atroce papier sur le nucléaire qu’il avait commis. Je m’y remets, apparemment. Dans ce texte (ici), Monbiot constate cette évidence que les défenseurs de la nature ont très souvent baissé pavillon, et se contentent des miettes et confetti qui leurs sont concédés. Son titre : « The Naturalists Who Are Terrified of Nature ».

Enfin, un très remarquable effort de l’association Robin des Bois, qui lance un trimestriel consacré au « braconnage et la contrebande d’animaux » (lire-ici.pdf). Que vous dire d’autre ? Si même nous n’étions que dix à défendre nos frères les animaux, il faudrait encore se lever pour eux. Or nous sommes un peu plus, et cela ne se sait pas assez. Savez-vous ? Je vomis ces barbares, et leurs innombrables soutiens. Comme dirait l’autre, on ne lâche rien. Ni personne. Pas la moindre libellule. Pas le dernier des orvets. Pas un seul ver luisant. Nous avons raison, car la vie est un principe supérieur à la mort qu’ils répandent.

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Les explications du naturaliste Roger Mathieu sur les vautours :

Pour ceux qui veulent essayer de comprendre et ne pas mourir idiots, voici “comment ça marche” :

Pour se nourrir, la plupart des organismes vivants répondent à des stimuli. Concernant les vautours, le stimulus majeur est l’immobilité totale et prolongée d’un animal avec absence de réaction lors des manœuvres d’approche des oiseaux. Ce comportement est celui d’un cadavre. Un animal sain et en pleine possession des ses moyens laisse les vautours indifférents et n’a rien à craindre.

Entre ces deux scénarios classiques, Il existe des circonstances exceptionnelles qui leurrent les vautours et les incitent à se poser. Le comportement anormal d’un animal immobilisé, incapable de se mouvoir à l’approche des oiseaux et présentant des plaies importantes ou des saignements peut déclencher l’intervention des vautours. Ces stimuli se rencontrent, par exemple, à la suite d’une mise bas particulièrement difficile d’un animal allongé, isolé, et incapable de se mouvoir. Dans ces circonstances et en l’absence d’intervention humaine les vautours peuvent intervenir et entraîner la mort par hémorragie. S’agissant d’animaux domestiques, ces faits qui supposent l’accumulation de facteurs défavorables, sont rarissimes.

Un peu plus fréquents sont les interventions des vautours ante mortem sur des animaux couchés, incapable de se mouvoir, victimes de blessures graves ou d’une pathologie avancée ou aiguë ( entérotoxémie bovine par exemple). Dans ces cas, les vautours ne font qu’anticiper la mort d’animaux condamnés. Ces scénarios exceptionnels ne peuvent s’apparenter à des comportements de prédation. Le comportement de prédation  sous entend qu’il existe une volonté délibérée du prédateur de mettre à mort sa proie avant de la consommer ; le stimulus déclenchant la prédation est précisément le mouvement de la proie.

A l’inverse, dans le cas des vautours, le stimulus est l’immobilité absolue de l’animal cible (animal mort) ; les cas d’intervention ante mortem se produisent sur des animaux qui, par leur immobilisme et leur absence de réaction, leurrent les vautours, les incitent à consommer, entraînant la mort par hémorragie « sans intention de la donner ».

Roger Mathieu

Delphine Batho, comique de l’État

Cet article a paru dans l’hebdomadaire Charlie Hebdo, le 10 juillet 2013

La blague est goûteuse, mais il est temps de passer à la suite. Batho se foutait autant de l’écologie que son bon maître François Hollande. Ceux qui tiennent vraiment le secteur restent prudemment dans les coulisses.

Faudrait voir à pas trop déconner. Batho. Pauvre Batho, qui tombe à gauche, en martyr, prétendant avoir été la victime des lobbies industriels. C’est vrai, Hollande ne rêve que gaz de schiste, car il y voit le retour à la croissance. Et pour ce qu’on sait, ça frétille autour de l’Élysée et des industriels concernés, dont Philippe Crouzet, patron de Vallourec. Cette boîte fabrique des tubes sans soudure qui iraient très bien dans des puits de forage made in France. Et comme la tendre épouse de Crouzet est conseillère à l’Élysée, il était tentant pour Batho de sous-entendre un complot contre elle et l’écologie.

Selon les informations de Charlie, tout cela n’est que pipeau. Batho, très proche de Montebourg – grand défenseur du nucléaire et des gaz de schistes – aurait cru, selon l’un des principaux témoins du mélodrame, pouvoir renforcer sa position en poussant sa chansonnette, sans bien mesurer le risque.

Pour ceux qui croient à la pureté de la dame, un coup d’œil sur son itinéraire, archipoliticien. Élevée à la belle école de Julien Dray – à 19 ans, en 1992, elle est propulsée par lui à la vice-présidence de SOS Racisme -, elle se passionne depuis quinze ans pour la police, au point de devenir dès 2004 secrétaire nationale du PS en charge de la sécurité. L’expression « ordre juste », brandie en 2007 par Ségolène Royal, c’est elle. L’encadrement militaire des jeunes voleurs, aussi.

On ne peut raconter, faute de place, par quel micmac elle se retrouve ministre de l’Écologie en juin 2012, mais la chose certaine est que le sujet l’emmerde, d’autant qu’elle n’y connaît que dalle. De très nombreux témoignages la montrent, elle ou ses sous-fifres, incapables de préparer ou tenir telle ou telle réunion technique. Mais surtout, elle aura soutenu du début à la fin la ligne politique d’un gouvernement pour lequel l’écologie n’existe pas.

Prenons des exemples, ce sera plus clair. Comme ces gens s’en foutent, ils s’accrochent à ce qu’ils peuvent, comme la fameuse « transition énergétique », tarte à la crème des réunions interministérielles. Rappelons qu’il s’agit de préparer un monde où le charbon, le gaz, le pétrole laisseraient progressivement la place. En novembre 2012, quand il s’agit de trouver un « comité de pilotage du grand débat », Delphine Batho finit par y placer cinq membres. Deux venus du nucléaire – CEA, Areva -, deux autres dirigeant un Institut payé par Lafarge, Saint-Gobain, Total, Bayer, Vinci, etc., et un petit dernier qui mange dans la main des socialos.

Une Batho réellement courageuse aurait commencé par expliquer que l’administration centrale du ministère de l’Écologie est aux mains de la « noblesse d’État », pour reprendre le mot de Bourdieu. Les vraies orientations, les grandes décisions sont prises par le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts (IPEF), qui regroupe depuis 2009 les ingénieurs des ponts et chaussées – une institution née en 1716 – et les ingénieurs du génie rural, des eaux et des forêts (IGREF), dont les origines remontent lointaines remontent à Philippe Le Bel.

Les Ponts et le Génie rural sont les responsables directs des grands massacres écologiques perpétrés en France depuis deux siècles. Dont les barrages, les routes et autoroutes, les ports et aéroports, le remembrement, le maïs, l’arasement des talus boisés et des haies, la transformation de la forêt en objet industriel, le drainage des zones humides, sans oublier une partie notable du nucléaire.

Exemple entre cent autres, Christian Leyrit. Ingénieur des Ponts, il est le chef – on parle comme cela – du corps des Ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts, mais aussi vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui fait la pluie et le beau temps au ministère de l’Écologie. Le CGEDD est en effet chargé officiellement des audits, du conseil, des expertises, de l’inspection.

Le vrai pouvoir est donc là. Le père Leyrit est, depuis avril 2013, président de la Commission nationale du débat public (CNDP), pot de vaseline destiné à faire avaliser par un « public » présélectionné et préenregistré les aménagements les plus pourraves. Qui l’a nommé à ce poste de grand manipulateur ? Ben oui, la Batho.

Le Brésil a la tête pleine de merde

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 26 juin 2013

Le pays de Lula est devenu un repaire de beaufs et de bœufs, qui ne rêvent que de nucléaire, de barrages et d’avions de combat. L’écologiste Marina Silva sauve l’honneur et réclame un vrai changement.

Nul ne sait comment va tourner la mobilisation en cours au Brésil. Quand s’arrêteront les manifs ? Selon la version officielle, la merveilleuse croissance d’un pays devenu la septième « puissance économique mondiale » a créé des tensions, des contradictions, et de nouvelles exigences. Une partie des classes moyennes voudrait consommer davantage, à moindre prix. Le certain, c’est que derrière le rideau de scène se joue une tragédie.

Premier détour par Marina Silva, qui aura sa statue, aucun doute. Plus tard, quand elle aura été flinguée par des pistoleiros, cette joyeuse engeance au service du fric et des propriétaires terriens. En attendant, elle fait bien chier la présidente en titre, Dilma Roussef. Car Marina, longtemps membre du Parti des travailleurs (PT) de Lula et Roussef, n’a pas supporté la corruption massive de ses anciens copains et la destruction systématique des grands écosystèmes du pays, à commencer par les fleuves et la forêt amazonienne.

Ancienne très pauvre, proche du syndicaliste Chico Mendes, buté en 1988 par des tueurs à gage, elle est devenue écologiste, dans le genre sérieux, c’est-à-dire radical. Et populaire. Toute seule ou presque, elle a obtenu 19,33 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle du 16 mai 2010, contraignant Dilma Roussef, qui succédait à Lula, au ballottage. Ce qui ne s’oublie pas chez ces gens-là.

Si Marina Silva a tant cartonné, c’est parce qu’elle incarne une autre vision du Brésil. Ministre de l’Environnement de 2003 à 2008, elle s’est progressivement fâchée avec tous les apparatchiks du parti de Lula. Par exemple à propos du sort des Indiens, dont 500 ont été assassinés depuis 2003 selon les chiffres de l’Église catholique. Marina Silva n’a pas hésité à prendre position pour ceux qui s’opposent au barrage géant de Belo Monte sur le rio Xingu, en pleine Amazonie, dont le coût pourrait dépasser 20 milliards de dollars. Dans le Brésil d’aujourd’hui, c’est une déclaration de guerre à toutes les élites, à commencer par celles du Parti des travailleurs.

D’autant qu’elle s’oppose aussi au soja transgénique, dont les dizaines de millions d’hectares envahissent et trucident le cerrado, une savane d’une incroyable biodiversité, qui abriterait 160 000 espèces de plantes, de champignons et d’animaux. Selon les chiffres du gouvernement, la moitié du cerrado – environ 2 millions de km2 au total – aurait disparu en cinquante ans.

Pour faire bon poids, Silva critique aussi la transformation d’une part énorme de la canne à sucre en éthanol, un biocarburant destiné à la bagnole, et la déforestation de l’Amazonie, redevenue massive ces dernières années. On imagine la réaction des patrons, des bureaucrates et des politiques de toute couleur, qui misent tout sur le « développement », autre nom de la destruction.

On ne s’en rend pas compte en Europe, mais les rêves de grandeur de Lula et Dilma se paient au prix fort. Comme la Chine à une autre échelle, le Brésil dévaste ses territoires les plus beaux et bousille un à un ses équilibres les plus essentiels. Le maître-mot est : puissance. Dès 2008, le Brésil avait annoncé sa volonté de construire 60 centrales nucléaires au cours des cinquante prochaines années. Et de construire des dizaines de barrages sur les plus belles rivières du pays. Et d’exploiter au plus vite des gisements de pétrole off shore, au large de ses côtes. Et d’augmenter encore la production d’éthanol, qui représente déjà le quart de la consommation nationale de carburant.

Le Brésil est un pays devenu fou de son énergie et de ses réalisations. Et comme tout autre de sa taille, il entend désormais être un gendarme continental. En avril 2013, au moment du salon de l’armement de Rio de Janeiro, le gouvernement de Roussef a lancé cinq appels d’offres internationaux en vue d’acheter 15 milliards d’euros d’avions, de navires de guerre, de satellites. 15 milliards, à rapprocher des 11 milliards que pourraient coûter la coupe de foot des Confédérations – en cours – et le Mondial l’an prochain.

Le Brésil est un géant dont la tête est pleine de merde.