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Éva Joly reine du pompon (sur les tueries de Toulouse et Montauban)

Il y aurait certes beaucoup à dire sur les manières dont notre vieux pays s’est comporté face au tueur des gosses de Toulouse et des militaires. Je confirme qu’à l’occasion, on peut détester la France et ses mensonges, et ses calculs, et ses faux-semblants, et ses truqueurs, et ses profiteurs, et ses abjects profiteurs. Mais tel n’est pas l’objet de Planète sans visa. Je m’arrête donc ici, non sans décerner à la candidate écologiste, madame Éva Joly, la médaille de la phrase la plus conne – à mes yeux comme à mes oreilles – de l’année 2012, qui n’en est encore qu’à ses débuts, il est vrai.

Descendue avec ses petits camarades à Montauban, où l’on enterrait certaines victimes des massacres de ces derniers jours, madame Joly a osé ces mots : « Je suis ici pour manifester ma solidarité avec l’armée, les familles et toutes les victimes ». Vous avez bien lu : solidarité avec l’armée. C’est le pompon, c’est à cette échelle picrocholine insurpassable.  La définition de la notion de solidarité, tirée de Wikipédia, qui en vaut une autre : « La solidarité est un lien d’engagement et de dépendance réciproques entre des personnes ainsi tenues à l’endroit des autres, généralement des membres d’un même groupe liés par une communauté de destin ».

Aragon, avant de devenir la crapule stalinienne qu’il demeura le restant de sa vie, fut surréaliste. Qui le croirait ? Moi. Dans Traité du style, écrit en 1927, voici ce qu’il écrit, que j’adresse avec mes forces dérisoires à madame Joly et aux embedded qui mènent sa campagne :

« Je tiens pour un immonde abus ce droit que le gouvernement et la justice s’arrogent en France de nos jours d’interdire à ceux qui détestent l’armée le droit d’exprimer par écrit, avec les commentaires qui leur plaisent, le dégoût qu’ils ont d’une institution révoltante (…)  je dis ici que je ne porterai plus jamais l’uniforme français, la livrée qu’on m’a jetée  il y a onze ans sur les épaules, je ne serai plus le larbin des officiers, je refuse de saluer ces brutes et leurs insignes, leurs chapeaux de Gessler tricolores. Il paraît que (…) n’importe quel officier ou sous-officier, n’importe quel crétin payé pour marcher au pas, a désormais le droit de m’arrêter dans la rue. Ce n’était pas assez des agents. Et comme eux ils sont désormais assermentés. Ils ont, ces matières fécales, une parole qui fait loi. Ah l’agriculture ne manquera pas de vaches. Eh bien (…) j’ai bien l’honneur, chez moi, dans ce livre, à cette place, de dire que, très consciemment, je conchie l’armée française dans sa totalité. »

Cette tragédie grecque dont personne ne parle

Ce papier sur la Grèce, davantage que d’autres, nécessite un préambule. Autrement, on me tirerait dessus sans préavis, et je préfère, à tout prendre, être prévenu. Comme on verra si l’on me lit, cette précaution ne sera pas suffisante, mais tant pis, assez tergiversé. Mon préambule est que je suis d’accord pour accuser les banques et les banquiers, Goldman Sachs, les bureaucrates européens complices des politiciens véreux, le Pasok, la Nouvelle Démocratie, le pape de Rome, et j’en oublie par force. Oui, je suis d’accord.

Seulement, j’aimerais aussi me poser quelques questions que la bonne conscience de gauche – et d’extrême-gauche – oublie généreusement. Commençons par un chiffre épouvantable, celui des recettes touristiques de la Grèce. Elles représentent aujourd’hui entre 15 et 18 % du PIB. Oui, cette façon de calculer est ridicule, mais il n’y en a pas d’autre pour le moment. Le tourisme de masse est assurément le moteur principal de l’économie locale, et il se porte, figurez-vous, de mieux en mieux (lire ici). En 2011, année tragique pour le pays, les recettes du tourisme ont augmenté de 9,5 %.

Est-ce une bonne nouvelle ? Ben non, je ne crois pas. Un pays jadis fabuleux a vendu son cul et son soleil au reste de l’Europe, trucidant ses lieux les plus grandioses, ses plages les plus belles, ses îles les plus enchanteresses pour que des hordes de couillons souvent braillards viennent siroter sur place quelques verres d’un ouzo de basse qualité. On applaudit bien fort la patrie de Socrate et Platon, mais aussi de Diogène, d’Aristote et d’Épicure. Le progrès est évident au premier regard. Encore faut-il ajouter au tourisme de masse ce corollaire qu’est l’explosion immobilière, laquelle ne se conçoit pas sans des centaines de milliers – voire des millions – de participants.

La fièvre immobilière, autre nom du fric, a « augmenté » la richesse de la Grèce et de nombreux Grecs, au détriment sûr et certain de la nature, en particulier ces forêts méditerranéennes qui impressionnaient si fortement les hommes de l’Antiquité. Je me dois de rappeler que la Grèce n’a pas toujours été un vaste caillou blanc plongeant dans la mer. Il fut un temps, et ce temps a duré, où des forêts climaciques – l’état le plus stable, sans intervention humaine – formaient des ensembles biologiques d’une richesse que je ne reverrai plus. La spéculation immobilière, en association avec ce tourisme qui rapporte tant, a tout ravagé.

Autour d’Athènes, chaque année, chaque été, des incendies épouvantables réduisent chaque fois un peu plus les espaces naturels, déjà modifiés tant de fois par les activités humaines (lire ici). Des milliers d’hectares brûlent et rebrûlent, des dizaines de milliers d’habitants hagards s’enfuient, et le béton avance inexorablement. Dites, a-t-on le droit de dire aux Grecs qu’on ne les a pas beaucoup vus défendre leurs écosystèmes en flammes ? Le « développement », massivement soutenu par toutes les forces politiques grecques, du Laos – Laïkos Orthodoxos Synagermo, un parti fasciste – aux nombreuses formes communistes plus ou moins remaniées, a détruit le profond, et même l’essentiel.

C’est étrange, autant que révélateur. Tous ont accepté l’extrême démolition des équilibres de base de leur propre pays, et voilà donc qu’ils se lèvent contre une poignée de profiteurs. Lesquels existent, je l’ai écrit plus haut, et je n’y reviens pas. Au-delà, j’aimerais ajouter quelques lignes désagréables. Sur le papier, la crise grecque m’apparaît comme une chance fabuleuse, qui sera je le crains gâchée. Certes oui, il faut compter avec les 50 % de chômeurs chez les jeunes, ce qui est d’évidence un crime social. Mais au total, ce que je lis me porte à réfléchir. On parle de 20 % de baisse du niveau de vie. Un niveau de vie artificiellement augmenté par le tourisme, l’immobilier et toutes ces impudentes dépenses publiques que sont par exemple les autoroutes.

Tiens, les autoroutes. L’Europe envisage de refiler encore 12 milliards d’euros de fonds structurels non encore dépensés par la Grèce, qui iraient en priorité à la construction de nouvelles infrastructures autoroutières. Faut-il vraiment préciser ce que j’en pense ? Les centaines de milliards déjà accordés n’iront-ils pas, en priorité eux aussi, à des dépenses aliénées le jour où elles permettront aux Grecs de s’endetter de nouveau ? À des bagnoles, des téléphones portables, des télés d’un mètre de large, des MacDo, des jouets et de la bimbeloterie chinoise, etc ? Et en ce cas, de quoi donc les Grecs se plaignent-ils ? De ne plus se goinfrer autant qu’ils le souhaiteraient ?

20 % de baisse du niveau de vie : voilà l’illustration de ce qu’il FAUT obtenir dans toute l’Europe, au plus vite. Pas pour châtier de supposés dépensiers, mais bien pour enfin oser le vrai débat. De quoi avons-nous réellement besoin ? De quelle santé publique ? De quels logements, consommant quel type et quelle quantité d’énergie ? De quel système d’éducation pour nos enfants ? Le reste, pour l’essentiel, nous mène tous au gouffre. L’épisode grec, involontaire exemple de décroissance, serait un formidable étendard pour une révolution complète de nos manières de vivre et de consommer. Fabuleux, même ! Que l’on consacre enfin l’argent public à la restauration des écosystèmes ! Que l’on trouve le moyen – les moyens – de ne plus polluer du tout ces eaux qui sont notre vrai grand trésor ! Et je dis bien : ne plus polluer du tout. Le voilà, le changement de paradigme. Non plus épurer à grands frais, mais ne plus avoir à le faire serait un authentique progrès. Le  « bon progrès », que j’oppose après un mien ami, vieux paysan breton, au « mauvais progrès ». Ne serait-il pas temps d’offrir aux Grecs une authentique perspective, qui consisterait à rétablir partout des écosystèmes aussi fonctionnels qu’au temps de Périclès ?

L’argent est là, dans les poches de ces foutus banquiers et de leurs compères. Mais la volonté ? Je conclus : il est évident à beaucoup, dont je suis, que la France peut très bien connaître demain le sort de la Grèce. Alors les masques tomberont. Car qui donc – que chacun s’exprime sans détour -, défend chez nous des thèses réellement écologistes ? Exceptionnellement, je ne citerai pas de noms. Mais qui ?

Au sujet de madame Kosciusko-Morizet (et d’Yves Paccalet)

Me voilà empêtré dans mes propres proclamations. Quand j’ai commencé Planète sans visa, en août 2007, absurdement encouragé par mon cher Alban, j’ai commis une déclaration d’intention. Laquelle disait, au détour d’un paragraphe : « Ce site parlera donc de la crise écologique, à ma manière. Sans concessions, sans inutiles précautions, sans vain respect pour les hommes et les institutions qui ne le méritent pas. S’il doit avoir un sens, ce sera celui d’écrire librement ». Librement ! Madonne, pourquoi ce librement ? Je me sens depuis tenu, ce qui est un comble à propos de ce noble adverbe. Mais tant pis, c’est trop tard.

Je connais Yves Paccalet depuis une vingtaine d’années. Cet écrivain, naturaliste et voyageur, a accompagné Cousteau dans nombre de ses missions, et cosigné avec lui plusieurs livres. À partir de 1994, et pendant plusieurs années, j’ai fait avec lui ce que Terre Sauvage, magazine pour lequel nous travaillions, appelait des Sentiers Sauvages. Chaque mois, nous marchions sur des chemins, de traverse et de beauté le plus souvent, et nous racontions cela aux lecteurs. Yves réalisait un Carnet du naturaliste, à partir d’une longue balade, et moi je faisais trois autres marches en solitaire, dans la même région. C’était un bonheur incroyable, autant qu’insolent.

J’ai donc bien connu Yves Paccalet, et même si je suis loin d’avoir été d’accord avec lui sur tel ou tel événement de sa vie publique, je lui ai constamment conservé mon estime. Il est un écologiste, bien que conseiller régional Europe-Écologie. Il est un formidable amoureux de la nature, et un authentique pédagogue. À ces titres, il a beaucoup fait pour notre cause commune, ce qui suffirait comme éloge. Mais j’ajoute que ce que j’ai pu voir de l’homme privé me le rend proche. Sera-ce assez pour me faire pardonner ? Espérons toujours.

Je viens de lire un désastreux papier, par lui signé, sur le site du Nouvel Observateur (ici). Disons qu’il s’agit d’un hymne amoureux à l’endroit de madame Kosciusko-Morizet, ci-devant ministre de l’Écologie, devenue ces derniers jours porte-parole du candidat Sarkozy. Franchement ! Que dit Paccalet ? Qu’elle est intelligente, qualificatif répété à deux reprises dans un panégyrique qui reste court. Intelligente, et fine : ce deuxième terme se rapporte-t-il encore à l’esprit ou au corps ? Si je m’autorise cette question, c’est évidemment parce que Paccalet  provoque le doute, évoquant même les talons hauts de son idole. Je le cite : « Je l’avoue : j’aurais aimé (j’en ai l’âge, hélas !) avoir une fille de la stature de Nathalie Kosciusko-Morizet. Brillante polytechnicienne et subtile dialecticienne ».

Mazette ! elle lui a vraiment tapé dans l’œil. Cela, c’est bien son droit, après tout. Seulement, le dérapage est là, et bien là. Paccalet ne se rend apparemment pas compte de l’effet désastreux du rapprochement – lequel figure dans son texte – entre la Légion d’Honneur que lui a remise personnellement madame la porte-parole, et son jugement délirant. Commençons par la « preuve » d’intelligence de la dame, telle que rapportée par Paccalet. Je n’ai pour ma part vu que deux choses. Un, elle est polytechnicienne. Dieu du ciel ! quelle blague. Deux, « elle sait de quoi elle parle, et elle le formule avec conviction. Elle connaît ses sujets : climat, énergie, eau, pollutions, agriculture, OGM ou biodiversité ».  Ce qui est le minimum pour un responsable public semble donc à Paccalet un exploit intellectuel. Bah ! Le pire est que ce n’est même pas vrai. Elle connaît mieux les questions qu’un Borloo, qui s’en tapait ouvertement. Mais cela ne signifie pas qu’elle savait. Car, je vais vous dire, si elle « aurait su, elle aurait pas venu », pour reprendre l’expression du Petit Gibus. Si elle avait compris les enjeux de la crise écologique, elle n’aurait certes pas accepté de servir une telle politique.

Non, Yves, elle ne « connaissait » pas ses sujets. Mais continuons. Paccalet écrit sans hésiter cette énormité : « Elle incarna une droite sincèrement préoccupée d’éviter le désastre climatique, la pollution de l’air et des eaux, ou encore le saccage des forêts et des mers ». Mais où ? Mais quand ? Où sont les actes ? Où sont même les vraies paroles, celles qui engagent ? Et où sont donc les résultats ? Nous voilà entré dans le vaste domaine, mal éclairé, de la désinformation. Et ce n’est pas fini. Madame l’ancienne ministre de l’Écologie – Paccalet devient psy – défendrait désormais, depuis qu’elle est le porte-parole de Sarkozy, « des positions idéologiques et politiques qu’elle ne partage pas, voire qu’elle déteste ». Ce qu’elle doit souffrir, la malheureuse ! D’autant que la voilà « contrainte d’ânonner des textes de Claude Guéant tout juste démarqués de ceux du Front national…». C’est simplement ridicule. Madame Kosciusko-Morizet, victime d’un odieux guet-apens, serait obligée de répéter ce que ses geôliers l’obligent à dire. Mais que fait donc la police, Yves ?

En excellente logique, constatant à quelle point l’héroïne est une pure écologiste, Paccalet lui suggère de quitter l’UMP et de rejoindre Europe-Écologie, dont les rangs sont « accueillants ». Je manque peut-être d’humour, mais je prends le propos au premier degré. Et je me dis à moi-même : comment une telle confusion est-elle possible ? Ma réponse, sans m’attarder sur des considérations psychologisantes pourtant évidentes, c’est que ce texte d’amoureux transi renvoie à l’indigence du mouvement écologiste officiel. Politique, en la circonstance. Europe-Écologie ne se contente pas d’être dirigée par des apparatchiks définitifs comme Jean-Vincent Placé. Ce mouvement est aussi représenté, et massivement, par des gens capables de confondre en pleine lumière une paille et une poutre. Capable de propulser comme candidate à la présidentielle une femme – respectable, aucun doute – qui hésitait il y a seulement deux ans à rejoindre Bayrou, et qui apprend en ce moment deux phrases et trois mots d’écologie dans le dictionnaire. Non, il y a comme de l’abus.

Madame Kosciusko-Morizet est une banale politicienne. Obsédée par son image et sa carrière. En 2005, elle se laisse photographier dans son jardin de banlieue en robe légère, jouant de la harpe. En 2007, elle lance la grande entourloupe du Grenelle de l’Environnement, qui lui aura permis d’avancer ses pions et de crédibiliser la fable d’un Sarkozy écologiste. Hé, Yves, que reste-t-il de cette fameuse « révolution écologique » dont vous parliez tant à l’époque, toi et tes amis ? En 2008, elle censure sans état d’âme le livre pourtant achevé de son mari, intitulé : Où c kon va com ça ? J’ai raconté dans mon livre Qui a tué l’écologie ? cette scène surréelle où la ministre, en son ministère, reçoit l’éditeur de son époux, tournant les pages du manuscrit, et répétant en boucle : « ça, c’est subversif ! ça c’est subversif ! ». Entendez, bien entendu, gênant pour la carrière de l’épouse.

Je poursuis. Entre le printemps 2010 et novembre de la même année, date d’un remaniement ministériel, la belle amie de Paccalet aura visité tous les chefs militaires de la France. Pourquoi ? Parce qu’elle faisait le siège de Sarkozy en vue de devenir ministre de la Défense. Et pourquoi ? Mais évidemment pour la raison, qu’elle a exprimé en toutes lettres dans un livre, qu’elle vise la présidence de la République, en 2017 ou 2022. Un ministère régalien lui apparaissait comme le meilleur moyen d’avancer dans cette direction. L’écologie, Yves ? Mais elle s’en fout évidemment. Ce qui compte, et qui ne le voit en dehors de toi et quelques autres enivrés ? c’est sa seule personne. Voyons !

Ayant été bien long, je conclus rapidement. Elle vient donc de lâcher le ministère et défend en toute conscience les mots de son maître. Reconnaissons que, si elle avait dû dire le contraire, elle n’aurait pas hésité davantage. Sachez du moins qu’elle a laissé derrière elle ce qui ressemblera sous peu à des champs de ruine. Primo, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) est sur le point d’être supprimé, et sur ses ordres. Cet organisme créé en 1946, consultatif, mais où les vrais protecteurs de la nature pouvaient à l’occasion être majoritaires, va être fondu dans un grand machin-chose où les lobbies industriels, la FNSEA, les chasseurs et les services d’État seront très largement les plus nombreux. In memoriam.  Deuzio, l’Agence pour la maîtrise de l’énergie (Ademe) est en passe de se retrouver, par la magie d’un décret, sous la coupe des préfets de région. Si cela se produit, inutile de faire un dessin. Les énergies renouvelables et la lutte contre la gabegie énergétique, polope !

Ces deux régressions claires, sans appel, ont été préparées sous le règne « écologiste » de la polytechnicienne si chère au cœur d’Yves Paccalet. Je dois avouer pour ma part, insensible au charme de madame Kosciusko-Morizet, que je la tiens pour l’une des plus redoutables adversaires du combat écologiste. Le vrai, pas son simulacre.

L’avenir des routes, de Sébastien Genest et des écologistes officiels

Je vais essayer de me montrer pédagogue, et de ne pas insulter Sébastien Genest, qui d’ailleurs ne le mérite pas. Jadis, le 22 janvier 2009, j’ai écrit ici même un horrible papier intitulé : Chantal Jouanno se mariera-t-elle avec Sébastien Genest ? Et comme je ne suis qu’un voyou, malgré une sévère lettre d’engueulade de madame Genest, défendant avec force son mari, j’ai récidivé, moquant M.Genest dans le domaine où il a certaine compétence, les forêts. Si cela vous intéresse, vous pouvez taper le nom du monsieur dans le petit moteur de recherche interne à Planète sans visa, et vous trouverez aisément six ou sept articles du même tonneau.

Mais qui est Sébastien Genest ? Un forestier du Limousin. Un ancien forestier devenu président de France Nature Environnement (FNE), acteur majeur de la pantomime du Grenelle de l’Environnement, où des encravatés de l’écologie ont permis à monsieur Sarkozy de faire un grand show à sa manière, tout en trucs, astuces et manipulations. Tiens, au fait : qu’attendent donc FNE, le WWF, la fondation Hulot et Greenpeace pour reconnaître ce qui ne peut plus se discuter ? Pour admettre sans détour qu’ils ont trompé la société française en la faisant marcher dans les manigances du pouvoir ? N’étant tout de même pas totalement con, je sais bien que ces petites Seigneuries ne le feront pas, et d’autant moins qu’elles demeurent prêtes à rempiler.

Genest, excusez-moi. Il n’est plus président de FNE, mais vice-président. Je crois savoir que cet homme est sympathique. Si cela suffisait, la vie serait tout de même plus commode. Mais l’on sait que bien des décisions contestables et même dégueulasses ont été portées par des gens qui inspirent confiance et respirent de même. Je précise pour ceux qui ne connaissent pas que FNE unit selon ses comptes environ 3000 associations locales, fédérées au plan régional dans des structures comme Bretagne Vivante, Alsace Nature, Nord-Nature, la Frapna, etc. Je suis moi-même membre de Bretagne Vivante depuis 1987, et donc de FNE, que j’ai assassinée sans la moindre hésitation dans mon livre Qui a tué l’écologie ?. Et je suis prêt à recommencer, comme on va le voir, car je tiens la bande de bureaucrates qui tient FNE au sommet pour des capitulards de la crise écologique, qui jamais ne mordront la main qui les nourrit. L’État et les structures publiques financent autour de 70 % des activités de FNE. Ite missa est.

Genest, rebelote. Il émarge au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Non seulement lui, mais une dizaine d’écologistes estampillés par le trio Sarko-Borloo-Kosciusko-Morizet pour leur beau coup de main au moment du Grenelle de l’Environnement. Compter autour de 3 000 euros par mois. Je connais des gens, et nombre, qui sauteraient au plafond s’ils gagnaient autant. Genest siège et il est simplement fou de voir à quel point il se prend au sérieux. Plutôt, à quel point il prend au sérieux les intérêts de ses copains au pouvoir. J’en demeure scié. Allez donc regarder ce petit film, qui est un bijou de 6mn48 : c’est ici. On y voit un autre membre du CESE, Pierre-Jean Rozet, de la CGT, et notre ami. De quoi parlent-ils ? Du Schéma national d’infrastructures de transport (SNIT).  Qu’est donc ce SNIT ? Je cite un document officiel : « Il reflète une vision stratégique de l’évolution à long terme des infrastructures de transport en France. Il décrit donc le champ très large des possibilités sur les décennies à venir ».

Qui a élaboré ce texte officiel, cadre de notre avenir contraint ? Je vais lâcher une bombe, sans rire aucunement, car vous ne lirez ce qui suit nulle part : ceux qui ont planché prioritairement sur ce plan décisif sont des ingénieurs polytechniciens appartenant au grand corps féodal qu’on appelait jadis les Ponts et Chaussées. Ouille. Si cela ne vous dit rien, il n’est que temps d’apprendre. Cette « noblesse d’État », comme écrivait Pierre Bourdieu, a intégré en 2009 un autre corps très remarquable qui s’appelle les Ingénieurs du Génie Rural et des Eaux et Forêts (Igref). Le corps de madame Kosciusko-Morizet. Mais cela ne change rien au monopole qu’ont les Ponts sur les routes, autoroutes, ronds-points et autres gracieusetés.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’extrême malignité de ce système purement oligarchique, pour rester poli, allez donc lire cet article de Planète sans visa, et notamment ce qui concerne le rapport Bourdillon. Je gage que vous ne serez pas déçu. Quoi qu’il en soit, le SNIT a été élaboré par des spécialistes qui ne jurent depuis des lustres que par le lourd, l’infrastructure, et qui d’ailleurs reçoivent des rémunérations dites accessoires, liées au volume de travaux qu’ils conseillent avec tant de savoir-faire à l’État, sur budget public. En clair, ces gens, dépourvus de la moindre culture dans les si vastes domaines de l’écologie, ont personnellement intérêt à ce que le béton bétonne. C’est sain. C’est frais.

Mais alors – roulement de tonnerre -, que vient donc faire Genest l’écologiste fervent dans cette épouvantable galère ? Je vous pose la question. Le texte – qui reste un projet – du SNIT est une monstruosité technocratique. Une boursouflure au ton insupportable, digne réellement de la novlangue chère à mon vieil ami George (Orwell). Tout n’est qu’hymne au « développement », synonyme de saccage des milieux, des espaces, des espèces. C’est à chialer. Je cite, à propos de l’infâme projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : « Le tableau et la carte ci-après présentent les principaux projets qui doivent permettre d’optimiser l’utilisation du transport aérien et notamment de le recentrer sur son domaine de pertinence ». Oui, ils causent comme cela. Et ils veulent leur putain d’aéroport. Pour commencer.

Pour commencer, car tout est à l’avenant, foutredieu. Tout. Le plus incroyable est encore la partie consacrée aux routes et autoroutes nouvelles, que leur Grenelle de l’Environnement  devait empêcher à jamais. Leur Schéma prévoit 10 milliards et 340 millions d’euros de dépenses pour les « infrastructures routières ». Mais attention, quelle belle manière ! Il n’est plus question de favoriser la bagnole, bien entendu. Voyons, ne sommes-nous pas tous en faveur du « développement durable » ? Si l’on trace de nouvelles routes, c’est pour la cause humaine. Dans le texte à nouveau, les investissements seront « de sécurité : c’est évidemment un enjeu majeur de la politique routière de l’État »; « de désenclavement et d’équité territoriale, dans une optique sociale et économique »« de réduction de la congestion ». Aucun commentaire ne ferait le poids en face d’une telle inventivité.

J’ai encore paumé Genest, mais je le retrouve enfin. J’espère que vous avez eu le temps de regarder le petit film proposé plus haut. Il est certain, il me semble à moi indiscutable que Genest a franchi la ligne sans espoir de retour. Il est de leur côté. Il leur sert de caution, et d’alibi, et j’arrête là, car je me retrouverais autrement au tribunal pour injures. Il n’empêche que Genest parle exactement comme eux. Je le cite, lui : « Ce projet de SNIT a des avancées importantes, conséquentes, dans plusieurs domaines ». Au nom de quoi, au nom de quelle morale simple un homme comme lui peut seulement OSER sortir une telle énormité, alors qu’il est censé représenter 3 000 associations, dont nombre se battent ou se battront contre les projets lamentables de ce triste SNIT ? Je ne parviens pas à trouver la moindre réponse.

Le pire ? Oui, il y a un pire. Ce pauvre Genest est obligé de convenir que ce projet rend impossible les engagements pris par la France de diviser par quatre ou cinq ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Dans son inimitable jargon, cela donne : « L’inflexion reste insuffisante pour un projet à échéance de 25/30 ans, proche du terme de 2050 fixé pour atteindre le « facteur 4 » de réduction des émissions de GES ». Autrement dit, un ponte de FNE apporte son aval, moyennant quelques critiques, à un plan d’État qui tourne le dos à la loi française.

Moi qui pense que la lutte contre ce dérèglement est la mère de toutes les batailles, je juge évidemment que Sébastien Genest ne fait plus partie de ma famille. Ou que je suis sorti de la sienne il y a déjà longtemps. Genest a bel et bien rejoint le camp de la destruction et je suis écœuré comme rarement je le fus. Cette écologie de pacotille est bel et bien morte, et comme je l’ai déjà écrit dans un livre, je sais qui l’a tuée.

Le principe industriel est-il criminel ? (à propos de la clope et du reste)

J’ai choisi cette fois un titre un poil abscons, en tout cas peu clair au premier abord. Et c’est volontaire, car je tiens à vous garder ici jusqu’à la fin. À l’heure du net et du survol, ceux qui lisent un article jusqu’au bout son rares, je le sais. Et je sais de même que je perdrai des lecteurs en nombre avant le bas de cette page. Je tente donc une pauvre ruse, et voyons ce qu’elle donne.

Ce que je vais écrire n’est pas ordinaire, et si j’étais vous, je prendrais cet avertissement au sérieux. Je sais de longue date, pour avoir observé de bien près certaines industries mortifères que le crime a joué et joue son rôle dans leur déploiement vertigineux. Je l’ai vu au sujet de l’amiante, au sujet des déchets – je me suis occupé professionnellement, pendant des années, de la sinistre décharge de Montchanin (Saône-et-Loire) -, au sujet des pesticides, des biocarburants, de la viande. Je sais donc de source sûre et certaine que les grandes chaînes hiérarchiques, démesurément étendues, produisent sous le règne du profit maximum des comportements ignobles, immondes et, oui, criminels.

Avant de savoir qui est responsable, éventuellement justiciable, je dois vous parler d’un article qui constitue un choc. Cela ne m’arrive pas toutes les cinq minutes, car je n’ai jamais cessé de lire les journaux depuis l’âge de dix ou onze ans, ce qui commence à dater. Cet article signé Stéphane Foucart, a paru dans Le Monde sous le titre : Les conspirateurs du tabac. Exceptionnellement, je vous en donne l’intégralité dans la partie Commentaires, ci-dessous, mais vous pouvez aussi le lire online, en cliquant ici. Foucart évoque la sortie d’un livre aux États-Unis, écrit par le professeur de Stanford Robert Proctor. Cet intellectuel de haut vol a passé des années à dépiauter des millions de documents internes à l’industrie du tabac. Quoi qu’on puisse penser du reste, ce n’est pas chez nous que l’on verrait cela. Car en 1998, après un procès historique mené par 46 États américains contre les industriels de la clope, il a été décidé, outre le versement d’une menue amende de 188 milliards d’euros, la publication forcée de mémos, courriels, documents internes en tous genres. Et dans cet immense fatras, comme on se doute, d’innombrables révélations qui donnent sa chair au bouquin de Proctor, Golden Holocaust.

Bien sûr, je savais que les fabricants de tabac savaient. Et qu’en toute conscience, ces crapules avaient continué d’inonder les marchés de leur poison mortel. J’avais compris – il aurait fallu être bien aveugle – que cette industrie était comme l’archétype de tant d’autres. Dès les années 20 du siècle passé, raisonnablement, le doute n’était plus permis : le tabac était bien un puissant cancérigène. Confrontés au péril d’une chute sans fin de leurs profits, les pontes de la clope eussent pu tenter une reconversion, mais ils décidèrent en conscience la tuerie de masse. Savez-vous qu’au moment du Plan Marshall pour l’Europe dévastée par la guerre -1947 -, les cigarettiers ont obtenu du gouvernement américain que l’aide directe se décompose en deux dollars de nourriture pour un dollar de tabac ?

En 1953, les mêmes lancent une stratégie extraordinaire qui vise à tromper l’opinion et ces benêts de journalistes en organisant méthodiquement un soi-disant « doute scientifique » sur la dangerosité de la clope. On achète des scientifiques – je croyais la chose rare, Proctor montre que non -, on finance des études biaisées, montées en épingle ensuite dans les journaux adéquats, et de la sorte on crée du bruit, des écrans de fumée, de la confusion. Il faut donc, pour y voir plus clair, de nouvelles études, lesquelles se montrent comme par hasard aussi contradictoires que les précédentes. Ô ne me dites pas que vous ne reconnaissez pas cette musique ! Elle est jouée en ce moment au sujet des antennes de téléphonie mobile.

Osons parler de chef d’œuvre. Il a permis de gagner des dizaines d’années, et il continue d’ailleurs de travailler les esprits dans ces pays d’avenir pour la mort que sont la Chine, l’Inde, et tant de contrées plus exotiques encore. Le savoir-faire accumulé a bien entendu servi aux autres, avec en France par exemple ce qu’on a appelé le Comité permanent amiante (CPA), créé pour tromper sur les risques de contamination par ce qu’on appelait jadis, The Magic Mineral. Mais revenons au tabac. Comment décrire ? La clope tue 5,5 millions d’humains chaque année, soit davantage que le sida, le paludisme, la guerre et le terrorisme réunis. Au cours du XXème siècle, la cigarette aura flingué prématurément 100 millions d’hommes et de femmes. Chiffre à rapprocher – et pourquoi n’oserait-on le faire ? – des 50 à 60 millions de morts de l’infernale Seconde Guerre mondiale.

Des statisticiens ont même calculé ce que tuerait la cigarette au cours de ce siècle si les tendances devaient rester les mêmes, ce qui est pour sûr impossible. Il n’empêche que l’estimation est, disons, intéressante : 1 milliard. Oui, d’authentiques ordures cousues d’or pourraient être responsables de la mort d’un milliard d’entre nous. Par commodité, je vous prie, laissons de côté le débat périphérique – et légitime – sur la responsabilité propre au fumeur, cela nous perdrait. Et d’ailleurs, Proctor raconte dans son livre les incroyables ruses de l’industrie pour rendre toujours plus accros et dépendants les malheureux consommateurs imbéciles. Car imbéciles ils sont, j’en disconviens d’autant moins que j’ai clopé pendant quinze années.

Quoi d’autre ? Eh bien, les fabricants ont infiltré en professionnels qu’ils sont l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De nouveau, je le savais, mais dans les grandes lignes seulement. Comme je sais que toutes les structures onusiennes comme la FAO, le Codex Alimentarius – créé par l’OMS et la FAO pour édicter des normes alimentaires…-, le Pnue, le Pnud et bien d’autres le sont. Je vous renvoie à un document de l’OMS, en anglais hélas, qui est proprement stupéfiant. Je ne prétends pas avoir lu les 260 pages, mais j’y ai passé suffisamment de temps pour recommander le texte à quiconque, et c’est ici.

Quoi d’autre ? La clope est radioactive, et un paquet et demi par jour équivaut, grossièrement, à 300 radios du thorax en une année.

Quoi d’autre ? J’arrête là, et je vous dis que nous sommes vraiment des êtres soumis. Du gibier bon à être abattu par les petits et grands viandards de l’industrie. Non ? Si. Pour sortir de la folle cécité qui est la nôtre, il faudrait commencer par nommer le crime. Ce qui entraînerait ipso facto une crise essentielle dans ces structures soi-disant écologistes qui collaborent avec l’industrie, et parfois la pire, comme c’est le cas, entre autres, du WWF ou de France Nature Environnement (FNE). Bien entendu, cela ne suffirait pas, mais conduirait à rechercher des formes d’action enfin adaptées. Car en face de l’assassinat de centaines de millions de personnes, que fait-on ? On pétitionne ? On joue du flûtiau ? Ou bien l’on dresse la liste des criminels avant que de leur faire rendre gorge ? Ce n’est pas ce que j’appellerais la même stratégie.

Que ce soit pour les pesticides – une industrie criminelle -, les biocarburants – une industrie criminelle – la viande – une industrie criminelle – et vous compléterez l’interminable liste vous-même, nous savons bel et bien l’essentiel. La seule chose qui nous manque, c’est la vaillance, le courage, la volonté d’enfin affronter le mal incarné. J’ai nommé l’industrie. Et je réponds du même coup à la question posée dans le titre. Oui, je crois que l’industrie est criminelle dans son principe. Elle rend abstrait ce qui est on ne peut plus concret : le besoin de boire et de manger, de se vêtir, de se chauffer, d’avoir un toit. Elle transforme les êtres en marchandises. Elle est dirigée chaque jour davantage par des entités, dont nous ignorons tout. Sans la moindre solution de continuité, selon moi, elle mène des fabriques puantes – qui ruinaient les tondeurs et tricoteurs au seul profit des métiers à tisser et de leurs propriétaires, il y a deux siècles -, à Michelin volant les terres d’un village d’Intouchables du Tamil Nadu aujourd’hui.

L’industrie a toujours, et toujours plus remplacé le service dû aux hommes par son propre mouvement interne. Lequel, dans nos sociétés capitalistes vieillissantes, signifie la recherche abjecte de fric, quels que soient les coûts sociaux ou écologiques. L’industrie est amorale et son gigantisme l’entraîne fatalement à provoquer des dégâts planétaires irréparables. Il n’y a rien que l’on puisse faire, sinon abattre le monstre. Le reste n’est que vile soumission à l’ordre.

Je ne terminerai pas en laissant croire que je réclamerai le retour au bon vieux temps de l’artisanat. Les hommes n’étaient pas meilleurs, mais au moins, la taille de leurs activités leur interdisait les exterminations de masse. Je récuse avec force l’idée que nous serions condamnés à pactiser avec les transnationales et tous nos petits champions nationaux, mus exactement par les mêmes logiques. Ce qui me saute aux yeux, c’est qu’il faudra, sur les ruines de notre monde, bâtir une économie de la simplicité, où les objets retrouveront le sens qu’ils n’auraient jamais dû perdre, où l’on pourra faire réparer toute une vie durant ce dont nous aurions réellement besoin. Une utopie ? Certes oui, et revendiquée. Mais leur avenir à eux n’est pas utopique, il baigne dans le sang des sacrifiés à venir. Arrêtons donc de déconner et de faire semblant, comme tous ces foutus Bisounours de la sphère écologiste, qu’il s’agit de s’entendre entre gens de bonne compagnie. Je ne suis pas de bonne compagnie. Et la place de ces salauds est en enfer.