Archives de catégorie : Mouvement écologiste

Mais d’où vient ce salopard de virus ?

Tout le monde en a marre, non ? Des milliers d’heures sur les radios et télés, des kilomètres de signes dans les gazettes auront été consacrés au coronavirus. Pour dire et répéter les mêmes choses dans un sens puis dans l’autre, et retour. Non ?

En mars 2020, quand nous n’en étions qu’au début, l’infectiologue Didier Sicard, pas plus con que tant d’experts de TF1 ou de France-Inter, s’interrogeait (1). Très au fait du sujet, il réclamait un examen en urgence des causes animales de la pandémie. Et comme il connaissait fort bien une partie de l’Asie, il ajoutait : « Ce qui m’a frappé au Laos, où je vais souvent, c’est que la forêt primaire est en train de régresser parce que les Chinois y construisent des gares et des trains. Ces trains, qui traversent la jungle sans aucune précaution sanitaire, peuvent devenir le vecteur de maladies parasitaires ou virales et les transporter à travers la Chine, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et même Singapour. La route de la soie, que les Chinois sont en train d’achever, deviendra peut-être aussi la route de propagation de graves maladies ». 

La nouvelle Route de la soie, qui fait se pâmer tant d’économistes et autres crétins, reliera à terme la Chine – on y achève une quatre-voies de 5000 km –, l’Asie centrale et même l’Europe où un Viktor Orbán, clone hongrois de Trump, est en train de vendre son pays à Pékin. Précisons à l’attention des grincheux que je ne suis spécialiste de rien. Je vois, car je lis, qu’une affaire mondiale comme celle-là recèle d’innombrables mystères. En fera-t-on le tour ?

Mais cela ne doit pas empêcher de parler de ce que l’on sait avec une raisonnable certitude. Et nul doute que la crise écologique planétaire est le responsable principal de l’émergence de tant de virus menaçants. La logique en est dans l’ensemble connue : les activités humaines remettent en circulation des organismes vivants neutralisés par des relations biologiques stables depuis des millénaires, parfois des centaines de millénaires.

L’incursion des humains – braconniers suivant la piste des bûcherons – dans les forêts tropicales les plus intouchées ne pouvait manquer d’avoir des conséquences. Et ce n’est qu’un petit exemple. Quantité de virus dits émergents sont en effet des zoonoses, des maladies ou infections qui passent de l’animal à l’homme. Tel est le cas d’Ebola, des hantavirus, du SRAS, de la fièvre du Nil occidental, probablement du sida. Ce n’est qu’un aperçu, car l’on compte environ 200 zoonoses, dont beaucoup sont bactériennes.

Dès le 17 avril 2020 – il y aura bientôt un an -, 16 responsables d’autant d’organismes scientifiques différents écrivaient (2) : « La pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de l’environnement : c’est bien, encore une fois, une perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface homme-nature, souvent amplifiée par la globalisation des échanges et des modes de vie, qui accélère l’émergence de virus dangereux pour les populations humaines ».

Et les mêmes posaient une question qui devrait pétrifier nos responsables : « À la lumière de la crise sanitaire que nous traversons, il est paradoxal de constater que les études de médecine et de pharmacie continuent d’ignorer largement la biologie de l’évolution, et que celle-ci est récemment devenue facultative pour les deux tiers d’un parcours scolaire de lycéen ».

En clair, tout le monde s’en tape. Pourquoi ? Parmi les nombreuses raisons en cause, j’en retiens deux. Un, nos chefaillons actuels, qui incluent les écologistes officiels, sont d’une inculture monumentale. Ils ne savent pas, obsédés que sont la plupart par leur sort personnel et leur place dans l’appareil d’État. Deux, les rares qui entrevoient une lueur n’ont pas le courage de remettre en question le monde qui est le leur, son organisation, ses buts.

Il y faudrait la force d’un Gandhi et nous n’avons à notre disposition qu’une classe politique et administrative plus bas-de-plafond que le dernier des nains de jardin. Voilà pourquoi votre fille est muette.

(1)franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19

(2) lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/la-pandemie-de-covid-19-est-etroitement-liee-a-la-question-de-l-environnement_6036929_3232.html

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Jean-Louis Beffa, héros méconnu de l’amiante

Le coût de l’amiante est tel qu’il ne sera jamais calculé vraiment. L’industrie en a longuement profité, et maintenant la société paie les dégâts, les milliers de morts chaque année, les vies disloquées. Des braves se battent depuis 25 ans devant les tribunaux, et parfois gagnent, et souvent perdent, et continuent pourtant.

En 2017, une expertise judiciaire estimait qu’on ne pouvait pas connaître la date précise d’une contamination par l’amiante, menant droit à un non-lieu en 2018. Les magistrats jugeaient alors impossible de retenir la responsabilité pénale de tel ou tel dirigeant d’une entreprise. En l’occurrence, il s’agissait de l’usine Everite située à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne. Gros soupir de soulagement patronal.

Mais la cour d’appel de Paris vient d’infirmer ce non-lieu, et renvoie le dossier à des juges d’instruction. Selon eux, en effet, et il s’agit de citations tirées de son arrêt, « c’est toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et/ou au décès ». Du même coup, « chaque dirigeant successif peut avoir participé, à son échelle de responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres d’amiante ».

C’est déjà beaucoup moins drôle pour certains, car Everite était une filiale de Saint-Gobain, ce qui nous rapproche fatalement d’un certain Jean-Louis Beffa. Ce personnage central du capitalisme français est entré à Saint-Gobain en 1974, dont il a été le P-DG dès 1986, quand il était encore légal d’empoisonner le prolo avec l’amiante.

Le cas est d’autant plus intéressant qu’un Beffa, dans notre sainte république, semble intouchable. Ingénieur des Mines, un temps membre du club Le Siècle, il a été aussi des conseils d’administration ou de surveillance de GF Suez, de Siemens, de la Caisse des dépôts, de BNP-Paribas, etc.

Cerise amiantée sur le gâteau, Beffa fait partie dès 1994 du conseil de surveillance du journal Le Monde, qu’il préside depuis 2017. En Italie, travaillant des années sur des milliers de pièces, un tribunal d’appel à condamné en 2013 l’industriel de l’amiante Stephan Schmidheiny à 18 ans de taule. Beffa, quelle chance.

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Les Tartarin veulent la peau du Loup

Comment va le Loup en France ? Pas bien. Je rappelle qu’il est revenu naturellement d’Italie il y a une trentaine d’années, après avoir été totalement exterminé. Pas bien, donc, et c’est l’Office français de la biodiversité (OFB) qui le détaille dans un rapport, avec le CNRS (1). Attention, l’OFB, c’est pas les Naturalistes en lutte : les chasseurs, pour s’en tenir à eux, siègent à son conseil d’administration.

Il n’empêche que le texte est limpide. S’appuyant diplomatiquement sur des « points de vigilance », ses auteurs constatent qu’entre 2014 et 2019, la mortalité atteint 42%, toutes classes d’âge confondues, contre 26% avant 2014. Ce qui rapproche l’espèce du point au-delà duquel la population commence à décliner.

En ajoutant d’autres signes préoccupants, les rédacteurs de la note sortent un peu plus du bois, et ils écrivent : « Plusieurs signaux vont dans le sens d’une dégradation de la dynamique de la population ». Et appellent entre les lignes, mais sans détour, à une révision de la politique actuelle, qui vise, ça c’est Charlie qui le dit, à contenir les oppositions et satisfaire quelques clientèles électorales.

Il n’y a aucun mystère : depuis 2014, des centaines de loups ont été butés « légalement », malgré leur statut de protection. Ils seraient 580 et en cette année qui commence, l’État donne le droit d’en abattre 121. Courons donner des leçons aux paysans africains sur la cohabitation avec les éléphants. Et aux gueux de l’Inde sur la sauvegarde des tigres, si mignons à la télé.

(1) https://www.loupfrance.fr/mise-a-jour-des-effectifs-et-parametres-demographiques-de-la-population-de-loups-en-france-consequences-sur-la-viabilite-de-la-population-a-long-terme/

Cinquante ans et plus une seule dent

Le ministère de l’Environnement [ ou de l’Écologie, selon ] a cinquante ans et fait semblant depuis cinquante ans. C’est même pas la faute des ministres, ectoplasmes si contents d’être sur la photo. Le mal est plus profond : ceux qui décident sont ceux qui salopent tout depuis deux siècles.

Presque trop facile. Quand le père Pompidou décide la création d’un ministère de l’Environnement en 1971, il confie la tâche à ce bon monsieur Poujade, maire de Dijon, qui se demanderait pourquoi on l’a choisi s’il n’était pas mort. Sans soute parce qu’il avait été le conseiller d’un ministre de la construction oublié, puis en charge d’une « commission du développement » régionale. Lui-même devait écrire ensuite un livre disant l’évidence dès le titre : « Le ministère de l’impossible ». L’époque était à ce qu’on appela le « gaullisme immobilier » : les combines avec les promoteurs, les lourdes valises de liquide, la traversée de Paris en 13 minutes « grâce » à la voie express qui porte d’ailleurs le nom de son créateur, Pompidou. Ce dernier lâcha : « La ville soit s’adapter à la voiture ». Paris fut à nouveau éventrée.

On ne dressera pas la liste de tous les autres, mais regardons tout de même quelques noms. En 1974, Peyrefitte, l’inénarrable Alain Peyrefitte, qui fut ministre de l’information – flic de la télé – sous de Gaulle. De 1978 à 1981, Michel d’Ornano, dont le cabinet ouvre et couvre en automatique les décharges les plus criminelles, comme celle de Montchanin. De 1984 à 1986, Huguette Bouchardeau – fière PSU -, qui se fait enfler par les ingénieurs de son propre ministère dans l’affaire des déchets de Seveso passés en France. De 1986 à 1988, Alain Carignon, qui finit en taule pour avoir vendu l’eau de Grenoble à la Lyonnaise des Eaux.

De 1989 à 1991, Brice Lalonde, qui fait des bulles avant de copiner avec l’ultralibéral Alain Madelin. De 1995 à 1997, Corinne Lepage, qui en tire le livre « On ne peut rien faire, madame le ministre », qui démontre parfaitement qu’un tel ministère ne sert à rien. De 1997 à 2001, Dominique Voynet, qui accepte de siéger au conseil des ministres où trône un certain Claude Allègre, négateur en chef du dérèglement climatique. Et ne fait rien. De 2001 à 2002, Yves Cochet, inaugurateur de chrysanthèmes. De 2007 à 2009, Jean-Louis Borloo, grand ordonnateur de du grandiose enfumage du Grenelle de l’Environnement avec en guest star Nathalie Kosciusko-Morizet, jouant de la harpe dans son jardin pour Paris-Match. Un dernier pour la route : de Rugy en amoureux transi du homard mayonnaise.

Tout ça ne pèse en réalité de rien. Les ministres passent, qu’on oublie la seconde suivante – qui se souvient de Jarrot, Lepeltier, Olin, Bricq, Borne ? qui se souviendra de Pompili ? – et demeurent les structures. Or sans entrer dans le détail, passionnant, retenons que deux grands corps d’ingénieurs d’État se partagent la direction réelle du ministère : les ingénieurs des Mines et ceux des Ponts, des eaux et forêts. Le pouvoir, c’est eux.

Prenons l’exemple de la Direction générale général de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), qui a dans sa besace la biodiversité, la mer, le littoral, l’eau. En août 2019, son dirlo, Paul Delduc, quitte sa fonction, où il est remplacé par Stéphanie Dupuy-Lyon. Le premier est ingénieur général des Ponts, des eaux et des forêts. La seconde est ingénieure des Ponts, des eaux et des forêts. Idem à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui gère le si vaste domaine des pollutions. Son boss, Cédric Bourillet, est ingénieur des Mines et son adjoint, Patrick Soulé, ingénieur des Ponts, des eaux et forêts. Ces grands personnages savent partager.

Troisième exemple : la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui s’occupe comme il n’est pas difficile de le deviner, du dérèglement climatique. Patron inamovible : Laurent Michel, ingénieur général des Mines.

Tous ces braves gens font partie de ce que Bourdieu appelait la « noblesse d’État », et ce n’est pas un vain mot, puis le corps des Mines existe depuis 1794. Pour l’autre, résultat d’une fusion, il faut distinguer les Ponts et Chaussées, corps né en 1716 et celui du Génie rural, des eaux et des forêts, que certains font remonter à…1291. La France que nous connaissons, c’est eux.

Les ingénieurs des Mines auront mené au cours des deux siècles passés l’industrialisation de la France. Et dans l’après-guerre, créé ou dirigé ELF – le pétrole, les coups d’État en Afrique -, Renault et la bagnole, le nucléaire bien sûr avec EDF, la Cogema, le CEA. Les Ponts, c’est le programme autoroutier, les barrages sur les rivières, les châteaux d’eau et les ronds-points, le béton armé et les cités pourraves de toutes les banlieues. Les Eaux et Forêts, enfin, ont massacré la campagne en remembrant, en arasant des centaines de milliers de km de talus boisés, en aidant à la diffusion massive des pesticides via les directions départementales de l’agriculture dont ils furent les maîtres.

Joyeux, pas vrai ? On crée un ministère en 1971 et on refile les clés à ceux qui ont tout salopé en leur demandant de faire exactement le contraire de ce que leurs chers ancêtres ont fait. En oubliant en plus leur magnifique formation, qui laisse de côté tout ce que l’écologie scientifique a maintes fois établi. Le ministère de l’Environnement de 1971 ? Le ministère de l’Écologie de 2021 ? On sait se marrer, dans les hautes sphères.

Nous voulons des paysans. Pas toi ?

Ce papier a été écrit pour le journal de la Confédération paysanne,

Chère lectrice, cher lecteur de Campagnes Solidaires, c’est à toi que je m’adresse personnellement, et tu me pardonneras ce tutoiement. Ici, je me sens en famille. En septembre 2018, j’ai lancé avec une poignée d’autres « Nous voulons des coquelicots », qui a essaimé partout en France. À l’arrivée, en septembre 2020, nous avions réuni 1 135 00 signatures, réclamant l’interdiction de tous les pesticides de synthèse.

J’ai suggéré un prolongement : « Nous voulons des paysans » (1). Il s’agit d’unir au-delà des frontières habituelles, autour d’un plan de sortie de l’agriculture industrielle en dix ans. Ce plan nécessite de grandes ressources publiques – le coronavirus a montré qu’elles ne manquent pas – et doit permettre le maintien de tous les paysans encore en activité et d’en installer 1 million de nouveaux, soit une moyenne de 100 000 par an.

Est-ce possible ? C’est surtout vital. Nous ne ferons pas face au dérèglement climatique et à la chute vertigineuse de la biodiversité sans une paysannerie nombreuse, fière d’elle-même, heureuse. Je sais les obstacles, innombrables, mais je sais aussi qu’un pays sans espoir collectif, est un pays foutu.

Au tout début des années 60, les jeunes technocrates propulsés au pouvoir par le retour du général de Gaulle, ont inventé une France nouvelle, désastreuse. Celle des grandes villes reliées progressivement par des lignes TGV et des autoroutes. Le programme a été réalisé, rejetant dans les ténèbres extérieures les petites villes et les campagnes. Tu le sais comme moi : les services publics ont déserté, les écoles ont fermé, les commerces des centres-villes ont disparu, aspirés par les centres commerciaux de la périphérie.

Une autre France est possible et nécessaire. Il nous faut préparer une révolution spatiale, seule capable de redonner équilibre et sens à notre pays. Ce combat-là, qui semble annexe, peut entraîner avec lui, dans nos territoires, quantité de gens que nous ne rencontrons plus guère : des commerçants, des petits chefs d’entreprise, des responsables administratifs, des élus de gauche ou de droite.

Il s’agit bien de créer du mouvement, de lancer une dynamique irrésistible à terme, autour d’une idée aussi simple que l’œuf de Colomb : dans une société qui se veut démocratique, ce que le peuple veut, il l’obtient.

Mais revenons à nous, à vous, à toi. Je souhaite de toutes mes forces des retrouvailles entre la société et les paysans. Il est infernal de penser que des êtres qui travaillent dur pour nourrir la population soient à ce point déconsidérés. Et cela ne peut que durer, tant que les productions resteront industrielles. Les consommateurs s’en détournent chaque année un peu plus.

Le succès possible de cet Appel est là : il faut que tous se retrouvent autour d’une agriculture paysanne respectueuse des bêtes, et qui romprait enfin avec l’agrochimie.

Il va de soi que rien ne sera possible si la société n’accepte pas trois évidences : la production de nourriture coûte cher ; le travail doit être payé à sa valeur ; le revenu de tous les paysans doit être élevé et stable.

Moi, je crois qu’il n’est pas trop tard. La France a pris un mauvais embranchement en sacrifiant ses paysans au profit de l’industrialisation. Il faut et il suffit de prendre ensemble une tout autre route. Tel est en résumé cette nouvelle aventure appelée « Nous voulons des paysans ».

Mais j’y insiste : pas de sectarisme. Avançons les bras ouverts. Soyons fraternels. Tout le monde doit être invité, même si certains ne viennent pas. Pour commencer, j’ai lancé l’idée de 1000 banquets pour 1 million de paysans nouveaux. Au printemps, à une date qui reste à trouver, il s’agirait de se retrouver par milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers – qui sait ? – au cours de repas géants.

Le plus simple consiste à se retrouver autour de repas pantagruéliques, qui réuniraient paysans locaux, cuisiniers amateurs ou professionnels, responsables divers et variés, citoyens engagés ou non. Telle pourrait être la base populaire d’un grand mouvement d’espérance collective.

Bien sûr, rien ne nous garantit le succès. Bien entendu, il se trouvera tel ou tel pour décréter que ce n’est que rêverie, ou même que cela détourne de tâches immédiates. Mais de toi à moi, qu’y a-t-il de plus urgent que de changer la face de notre monde ?

De toi à moi, qui est le plus fou ? Celui qui rêve encore de déclencher l’enthousiasme, ou celui qui attend la catastrophe suivante pour pouvoir dire qu’il l’avait prévue ?

Chère lectrice, cher lecteur, haut les cœurs ! Il faut y aller.

(1) nousvoulonsdescoquelicots.org/2020/09/10/nous-voulons-des-paysans-3/

Retiens la nuit jusqu’à la fin du monde

Définition : une méta-analyse, c’est une étude qui recense et ordonne une vaste série de travaux scientifiques portant sur une question donnée. Des chercheurs de l’université d’Exeter (Grande-Bretagne) viennent d’en publier une belle dans la revue Nature, ecology and evolution (1). Elle porte sur 126 études publiées, et ce n’est pas aujourd’hui que je ferai rire aux éclats.

En effet, elle révèle que la pollution lumineuse a des effets à peu près insoupçonnés. Son auteur principal, Kevin Gaston : « The effects were found everywhere – microbes, invertebrates, animals and plants ». Or donc, microbes, animaux, plantes seraient touchés. Et le même d’ajouter qu’il serait temps de considérer la pollution lumineuse comme le grand désordre systémique qu’il est. À côté, tout à côté mais oui, du dérèglement climatique.

Mais de quoi parle-t-on ? De la fin de la nuit, très simplement. L’éclairage des villes, des ports, des rues, des autoroutes, des fermes même fait reculer partout le vital repos nocturne. De nuit, les êtres vivants fabriquent une hormone, la mélatonine, qui régule les cycles du sommeil. Eh bien, toutes les espèces animales étudiées en ont un taux de production diminué à cause de la lumière, ce qui bouleverse tous leurs rythmes.

Des exemples ? Les insectes pollinisent moins. Les arbres sont en feuilles plus tôt au printemps. Les oiseaux de mer se tuent en heurtant les phares. Les oiseaux de terre chantent plus tôt, confondant l’aube et la gabegie lumineuse. Les rongeurs, qui se nourrissent la nuit, mangent moins à cause des illuminations. Les tortues de mer, attirées par les halos fous des hôtels, se perdent à terre, croyant avoir trouvé le jour.

Sommes-nous concernés ? Ce n’est pas impossible. Nous avons ainsi laissé déferler les lampes LED, ce douteux miracle qui nous a été vendu comme un « progrès ». Elles durent plus longtemps, mais profitant de cette « économie », les autorités de tout niveau en ont augmenté le nombre et la puissance. Or leur luminescence a un spectre plus large, comme le soleil.

Les images satellite montrent sans surprise une planète qui repousse sans cesse plus loin la nuit : l’augmentation des lumières extérieures serait d’au moins 2% par an. Mais il serait injuste d’accuser d’inaction nos gouvernants. Un pompeux Arrêté (3) « relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses » a bien paru au Journal officiel du 27 décembre 2018. Grotesque et impuissant, il affirme que « les émissions de lumière artificielle des installations d’éclairage extérieur et des éclairages intérieurs émis vers l’extérieur sont conçues de manière à prévenir, limiter et réduire les nuisances lumineuses ». Je dirais même plus : il faut « prévenir, limiter et réduire ».

Pendant ce temps d’inaction radicale, les astronomes gueulent dans le vide. Ceux de l’Union astronomique internationale ont publié il y a quelque temps un document qui raconte la folie des satellites, cette autre menace (3), hélas en anglais. J’en extrais cette phrase : « Outre leur visibilité à l’œil nu, on estime que les traînées des satellites seront suffisamment lumineuses pour saturer les détecteurs des grands télescopes. Les observations astronomiques scientifiques à large champ seront donc gravement affectées ».

Rappelons que le crétin intersidéral Elon Musk, qui tient le président américain – après Trump, Biden ? – by the balls, programme d’envoyer au total 42 000 nouveaux satellites dans l’espace. Il vient de proposer de les équiper de pare-soleils. Authentique.

Il y aurait bien une solution, qui consisterait à éteindre la lumière dans des millions de points terrestres où elle n’est qu’un gaspillage évident. Et de la limiter ailleurs. Mais ainsi que le note Kevin Gaston, « notre aptitude à changer la nuit en quelque chose qui ressemble au jour va bien au-delà de la nécessité de le faire ». Mehr Licht – plus de lumière -, aurait murmuré Goethe sur son lit de mort. Sommes-nous assez cons pour ne plus supporter le noir, en plus du reste ?

(1) Le plus simple, désolé, est de taper sur un moteur de recherche : A meta-analysis of biological impacts of artificial light at night

(2) theguardian.com/environment/2020/nov/02/treat-artificial-light-form-pollution-environment

(3) legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037864346/

(4) iau.org/news/pressreleases/detail/iau2001/

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Mélenchon et Montebourg s’embrassent sur la bouche

Mélenchon, poil au menton. Lectrice énamourée, toi qui aimes le Grand Jean-Luc, lecteur envapé par le chef de la France insoumise, épargne-toi ce qui suit. Donc, le voilà candidat. Et l’un de ses amis, le député Adrien Quatennens, souhaite gentiment que Mélenchon fasse « équipe » avec Arnaud Montebourg. On voit l’intérêt : rassembler plus largement au premier tour, de façon à atteindre le second. Comme ces gens sont malins.

On le sait, la France Insoumise ne veut plus des accords politiciens d’antan, qui provoquent abstention ou, pire encore, le vote Le Pen. La clarté passe avant l’unité. Avec elle, on ne reverra pas de sitôt les accords pourraves qui décourageaient les meilleures volontés. Sauf que.

Sauf que Mélenchon se veut plus écologiste que René Dumont, Ivan Illich et André Gorz réunis. Montebourg colle-t-il avec le programme ? Ce petit monsieur, à peine nommé par Hollande ministre du Redressement productif – on ne rit pas -, s’empresse de déclarer en août 2012 que « le nucléaire est une énergie d’avenir », précisant pour les sourds que « la France a un atout extraordinaire entre ses mains [avec le nucléaire] qui lui a permis de bâtir son industrie ». L’année d’avant, il avait eu cette pensée visionnaire : le nucléaire « est le moyen d’avancer sur le chemin de la réindustrialisation ».

Six mois plus tard, il donne à la société Rexma un permis d’exploitation d’une mine d’or en Guyane. Dans un secteur du Parc National interdit à l’activité minière. Mais c’est cohérent, car Montebourg veut aussi rouvrir la criminelle mine de Salsigne, dans l’Aude. Tout pour la production !

Ajoutons enfin que Montebourg était jusqu’en 2016 un chaud partisan de l’exploitation des gaz de schiste en France, rêvassant de créer une industrie prospère, et bien entendu « propre ». Il s’appuyait sur un rapport secret, finalement publié par Le Figaro, qui vantait des « bonnes pratiques et des réglementations contraignantes, sous le contrôle de l’administration ». Ah ! charmant garçon. 1981, le retour.

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Les SDHI en veulent aussi au poisson zèbre

Résumons ce qui ne peut pas l’être. L’agrochimie – Bayer-Monsanto, BASF, Syngenta – a ouvert un nouveau marché avec les fongicides SDHI, l’un des chevaux de bataille du mouvement des Coquelicots. Une procédure judiciaire lancée par les Coquelicots – soutenue par Générations Futures et FNE – réclame l’interdiction de trois de ces molécules. Pour commencer.

Pourquoi ? J’ai longuement raconté dans un livre (Le crime est presque parfait, LLL) comment une équipe scientifique a été violentée par l’administration française, en l’occurrence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Pierre Rustin et Paule Bénit, de l’INSERM, et quelques autres chercheurs avaient dès avril 2018 alerté sur le danger de ces nouveautés. Rustin, spécialiste mondial des maladies mitochondriales, et Bénit avaient pu montrer avec clarté que les SDHI s’attaquent au cœur de la respiration des cellules humaines et de quantité d’autres êtres vivants.

L’ANSES les a ridiculisés avant de faire (un tout petit peu) machine arrière devant l’accumulation des preuves. Et voilà que deux études récentes renforcent les pires inquiétudes. La première (1) montre que le bixafen, l’un des SDHI, provoque de graves anomalies in vivo du système nerveux chez le poisson zèbre, modèle de nombreuses études de toxicologie. Et la seconde (2) décrit la toxicité du fluxapyroxad, un autre SDHI, sur le développement de ce même poisson. L’ANSES, grande amie des hommes et des écosystèmes.

(1) https://insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-bixafen-un-sdhi-fongicide-provoque-des-anomalies-du-systeme-nerveux-chez-le-poisson

(2) sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0045653520312303

Et si on libérait les mers ?

Ci-dessous, des articles publiés sur Charlie.

Pourquoi suis-je monté à bord de cette nouvelle galère ? Parce que. Pendant des centaines de siècles, des centaines de millénaires même, le poisson et ses nombreux commensaux ont été les rois de la mer. De toutes les mers. Et puis sont arrivées les longues lignes, vers 1815, qui sur des kilomètres de fils alignaient des milliers de hameçons. Et puis est venu – 1892 – le chalut-poche. Et puis s’est répandu le moteur. L’industrie de la pêche commençait, et comme l’industrie de l’agriculture, elle aura tout ravagé. Les côtes et les hauts fonds pour commencer, avant de s’attaquer aux monts sous-marins et à ces poissons très singuliers qui vivent à 1000 mètres de profondeur, et plus.

Le plus grand chalutier au monde, un ancien pétrolier, mesure 228 mètres de long et peut stocker dans ses cales jusqu’à 14 000 tonnes. Devenu Chinois sous le nom de Damanzaihao, il a failli faire disparaître le chinchard au large du Chili. La France semble n’avoir, en comparaison, que de tout petits bras, mais elle se bat, la valeureuse. Le 25 septembre dernier, à Concarneau, on a inauguré sous haute protection policière un nouveau navire, le Scombrus, long de 81 mètres. En un passage de ses chaluts, il peut ramasser entre 50 et 120 tonnes de poissons, et de tout le reste. Des chalutiers de cette sorte, il n’en existe chez nous qu’une dizaine, qui pillent allègrement ce qui reste en vie sous la ligne de flottaison. Un tiers des prises mondiales servent à fabriquer de la farine, essentiellement destinée à nourrir les porcs, poulets et bovins de l’élevage concentrationnaire.

En face de ces monstres, la pêche artisanale, qui fait vivre des familles et fait tourner l’économie des ports. 85% des chalutiers battant pavillon français ont moins de 12 mètres et devraient en bonne logique avoir la priorité dans toutes les politiques publiques. Mais on connaît la chanson, qui fait pleurer strophe après strophe. Est-ce que cela peut changer ? Pardi, oui.

Le 25 septembre, je devais être à Concarneau, et seul un pépin de dernière minute m’en a empêché. Mes amis de l’association Pleine Mer – l’épatant Charles Braine – et ceux de Bloom – Claire Nouvian je t’embrasse, Sabine et Frédéric, bonjour – ont sur place mis les pieds dans le filet dérivant. Organisant tant bien que mal – malgré les flics – les « funérailles de la pêche artisanale ».

Qu’ont-ils dit ? L’évidence. Le groupe France Pélagique, qui arme le Scombrus, « est une filiale française du géant néerlandais Cornelis Vrolijk, dont l’empire tentaculaire étend son emprise bien au-delà de l’Europe, de la France, au Nigéria, en passant par le Royaume-Uni ». Des responsables de chair et d’os, il en est, comme « l’ancien directeur général de France Pélagique, Antoine Dhellemmes (…), vice-président du Comité national des pêches ». Enfin, « les tendances à l’œuvre au niveau mondial, que ce soit la crise climatique, plus intense et rapide que dans les pires scénarios, ou encore l’effondrement de la biodiversité, appellent à des prises de position fortes de la part de nos décideurs politiques. L’industrialisation de la pêche appartient au passé ».

Et c’est là que je réapparais. Depuis longtemps, je pense que seule une interdiction mondiale de la pêche industrielle – couplée dans mon esprit à celle du plastique, peut encore sauver une part de nos océans. À la suite de discussions, nous sommes tombés d’accord pour une campagne grandiose et planétaire, exigeant que cet infernal outil de destruction soit enfin détruit. Un collectif est sur les rails, et on peut bien entendu, sous une forme ou une autre, le rejoindre (1).

Ce que j’ai dans la tête, c’est une alliance entre le Nord et le Sud. Entre les petits pêcheurs d’ici et ceux du Sénégal, désespérés de voir le poisson d’antan happé par les machines de guerre russes, chinoises, coréennes, européennes. Et ceux de Sri Lanka. Et ceux de l’inde. Et ceux de l’Amérique latine. Bref. Je rêve comme jamais d’un sursaut historique, qui mettrait au premier plan de toutes les sociétés humaines l’extrême bonheur des mers. Qui est contre ?

(1) Pleine mer : https://associationpleinemer.com. Bloom : bloomassociation.org

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Quand la science devient la leur

Ah ! je n’ai pas encore tout lu, j’avoue. Mais la durée de vie des livres est désormais un éclair dans le ciel, et je serais navré que celui-là ne trouve pas les lecteurs qu’il mérite. Dans Les gardiens de la raison (La Découverte) – titre un peu bizarre -, Stéphane Foucart, Stéphane Horel et Sylvain Laurent sortent un projecteur. Il s’agit pour eux de raconter ce qu’est devenue la science. Ce qu’est devenu certain usage d’une certaine science à l’heure où les transnationales ne respectent plus aucune frontière.

D’emblée, on est plongé dans le grand bain de la désinformation. Nous sommes dans un quartier chic de Paris, au sous-sol d’un petit palais de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. On y tient colloque, et la maîtresse de cérémonie n’est autre que Delphine Grey, directrice générale de l’Union des industries pour la protection des plantes (UIPP), le lobby des pesticides.

On retrouve dans la même salle tous les acteurs français d’une vaste entreprise « d’information » : outre Guey, des gens de Bayer et autres philanthropes, des journalistes comme les enragés Géraldine Woessner (Le Point), Emmanuelle Ducros (L’Opinion), Marc Menessier (Le Figaro), la FNSEA, le lobbyiste professionnel Serge Michels, le larouchiste Rivière-Wekstein, les « scientifiques » de l’Association française pour l’information scientifique (AFIS), l’ANIA – lobby de l’agro-alimentaire -, ses think-tanks, comme l’institut Sapiens ou Fondapol.

Tout défile, jusqu’au sociologue Gerald Bronner, aimé du Point et de nombreuses autres gazettes, qui est savamment remis en cause dans ce qu’il affectionne le plus : l’objectivité, la raison, la science. Ne loupez pas l’histoire édifiante de l’AFIS, créée, mais oui, par un militant communiste, Michel Rouzé.

Ce qu’on ne trouve pas dans le livre, et ce n’est pas un reproche, c’est l’explication. Qu’y a-t-il dans la tête de tous ces gens ? Certains, sans nul doute, profitent sans aucun doute d’une manne. On ne peut rien exclure. Rien. Mais bien d’autres, visiblement, croient ce qu’ils disent. Disons que ça fait réfléchir.

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Ce que nous devons tous au Pakistan

Saisissant papier dans le New York Times (1) du 27 septembre. Son auteure, l’écrivaine et journaliste Fatima Bhutto, y parle de Karachi, la plus grande cité du Pakistan. Sa ville, qui a résisté à tout : les affrontements sectaires, le terrorisme, les gangs armés de lance-roquettes, sa police, plus redoutée que ses voleurs les plus retors.

Mais d’évidence, ce n’était encore à peu près rien. Karachi et ses 20 millions d’habitants sont face à un monstre autrement redoutable : le dérèglement climatique. Le 27 août, la ville a reçu d’un coup 230 mm de pluie. Dévastatrice, on s’en doute. Des milliers de maisons pauvres ont été emportées, car il n’existe aucun système de drainage ou de récupération des eaux de pluie. Ça tombe, point.

Les pertes économiques, en fait inchiffrables compte tenu de l’économie informelle, se chiffrent en centaines de millions de dollars. La Banque mondiale, cette amie des peuples, estime que 15% du PIB pakistanais disparaissent déjà, chaque année, à cause du dérèglement climatique et des dégâts écologiques.

Fatima Bhutto : « La liste des désastres climatiques qui affectent mon pays n’a pas de fin. Les glaciers de l’Hindu Kush, de l’Himalaya et du Karakoram au nord du Pakistan fondent à une vitesse accélérée (…) Après la fonte, la sécheresse et la famine suivront. À l’avenir, la terreur viendra de la chaleur, du feu et de la glace ».

Et de rappeler que le Pakistan est en toute première ligne, lui qui émet si peu de gaz à effet de serre. Combien de terroristes naîtront-ils de cette si totale injustice ?

(1) nytimes.com/2020/09/27/opinion/pakistan-climate-change.html