Archives de catégorie : Nucléaire

Des petits oiseaux au-dessus des champs de ruines nucléaires

Merci à Nathalie – et bisous à Clara -, qui m’envoie ce merveilleux poème en prose trash. Pour bien apprécier à sa juste valeur, sachez que l’Andra est l’agence nationale chargée de la gestion des déchets nucléaires. Elle est la création du CEA, ce Commissariat à l’énergie atomique à qui nous devons nos bombes nucléaires ainsi que tant de nombreux et ténébreux mystères. Quant au Centre de stockage de l’Aube, il est le plus grand entrepôt de surface de déchets nucléaires dans le monde. Dans le département voisin de la Meuse, les nucléocrates tentent d’imposer depuis dix ans un soi-disant laboratoire ouvrant la voie à l’enfouissement pour l’éternité de déchets nucléaires radioactifs pendant des milliers d’années, et plus.

Voilà donc comme est la vie sur terre en mai 2012.

Les oiseaux à l’honneur dans le cadre de la fête de la Nature

Publié le mardi 22 mai 2012

Atelier nids en torchis avec les enfants du centre de loisirs de Soulaines

Atelier nids en torchis avec les enfants du centre de loisirs de Soulaines

Soulaines-Dhuys – Une journée d’animations a été organisée récemment par l’Andra à l’attention des enfants

Cette année, la thématique de la Fête de la nature portait sur l’observation des oiseaux. L’Andra a ainsi souhaité mieux faire connaître sa tour-nichoir pour hirondelles de fenêtre, installée depuis 2010. C’est la première tour nichoir occupée sur un site industriel ! Le CPIE du Pays de Soulaines (plus particulièrement Vincent Ternois) réalise tous les ans un suivi scientifique de la population d’hirondelles. En 2011, ce sont 90 poussins bagués qui se sont envolés de la tour et que nous espérons retrouver cette année.

Deux ateliers mis en place

Dans le cadre de la fête de la Nature, les centres de stockage de l’Aube ont organisé récemment une journée d’animation dédiée à l’observation des oiseaux. Une cinquante d’enfants de 6 à 12 ans des centres de loisirs de Soulaines, Morvilliers, Dienville et de la Fondation Lucy Lebon y ont pris part. Deux ateliers se sont déroulés sur le centre de stockage de Soulaines-Dhuys : avec Emmanuel Fery et Thomas Akremann de Nature de Der, les enfants ont observé les hirondelles de fenêtre à la tour nichoir du site et ont fabriqué un nid en torchis. Dans un deuxième temps, avec Caroline Rosnet de Upculture, ils ont participé à des jeux sur les becs, sur les chants avec « La Nouvelle Star des oiseaux », les milieux naturels et ont réalisé une réserve à graines pour les oiseaux à partir d’une pomme de pin, de saindoux et de graines…

Je ne peux pas en dire plus (sur le gouvernement)

Ce qui suit n’est pas une action publicitaire, mais une explication. Je dois rendre à Charlie-Hebdo – à paraître, donc – un papier sur les écolos, le gouvernement, et la nouvelle ministresse de l’Écologie, madame Nicole Bricq. Je ne peux par conséquent m’étendre ici, j’espère qu’on me comprendra. Je tiens tout de même à préciser qu’à mes yeux, les vieux renards socialos ont tendu un piège à plusieurs détentes, dont j’aurai l’occasion de reparler, c’est l’évidence.

Concernant madame Bricq, aussi écologiste que ma voisine de palier – que vous ne connaissez pas, hélas pour vous -, deux ou trois mots. Elle a fait toute sa carrière au parti socialiste depuis qu’elle y est entrée en 1972. Elle avait alors 25 ans, et elle était chevènementiste. Je ne peux raconter, faute de temps, ce que le Ceres (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste) – le courant d’alors de Chevènement – aura apporté à la France et au monde. On peut s’en faire une idée à distance. Ce fut grand. Madame Bricq a dirigé la fédération socialiste de Paris pour le compte de Chevènement entre 1981 et 1983. Elle n’a quitté le grand homme, après avoir été sa conseillère quand il était ministre de la Défense, qu’à l’extrême fin de 1990. Au moment où Chevènement démissionnait de son poste pour cause de guerre du Golfe.

Évidemment, il me faut rappeler que Chevènement a toujours été l’ennemi – je dis bien : l’ennemi – de l’écologie. Partisan de l’industrie lourde et du nucléaire, patriotard comme on n’en fait plus, chantre du progrès et de la technoscience, il n’a pas toujours fait rire. Madame Bricq a ensuite fait partie du courant Démocratie et Socialisme, celui de DSK, lui aussi grand partisan – et d’ailleurs lobbyiste appointé par EDF – du nucléaire. Je n’insiste pas sur le reste. Madame Bricq a quitté le courant DSK quand ce dernier est parti diriger le FMI en 2007. Y serait-elle encore si DSK était resté à Paris ? On ne le saura pas. Ensuite, elle rejoint Hollande. En 2009.

A-t-elle eu un mot pour la nature, la biodiversité, le massacre des forêts tropicales et des mers ? A-t-elle seulement évoqué la tragédie biblique du dérèglement climatique ? À ma connaissance, non. Tout indique donc que le ministère de l’Écologie et de l’Énergie est en de bonnes mains. D’ailleurs, les écologistes officiels, de France Nature Environnement (FNE) au WWF, sont ravis. Un signe qui ne trompe pas.

Un ange passe (celui de la mort)

Tchernobyl, 26 avril 1986-26 avril 2012. Une pensée pour les liquidateurs, au nombre de peut-être 500 000, qui offrirent leur santé et souvent leur vie pour que ce cataclysme ne devienne pas une apocalypse. Une autre pensée pour les mioches de l’époque, et leur glande thyroïde. Une pensée enfin pour les animaux et les plantes contraints de vivre sur place, au milieu des radionucléides. Que les petits bras blancs qui s’agitent depuis des mois sur la misérable scène électorale française aillent au diable.

In memoriam (recuerda siempre Fukushima)

Jour de deuil. Journée de mémoire. De vaine mémoire tant que nous n’aurons pas abattu le monstre. Car il n’y a pas d’autre objectif possible que de détruire à la racine l’industrie nucléaire. Et de remettre à leur place – aussi petite et respectable que la nôtre – les Innommables qui ont créé dans notre dos cette machine de guerre totale contre l’idée même d’humanité. Je pleure les terres lointaines de Fukushima. Et de Tchernobyl. Et d’Hiroshima. Et de Nagasaki. Et des îles Bikini. Et de Reggane. Et de Moruroa. Et de Semipalatinsk. Et de Bikini. Et d’Amchitka. Et de Monte Bello. Et d’Emu Field. Et de Maralinga. Vienne le temps de notre victoire, car ce sera celle de tous.

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Je me souviens, pour en avoir parlé avec des témoins directs, que des salauds bien payés parcouraient au début des années soixante du siècle écoulé la lande du Haut-Cotentin. Ils réalisaient des mesures, enfonçaient des piquets, prenaient des photos, préparaient d’évidence le terrain. Mais à quoi ? Lorsque des habitants de ce lieu si beau leur demandaient la raison de leur présence, ces fonctionnaires du malheur répondaient invariablement : « Une usine de casseroles va bientôt s’installer ici. Et il y aura du travail pour tous ». Ce fut La Hague. Le nucléaire n’a pu exister et se maintenir que par le mensonge définitif.

En attendant le black-out, tous à la bougie !

Le temps passe si vite que l’on a oublié l’hiver. Il y a une dizaine de jours, la France claquait des dents et battait des records de consommation électrique chaque soir ou presque. On attendait de vastes coupures dans les régions les plus fragiles, comme Paca ou la Bretagne. Moi, j’en ai profité pour écrire deux papiers dans Charlie-Hebdo la semaine passée, que je vous mets ci-dessous, en complément des billets précédents de Planète sans visa. Hum, on nous aurait donc mené en bateau ? Pas possible. Pas possible, n’est-ce pas ?

Les papiers de Charlie :

Notre France va-t-elle connaître un krach électrique ? À l’heure où Charlie boucle, ce n’est pas encore gagné. Mais avec un peu de chance, un vaste black-out peut bloquer d’un clic des milliers d’ascenseurs et des millions de rasoirs électriques. Merci qui ? EDF, qui promet la lumière aux benêts depuis l’après-guerre. Merci quoi ? Le chauffage électrique.

Comme c’est bien organisé ! En 1971, EDF invente le chauffage électrique. Pile poil au bon moment, car à la fin de 1973, profitant de la maladie du Pompidou et du quadruplement du prix du pétrole, les ingénieurs des Mines et leurs complices du gouvernement lancent la construction de nombreuses centrales nucléaires. Seulement, soyons pas cons, il faut penser à la suite. Produire de l’électricité, c’est bien, mais la vendre, c’est mieux. Citation de Marcel Boiteux (1), alors directeur général d’EDF, en 1973 : « Tout client nouveau qui opte pour le chauffage électrique nous amène à augmenter d’autant notre programme nucléaire ».

Boiteux, t’es chic comme tout. Le chauffage électrique a donc servi de cheval de Troie pour imposer le nucléaire à une société qui n’en voulait pas. Dans la foulée, des armées de margoulins se lancent à l’assaut. Pour les fabricants de convecteurs, les installateurs, les bureaux d’études pour logements neufs, les vendeurs de laine de verre et de placoplâtre, c’est Noël tous les matins. Une industrie de l’arnaque se met en place.

Comme on peut s’en douter, personne ne vérifie rien. Le chauffage électrique ne peut chauffer que des pièces bien isolées. Or tel n’est pas le cas des millions de logements, souvent sociaux, qui vont être royalement équipés au fil des décennies. Selon EDF même, dans sa communication interne, 50 % des logements chauffés ne respectent pas, en 1999, la réglementation d’isolation de 1977. Et les deux tiers celle de 1982. Un triomphe (2). Les proprios installent deux merdouilles avec résistance électrique, et laissent le locataire se démerder avec les factures. Les promoteurs de maisons neuves préfèrent installer quelques appareils plutôt que de payer un chauffage central, bien plus cher au départ. Les sociétés HLM, qui n’ont rien à refuser à EDF et à l’État, balancent du tout électrique dans des immeubles en carton-pâte et obligent ainsi les prolos à jongler avec l’addition.

Un exemple parmi 500 000 autres : la cité des Grands Pêchers, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). En 1997, Bertrand et Nils Tavernier viennent y tourner « De l’autre côté du périph’ », et réveillent une putain de colère. L’hiver, les gueux grelottent et sortent jusqu’à un demi-smic pour payer une électricité qui se barre par les fenêtres et les portes. Les responsables HLM dénoncent l’attitude d’EDF, soutenue au plus haut niveau de l’État (3).

Face aux gueulantes, EDF sort une arme de destruction massive nommée publicité : la propagande Vivrélec déferle à partir de 1996 sur la France. Cela donne, dans le texte : « Vous voulez faire construire ou acheter un logement neuf, et vous réfléchissez à son mode de chauffage. Aujourd’hui, avec les nouveaux appareils, le chauffage électrique vous offre de nombreuses possibilités pour un très grand confort ». Ou bien : « Pratique et esthétique, le radiateur sèche-serviettes ». Ou encore : « Satisfaction sur toute la ligne », ce qui est, précisons-le, un jeu de mots.

Le chauffage électrique repart du bon pied. Selon les derniers chiffres officiels connus, 31 % des logements individuels et collectifs sont chauffés à l’électricité, et surtout, 80 % des logements neufs, en 2009 étaient livrés avec. Voici venue l’heure de la leçon de choses. En France, 80 % de l’électricité est nucléaire. Notons ensemble l’intelligence de ce mode de production. Un, faire garder par des hommes en armes des mines d’uranium, au Niger par exemple. Deux, enrichir le minerai et larguer les déchets où c’est possible, loin des yeux. Trois, bâtir 58 réacteurs nucléaires, en priant le bon dieu des atomes qu’aucun n’explosera jamais. Quatre, aligner de vastes réseaux de lignes à très haute et à haute tension, si bonnes pour la santé des riverains.

Compter 100 000 Km en tout. Enfin, servir bien chaud à domicile ce qui reste dans la hotte du père Noël. Comme vous le saurez en lisant l’encadré que Charlie a caché ailleurs sur cette page, il ne reste pas bézef. Est-ce au moins bon pour le climat, comme le jure EDF sur la tête de sa mère ? Benjamin Dessus, l’un des meilleurs connaisseurs du dossier électricité, rappelle que « l’Ademe et RTE (Réseau de Transport d’Électricité) ont montré que tout kWh électrique supplémentaire consacré au chauffage d’ici 2020 contiendrait 500 grammes de CO2, contre 300 pour le fioul et 200 pour le gaz ». C’est technique, très. Mais l’Ademe et RTE sont des autorités officielles. Le chauffage électrique est bien une merde.

(1) Le Point, le 30 juillet 1973

(2) In Sujets ou citoyens, par Marc Jedlizcka et Didier Lenoir (Cler)

(3) Libération, 6 décembre 1997

(4) www.terraeco.net/La-France-du-tout-electrique-est,7051.html

Un deuxième papier

Le plus con de tous les chauffages du monde

Tout le monde le sait : la France ne cesse de battre ses records historiques de consommation d’électricité. Plus de 100 000 mégawatts (MW) chaque soir, à l’heure où s’allume le chauffage électrique. Autour de 19 heures, il faut mobiliser une puissance électrique colossale. Sauf qu’on ne l’a pas en magasin : il faut en acheter 7 à 8 % à l’étranger, surtout en Allemagne. Bien souvent en provenance du charbon.

Le nucléaire qui devait nous sauver de la bougie est un bon connard de l’énergie, qui produit sans lever la tête de son établi. Comme on ne sait pas stocker l’électricité, il faut la vendre quand elle sort du tuyau. À prix cassé tout au long de l’année. Mais quand l’hiver arrive, changement de programme. Le chauffage électrique est si foldingue qu’EDF n’arrive plus à suivre.

Il y a encore plus distrayant. L’électricité nucléaire – 80 % de celle made in France – est une gagneuse. Entre l’uranium que l’on extrait de la mine et celui, enrichi, qu’on enfourne dans les centrales, on perd 14 % de l’énergie de départ. Rien qu’un début, car la conversion de la chaleur en électricité n’est que de 33 %. Tout le reste, soit 67 %, disparaît dans les systèmes de refroidissement des centrales. Fini ? Pas encore. Les pertes en ligne, le long des pylônes, ou autour des convecteurs à domicile, parachèvent le miracle. Au total, l’énergie utile n’est que de 25 % de celle de départ.

Quand tu chauffes à l’électricité nucléaire, tu perds les trois quarts en route. Question efficacité, nos bons amis de la nucléocratie ont réinventé la cheminée sans insert. Retour au Moyen Âge, avec une bougie dans le cul.