Vous allez me dire : c’est de la pub. D’un certain côté, c’est un flag’, car je vous mets ci-dessous un article que j’ai signé dans le dernier Charlie-Hebdo. Et de l’autre, ben non, car cet article ne sera plus lisible demain dans Charlie, vu que ce sera un autre numéro. Avec un nouvel article de moi ? Certes. Et du coup, c’est bien de la pub ? Eh merde, je suis coincé.
L’heure est grave, car on va parler d’une foutaise colossale. C’est assez simple : le nucléaire l’a dans le cul. Qui le dit ? Une petite bande emmenée par l’un des types les plus épatants de la place, et que personne ne connaît bien sûr. Benjamin Dessus, né en 1939, obtient à l’âge de 24 ans un diplôme d’ingénieur de l’Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications. On s’en fout, c’est exact. Mais attendez la suite. En 1976 – Reiser, réveille-toi ! – il est de l’aventure de la première centrale solaire française, Thémis. En 1978, il participe aux travaux du groupe Bellevue, qui déboucheront sur une « Esquisse d’un régime à long terme tout solaire », qui nous débarrasserait à l’horizon 2050 du nucléaire et des énergies fossiles. En 1982, les socialos ayant remporté l’élection présidentielle de 1981, il est directeur technique de l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME, devenue depuis Ademe). Et l’on arrête là, car Dessus n’a jamais cessé de penser une énergie au service des hommes, sans nucléaire.
Bien qu’il n’abuse pas d’une réputation impeccable, jusque chez les plus grands ingénieurs d’État, Dessus continue d’emmerder le monde. Surtout les amoureux transis de l’atome. Il préside une association d’intérêt public, Global Chance (1). Laquelle vient de publier un Cahier (15 euros) renversant de bout en bout : Nucléaire, le déclin de l’empire français. On y apprend ce que personne n’écrit jamais dans la presse, ce qui fait un gentil électrochoc.
Premier point décisif : le nucléaire mondial va très mal. Après un apogée de 444 réacteurs dans le monde – 58 dans notre seule petite France à nous – en 2002, on est redescendu à 433 en août 2009. Dans un pays comme les États-Unis, aucun réacteur commandé après 1979 n’a été achevé. La part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité – attention ! pas de l’énergie – est passée de 18 % dans les années 90 du siècle passé à 13,6 % en 2009, en baisse pour la quatrième année consécutive.
Ajoutons à l’attention de nos ingénieurs français candidats au kidnapping que trouver de l’uranium devient un sport de combat. On l’a vu au Niger, où les locaux relèvent la tête, mais ça chauffe aussi en Finlande et au Nunavut (Canada), où nos explorateurs se heurtent aux ennemis du progrès. En bref, ça craint pour les nucléocrates d’Areva, qui ont un besoin vital de faire croire que tout baigne, et dans l’immédiat de fourguer leurs centrales EPR, dites de troisième génération, et présentées comme au top de la sécurité. C’est pas gagné, les amis. Les deux chantiers EPR de la planète, qui devaient servir de vitrine pour les acheteurs étrangers, sont en rade. En Finlande, le boulot a pris quatre ans de retard et devrait coûter, au bas mot, six milliards d’euros au lieu de trois. Idem à Flamanville, en Normandie, avec trois ans de retard sur les prévisions et une note passée de trois à cinq milliards. Abu Dhabi et la Chine devront faire des ronds dans l’eau en attendant qu’on ait tout réglé.
Et n’oublions pas Sarkozy. Mais la vraie dinguerie, ce n’est pas lui, quoique. En visite à la centrale nucléaire de Gravelines, notre chef inspiré a déclaré : « Faire confiance au nucléaire, c’est continuer à investir dans le nucléaire. Ce n’est pas le moratoire. Le moratoire, c’est le choix du passé et du Moyen-Âge (…) À cause d’un tsunami au Japon, il faudrait remettre en cause ce qui fait la force de la France ? ». Non, la dinguerie n’est pas là, mais du côté du Giec, ce machin mondial qui travaille sur la crise climatique.
Alors que ce nucléaire qui fout les chocottes ne produit que 3 % – 3 % – de l’énergie finale consommée dans le monde, les énergies renouvelables, selon le Giec, pourraient en fournir près de 80 % d’ici 2050, soit demain soir (2). Les renouvelables, c’est-à-dire les énergies éolienne, solaire, hydraulique, géothermique. À moins que les 120 scientifiques qui signent le rapport soient de sérieux fumistes, cela change tout.
Plutôt, cela changerait tout dans un monde mieux fait. Car pour arriver à ce résultat, il faudrait investir massivement dès aujourd’hui autour de 1 % du PIB mondial actuel. Ramon Pichs, l’un des auteurs du rapport : « Ce n’est pas tant la disponibilité des ressources que les politiques publiques mises en place qui permettront ou non de développer les énergies renouvelables ». En France, c’est d’ores et déjà râpé. Ce sera ou l’EPR ou le solaire. Et notre bon maître a déjà décidé pour nous. Nous aurons du nucléaire, avec plein de poils autour. Sauf si on lourde bon papa, et encore.
(1) www.global-chance.org/index.php
(2) Potential of Renewable Energy Outline in Report by the Intergovernmental