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Mais d’où vient ce salopard de virus ?

Tout le monde en a marre, non ? Des milliers d’heures sur les radios et télés, des kilomètres de signes dans les gazettes auront été consacrés au coronavirus. Pour dire et répéter les mêmes choses dans un sens puis dans l’autre, et retour. Non ?

En mars 2020, quand nous n’en étions qu’au début, l’infectiologue Didier Sicard, pas plus con que tant d’experts de TF1 ou de France-Inter, s’interrogeait (1). Très au fait du sujet, il réclamait un examen en urgence des causes animales de la pandémie. Et comme il connaissait fort bien une partie de l’Asie, il ajoutait : « Ce qui m’a frappé au Laos, où je vais souvent, c’est que la forêt primaire est en train de régresser parce que les Chinois y construisent des gares et des trains. Ces trains, qui traversent la jungle sans aucune précaution sanitaire, peuvent devenir le vecteur de maladies parasitaires ou virales et les transporter à travers la Chine, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et même Singapour. La route de la soie, que les Chinois sont en train d’achever, deviendra peut-être aussi la route de propagation de graves maladies ». 

La nouvelle Route de la soie, qui fait se pâmer tant d’économistes et autres crétins, reliera à terme la Chine – on y achève une quatre-voies de 5000 km –, l’Asie centrale et même l’Europe où un Viktor Orbán, clone hongrois de Trump, est en train de vendre son pays à Pékin. Précisons à l’attention des grincheux que je ne suis spécialiste de rien. Je vois, car je lis, qu’une affaire mondiale comme celle-là recèle d’innombrables mystères. En fera-t-on le tour ?

Mais cela ne doit pas empêcher de parler de ce que l’on sait avec une raisonnable certitude. Et nul doute que la crise écologique planétaire est le responsable principal de l’émergence de tant de virus menaçants. La logique en est dans l’ensemble connue : les activités humaines remettent en circulation des organismes vivants neutralisés par des relations biologiques stables depuis des millénaires, parfois des centaines de millénaires.

L’incursion des humains – braconniers suivant la piste des bûcherons – dans les forêts tropicales les plus intouchées ne pouvait manquer d’avoir des conséquences. Et ce n’est qu’un petit exemple. Quantité de virus dits émergents sont en effet des zoonoses, des maladies ou infections qui passent de l’animal à l’homme. Tel est le cas d’Ebola, des hantavirus, du SRAS, de la fièvre du Nil occidental, probablement du sida. Ce n’est qu’un aperçu, car l’on compte environ 200 zoonoses, dont beaucoup sont bactériennes.

Dès le 17 avril 2020 – il y aura bientôt un an -, 16 responsables d’autant d’organismes scientifiques différents écrivaient (2) : « La pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de l’environnement : c’est bien, encore une fois, une perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface homme-nature, souvent amplifiée par la globalisation des échanges et des modes de vie, qui accélère l’émergence de virus dangereux pour les populations humaines ».

Et les mêmes posaient une question qui devrait pétrifier nos responsables : « À la lumière de la crise sanitaire que nous traversons, il est paradoxal de constater que les études de médecine et de pharmacie continuent d’ignorer largement la biologie de l’évolution, et que celle-ci est récemment devenue facultative pour les deux tiers d’un parcours scolaire de lycéen ».

En clair, tout le monde s’en tape. Pourquoi ? Parmi les nombreuses raisons en cause, j’en retiens deux. Un, nos chefaillons actuels, qui incluent les écologistes officiels, sont d’une inculture monumentale. Ils ne savent pas, obsédés que sont la plupart par leur sort personnel et leur place dans l’appareil d’État. Deux, les rares qui entrevoient une lueur n’ont pas le courage de remettre en question le monde qui est le leur, son organisation, ses buts.

Il y faudrait la force d’un Gandhi et nous n’avons à notre disposition qu’une classe politique et administrative plus bas-de-plafond que le dernier des nains de jardin. Voilà pourquoi votre fille est muette.

(1)franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19

(2) lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/la-pandemie-de-covid-19-est-etroitement-liee-a-la-question-de-l-environnement_6036929_3232.html

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Jean-Louis Beffa, héros méconnu de l’amiante

Le coût de l’amiante est tel qu’il ne sera jamais calculé vraiment. L’industrie en a longuement profité, et maintenant la société paie les dégâts, les milliers de morts chaque année, les vies disloquées. Des braves se battent depuis 25 ans devant les tribunaux, et parfois gagnent, et souvent perdent, et continuent pourtant.

En 2017, une expertise judiciaire estimait qu’on ne pouvait pas connaître la date précise d’une contamination par l’amiante, menant droit à un non-lieu en 2018. Les magistrats jugeaient alors impossible de retenir la responsabilité pénale de tel ou tel dirigeant d’une entreprise. En l’occurrence, il s’agissait de l’usine Everite située à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne. Gros soupir de soulagement patronal.

Mais la cour d’appel de Paris vient d’infirmer ce non-lieu, et renvoie le dossier à des juges d’instruction. Selon eux, en effet, et il s’agit de citations tirées de son arrêt, « c’est toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et/ou au décès ». Du même coup, « chaque dirigeant successif peut avoir participé, à son échelle de responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres d’amiante ».

C’est déjà beaucoup moins drôle pour certains, car Everite était une filiale de Saint-Gobain, ce qui nous rapproche fatalement d’un certain Jean-Louis Beffa. Ce personnage central du capitalisme français est entré à Saint-Gobain en 1974, dont il a été le P-DG dès 1986, quand il était encore légal d’empoisonner le prolo avec l’amiante.

Le cas est d’autant plus intéressant qu’un Beffa, dans notre sainte république, semble intouchable. Ingénieur des Mines, un temps membre du club Le Siècle, il a été aussi des conseils d’administration ou de surveillance de GF Suez, de Siemens, de la Caisse des dépôts, de BNP-Paribas, etc.

Cerise amiantée sur le gâteau, Beffa fait partie dès 1994 du conseil de surveillance du journal Le Monde, qu’il préside depuis 2017. En Italie, travaillant des années sur des milliers de pièces, un tribunal d’appel à condamné en 2013 l’industriel de l’amiante Stephan Schmidheiny à 18 ans de taule. Beffa, quelle chance.

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Les Tartarin veulent la peau du Loup

Comment va le Loup en France ? Pas bien. Je rappelle qu’il est revenu naturellement d’Italie il y a une trentaine d’années, après avoir été totalement exterminé. Pas bien, donc, et c’est l’Office français de la biodiversité (OFB) qui le détaille dans un rapport, avec le CNRS (1). Attention, l’OFB, c’est pas les Naturalistes en lutte : les chasseurs, pour s’en tenir à eux, siègent à son conseil d’administration.

Il n’empêche que le texte est limpide. S’appuyant diplomatiquement sur des « points de vigilance », ses auteurs constatent qu’entre 2014 et 2019, la mortalité atteint 42%, toutes classes d’âge confondues, contre 26% avant 2014. Ce qui rapproche l’espèce du point au-delà duquel la population commence à décliner.

En ajoutant d’autres signes préoccupants, les rédacteurs de la note sortent un peu plus du bois, et ils écrivent : « Plusieurs signaux vont dans le sens d’une dégradation de la dynamique de la population ». Et appellent entre les lignes, mais sans détour, à une révision de la politique actuelle, qui vise, ça c’est Charlie qui le dit, à contenir les oppositions et satisfaire quelques clientèles électorales.

Il n’y a aucun mystère : depuis 2014, des centaines de loups ont été butés « légalement », malgré leur statut de protection. Ils seraient 580 et en cette année qui commence, l’État donne le droit d’en abattre 121. Courons donner des leçons aux paysans africains sur la cohabitation avec les éléphants. Et aux gueux de l’Inde sur la sauvegarde des tigres, si mignons à la télé.

(1) https://www.loupfrance.fr/mise-a-jour-des-effectifs-et-parametres-demographiques-de-la-population-de-loups-en-france-consequences-sur-la-viabilite-de-la-population-a-long-terme/

Pourquoi le vote est-il une sombre connerie ?

Prévenons gentiment que ce sera un article simpliste. Sur la question climatique, qui devient sous nos yeux une tarte à la crème politicienne. Quelles sont les nouvelles ? 2020 a été probablement l’année la plus chaude depuis…très longtemps, à égalité avec 2016 (1). Mais c’est pire en fait, car en 2020, La Niña, phénomène climatique et océanique provisoire, a refroidi la Terre pendant une courte période. Qui l’établit ? L’Agence onusienne Organisation météorologique mondiale (OMM).

Dans la foulée, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lancé : « Nous nous acheminons vers une augmentation catastrophique de la température de 3 à 5 degrés au cours du 21ème siècle ». Rappelons que la foutaise acclamée jusque dans les rangs écologistes – les Accords de Paris – prétend toujours maintenir l’augmentation moyenne de la température sous la barre des 2 degrés, et pourquoi pas autour de 1,5 degré. Jo Biden, qui vient de s’installer à la Maison Blanche, réintègre du même coup les États-Unis dans ces accords, sous les nombreux applaudissements de ceux qui firent un triomphe à Daladier à la Toussaint de 1938. N’avait-il pas sauvé la paix en trucidant la Tchécoslovaquie ?

Du côté des combattants, c’est pire. Car des combattants, il n’y en a pas. Sauf à faire entrer dans la catégorie, et de vive force, l’initiative de l’Affaire du Siècle. On le sait, quatre ONG (2) ont lancé une pétition en ligne qui aurait atteint deux millions et demi de signatures. Que réclame-t-elle ? Exactement ceci : « Saisissons la justice pour que la France respecte enfin ses engagements sur le climat ».

Est-ce sérieux ? Oui. Est-ce déplorable ? Oui. Pour commencer, penser que la justice pourrait modifier le cours d’une société – et de quelle manière fondamentale – relève du baroque le plus achevé. Cela ne s’est jamais vu ni ne se verra jamais. Ensuite et sur le fond, il faudrait donc que la France tienne ses promesses, lesquelles sont incluses dans ces Accords de Paris, cette sombre billevesée.

La vérité, dans ce qu’on peut espérer en connaître, est ailleurs. Le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat  (GIEC) « Le travail et la vie dehors vont devenir insupportables dans des régions de plus en plus vastes et une part de plus en plus grande de la planète sera inhabitable ». Ipso facto, des centaines de millions d’humains se mettront en route vers les zones les moins insupportables. Pour commencer. Cette perspective n’est pas (tout à fait) certaine, mais elle est (hautement) probable. Dans ces conditions bien sûr, il fau(drai)t rompre radicalement avec ce monde, ses innombrables colifichets, ses portables, ses 5G pour la raison évidente qu’ils sont le moteur de l’emballement climatique.

Si nous étions autrement qu’imbéciles et aveugles volontaires, nous formerions en ce moment même une coalition sans précédent contre la bagnole électrique, qui est infâme moralement, infernale climatiquement, et dont l’essor signifie simplement que nul n’entend changer son mode de vie avant sa mort. Car la bagnole individuelle c’est aussi une vision de l’espace, de la vitesse, du déplacement, des villes, et une contamination du psychisme. Sans compter qu’elle est le prolongement de la domination de ceux qui roulent avec – nous, au Nord – sur ceux qui les regardent passer, fardeau sur les épaules – eux, au Sud.

Et pendant ce temps, tous les journaux parlent du matin au soir de masques, de vaccins, de tests, sans seulement parler des causes profondes et documentées de l’émergence de virus dangereux : la dévastation écologique planétaire. Lisez donc Le Grand Saut (Flammarion), bande d’ignares ! Si nous étions tant soit peu lucides, nous ne voterions plus pour les habituels pantins, qui parlent des miettes de pain sur la table tandis que l’immeuble s’effondre irrémédiablement. Autant dire que nous ne voterions plus du tout. Ce que je fais sans gloire, mais sans aucun sentiment de culpabilité. Que tous les prétendants aillent se faire foutre.

(1) https://public.wmo.int/fr/medias/communiqu%C3%A9s-de-presse/2020-est-l%E2%80%99une-des-trois-ann%C3%A9es-les-plus-chaudes-jamais-enregistr%C3%A9es

(2) Greenpeace, Oxfam-France, la Fondation Hulot, Notre Affaire à tous.

(3) lemonde.fr/planete/article/2021/01/15/il-faut-arreter-cette-machine-infernale-du-rechauffement_6066361_3244.html

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Un certain Robert McNamara, criminel de guerre

Quand vous lirez ces lignes, le procès d’Évry sera peut-être terminé, et comme je n’en connais pas le résultat, passons vite. Une admirable Vietnamienne, Tran To Nga, poursuit les transnationales de l’agrochimie qui ont fabriqué l’Agent orange, dont Monsanto et Dow Chemical. Cet herbicide persistant, épandu par Américains sur la forêt à partir de 1962, a empoisonné des millions de Vietnamiens, et des milliers de gosses naissent encore avec des malformations, cinquante ans après.

Bref, disons deux mots d’un des plus grands salopards de l’histoire récente, l’Américain Robert McNamara. Né en 1916 – et mort en 2019 -, il mène des études, pour partie en philosophie, puis joue un rôle militaire important après 1941. Il est tenu pour le grand stratège du bombardement non-nucléaire de Tokyo, le 10 mars 1945, qui tue en une nuit 100 000 personnes.

Redevenu civil, il dirige Ford, mais quand Kennedy arrive au pouvoir en 1961, il devient secrétaire à la Défense, équivalent de notre ministre des Armées. Au Vietnam, ce criminel de guerre continuera sa route par des bombardements sur les digues le long du Fleuve Rouge, pour noyer les paysans du Nord, lancera plus largement l’opération Rolling Thunder – des bombardements de villes – et bien sûr l’opération Ranch Hand, celle de l’Agent Orange.

En 1971, la publication des Pentagon Papers par le New York Times montre que McNamara savait dès 1966 que la guerre américaine au Vietnam était perdue. Et alors ? Quittant son poste en 1968, notre crapule devient président de la Banque Mondiale, où il poursuit sous d’autres habits sa mission de destruction du monde et de ses écosystèmes.

Mais faut pas croire, cet homme avait aussi une âme. Travaillant il y a dix ans sur un livre, j’ai pu mettre la main sur un document disons discret – et même secret – du WWF, cette si curieuse association « écologiste ». Datant de 1987, intitulé « Le club des 1001 », il dressait la liste des plus grands donateurs du WWF. Et parmi eux, l’ancien dictateur africain Mobutu. Et parmi eux, Robert McNamara.

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Laurent Wauquiez, l’homme qui aime claquer le fric des autres

Y a-t-il politicien plus lamentable que Laurent Wauquiez ? Comme le concours est très relevé, réservons la réponse. Mais enfin, il serait en toute hypothèse sur le podium. Détesté unanimement par son camp – son invraisemblable arrogance passe mal -, il a été président de l’UMP en 2017, et après en avoir été lourdé, il s’est replié sur la présidence du conseil régional AURA, pour Auvergne-Rhône-Alpes.

L’une de ses dernières lubies consiste en une déviation routière entre deux villages de Haute-Loire, Saint Hostien – moins de 750 habitants – et Le Pertuis, moins de 500. Soit 10,5 km qui nécessiteront 13 ouvrages d’art dont un viaduc de 300 mètres de long, Le Roudesse, pour un coût au départ de 260 millions d’euros. Qui paiera ? Le conseil régional de Wauquiez, à hauteur de 198 millions, car dit notre cher ami, « L’État n’a plus d’argent et sans la Région, il n’y aurait pas cette mise à 2×2 voies ». Ajoutant : « C’est un effort énorme de solidarité que fait la Région à l’égard de la Haute-Loire ».

On te croit, mon gars, surtout quand tu prétends que ça diminuera les accidents et que ça rendra la tranquillité aux villages. Ce qui est d’ailleurs vrai, mais qui en France mettrait 260 millions d’euros sur la table pour faire plaisir à 1200 personnes ? L’autre argument de Wauquiez est encore plus drôle : cela ferait gagner du temps. Selon les calculs du quotidien local L’Éveil, entre 2’40 » et 3’50 ». Les travaux sont en cours, les opposants sont sur le pont, Wauquiez se moque d’eux sur tous les tons.

Cinquante ans et plus une seule dent

Le ministère de l’Environnement [ ou de l’Écologie, selon ] a cinquante ans et fait semblant depuis cinquante ans. C’est même pas la faute des ministres, ectoplasmes si contents d’être sur la photo. Le mal est plus profond : ceux qui décident sont ceux qui salopent tout depuis deux siècles.

Presque trop facile. Quand le père Pompidou décide la création d’un ministère de l’Environnement en 1971, il confie la tâche à ce bon monsieur Poujade, maire de Dijon, qui se demanderait pourquoi on l’a choisi s’il n’était pas mort. Sans soute parce qu’il avait été le conseiller d’un ministre de la construction oublié, puis en charge d’une « commission du développement » régionale. Lui-même devait écrire ensuite un livre disant l’évidence dès le titre : « Le ministère de l’impossible ». L’époque était à ce qu’on appela le « gaullisme immobilier » : les combines avec les promoteurs, les lourdes valises de liquide, la traversée de Paris en 13 minutes « grâce » à la voie express qui porte d’ailleurs le nom de son créateur, Pompidou. Ce dernier lâcha : « La ville soit s’adapter à la voiture ». Paris fut à nouveau éventrée.

On ne dressera pas la liste de tous les autres, mais regardons tout de même quelques noms. En 1974, Peyrefitte, l’inénarrable Alain Peyrefitte, qui fut ministre de l’information – flic de la télé – sous de Gaulle. De 1978 à 1981, Michel d’Ornano, dont le cabinet ouvre et couvre en automatique les décharges les plus criminelles, comme celle de Montchanin. De 1984 à 1986, Huguette Bouchardeau – fière PSU -, qui se fait enfler par les ingénieurs de son propre ministère dans l’affaire des déchets de Seveso passés en France. De 1986 à 1988, Alain Carignon, qui finit en taule pour avoir vendu l’eau de Grenoble à la Lyonnaise des Eaux.

De 1989 à 1991, Brice Lalonde, qui fait des bulles avant de copiner avec l’ultralibéral Alain Madelin. De 1995 à 1997, Corinne Lepage, qui en tire le livre « On ne peut rien faire, madame le ministre », qui démontre parfaitement qu’un tel ministère ne sert à rien. De 1997 à 2001, Dominique Voynet, qui accepte de siéger au conseil des ministres où trône un certain Claude Allègre, négateur en chef du dérèglement climatique. Et ne fait rien. De 2001 à 2002, Yves Cochet, inaugurateur de chrysanthèmes. De 2007 à 2009, Jean-Louis Borloo, grand ordonnateur de du grandiose enfumage du Grenelle de l’Environnement avec en guest star Nathalie Kosciusko-Morizet, jouant de la harpe dans son jardin pour Paris-Match. Un dernier pour la route : de Rugy en amoureux transi du homard mayonnaise.

Tout ça ne pèse en réalité de rien. Les ministres passent, qu’on oublie la seconde suivante – qui se souvient de Jarrot, Lepeltier, Olin, Bricq, Borne ? qui se souviendra de Pompili ? – et demeurent les structures. Or sans entrer dans le détail, passionnant, retenons que deux grands corps d’ingénieurs d’État se partagent la direction réelle du ministère : les ingénieurs des Mines et ceux des Ponts, des eaux et forêts. Le pouvoir, c’est eux.

Prenons l’exemple de la Direction générale général de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), qui a dans sa besace la biodiversité, la mer, le littoral, l’eau. En août 2019, son dirlo, Paul Delduc, quitte sa fonction, où il est remplacé par Stéphanie Dupuy-Lyon. Le premier est ingénieur général des Ponts, des eaux et des forêts. La seconde est ingénieure des Ponts, des eaux et des forêts. Idem à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui gère le si vaste domaine des pollutions. Son boss, Cédric Bourillet, est ingénieur des Mines et son adjoint, Patrick Soulé, ingénieur des Ponts, des eaux et forêts. Ces grands personnages savent partager.

Troisième exemple : la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui s’occupe comme il n’est pas difficile de le deviner, du dérèglement climatique. Patron inamovible : Laurent Michel, ingénieur général des Mines.

Tous ces braves gens font partie de ce que Bourdieu appelait la « noblesse d’État », et ce n’est pas un vain mot, puis le corps des Mines existe depuis 1794. Pour l’autre, résultat d’une fusion, il faut distinguer les Ponts et Chaussées, corps né en 1716 et celui du Génie rural, des eaux et des forêts, que certains font remonter à…1291. La France que nous connaissons, c’est eux.

Les ingénieurs des Mines auront mené au cours des deux siècles passés l’industrialisation de la France. Et dans l’après-guerre, créé ou dirigé ELF – le pétrole, les coups d’État en Afrique -, Renault et la bagnole, le nucléaire bien sûr avec EDF, la Cogema, le CEA. Les Ponts, c’est le programme autoroutier, les barrages sur les rivières, les châteaux d’eau et les ronds-points, le béton armé et les cités pourraves de toutes les banlieues. Les Eaux et Forêts, enfin, ont massacré la campagne en remembrant, en arasant des centaines de milliers de km de talus boisés, en aidant à la diffusion massive des pesticides via les directions départementales de l’agriculture dont ils furent les maîtres.

Joyeux, pas vrai ? On crée un ministère en 1971 et on refile les clés à ceux qui ont tout salopé en leur demandant de faire exactement le contraire de ce que leurs chers ancêtres ont fait. En oubliant en plus leur magnifique formation, qui laisse de côté tout ce que l’écologie scientifique a maintes fois établi. Le ministère de l’Environnement de 1971 ? Le ministère de l’Écologie de 2021 ? On sait se marrer, dans les hautes sphères.

Nous voulons des paysans. Pas toi ?

Ce papier a été écrit pour le journal de la Confédération paysanne,

Chère lectrice, cher lecteur de Campagnes Solidaires, c’est à toi que je m’adresse personnellement, et tu me pardonneras ce tutoiement. Ici, je me sens en famille. En septembre 2018, j’ai lancé avec une poignée d’autres « Nous voulons des coquelicots », qui a essaimé partout en France. À l’arrivée, en septembre 2020, nous avions réuni 1 135 00 signatures, réclamant l’interdiction de tous les pesticides de synthèse.

J’ai suggéré un prolongement : « Nous voulons des paysans » (1). Il s’agit d’unir au-delà des frontières habituelles, autour d’un plan de sortie de l’agriculture industrielle en dix ans. Ce plan nécessite de grandes ressources publiques – le coronavirus a montré qu’elles ne manquent pas – et doit permettre le maintien de tous les paysans encore en activité et d’en installer 1 million de nouveaux, soit une moyenne de 100 000 par an.

Est-ce possible ? C’est surtout vital. Nous ne ferons pas face au dérèglement climatique et à la chute vertigineuse de la biodiversité sans une paysannerie nombreuse, fière d’elle-même, heureuse. Je sais les obstacles, innombrables, mais je sais aussi qu’un pays sans espoir collectif, est un pays foutu.

Au tout début des années 60, les jeunes technocrates propulsés au pouvoir par le retour du général de Gaulle, ont inventé une France nouvelle, désastreuse. Celle des grandes villes reliées progressivement par des lignes TGV et des autoroutes. Le programme a été réalisé, rejetant dans les ténèbres extérieures les petites villes et les campagnes. Tu le sais comme moi : les services publics ont déserté, les écoles ont fermé, les commerces des centres-villes ont disparu, aspirés par les centres commerciaux de la périphérie.

Une autre France est possible et nécessaire. Il nous faut préparer une révolution spatiale, seule capable de redonner équilibre et sens à notre pays. Ce combat-là, qui semble annexe, peut entraîner avec lui, dans nos territoires, quantité de gens que nous ne rencontrons plus guère : des commerçants, des petits chefs d’entreprise, des responsables administratifs, des élus de gauche ou de droite.

Il s’agit bien de créer du mouvement, de lancer une dynamique irrésistible à terme, autour d’une idée aussi simple que l’œuf de Colomb : dans une société qui se veut démocratique, ce que le peuple veut, il l’obtient.

Mais revenons à nous, à vous, à toi. Je souhaite de toutes mes forces des retrouvailles entre la société et les paysans. Il est infernal de penser que des êtres qui travaillent dur pour nourrir la population soient à ce point déconsidérés. Et cela ne peut que durer, tant que les productions resteront industrielles. Les consommateurs s’en détournent chaque année un peu plus.

Le succès possible de cet Appel est là : il faut que tous se retrouvent autour d’une agriculture paysanne respectueuse des bêtes, et qui romprait enfin avec l’agrochimie.

Il va de soi que rien ne sera possible si la société n’accepte pas trois évidences : la production de nourriture coûte cher ; le travail doit être payé à sa valeur ; le revenu de tous les paysans doit être élevé et stable.

Moi, je crois qu’il n’est pas trop tard. La France a pris un mauvais embranchement en sacrifiant ses paysans au profit de l’industrialisation. Il faut et il suffit de prendre ensemble une tout autre route. Tel est en résumé cette nouvelle aventure appelée « Nous voulons des paysans ».

Mais j’y insiste : pas de sectarisme. Avançons les bras ouverts. Soyons fraternels. Tout le monde doit être invité, même si certains ne viennent pas. Pour commencer, j’ai lancé l’idée de 1000 banquets pour 1 million de paysans nouveaux. Au printemps, à une date qui reste à trouver, il s’agirait de se retrouver par milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers – qui sait ? – au cours de repas géants.

Le plus simple consiste à se retrouver autour de repas pantagruéliques, qui réuniraient paysans locaux, cuisiniers amateurs ou professionnels, responsables divers et variés, citoyens engagés ou non. Telle pourrait être la base populaire d’un grand mouvement d’espérance collective.

Bien sûr, rien ne nous garantit le succès. Bien entendu, il se trouvera tel ou tel pour décréter que ce n’est que rêverie, ou même que cela détourne de tâches immédiates. Mais de toi à moi, qu’y a-t-il de plus urgent que de changer la face de notre monde ?

De toi à moi, qui est le plus fou ? Celui qui rêve encore de déclencher l’enthousiasme, ou celui qui attend la catastrophe suivante pour pouvoir dire qu’il l’avait prévue ?

Chère lectrice, cher lecteur, haut les cœurs ! Il faut y aller.

(1) nousvoulonsdescoquelicots.org/2020/09/10/nous-voulons-des-paysans-3/

Giscard à la chasse (morituri te salutant)

Vous le savez, Giscard vient de mourir à l’âge de 94 ans. Un lecteur me remet en mémoire ce texte, publié ici en 2013. Ma foi, cela se lit toujours. Le voici.

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Amis lecteurs, c’est une première : je partage avec vous un article du journal Le Figaro, charmant quotidien aux mains d’un marchand d’armes. Et comme cela tombe bien ! Ce qui suit est en effet consacré à la chasse, telle que vue par l’un de nos grands chasseurs, Valéry Giscard d’Estaing. Je dois préciser pour les plus jeunes d’entre vous que Giscard a bel et bien existé. La preuve, c’est qu’il continue à tuer.

Cet homme renversant de sottise pseudo-aristocratique, confit dans un absurde sentiment de supériorité, a été président de notre pauvre République entre 1974 et 1981. Que reste-t-il ? Rien. Peut-être la photo jaunie, dans des collections anciennes, de Giscard invitant les éboueurs du quartier à partager son petit-déjeuner de l’Élysée. Tout le reste n’aura servi à rien, tout le reste n’est déjà plus qu’un infime tas de poussière sur les étagères du passé.

Si je vous offre sans rechigner le morceau de bravoure qui suit, c’est parce qu’il éclaire un pan de notre ténébreuse psyché. Pourquoi le mal ? Pourquoi la tuerie ? Pourquoi ces plaisirs si malsains ? Je n’en sais rien. Mais sous couvert de la grotesque personne de Giscard, cette interrogation lancinante m’arrache un sourire. J’espère qu’il en sera de même pour vous.

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Entretien paru dans Le Figaro du 3 novembre 20013

INTERVIEW – Poil ou plume, chasses présidentielles ou safaris privés, l’ancien président de la République a toujours revendiqué sa passion pour la chasse.

LE FIGARO. – Que signifiela chasse pour vous?

Valéry GISCARD D’ESTAING. – La chasse a été la première activité de l’homme. En France, c’était à l’origine un privilège féodal, qui a été aboli à la Révolution. Depuis, le nombre de chasseurs se compte par millions, c’est un sport national bien plus étendu que le foot. Une activité profondément ancrée dans l’humanité, un vaste monde.

Quelles sont vos chasses à vous?

Elles ont été diverses. J’ai d’abord eu le privilège de participer aux chasses présidentielles, à Rambouillet, à Chambord et à Marly. Le général de Gaulle ne chassait pas, mais, par tradition, il participait à la dernière battue, et j’en ai suivi quelques-unes avec lui.

J’ai aussi toujours chassé avec des amis, en France, pour le plaisir. Je continue d’ailleurs : je ne sais pas pourquoi on a écrit que je n’ai pas renouvelé mon permis de chasse, c’est inexact. Je traque des petits animaux, des perdreaux, des faisans. Je regrette d’ailleurs que les perdreaux gris, qui étaient par excellence le gibier français, aient disparu, à cause des pesticides. Je chasse parfois le cerf, animal emblématique dans tous les pays d’Europe. On doit pour cela attendre la saison du brame, sinon ils se terrent et on ne les voit pas. Si l’on veut rencontrer de grands cerfs, il faut se rendre dans les pays de l’Est, comme la Pologne, ce que j’ai fait régulièrement. Pour les grands animaux comme le buffle, l’éléphant ou les grandes antilopes, je suis beaucoup allé en Afrique, au Cameroun, au Gabon, au Kenya, en Tanzanie, dans les anciennes colonies françaises et anglaises. Mais j’ai cessé un jour, car ma fille, lorsqu’elle était petite, me le reprochait.

Quel plaisir de poursuivre ainsi un animal?

Chasser est un sport, on peut marcher des dizaines de kilomètres en pistant un animal. Mais le vrai plaisir est celui procuré par la nature. La chasse est souvent une solitude, et on se retrouve parfois seul face à la forêt. En Afrique, j’ai vu la planète telle qu’elle devait être depuis les origines. C’est vrai que le chasseur est dans une relation étrange avec les animaux : on ne tue plus pour la nourriture, l’industrie s’en charge désormais. Alors quand un grand animal tombe, on éprouve une sensation de nostalgie, une émotion triste. Tous les chasseurs connaissent ce sentiment curieux.

Vous avez tous les «anti»contre vous désormais.

L’espèce humaine s’urbanise de plus en plus, elle ne comprend plus la chasse. Nous sommes dans un monde où les «anti» font beaucoup de bruit, même s’ils ne représentent pas grand-chose. J’ai tout de même l’impression que les jeunes de la campagne continuent d’aimer et de pratiquer la chasse.

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Ci-dessous le lien de l’article :

http://www.lefigaro.fr/culture/2013/11/03/03004-20131103ARTFIG00028-valery-giscard-d-estaing-la-chasse-est-souvent-une-solitude.php?m_i=SfVSkXuiONQhJw10LxLszEl4WacUfSfkFAgfRIo0bZOuxfISl