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Des nouvelles du front intérieur

Beaucoup d’entre vous le savent : j’ai reçu plusieurs balles au cours de la Grande Tuerie de Charlie Hebdo, le 7 janvier passé. Plus le temps passe, et plus mon énergie diminue. Cela me semble étrange, mais je n’y peux rien. En fait, le blues recouvre mon quotidien, fait de bien peu de choses. Je ne réponds que sporadiquement à ceux qui me souhaitent pourtant le meilleur, et j’attends. D’ici quelques jours, je serai hospitalisé une nouvelle fois, pour subir deux opérations, dont l’une conditionne ma capacité à marcher normalement. Entendons-nous : je ne pleure pas, je suis seulement d’une pesante tristesse. Je pense évidemment aux miens, morts dans l’attaque. Je pense aux blessés, dont Simon, à qui je reviens si souvent.

Je ne suis pas en état pour alimenter Planète sans visa. Je vous remets ci-dessous une chronique parue le 4 novembre 1999 dans l’hebdomadaire Politis. Il y a plus de quinze ans. Quelques mois avant la fumeuse Conférence de Paris sur le climat, cela fait réfléchir. Non ?

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(In Politis, 4 novembre 1999)

Bonn, mais franchement mauvaise

L’écologie contre la démocratie ? Peut-être. Il devient chaque jour plus manifeste que notre système politique usuel ne permet pas d’affronter les menaces globales qui pèsent sur les grands équilibres naturels. En témoigne de façon caricaturale la conférence de Bonn  sur le changement climatique. À l’heure où cette chronique est écrite, elle est loin d’être terminée, mais on peut déjà en parler sans grand risque d’être démenti.

Les États-Unis et l’Europe s’y opposent dans un pesant jeu de ruse médiatique et de faux-semblants. À main gauche, les Américains, qui refusent toute mesure contraignante, notamment contre la sainte-bagnole, et entendent tout régler par le marché, la Bourse, l’argent. À main droite, une Union européenne qui profite de cet épouvantail pour nous faire croire qu’elle au moins est décidée à tenir les engagements pris à Kyoto voici deux ans, soit une diminution de 8 % des émissions de gaz à effet de serre en 2010 par rapport à 1990.

La vérité est tout autre : selon l’Onu elle-même, l’augmentation des émissions continue et pourrait atteindre 18 % en 2010 par rapport à 1990. Dans ces conditions, le sabotage américain et l’inertie européenne se rejoignent dans ce qu’il faudra bien un jour appeler un crime contre l’humanité.

La démocratie dans tout cela ? Le protocole signé à Kyoto n’est toujours pas appliqué pour une raison simple : seule une poignée de pays a voté sa ratification. Aux États-Unis, le congrès bloque et bloquera tant que ses dispositions “dures” n’auront pas été au moins tournées. Puis, comme on est entré en période électorale, chacun sait ce que cela veut dire : il faudra attendre, pour que le dossier soit seulement considéré, le printemps 2001.

L’Europe ne vaut guère mieux : imagine-t-on un Jospin – ne parlons pas de Chirac ! – prendre la tête d’une croisade contre la croissance et ses inévitables corollaires, alors que 2002 se profile à l’horizon ? Il faudra bien que le débat sur les impasses tragiques de nos modèles dits démocratiques voie le jour. Et il serait plus sage qu’il soit lancé par des démocrates et des amis de l’homme plutôt que par quelque brute dopée par les malheurs à venir, désormais si probables.

En avant vers notre grandiose Salon de l’Agriculture

Mes chers amis, mes chers non-amis, mes si chers lecteurs, quelques nouvelles. Pour ceux qui l’ignorent, j’ai reçu plusieurs balles au cours de l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, le 7 janvier dernier. Je suis toujours à l’hôpital, toujours en attente de nouvelles opérations. Je n’entre pas dans des détails plutôt pénibles, mais de nouveaux dégâts apparaissent. Rien d’irrémédiable, mais beaucoup de tracas en perspective. Je ne me plains pas. Comment oserais-je ? Chaque jour, j’entends de la bouche des soignants et soignantes de nouvelles histoires, extraordinaires à mes oreilles. Et puis j’attends. 44 jours.

Pour le reste, je vois que la politique coutumière suit son chemin. François Hollande, Manuel Valls, Stéphane Le Foll ont, ainsi que je vous l’ai écrit plus d’une fois, dealé avec l’un des plus grands ennemis de la nature de notre pays, Xavier Beulin. Beulin, céréalier industriel de la Beauce, est à la fois le président de la FNSEA, abusivement présenté comme un syndicat paysan, et P-DG de la multinationale de l’agro-industrie Sofiprotéol, dont le chiffre d’affaires dépasse les 7 milliards d’euros par an.

De multiples exemples attestent de cet accord discret, dans lequel je vois une profonde connivence. À l’approche du Salon de l’Agriculture, qui ouvre ce samedi en présence de François Hollande, notons ensemble quelques points. Le 2 février, le président de la République reçoit Beulin, qui annonce froidement une forte houle pendant le salon de l’Agriculture. La France Agricole en ligne ajoute : « Le couple agriculture-environnement, “sujet emblématique” du secteur agricole, a également été abordé par le responsable syndical. Il a rapporté au chef de l’Etat l’exaspération du terrain sur de nombreux sujets tels que la simplification administrative ou encore la difficulté pour les éleveurs d’obtenir des autorisations pour les installations classées ».

Eh bien, la réponse n’a pas traîné. Dès hier, le gouvernement annonçait l’assouplissement des conditions d’ouverture des élevages industriels de volaille : jusqu’à 40 000 bêtes, seul l’enregistrement sera nécessaire. En outre, les contrôles environnementaux se trouveront allégés, et la durée de recours juridique contre les élevages industriels sera réduite. Rien que des cadeaux à l’agriculture industrielle. Le pire, que même Sarkozy n’avait osé.

Commentaire de Jean-François Piquot, porte-parole d’Eau et Rivières de Bretagne (ERB), l’une de nos vaillantes associations : « Alors que la pollution de l’eau coûte chaque année plus d’un milliard d’euros au consommateur, ces mesures corporatistes (…) ne peuvent que dégoûter les citoyens soucieux de l’environnement et renforcer leur défiance à l’égard des responsables politiques. » 

La messe serait donc dite ? Elle l’est, et depuis le début. Derrière le rideau de scène, la ferme des 1000 vaches, que nos compères Hollande-Beulin soutiennent de toutes leurs forces coalisées depuis le début. Le Foll, sur ordre volontairement consenti, a choisi l’industrie contre l’agriculture paysanne. La FNSEA contre la Confédération paysanne. L’infernale pollution des sols et des eaux contre le dynamique essor de la production bio. Le grand massacre de bêtes contre le respect dû à toute créature vivante.

Qu’ajouter ? Ces gens me font honte.

Une belle pipe de l’Europe au patronat

Ce papier a été publié par Charlie Hebdo le 24 décembre 2014, sous un autre titre

Pour faire plaisir à un lobby patronal – dont notre Medef national -, l’Europe de Juncker et de la fraude fiscale vient de sacrifier la lutte contre la pollution de l’air, qui tue chaque année des dizaines de milliers de personnes.

Ces gens de l’Europe se foutent ouvertement de nos gueules. Le dernier exemple vient d’en être apporté par la « nouvelle » Commission européenne présidée par le Luxembourgeois Juncker, déjà empêtré dans le tentaculaire et retentissant scandale financier Luxleaks (1).

De quoi s’agit-il ? Le 20 novembre – mais l’affaire durait depuis des semaines dans les coulisses -, le lobby BusinessEurope adresse une lettre à ses servants de la Commission. BusinessEurope regroupe 39 associations patronales de 33 pays, dont notre merveilleux Medef, et à ce titre, on peut le qualifier de grande puissance. Donc, une lettre, qui passe en revue cinq projets de directives – des lois – qui sont depuis longtemps dans les tiroirs. Et qu’il faut désormais sortir, et appliquer. Lesquels ? Pour noyer le poisson, BusinessEurope mélange fretin et gros morceaux. Dans la première catégorie, l’égalité des genres dans les conseils d’administration. Et dans l’autre, la protection de la santé et l’écologie.

Sans trop se gêner, et ainsi que le rapporte le site en ligne Euractiv.fr, les patrons font valoir que ces projets déjà en négociation « vont à l’encontre de la compétitivité des entreprises européennes » et « devraient être supprimés ». La suite, même pour des gens blindés comme les chroniqueurs de Charlie, est stupéfiante. Car Juncker et son homme-lige Frans Timmermans, vice-président de la Commission, acceptent de se coucher dans les beaux draps de soie de BusinessEurope.

Le 16 décembre, les deux compères annoncent comme s’ils venaient de prendre la décision en toute liberté qu’il faut faire des choix (2). Constatant après tant d’autres Sarkozy et Hollande que « les grandes priorités sont la croissance et l’emploi », ces braves employés de maison entendent se concentrer en 2015 sur 23 initiatives. Ce qui implique de jeter dans la cuvette des chiottes deux « paquets », ainsi que les appelle la novlangue : celui concernant la pollution de l’air et celui de « l’économie circulaire », concept en vogue qui consiste à utiliser peu de carbone et à massivement recycler.

Ce que voyant, les cocus habituels – les associations comme France Nature Environnement, Les Amis de la Terre, la fondation Hulot – pondent un communiqué épouvanté. Extrait : « Concernant la qualité de l’air, cette décision incompréhensible annule ainsi la révision de la directive « Plafonds d’émissions nationales » qui aurait pu sauver 58 000 vies par an. Pour l’économie circulaire, cette suppression retire les objectifs de recyclage de 70% pour les déchets municipaux et de 80% pour les emballages, tout comme l’interdiction de mettre en décharge tout déchet recyclable ou biodégradable. Ces objectifs auraient pu créer des centaines de milliers d’emplois ».

Un mot sur le chiffre de 58 000. Il s’agit d’une estimation d’experts, et comme telle, n’est jamais qu’une indication. D’autres estiment par exemple que les particules fines de pollution, au premier rang celles du diesel, pourraient tuer avant l’heure 42 000 personnes par an en France. Et sept millions d’humains de même, chaque année, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Dans tous les cas, il s’agit d’un crime de masse prémédité, et si un brin de justice régnait sur le monde, Juncker et Timmermans iraient droit en prison sans passer par la case Banques luxembourgeoises. Mais à ce compte-là, on pourrait poser des questions à la droite française – bien sûr -, mais aussi à la gauche.

Jacques Calvet, ci-devant patron de Peugeot, a conduit pendant quinze ans, de 1983 environ jusqu’en 1997, un lobbying forcené en faveur du Diesel. Et a gagné la partie, car les deux tiers des bagnoles neuves, chez nous, sont Diesel. 1983-1997 : gauche au pouvoir, puis droite, puis gauche, puis droite, puis gauche. Calvet, devant les députés le 3 septembre 1997, alors que Jospin est à Matignon : « Le problème est d’une simplicité biblique (…) : nous sommes les meilleurs dans le monde en matière de Diesel ».

(1) 28 000 pages d’accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et une flopée de transnationales. Révélé par une quarante de journaux, Luxleaks montre comment les banques locales organisent la fraude fiscale au détriment des politiques communautaires.

(2) http://ec.europa.eu/priorities/work-programme/index_en.htm

Ô triste, triste était mon âme (Vallini, Hollande et consorts)

On connaît peut-être ces vers splendides de Verlaine, qui commencent par « Ô triste, triste était mon âme ». Son petit poème est somptueux, qui parle du chagrin d’amour, de la perte d’une aimée. J’ai pensé à lui ce matin en écoutant notre pauvre président de la République sur France Inter. Absurdement, je dois en convenir. Car je n’ai jamais eu ni amour ni simple affection pour François Hollande. Je le tiens pour un exceptionnel médiocre, et ses mots dérisoires à la radio ne peuvent que renforcer un sentiment déjà ancien.

Qu-a-t-il dit à propos de la tragédie écologique ? Les stupidités coutumières. Une taxe sur les transactions financières « pour le climat » d’ici 2017, quand la fameuse taxe Tobin est évoquée depuis 1972. Mais il est vrai que le PS promet le droit de vote des étrangers depuis 1980. Hollande est cet homme capable de transformer le dérèglement climatique en un simple enjeu politicien dans sa course électorale de troisième zone. C’est affreux. En ce qui concerne Notre-Dame-des-Landes, où je suis passé le 1er janvier, il a annoncé, faussement martial comme à l’accoutumée, que l’aéroport se ferait une fois les recours juridiques épuisés.

Sivens à la puissance 10 ?

Que penser ? Voici mon sentiment. Il y a au moins deux lignes au sommet de ce qui nous reste d’État. Hollande, rad-soc dans l’âme perdu au milieu des tempêtes et des drames, voudrait que l’affaire se règle toute seule. Comme il a horreur de trancher, comme il a évidemment peur d’un Sivens à la puissance 10, il aimerait bien, au fond, que les recours durent au-delà de la prochaine élection présidentielle de 2017. Ainsi, il n’aurait pas à agir. Seulement, il n’est pas seul à bord, de loin.

D’abord, il y a sa base, ce parti socialiste qui sociologiquement est aux antipodes de la France réelle. Un parti de vieux, de cadres, d’enseignants, de Blancs, qui ont tant profité des Trente Glorieuses qu’ils refusent tout vrai changement. Remettre en cause la doxa de la croissance, du BTP, de la publicité, des appareils et des objets, cela reviendrait à dire la vérité sur ce qu’ils sont. Et ce qu’ils sont, qui l’ignore ? Des gens aveugles et indifférents, qui auront soutenu de toutes leurs forces arthritiques la destruction par la bagnole et les ronds-points, les villes nouvelles et les Disneyland, l’amiante et les pesticides, le bétonnage des côtes et les canons à neige, la laideur et la puanteur. J’exagère ?

Qui dépassera jamais un André Vallini ? Président du conseil général de l’Isère, ce distrayant personnage rêvait de devenir Garde des Sceaux, mais la place étant prise, il doit se contenter d’un secrétariat d’État chargé de la réforme territoriale. Entre deux bâillements, il s’enflamme, mais pour quelle cause ? Celle de l’eau, de l’air, des sols, de la forêt, des océans, du climat ? Non, celle bien plus sacrée du BTP. Dans un bref entretien au quotidien régional Le Dauphiné Libéré (ici), il apporte son soutien empressé au projet de Centers Park de Roybon, et se plaint amèrement des lois qu’il se serait fait un plaisir d’appliquer ès qualités, déplorant « des réglementations trop lourdes et des procédures trop longues qui permettent d’entraver des projets portés par des élus du suffrage universel ».

Une France des autoroutes et des barrages

C’est déjà impressionnant, mais la suite l’est davantage, car Vallini déclare même : « Pour que la France reste la France, nous devons continuer à construire des aéroports, des barrages, des autoroutes, des lignes de TGV, des équipements de tourisme ». Nous touchons cette fois au cœur de l’imaginaire de pacotille des gens qui nous gouvernent. La France, leur France doit être détruite. Gallia delenda est ! À ce stade inouï, la tristesse radicale l’emporte sur le fou rire, et c’est un bien mauvais moment à passer. Que révèlent les mots de Vallini, que reprendraient à leur compte presque tous les socialos ? Qu’aucun accord n’est possible. Qu’une frontière infranchissable sépare les défenseurs de la vie et ces imbéciles qui ne savent pas regarder un ciel sans qu’il soit sponsorisé par l’armée de l’air, EDF ou Total.

Est-ce tout ? Pas encore. Le parti socialiste, sous les fesses de Hollande, veut la poursuite du programme si bien entamé, c’est l’évidence. Mais notre président préfèrerait, lui, que les choses s’accumulent discrètement sous le tapis. Et qu’on parle d’autres sujets plus anodins. Reste Manuel Valls. Il n’y a pas de doute que le Premier ministre souhaite l’affrontement autour de Notre-Dame-des-Landes. Il sait, tout comme moi, qu’un passage en force conduirait probablement à des morts, car les zadistes et ceux qui les soutiennent – j’en suis – n’entendent pas reculer. Ne pas croire que Valls s’en moque, tout au contraire. Il veut un choc majeur autour du chantier, suivi d’une évacuation générale. Car cela lui permettrait d’asseoir dans l’opinion l’image après laquelle il court depuis des années : celle de Clemenceau.

L’empereur des mouchards

En deux mots, Clemenceau, venu de la gauche, gagnera dans les premières années du siècle passé les surnoms de Césarion, Bête rouge, Sinistre de l’intérieur, Monstre, Empereur des mouchards. Ministre de l’Intérieur dès 1906, « premier flic de France », il envoie la troupe contre les mineurs en grève, fait arrêter des responsables syndicaux, installe pour finir 60 000 soldats – 60 000 ! – dans Paris, jusque sur les quais du métro naissant, pour mater les prolos révoltés. Il gagne, et sera plus tard président du Conseil en 1917 et décrété « Père la Victoire », installé sur les millions de cadavres de la guerre de 14-18.

Ce que veut Valls aujourd’hui, c’est le même destin. Venu de la gauche – d’une certaine gauche en tout cas -, il veut montrer à la droite qu’il ne cèdera pas à la populace, encore moins quand celle-ci a le visage plein de piercings et vit dans des cabanes au fond des bois. Il veut imposer l’ordre, avec ce si vague fumet social qui l’entoure encore. En somme, il entend incarner l’idée d’une unité nationale, comme Clemenceau l’a fait entre 1917 et 1920. Je gage qu’il parie sur une aggravation de la situation telle qu’il pourrait jouer sa carte en 2022, ou peut-être avant. Son calendrier n’est pas celui de Hollande, car un peu plus jeune, il sait devoir sauter la case 2017. En attendant, il lui faut, pour avancer sur le chemin de son grand remake, du sang et des larmes.

En aura-t-il ? Je ne suis pas devin, et Hollande n’a pas envie d’entrer dans le souvenir national sous le nom de « Boucher de l’aéroport ». Le jeu reste ouvert, et au moment où j’écris, je pense que le pouvoir préférera tergiverser et gagner du temps plutôt que de chasser les zadistes par la violence. Mais si cela devait se produire, regardez de près le comportement de Valls. Lui, il sait ce qu’il veut. Et ce qu’il veut, c’est que ça cogne.

Cohn-Bendit, Mélenchon et Zemmour

Étant loin de mes bases, je vais très vite. Ce qui suit n’a pas à voir explicitement avec l’objet de Planète sans visa, qui est la tragédie écologique. Mais toute régression manifeste vers le tribalisme, la haine, le racisme ne peut que nous éloigner tous des questions essentielles, et pour cette raison, je devais écrire ce qui suit. Je suis effaré par la réaction de Cohn-Bendit et de Mélenchon. Je résume : Zemmour donne un entretien au quotidien Il Corriere della Sera, que vous trouverez ci-dessous dans sa version originale italienne.  Mélenchon a rendu publics certains morceaux, l’affaire a enflé, et finalement Zemmour se fait virer d’I-Télé, ce qui lui permet de hurler à la Lune et à la censure des bien-pensants. Là-dessus, Cohn-Bendit et Mélenchon protestent contre son éviction.

Je ne parlerai pas de leurs arguments, car ils m’indiffèrent. Comment ces gens peuvent-ils être à ce point aveugles ? Ma lecture des mots criminels de Zemmour est simple : ils dessinent les contours d’un nouveau, mais cette fois véritable fascisme (ici pour une partie de la traduction). Je n’emploie pas ce mot à la légère, et voici pourquoi. Le Front National a toujours compté dans son sein des petites crapules, en effet fascistes. Mais lui-même n’a jamais été qu’un mouvement d’extrême-droite, répugnant certes, mais incapable de créer un mouvement de masse, mais incapable de viser des objectifs ouvertement antirépublicains.

Zemmour, qui critique au passage le FN – trop « à gauche » au plan social -, va bien plus loin. Il recrée, fantasmatiquement pour l’heure, les conditions qui ont permis le pire il y a 74 ans, quand le régime de Vichy imposait un statut aux juifs, leur interdisant tant de professions. Il justifie dès l’avance les pires crimes racistes à venir, en proclamant que les musulmans ne sont bons qu’à être expulsés. Et il le fait, amis, à la manière des salauds de jadis, sans prendre la peine de constater que la grande majorité sont français. Autrement dit, il conteste leur nationalité, et dès lors, tous les déchaînements deviennent possibles.

Zemmour n’est qu’un symptôme peut-être, mais de la guerre qui menace. On le sent palpiter à l’idée du chaos et de la guerre civile, qu’il évoque directement. Et dans son petit esprit franchouillard, ce ne seraient pas les racistes comme lui, les responsables, mais les victimes elles-mêmes, décrétées « inassimilables ». Et cela, mes amis, c’est le discours des nazis face aux juifs, ni plus ni moins. Je relis – oui, je relis – les milliers de pages de l’incroyable Journal de Joseph Goebbels, grand chef du Troisième Reich. Eh bien, on  voit parfaitement comment le crime total est tourné de telle manière que les seuls responsables en sont ceux qui meurent dans les chambres à gaz.

Oh ! non, Zemmour n’est pas nazi. Ce n’est qu’un terrible imbécile. Un épouvantable irresponsable qui jouit de ses si maigres dispositions intellectuelles et morales. Pourquoi se gênerait-il ? L’époque l’adule, l’époque le porte en triomphe. J’en ai fini. Pourquoi Cohn-Bendit et Mélenchon ne voient-ils pas ce qui crève les yeux ? Pour la première fois depuis la guerre, un écrivant célèbre et populaire dessine le cadre d’une politique du meurtre. La seule explication est que ces supposés chefs politiques sont eux aussi de cette époque pathétique. Dans d’autres circonstances, ils feraient rire. Cohn-Bendit, l’ancien, le très ancien révolté devenu un pauvre pépère, salarié-pigiste d’Europe 1, marchand d’armes à mi-temps via Lagardère. Et Mélenchon, amoureux transi de Mitterrand et Jospin, recyclé dans les odes à la Révolution française. Oui, à un autre moment, j’aurais rigolé de bon cœur.

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Corriere della Sera – Stefano Montefiori
IL SUCCESSO DI ZEMMOUR, L’ARRABBIATO ANTI-ÉLITE «LA FRANCIA SI È SUICIDATA»

Contro i gay, gli immigrati, l’Ue: ha venduto mezzo milione di copie

PARIGI Il premier socialista Manuel Valls lo detesta e lo cita più volte come minaccia alla convivenza civile ma questo non fa che accrescere la fascinazione di tanti francesi per Éric Zemmour, 56enne editorialista del Figaro , ubiquo polemista radiotelevisivo e autore di « Le suicide français » (Albin Michel), un saggio di 500 pagine sui «quarant’anni che hanno distrutto la Francia».?Contro l’eredità del maggio 68, il femminismo, l’immigrazione, l’Europa e le nozze gay, Zemmour ha scritto un libro pieno di rimpianto per l’epoca d’oro (secondo lui) in cui gli uomini sapevano imporre la loro autorità di padri e mariti e la Francia non era «invasa dai musulmani salafisti». Soprattutto, «Il suicidio francese» è da due settimane primo in classifica, si avvia a raggiungere il mezzo milione di copie vendute e a battere il record del bestseller anti-Hollande di Valérie Trierweiler.

Che cosa ci dice, della società francese, un successo simile? Se lo aspettava?

«Da un punto di vista personale è un’immensa soddisfazione, ovviamente. Per la struttura mi sono ispirato al libro di un italiano, Patria 1978-2008 di Enrico Deaglio: non l’ho letto, ma ho preso da lì l’idea di mescolare la cultura popolare e il saggio politico. Mi aspettavo di creare dibattito, ma non di vendere così tanto. Questo successo è un plebiscito politico, ideologico. La gente mi ferma per strada e mi dice che finalmente qualcuno esprime la loro sofferenza. Il popolo francese non si rassegna a vedere la Francia morire sotto i suoi occhi».

Il suo libro è una specie di manifesto reazionario e populista.

«Ma io lo rivendico, il populismo. Apparentemente la facciata resiste, Parigi è sempre bella e le ragazze fanno ancora girare la testa, ma sotto la superficie tutto è marcio. Il populismo è il rifiuto di rinunciare alla nostra maniera di vivere».

E chi sarebbe responsabile di questo attentato alla vecchia Francia?

« Le Monde ha scritto che il mio è un libro complottista. Ma io non denuncio un complotto, critico un’evoluzione della società imposta dalle élite francesi. Negli ultimi quarant’anni queste élite hanno agito secondo le tre D: derisione, decostruzione, distruzione della Francia, in nome dei grandi ideali, ovvero l’Europa, l’apertura al mondo, il progresso».

La modernità, la globalizzazione, l’immigrazione, riguardano tutti, non solo i francesi.

«È vero, ma solo in Francia c’è un simile odio di sé veicolato dalle élite. Non fanno che ripeterci che non siamo abbastanza tedeschi, o americani, o svedesi. Tutti i modelli sono buoni, tranne il nostro. Poi, in Italia non c’è Stato forte, la società è abituata a difendersi. Noi ci sentiamo traditi dallo Stato. Siamo il Paese con la prima comunità musulmana d’Europa».

Ma le élite che lei denuncia difendono la laicità, per esempio. La Francia è uno dei pochi Paesi dove il burqa, e pure il velo nelle scuole, sono vietati.

«Ma sono residui, insufficienti, di un sistema ormai finito. Il modello francese era l’assimilazione, ossia “tutti possono essere francesi se fanno lo sforzo di essere francesi”. I miei antenati erano berberi di religione ebraica, non erano certo i galli, ma io oggi dico che i miei antenati sono i galli. Tutto questo non esiste più. I musulmani hanno un loro codice civile, è il Corano. Vivono tra di loro, nelle periferie. I francesi sono stati costretti ad andarsene».

Lei allora che cosa suggerisce? Deportare [ce mot n’a pas été prononcé devant Zemmour, NDLR] cinque milioni di musulmani francesi?

«Lo so, è irrealista, ma la storia è sorprendente. Chi avrebbe detto nel 1940 che un milione di pieds-noirs , vent’anni dopo, avrebbero lasciato l’Algeria per rientrare in Francia? O che dopo la guerra 5 o 6 milioni di tedeschi avrebbero lasciato l’Europa centro-orientale dove vivevano da secoli?».

Parla di esodi provocati da tragedie immense.

«Io penso che stiamo andando verso il caos. Questa situazione di popolo nel popolo, di musulmani dentro i francesi, ci porterà al caos e alla guerra civile. Milioni di persone vivono qui, in Francia, e non vogliono vivere alla francese».

Ma che significa vivere alla francese?

«Significa dare ai figli nomi francesi, essere monogami, vestirsi alla francese, mangiare alla francese, formaggio per esempio. Scherzare nei caffè, fare la corte alle ragazze. Amare la storia di Francia, sentirsi i depositari di questa storia e volerla continuare, sto citando Ernest Renan».

Se la prende con una supposta ideologia cosmopolita e totalitaria ma lei, Éric Zemmour, è sempre in tv.

«Io dico le cose che la maggior parte dei francesi pensano, da cui il successo clamoroso del mio libro. Contro di me però c’è l’ideologia dominante delle élite, ormai screditate, che provano a imporre alla società quel che è corretto pensare: il mariage pour tous , il femminismo, l’Europa, la globalizzazione, l’immigrazione vista come una ricchezza. Ma il popolo non la pensa così».

Lei punta a fare l’ideologo del Front National?

«No, su certi temi siamo lontani, il Front National per esempio non si è schierato abbastanza contro il matrimonio degli omosessuali, e da un punto di vista sociale ormai è troppo a sinistra. Ma io non mi pongo sul terreno dei partiti, la mia dimensione è quella delle idee. Conduco una guerra culturale, come direbbe Gramsci».