Archives de catégorie : Politique

Je me dévoue (pour dire du mal de Jean-Louis Borloo)

 J’enrage tout seul dans mon coin, car je vois défiler des articles imbéciles à la gloire de Jean-Louis Borloo, qui vient de se retirer de la vie politique française. Il est malade, affaibli. Bien entendu, je lui souhaite d’aller mieux, et ce n’est pas formel. Je le lui souhaite. Mais entendre un Placé dire qu’il a intéressé les Français à l’écologie ! Pour moi, il n’est pas question d’oublier ce que Borloo a été, ce qu’il a fait, ce qu’il a couvert. À commencer par cette farce tragi-comique appelée le Grenelle de l’Environnement, à laquelle presque tous les acteurs écolos ma non troppo ont participé.

Je vous laisse sur le sujet un extrait de mon livre paru en 2011, Qui a tué l’écologie ? (LLL), qui m’a conduit à rompre avec certains faux-amis. Bonne lecture, sans rire.

——————————————

Extrait de Qui a tué l’écologie ? Nous sommes après l’élection de Sarkozy, juste avant l’été 2007, et notre président cherche un ministre de l’Écologie après la défaite d’Alain Juppé aux législatives, qui le contraint à lâcher son poste.

Tout bien considéré, il ne reste guère que Jean-Louis Borloo. Quoi, ce type mal peigné, mal rasé, qui semble toujours sortir de son lit ? Oui. À cet instant de l’histoire, Borloo est l’archétype du garçon authentique, créatif, imaginatif. Et puis – défense de rire, ce n’est pas le moment –, n’est-il pas l’un des cofondateurs de Génération Écologie en 1990, invention politicienne destinée à empêcher l’émergence des Verts ? Qui oserait voir son autre face, celle du bateleur de foire impénitent ? Qui oserait dire qu’il a fait ses classes avec des pros nommés Michel Coencas et Bernard Tapie ? Il va bien falloir descendre dans les catacombes.

Au tournant des années 1980, Borloo a 30 ans. Jeune avocat, il a la singularité, dans ce milieu, de fort bien connaître le droit des affaires. Nul ne le sait encore, mais la crise économique commence, qui va marquer plusieurs générations. Droite comme gauche cherchent toutes les solutions possibles pour montrer qu’elles agissent. Cela sera la chance de Borloo. Les faillites commencent, et l’avocat aide les patrons à sauver ce qui peut l’être, s’appuyant strictement sur la loi. Rien à dire. Mais en 1982 – les socialistes viennent d’arriver au pouvoir –, Borloo noue un lien décisif avec une banque. Et pas n’importe laquelle. Elle s’appelle SdBO, ou Société de banque occidentale, une filiale du Crédit lyonnais. Créée en 1981 – grâce à la vague rose socialiste –, la SdBO a le magnifique projet de « réindustrialiser » les entreprises en difficulté.

Son directeur général, Pierre Despessailles, a été avant cela président de chambre au tribunal de commerce de Paris. Il a eu à connaître, de très près, la situation d’entreprises en grande difficulté, ce qui va se révéler fort utile. En outre, cet excellent homme est l’excellent copain d’un certain Bernard Tapie. Pas d’anachronisme : en 1982, Tapie n’est guère qu’un chanteur raté, qui s’est reconverti dans le rachat, pour le franc symbolique, de sociétés à bout de souffle.

Récapitulons : Despessailles, dont on ne sait pas encore qu’il sera poursuivi par la justice, copine avec Tapie, et le présente à Borloo, avocat plein de promesses. On peut parler d’un coup de foudre, lequel, aux dernières nouvelles, dure toujours. Près de trente ans d’amitié entre Borloo et Tapie, cela réchauffe le coeur.

La banque banque, Borloo encaisse
Alors commence une période d’euphorie. La banque banque – prêts, facilités de toutes sortes – et le duo Tapie-Borloo rachète à tout-va, devant les tribunaux de commerce que connaît si bien Despessailles, des ruines industrielles dont certaines se révéleront de purs joyaux. Il serait malhonnête d’oublier un autre personnage, Michel Coencas. Ce ferrailleur de haut vol – il dirigera, au sommet de sa gloire, 59 filiales et 13 000 salariés – se mêle au duo, ce qui en fait, sauf erreur, un trio. L’argent rentre à flots, et transforme les philanthropes en hommes riches. Le magazine américain Forbes classe Borloo parmi les avocats d’affaires les mieux payés au monde, Tapie et Coencas deviennent milliardaires.

Sautons un ou deux épisodes, pourtant édifiants, et précipitons-nous à Valenciennes pour cinq minutes d’arrêt. À la fin des années 1980, cette ville du Nord, de vieille industrie, est sinistrée. La sidérurgie et le textile ont disparu de concert, entraînant la cité dans un terrible déclin. Borloo, qui semble avoir épuisé les charmes sulfureux d’achats industriels pour le franc symbolique, se lance en politique. Il a vaguement été maoïste dans sa jeunesse, et il est parvenu à saluer le président Mao en personne, au même moment qu’une flopée d’autres maolâtres. En 1989, il n’est plus de gauche, il n’est pas de droite, quoique. Valenciennes est à prendre, et Borloo en devient le maire cette année-là, probablement pour des motifs dont il n’y a pas de raison de douter.

Tout indique que sa face lumineuse a trouvé là l’occasion d’exprimer une réelle compassion pour ceux qui souffrent et serrent les dents. On ne peut d’ailleurs exclure une sorte de tentative de rachat moral après tant d’années passées à la barre des tribunaux de commerce.

Valenciennes. Borloo va y retrouver comme par miracle ses deux compagnons de travail, Tapie et Coencas. Peut-être vous souvenez-vous du match truqué qui oppose le club de Valenciennes VA et celui de Marseille, le 20 mai 1993 ? Par sécurité, rappelons les faits. L’OM, le club marseillais, prépare une finale de coupe européenne contre Milan AC, huit jours plus tard, et ne souhaite pas fatiguer inutilement ses joueurs. Marseille, c’est l’Olympe, sans jeu de mots, et VA un pauvre club de province qu’il doit être possible d’acheter avec des cacahuètes. Ce qui se produit bel et bien. Sur ordre, les joueurs de VA laissent gagner l’OM. Le résultat est acquis, mais la funeste moralité du joueur valenciennois Jacques Glassmann conduit droit à une enquête judiciaire qui prouvera l’achat de joueurs par Marseille.

C’est le moment de se souvenir. Qui est le patron de l’OM ? Bernard Tapie, finalement condamné à deux ans de prison, dont un ferme. Mais qui préside le club VA au même moment ? Michel Coencas, que Borloo a fait venir à Valenciennes, probablement en souvenir du bon vieux temps. Attention, et ce n’est pas pure forme : dans cette affaire, seul Tapie a été mis en accusation. Rien ne permet de penser que Coencas ou Borloo étaient au courant de quoi que ce soit. Il reste que ce match d’anthologie, par un curieux hasard, rassemble dans une seule main le maire de la ville et les deux responsables des clubs concernés.

Est-ce bien tout ? Non. Certes, et j’y insiste, Borloo n’a été mis en cause dans aucune affaire judiciaire, ce qui en fait, et il n’y a pas d’arrière-pensée, un innocent.

Coupables, mais pleins aux as
Mais on peut, mais on doit écrire que Tapie, Coencas, et ce si brave directeur de la banque SdBO ont tous été lourdement condamnés pour différents délits graves. Tapie de nombreuses fois, pour tentative de corruption, fraude fiscale, faux, usage et recel de faux, abus de confiance, abus de biens sociaux. Coencas ira trois fois en prison entre 1995 et 2006, poursuivi notamment pour escroquerie et abus de biens sociaux. Quant à Pierre Despessailles, le directeur de la SdBO, il est mort avant de connaître les foudres de la justice. Je cite une dépêche AFP du 15 octobre 2009 : « En première instance, le tribunal correctionnel de Paris avait jugé treize administrateurs et mandataires judiciaires dans cette affaire où le corrupteur présumé, l’ancien directeur général de la SdBO, Pierre Despessailles, est mort et l’action publique à son encontre est éteinte.

> Ce banquier était soupçonné d’avoir conçu un “pacte de corruption” afin d’inciter les prévenus à placer à la SdBO les fonds des sociétés en difficulté ou en liquidation dont ils s’occupaient, ainsi que leurs revenus professionnels. En échange, ces auxiliaires de justice installés en région parisienne auraient obtenu entre 1982 et 1996 des prêts, dont certains de plusieurs millions de francs, à des taux préférentiels pour l’époque (de 0 à 6 %). »

Remarquons ensemble combien la justice peut prendre son temps quand cela lui convient. Une condamnation définitive en 2009, quand les faits remontent, pour les premiers, à 1982, vingt-sept ans avant. Mais quelle prévenance ! Et ajoutons pour faire le compte que la SdBO a commencé ses magouilles dès 1982. L’année où son directeur Despessailles met en contact Tapie et Borloo. Encore une fois, ne rusons pas avec la loi. Rien n’indique, chez Borloo, le moindre délit. Mais tout montre qu’il a fréquenté des gens habitués à toutes les acrobaties et trucages financiers. Sans que cela le gêne plus que cela, puisqu’il fréquente toujours et Tapie et Coencas.

Peut-être vaut-il mieux connaître ces menus détails avant de continuer le chemin. Question : Jean-Louis Borloo n’aura-t-il pas été marqué, bien malgré lui, par une décennie de fréquentations constantes avec des escrocs ? L’hypothèse n’est pas folle, comme on va en juger de suite. Et pour l’occasion, on se contentera d’un exemple presque anodin, celui des maisons magiques à 100 000 euros.

Mais où sont donc passées les maisons à 100 000 euros ?
Commençons par un arrêt qui n’a rien de symbolique, à l’extrême fin de 2001. Borloo est « déçu » par la politique. Il est, confie-t-il aux gazettes (L’Expansion du 20 décembre 2001), ruiné par Valenciennes, ville dans laquelle il aurait investi et perdu beaucoup d’argent personnel. Il laissera d’ailleurs tomber son poste de maire en 2002.

Dans le même temps, il est tout de même le porte-parole d’un certain François Bayrou, candidat aux élections présidentielles prévues au printemps 2002. On a connu plus ferme appui, car Borloo ne cache pas qu’il soutient Bayrou un peu comme la corde soutient le pendu. Pour parler comme Nanar Tapie, son vieux pote, Borloo taille costard sur costard à Bayrou, qui n’en peut mais. Il a 50 ans, et jure qu’il va recommencer le grand tour des tribunaux de commerce, et enfiler de nouveau la cape noire d’avocat d’affaires. Ne vient-il pas de tourner autour du dossier de reprise de Moulinex, qui a déposé son bilan en septembre 2001 ?

Que penser de tout cela ? Au moins que la fréquentation assidue de Tapie et Coencas, moeurs incluses, ne l’a pas dégoûté des affaires. Et c’est heureux, n’est-ce pas ? Mais le coup de blues ne dure qu’un mois. Après avoir lâché en rase campagne ce pauvre Bayrou, Borloo remonte sur son cheval, et devient ministre de la Ville en 2002, puis de l’Emploi, puis du Logement. Arrêtons-nous une seconde : nous sommes en 2005, et notre bon garçon annonce le 25 octobre vouloir construire 20 000 à 30 000 « maisons à 100 000 euros » par an.

Voilà une intention sociale indiscutable. Aidées par l’État, des dizaines, des centaines de milliers de « vraies gens », modestes en diable, vont pouvoir devenir propriétaires. Comme on respire déjà mieux ! Le dispositif, auquel « tous les maires » doivent donner la main, permettra d’offrir « aux ménages les plus modestes » des maisons « respectant des normes strictes en matière de développement durable », assurant au passage « des économies d’énergie ». Ce n’est pas encore le Grenelle, mais on s’en approche gentiment. Une telle initiative mérite, cela va sans dire, les journaux télévisés du soir, la grande presse, de longs entretiens. S’il est une chose qu’on ne contestera pas à Borloo, c’est son (grand) art de la mise en scène médiatique. Je ne sais combien d’articles cette opération de bluff aura suscités, mais je dirais avec retenue : beaucoup.

Le mot bluff est-il ici déplacé ? Abritons-nous sous l’ombre vertueuse du Figaro, assez peu suspect de nuire aux droites gouvernementales. Édition du 29 janvier 2008, et citation : « Fin 2005, Jean-Louis Borloo lançait à grand renfort de communication la maison à 100 000 euros. Entre 20 000 et 30 000 de ces habitations devaient sortir de terre chaque année en faveur du logement social. De quoi satisfaire les 87 % de Français déclarant que l’accès à la propriété est une priorité. Plus de deux ans après ces déclarations, le bilan est catastrophique. “Actuellement, quatre maisons ont vu le jour”, déclare l’Association française pour l’accession à la propriété (Afap), baptisée un temps “Association des maisons à 100 000 euros”. »

La si belle opération de Génération Écologie
L’on sait depuis Mitterrand qu’il faut savoir « laisser du temps au temps ». Voyons donc le bilan à l’extrême fin de l’année 2010. Y est-on ? Les pauvres sont-ils enfin logés ? Le quotidien La Croix du 7 décembre 2010 : « Environ six cents nouveaux propriétaires ont été séduits par le dispositif lancé par Jean-Louis Borloo en 2005 (…) et la plupart des familles modestes qui ont opté pour l’achat d’une des maisons à 100 000 euros le regrettent déjà. En effet, le programme qui proposait prêt à taux zéro et mensualités ne dépassant pas le prix d’un loyer a fait sortir de terre des logements dont la qualité laisse à désirer, pour des prix au final de 30 à 50 % plus élevés que prévu. Murs lézardés, fenêtres qui ne ferment pas… » Trois cents maisons sur 150 000 prévues en cinq ans. Les gens qui se sont fait piéger par cette noble opération crient tous au scandale et craignent que leur malheureux toit ne leur tombe sur la tête.

Mais qui s’intéresse aujourd’hui à de tels détails ? En décembre 2007, Borloo, devenu ministre de l’Écologie dans les conditions que l’on va découvrir, se baigne à Bali (Indonésie), toujours sous l’objectif des caméras. Il n’est plus question de maisonnettes pour les pauvres, car on considère désormais, d’un vaste regard circulaire, les si lourdes affaires de la planète. Si Jean-Louis Borloo plonge dans l’océan le 13 décembre 2007, en marge de négociations internationales sur la question climatique, c’est pour réimplanter un morceau de corail sur un massif malmené. En tout point charmant.

Borloo prétendra que l’opération n’était pas prévue au programme – télés, radios, journaux étaient bien entendu présents – et pour preuve, prétendra ne pas disposer de maillot de bain ad hoc. On verra donc le ministre, qui pilote le Grenelle de l’environnement – nous y sommes – depuis septembre, sauter à l’eau en caleçon bleu. Bleu comme la mer.

Au fait, Borloo est-il écologiste ? Il faut bien dire deux mots de la création croquignolette de Génération Écologie, en 1990. L’année précédente, aux élections européennes du 10 juin 1989, les Verts, conduits par Antoine Waechter, ont obtenu 10,59 % des voix. Il est de bon ton, dans les journaux, de moquer Waechter au profit du flamboyant Cohn-Bendit. Le premier serait un nain, le second un grand politique. La réalité est un peu différente, même si la mémoire est totalement absente des « analyses » politiques habituelles. Le fait est, pourtant, que Cohn-Bendit, dix ans plus tard – le 13 juin 1999 – n’aura fait, lui, que 9,72 %. Mais il passe si bien à la télé.

En 1989, l’étonnante percée électorale des Verts fait résonner une vilaine musique aux oreilles du président, qui s’appelle alors François Mitterrand. Ce manoeuvrier hors pair est parvenu au pouvoir grâce à l’affaiblissement du parti communiste, dont il aura toute sa vie préparé la disparition. Ses réflexes politiques, jusqu’à la fin de sa vie, l’auront toujours conduit à flairer, à redouter la concurrence. Les Verts étaient-ils un nouveau signal ? Le temps du Parti socialiste, sa chose, approchait-il de son terme ? Mitterrand était trop fin pour croire que l’on pouvait arrêter un mouvement historique par la ruse. Au reste, comment distinguer, à distance, l’écume et la vague ? Dans le doute, on pouvait toujours espérer retarder les échéances. Et c’est ce qu’il fit.

De la même façon qu’il manipula le mouvement des jeunes immigrés au début des années 1980, propulsant le duo Harlem Désir-Julien Dray, « créateurs » de SOS-Racisme, il poussa Brice Lalonde à créer Génération Écologie. Un mot sur Lalonde, membre du PSU – alors parti soixante-huitard – au début des années 1970 : écolo pendant une décennie, il évolua ensuite de plus en plus vite vers la droite, devenant ces dernières années un proche de l’ultralibéral Alain Madelin.

On reviendra sur son cas, qui ne manque pas d’un certain intérêt. En 1990, donc, Génération Écologie. Lalonde a été nommé sous-ministre à l’Environnement en 1988, puis ministre délégué en 1990. Il n’est pas lieu ici de raconter comment ce parti fictionnel fut installé sur la scène médiatique. Le fait est qu’aux régionales de 1992, il fit à peu près jeu égal avec les Verts, les deux mouvements approchant 14 %, quand les socialistes ne dépassaient guère 18 %. Mitterrand avait vu juste : il y avait bien le feu au lac.

Ajoutons un ultime détail, qui ne manque pas de fraîcheur rétrospective : parmi les fondateurs de Génération Écologie, tout proche alors de Lalonde, un certain Jean-Louis Borloo. Ce n’est pas que rigolo, car ce lointain engagement politicien permet encore à ce dernier d’exciper d’une profonde préoccupation pour la planète. Bien entendu – mais qui sera surpris ? –, Borloo ne s’est jamais souvenu, en vingt ans, qu’il avait aidé Lalonde dans un énième « coup », cette fois au service de Mitterrand qui venait d’être réélu pour sept ans, bouchant l’avenir politique à droite.

Je gage donc que Jean-Louis Borloo se moque du sort des écosystèmes. Et il n’est pas besoin de courir bien loin pour le prouver. Lorsque Sarkozy est élu président de la République le 6 mai 2007, Borloo se retrouve au gouvernement. Pour y défendre les rivières, les sols, les forêts, les ours, les baleines, pour y pourfendre les industriels irresponsables qui préfèrent leurs profits au maintien des équilibres essentiels ? Borloo est nommé le 18 mai ministre de l’Économie. Un poste décisif, un marchepied pour parvenir au poste de Premier ministre, qui fascine et obsède le grand écologiste. Tout est bien. La place est belle, elle est superbe, mais elle ne sera octroyée que quelques courtes semaines. Car, comme je l’ai raconté plus haut, Juppé a été balayé aux législatives par les électeurs de Bordeaux, et doit quitter le gouvernement avant d’avoir pu déballer ses affaires.

Quand Sarkozy décide finalement de proposer le poste de ministre de l’Écologie à Borloo, celui-ci se cabre. Il aurait même, dans un premier temps, refusé ! Je ne suis pas, pas encore, une petite souris, et ne peux garantir ce dernier point. Mais une personne proche du dossier, comme disent les gens sérieux, m’en a fait la confidence. Baste ! ce n’est pas essentiel. golden goose donna golden goose donna

Un remaniement, un réchauffement

Vous connaissez le principe du pâté d’alouette, n’est-ce pas ? Vous prenez un cheval, une alouette, et vous mélangez le tout. Sous le nom (à peine) frauduleux de « pâté d’alouette ». C’est à cette coquecigrue que je songe, en ce lundi après-midi, après avoir écrit quelques lignes, voici trois heures, sur le résultat des élections municipales françaises. Coquecigrue ! Le mot est apparu dans notre langue par la grâce exquise de Rabelais, dans son grandiose Gargantua, où son héros Picrochole « fut avisé par une vieille lourpidon que son royaume lui serait rendu à la venue des coquecigrues ».

La coquecigrue est une absurdité, car elle est le mariage entre un coq, une grue, et de la ciguë, ou une cigogne. Pourquoi avoir pensé à cela ? Toute la France politicienne, qui se compte tout de même en millions d’humains, attend avec fébrilité l’annonce d’un remaniement dans le sinistre gouvernement actuel de notre pauvre République. Et dans le même temps, on apprend la publication d’un nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Vous vous en doutez certainement, le dérèglement climatique s’aggrave dans des proportions terribles (ici).

Nous allons vers des conflits, des famines, des inondations, des sécheresses, une érosion massive, des extinctions d’espèces par milliers, l’acidification accrue des océans, le malheur pour tous ou presque. Parce que nous avons encore confiance dans des gens comme Hollande ou Sarkozy en France. Ou Merkel en Allemagne. Ou Obama aux États-Unis. Ou Poutine en Russie. Ou Li Keqiang en Chine. Ou Manmohan Singh en Inde. Le monde court de plus en plus vite vers une destinée affreuse, et tant d’entre nous se demandent qui sera ministricule. C’est ridicule. C’est abject. J’ai honte.

Ce que je retiens de ces lamentables élections municipales

Je ne vais pas m’imposer bien longtemps, rassurez-vous. Soit vous vous foutez des élections, soit vous avez eu bien assez de pauvres commentaires. Et donc, rapidement.

Ceux qui gouvernent, ceux qui aspirent à gouverner trouvent fort aisément leurs marques face à l’abstention record. Comme en Amérique, où la moitié des électeurs possibles ne se déplacent pas ? Comme. Nos Excellences de gauche et de droite démontrent, s’il en était besoin, qu’ils se moquent totalement de savoir si leur propre peuple marche un peu, beaucoup, passionnément, et finalement pas du tout. C’est une démonstration impeccable. Je rappelle que près de 40 % des Français ne sont pas allés voter pour une élection locale censée être la plus courue de toutes.

Deuxième point, corollaire du premier : ils ne représentent pas ce qu’ils prétendent. Aux 38 % d’abstentions hier, il faut ajouter les votes blancs ou nuls, qui ne sont opportunément pas comptabilisés de manière nationale, en tout cas pas ce matin. Je note qu’au second tour de la présidentielle de 2012, on en a compté deux millions, qui n’ont pas voulu trancher entre les deux zozos qui se présentaient. Et ne parlons pas de ceux qui, quelles que soient leurs raisons, ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Même en s’en tenant aux seules abstentions,  la réalité n’est certes pas ce qu’ils décrivent. Les chiffres donnés par Le Monde, qui doivent bien en valoir d’autres, indiquent : « Au niveau national, la gauche rassemble 40,57 % des suffrages, tandis que le bloc de droite s’élève à 45,91 %, et l’extrême droite à 6,62 % ».

Sortant ma calculette – je pratique peu, et si je me trompe, je rectifierai -, je traduis. 45,91 % pour la droite, cela représente 28,46 % des inscrits, compte non tenu des blancs ou nuls. On doit être en vérité aux alentours de 25 ou 26 %. Pourcentage de la gauche : 40,57 %, qu’il faut ramener à 25,15 %, puis 22 ou 23 % en y incluant blancs et nuls. L’extrême-droite : 6,62 %, soit 4,10 %. So what ? Nous sommes en train de regarder les scènes d’un théâtre d’ombres, qui ne signifient aucunement ce que les acteurs ânonnent. Le texte est si vieux qu’ils pourraient le clamer en dormant. D’ailleurs, ne dorment-ils pas ?

Ayrault va partir, sauf gargantuesque surprise. Oh ! bon débarras, tout de même. Le remplaçant ou la ne vaudront pas mieux, mais ouf ! Mon petit doigt, qui se trompe souvent il faut dire, me glisse que ce pourrait être la fin de Notre-Dame-des-Landes. Foldingue ? Les écolos d’EELV ont fait de bons scores, et Hollande ne pouvait jusque là garder Ayrault et bazarder le projet d’aéroport que celui-ci défendait en grand délirant qu’il est. Je vois mal un gouvernement pareillement affaibli par les droites ouvrir un front sanglant – car une intervention des flics ferait couler le sang – sur sa gauche. Et je vois mal ce triste politicien de Hollande accepter de s’appuyer sur un gouvernement 100 % PS, qui vaudrait l’assurance de plus magistrales défaites dans l’avenir prévisible. Si l’abandon du projet d’aéroport devait se confirmer – et Dieu sait qu’il existe d’autres scénarios -, eh bien ce dimanche électoral resterait pour moi une date heureuse.

Ce que je pourrais demander à Hollande

Un mot pour ceux, innombrables, qui ne me connaissent pas. Je considère la crise écologique planétaire, qui est déjà un drame pour les plus pauvres, ceux qu’on ne trouve pas en Europe, je considère cet événement comme le plus important de tous. De si loin, d’ailleurs, que tout le reste me semble parfois dérisoire. Ainsi des élections municipales françaises, qui donnent le spectacle grotesque de pauvres gens se battant pour des confetti, qui disparaîtront demain dans le caniveau.

J’ai déjà dit que je ne vote pratiquement pas, et je n’ai pas, on s’en doute, fait exception cette fois. Pour autant, je ne pousse pas le ridicule jusqu’à demander à un François Hollande de me ressembler si peu que ce soit. Nous sommes définitivement dans des mondes qui s’éloignent l’un de l’autre à grande vitesse, mais je n’hésiterais pourtant pas à voter pour lui ou tout autre – à l’exception des fascistes ou de quiconque se réclamerait du stalinisme – si. Si au moins un Hollande paraissait avoir conscience qu’il faut préparer le petit pays qu’il conduit si mal.

Il suffirait de bien peu de mots. Il suffirait par exemple qu’il évoque le dérèglement climatique. Qu’il dise que ce bouleversement, sans précédent à l’échelle du temps historique, nous oblige à penser autrement, et à agir différemment. Il pourrait garder en ce cas les lilliputiennes références politiques et morales qui sont les siennes, qui me font rire quand je suis d’excellente humeur. Oui, il pourrait être ce benêt social-démocrate d’un temps où n’existe plus la social-démocratie – faute des moyens matériels et des pouvoirs dont elle a pu disposer ailleurs – et je voterais pour lui s’il daignait au moins ne pas rester dans ce consternant déni.

En ce sens, je ne suis certes pas un extrémiste. La situation l’est, pas moi. L’horreur de la politique en cours, du champ politique actuel, toutes tendances confondues, c’est qu’ils empêchent de rassembler les esprits devant les grandes épreuves qui nous attendent. Alors, et sans joie particulière, attendant fébrilement les signes d’un changement culturel, annonciateur du reste, je leur dis à tous : allez vous faire foutre.

Pas grand-chose à dire (sur les municipales)

Je suis sûr que beaucoup d’entre vous sont de bons citoyens, ce qui n’est pas mon cas. Je ne vote presque jamais, tant ces gens me semblent habiter un autre monde que le mien. Je ne commenterai pas, qu’on se rassure. Juste un point : leur indifférence réelle – à tous, je dis bien : à tous – à la grande marée de l’abstention. Ils parlent d’autre chose, toujours d’autre chose. D’élection en élection, cette marée monte, mais ils s’en foutent. Il ne faudra donc pas s’étonner le jour où ils seront emportés comme les fétus de paille qu’ils sont.

En attendant, leurs criailleries m’empêchent de bien entendre les oiseaux, ces merveilleux messagers du printemps. Je tâche de ne pas écouter les bruits parasites.