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Pourquoi je vomis la politique (et les particules fines de l’air)

Comme ils sont détestables ! Parmi les (nombreuses) raisons qui expliquent pourquoi je ne vote pas, il y a bien entendu cette terrible pollution de l’air contre laquelle aucun de nos responsables n’entend bouger. D’un côté, on sait que tantôt les particules fines, tantôt l’ozone troposphérique – au ras des poumons -, tantôt les deux, les trois, les cent tuent massivement. Par milliers chaque année en France. Et même 42 000 personnes en 2 000, selon une étude contestée mais sérieuse (ici). Je ne parle pas des vastes massacres qui adviennent en Chine et en Inde par exemple, car aujourd’hui, c’est de la France que je souhaite parler.

Donc des milliers, des dizaines de milliers de morts par an chez nous. Nos Excellences sautent dans un avion dès qu’un fait divers quelconque attire les caméras, comme autant de mouches. Trois vitrines cassées à Nantes permettent à un Valls de rouler des mécaniques dans l’espoir de toucher Matignon en prime. Mais quand il s’agit de sauver d’une mort prématurée des vieux, des faibles, des gosses, des asthmatiques, plus personne. Honte à eux !

Franck Laval, que je tiens pour un ami – Dieu sait qu’il est éloigné de moi sur divers plans – et Nadir Saïfi, de l’association Écologie sans frontière viennent de déposer plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui. C’est une plainte pénale – une première – qui pourrait (très) éventuellement déboucher sur la mise en cause d’individus, tenus pour responsables. Je fais grande confiance à l’avocat François Lafforgue, qui défend victimes de l’amiante et des pesticides, pour tirer de ce dossier tout ce qui peut l’être.

En attendant, le spectacle politique est simplement lamentable. Vous lirez tout au-dessous un article de Stéphanie Senet, du Journal de l’Environnement. Il est excellent et montre comme nos ministres se défilent. Philippe Martin, en charge de l’Écologie, tenait les moyens d’imposer la circulation alternée, seul moyen disponible – hélas ! – pour faire baisser d’un coup les teneurs en particules fines de l’air. Il ne l’a pas fait. Pourquoi ? On peut espérer qu’il l’a envisagé. Mais bien entendu, dans le contexte pourri des municipales – mon Dieu, allons-nous perdre 100 villes ? – et du pacte de responsabilité – la seule bouée de secours imaginée par Hollande et son clan -, il ne pouvait en être question.

Il ne faut à aucun prix embêter l’industrie, l’automobile, risquer une baisse de la confiance et de la sacro-sainte consommation. Il faut continuer, accélérer encore, et tant pis pour les vaincus et les cadavres. Cela porte un nom : l’ignominie. Je rêve du temps, qui viendra peut-être, où ces gens qui nous gouvernent pourront être jugés pour ce que je considère comme des crimes. On n’est pas obligé d’être d’accord.

À ce compte, que dire des écologistes d’Europe Écologie-Les Verts ? Les salons et strapontins doivent décidément être confortables. Le 26 mars 2012, il y a donc deux ans, quand Sarkozy était aux manettes, madame Eva Joly, alors candidate à la présidentielle, tonnait (ici). Je la cite : « Alors que l’Ile-de-France et de nombreuses autres agglomérations traversent un nouvel épisode de pollution de l’air, il est temps de dénoncer l’inaction du gouvernement devant ce drame sanitaire ». N’est-ce pas mignon tout plein ? Hier matin, sur RTL (ici), la cheftaine du parti « écologiste », Emmanuelle Cosse, a déclaré sans rire : « Ça fait quand même une semaine qu’on sait que ça va venir. Je regrette qu’on ne soit pas capable d’anticiper. » Ces gens ne sont pas des criminels, certes non. Mais des complices, assurément.

Le pompon provisoire pour ceusses de France Nature Environnement (FNE). Je rappelle ce que j’ai tant développé dans mon livre Qui a tué l’écologie ? (LLL). FNE est un conglomérat de 3 000 – chiffre officiel – associations locales, régionales, thématiques de protection de la nature. C’est le mouvement institutionnel, historique, qui dépend très largement des subsides publics pour survivre. Une petite bureaucratie, insupportable à mes yeux, gère la boutique, et assure représenter ce mouvement associatif. Moi qui appartiens à Bretagne vivante – fédérée à FNE – depuis 1987, je peux vous assurer qu’ils ne me représentent en aucune manière. Bref.

Comme ces bureaucrates sont perpétuellement à la recherche de breloques et de sous, ils s’acoquinent régulièrement avec des industriels dans le cadre de partenariats qu’ils jugent nécessaires. J’apprends à l’instant que FNE a signé un pacte inouï (ici) avec « Keolis, opérateur de transport de voyageurs, MOBIVIA Groupe, leader européen de l’entretien et de l’équipement de véhicules, et la fondation PSA Peugeot Citroën ». Les gens de FNE sont tellement sûrs qu’on ne les attendra pas au coin de la rue, qu’ils ont publié leur communiqué scélérat le jeudi 13 mars, hier même, quand étouffaient les mioches, les vieux, les asthmatiques. La conclusion de leur texte – au fait, vous avez touché combien, les gars ? – est fantastique : « Comme d’autres modes de transport, la voiture a toute sa place dans la mobilité. Il revient aux élus de fournir les conditions pour une mobilité désormais choisie et non plus subie, adaptée aux besoins et aux environnements. »

J’ajoute, car tout de même ! que Peugeot et son ancien patron Jacques Calvet sont les responsables majeurs de ce qu’on nomme la « diésélisation » du parc automobile français. Pendant des années, les équipes de Peugeot ont fait le siège de tous les décideurs publics et ils ont GAGNÉ ! Le diesel, source majeure d’émission de particules fines, est PARTOUT. Et FNE donne quitus à Peugeot, redore son blason, efface les dettes morales si grandes du constructeur pour trois picaillons. Shame on you ! Vous êtes vraiment aux dimensions de vos pires caricatures.

Voilà comment ça marche. L’impunité d’hier efface les morts d’aujourd’hui et prépare les crimes de demain. Et voilà pourquoi j’enverrai proprement chier les bureaux de vote les 23 et 30 mars. Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais je ne demande sûrement pas qu’on me suive. C’est seulement que j’avais grand besoin de me soulager. C’est fait.

Dessous, l’article d’actualité dont je vous parlais plus haut.

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L’air pollué a encore de beaux jours devant lui

Le 13 mars 2014 par Stéphanie Senet

Un nouveau pic de pollution aux particules fines est attendu le 14 mars

Un nouveau pic de pollution aux particules fines est attendu le 14 mars

Le seuil du niveau d’alerte (1) pour les particules fines PM10 a de nouveau été dépassé, ce 13 mars, sur la partie Nord de la France ainsi que dans la vallée du Rhône. La pollution atmosphérique voit rouge dans plus de trente départements. Face à cette situation, le ministère de l’écologie annonce la gratuité des transports en commun franciliens mais rejette la circulation alternée.

Pourquoi la circulation alternée n’est-elle pas décrétée dans les régions frappées par des pics de pollution à répétition? Le ministre de l’écologie Philippe Martin n’a pas voulu répondre à cette question lors de la conférence de presse, qu’il a organisée à la hâte, ce 13 mars à l’hôtel de Roquelaure, sept jours après le premier dépassement du seuil d’alerte aux particules fines en France.

Réclamée par les écologistes, cette mesure avait pourtant eu droit de cité, le 18 décembre dernier, au ministère. Philippe Martin avait alors annoncé vouloir la réactiver lors des pics de pollution aux particules fines et aux oxydes d’azote (NOx).

Un décret inutile

Le dossier de presse publié à l’issue du Comité interministériel de la qualité de l’air (Ciqa) précisait qu’il fallait d’abord changer la réglementation. «La circulation alternée fait partie des mesures d’urgence pouvant être prises dans les situations de dépassement du seuil d’alerte, pour limiter l’ampleur des pointes de pollution. Mais ce dispositif ne peut être déclenché à l’heure actuelle que pour les pics de pollution à l’ozone».

Le ministère remettait ainsi à 2014, «l’élaboration d’un décret en Conseil d’Etat permettant d’instaurer la circulation alternée lors de pics de pollution réglementés comme les particules PM 10 ou les oxydes d’azote».

Trois mois plus tard, la circulation alternée semble avoir disparu des écrans gouvernementaux. Mais contrairement aux arguments ministériels, il est tout à fait possible  de l’instaurer immédiatement sans prendre un nouveau décret, et cela dans tous les départements de l’Hexagone. «La loi LAURE (2) votée en 1996 permet de prendre un certain nombre de mesures de restriction de la circulation, quel que soit le type de pollution atmosphérique», confirme Corinne Lepage, qui est à l’origine de cette loi. «J’ai d’ailleurs pris soin que le texte ne renvoie à aucun décret d’application afin d’éviter des retards accidentels dans les bureaux des ministères», ajoute-t-elle.

Gratuité des transports en commun franciliens

Ce 13 mars, le ministère de l’écologie s’est donc contenté d’annoncer, aux côtés du président de la région francilienne Jean-Paul Huchon, la gratuité des transports en commun d’Ile-de-France, du 14 au 16 mars compris. Un bilan sera dressé le 15 mars au soir pour décider une éventuelle prolongation. Tous les habitants sont invités à laisser leur voiture au parking.

Pour d’autres mesures, il faudra attendre le projet de loi sur la transition énergétique, «qui comprendra un volet sur la qualité de l’air», a précisé Philippe Martin.

La pollution de l’air a été classée, le 17octobre 2013, comme cancérigène avéré (classe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ).

L’air pollué, meilleur à vélo?

Hier, la ville de Paris avait ouvert la voie en annonçant la gratuité de la première heure d’Autolib’ et des locations de courte durée en Velib’. Mais qui veut rouler à vélo lorsque l’air est pollué? Les Parisiens ont en tout cas répondu à l’appel. Selon la municipalité, le service Autolib a enregistré, ce 13 mars, une hausse de 46% des parcours, et les locations de Velib’ ont progressé de 72% par rapport à jeudi dernier.

Dans l’attente de mesures adaptées

Le candidat écologiste à la mairie de Paris, Christophe Najdovski a dénoncé «l’inaction irresponsable des pouvoirs publics qui ont attendu les 8ème jour de pollution pour que cette mesure soit prise». Il réclame aussi de compléter le dispositif au plus vite, par la mise en place de la circulation alternée des automobilistes et par le contournement routier de Paris par les poids lourds. Un contournement que la préfecture de police aurait pu instaurer depuis 5 ans, comme le permet le plan de protection de l’atmosphère francilien, selon Claude Bascompte, président des Amis de la Terre Paris.

Plus largement, le responsable associatif réclame trois mesures importantes: «sensibiliser les citoyens sur les enjeux de la lutte contre la pollution atmosphérique par un dispositif d’information et d’alerte cohérent, renforcer les transports en commun et restreindre fortement la circulation automobile». De façon régulière, et pas seulement en cas de pic de pollution.

(1)Le seuil du niveau d’alerte s’élève à 80 µg/m3 d’air sur 24 heures pour les PM10. Le plafond du niveau d’information est égal à 50 80 µg/m3.

(2)Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) du 30 décembre 1996 instaure notamment les plans de protection de l’atmosphère et les plans de déplacements urbains

La circulation alternée testée pendant une seule journée

La circulation alternée n’a été mise en place qu’une seule journée dans l’histoire française. Le 1er octobre 1997, alors que Dominique Voynet est ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, elle est appliquée à Paris et dans 21 communes d’Ile-de-France, en raison d’un dépassement du seuil d’alerte du dioxyde d’azote. Résultat: le trafic a été réduit de 15% dans la zone de circulation alternée, de 20% à Paris et sur le boulevard périphérique et de 8% dans le reste de l’Ile-de-France. Les émissions de dioxyde d’azote ont aussi été réduites de 15% par rapport à la veille.

Transition (énergétique), mon cul

Ce papier a été publié par Charlie Hebdo le 5 mars 2014

Il faut sortir une loi sur l’énergie, mais en enfilant gentiment les écolos sans qu’ils se barrent en courant. Margerie et Proglio sont au pouvoir, mais chut, faut pas le dire.

C’est une enflade. Le mot n’existe pas dans le dictionnaire, mais il illustre bien ce qui est en train de se passer. Enflade, d’enfler, qui signifie arnaquer. Officiellement, tout ce beau gouvernement est d’accord sur la transition énergétique. En gros, cela ne peut pas durer. Le pétrole abondant et bon marché,  c’est fini. Les fossiles – pétrole encore, gaz, charbon – détruisent l’équilibre du climat. Le nucléaire, malgré les fantasmes nucléocrates, ne représente jamais que 5,7 % de l’énergie primaire mondiale, avec une tendance à la baisse.

Par ailleurs, les renouvelables : l’eau – hydro-électricité -, le bois, le soleil, le vent, réclament de grands investissements pour pleinement prendre la place. D’autres contraintes martyrisent l’horizon, à commencer par la loi Énergie de 2005, qui oblige la France à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 80 % d’ici 2050. Il faudrait commencer maintenant.

Hollande est pour. Comme il n’est contre rien, il est pour une loi sur la transition énergétique qui préciserait enfin les contours du bouquet énergétique français dans dix, dans vingt, dans trente ans. L’emmerde c’est qu’il faut trancher, ce qu’il ne sait pas faire, et qu’il se branle de la crise écologique. En janvier 2013, le père François promet un « grand débat ouvert et citoyen » pour le printemps, suivi d’une belle synthèse en juin et d’un projet de loi devant le parlement en octobre 2013. Mais rien ne vient.

Le 11 décembre, un an après les promesses, une première réunion d’une fumeuse Commission se tient. On cause, entre soi. Le 7 février 2014, le ministre de l’Écologie Philippe Martin, qui a le sens de l’humour, déclare : « Les travaux sur la loi de transition énergétique avancent bien et les délais seront tenus ». Il est question maintenant d’une présentation au conseil des ministres ce printemps et un vote après, en juin, ou en septembre, ou à la saint Glin-Glin, ça dépendra.

Pourquoi ? Parce que dans les coulisses, où les industriels ont déjà gagné, la bataille fait rage. Il n’est pas question de les embêter si peu que ce soit. Pas au moment même où Hollande croit s’en tirer avec son pacte de responsabilité, dont la propagande dit qu’il pourrait créer 300 000 emplois. Deux grands patrons, qui font antichambre à l’Élysée, illustrent les manœuvres en cours. Christophe de Margerie, PDG de Total, a la pleine oreille de Hollande, qu’il voit régulièrement. Or il se plaint sans détour de Philippe Martin, qui est aussi, on l’oublie, ministre de l’Énergie. Pour le Christophe, l’opposition de Martin au gaz de schiste, secteur où Total est très présent hors de nos frontières, est un casus belli.

De son côté, Henri Proglio, patron d’EDF jusqu’en novembre au moins – Hollande veut le remplacer -, tente d’arracher une concession majeure : augmenter la durée de vie de nos centrales nucléaires, prévues au départ pour trente ans, jusqu’à cinquante, voire soixante ans.

Derrière les deux poids lourds, Pierre Gattaz, ennemi déclaré de toute contrainte « écologique », et le Medef avec lui. Ce n’est pas un secret d’État que Martin a failli démissionner plusieurs fois depuis le début de l’année, ce qui ferait grand désordre après le licenciement de Delphine Batho en juillet 2013. Des témoins, indirects mais fiables, rapportent des discussions à l’Élysée, au cours desquelles Martin était seul contre tous. Seul contre les productivistes du gouvernement, Montebourg bien sûr, Moscovici, Ayrault, Cazeneuve et Hollande soi-même. La morale de l’affaire est très simple : il ne fait pas le poids.

Que contiendra la loi à l’arrivée ? C’est là que cela se complique, car les braves soumis d’EELV, y compris Cécile Duflot, ont déjà annoncé qu’ils rompraient l’alliance avec le PS en cas de reniement trop visible, par exemple sur la date de fermeture de Fessenheim. Un ponte du parti écolo, moyennement charitable, raconte à Charlie : « Je ne vois pas comment ils vont s’en sortir. Ni Duflot ni Canfin ne veulent lâcher leur place, mais Hollande ne veut rien lâcher sur un dossier qu’il juge stratégique. Donc, ça devrait saigner ».

On verra. Pour l’heure, rideau de fumée sur la ligne d’horizon.

Quand le maire de Bagnolet me cherche

Je vous explique, car je sors un peu du cadre habituel. Quoique, à bien y réfléchir, c’est moins sûr. Ce que vous lirez ci-dessous se décompose en trois morceaux. Le fichier 1, sur lequel je vous invite à cliquer (ça met une poignée de secondes à charger, car c’est lourd), est le PDF d’une double page que j’ai signée le 26 février dans Charlie-Hebdo, avec de fort beaux dessins d’Honoré pour accompagner.

Il s’agit donc, comme vous verrez peut-être, d’un reportage sur la ville de Bagnolet, qui touche Paris à l’Est. Vous jugerez. J’ajoute trois mots sur la banlieue. Ma banlieue Est à moi, que je connais si bien. J’ai habité quantité d’endroits en Seine-Saint-Denis, à Villemomble, Clichy-sous-Bois, Montfermeil – la célèbre cité des Bosquets -, Drancy, Aulnay, Noisy-le-Sec, Bondy, Pavillons, Livry-Gargan, d’autres encore.

Si je vous dis cela, c’est parce que cette terre maudite est la mienne. Et celle des miens, à commencer par mon vieux, mort depuis un bail, qui était un ouvrier communiste à l’ancienne, c’est-à-dire, je crois pouvoir l’écrire, un Juste. Je hais, le mot n’est pas trop fort, et je l’assume, je hais les salopards qui ont transformé la banlieue populaire en un champs de ruines. Ceux qui, ayant la responsabilité de loger des pauvres, n’ont eu d’autre but apparent que de les parquer, avec les résultats que l’on sait. Bien entendu, cela vise cette droite affairiste – un pléonasme – qui a régné sans partage jusqu’en 1981. Mais autant cette gauche qui lui a succédé, et qui est largement responsable du désastre humain que j’ai tant connu. Et parmi elle, ce parti stalinien répugnant qui a décidé et voulu que naissent tant de cités pourries où, croyait-il, il aurait un réservoir de voix pour l’éternité.

Ce parti stalinien – non, je n’oublie pas les autres, croyez-moi – a eu parfois près d’un siècle, comme à Bagnolet, pour montrer ce qu’il savait faire. Un vrai parti ouvrier se serait battu jusqu’au sang pour que les prolétaires soient logés dans des villes authentiques, civilisées, et disposent de vraies habitations à partir desquelles ils auraient élevé dignement leurs familles. Il n’en a rien été. Aucune lutte n’a été menée pour un urbanisme digne d’être approprié, ce qui est une preuve. Une preuve, après mille autres, que les discours n’étaient que mensonge et manipulation.

Et c’est pourquoi, même s’ils ne le croiront jamais, je suis très satisfait du tract que vous trouverez sous les noms tract-1 et tract-2, car il y a un recto et un verso. J’y suis traîné dans la sanie par le maire actuel de Bagnolet, membre du parti communiste. Ces gens-là s’y croient follement, mais ils ont grand tort. Dans ma jeunesse déjà lointaine, mais si vive dans ma mémoire, j’ai combattu, physiquement quand je le pensais nécessaire, les fascistes d’une part et les staliniens de l’autre, qui tenaient d’une manière atroce 27 villes de Seine-Saint-Denis sur 40. Je n’ai pas eu peur d’eux au beau milieu de leur fief, quand ces crapules attaquaient bassement les immigrés en 1980 (ici, des précisions). Je n’ai pas eu peur d’eux quand ils étaient forts, et ce n’est pas maintenant que ces pauvres gens peuvent espérer m’impressionner. Et donc, soyons sincère, je leur dis merde.

fichier1.pdf

tract-1.pdf

tract-2.pdf

Le ministre qui aimait pirates et poissons

Ce texte a été publié par Charlie Hebdo le 19 février 2014

(Préambule qui ne figure pas dans le papier de Charlie : j’aime les poissons. Il y a peu, traînant dans les allées du si beau marché de Talensac, à Nantes, j’y ai vu nombre d’étals de poissonniers et de mareyeurs. Quelle beauté rassemblée ! Quelles gueules ! Quelle incroyable variété ! J’ai pensé, je pense que nous ne méritons pas ces animaux de la mer. Nous devrions nous prosterner devant l’offrande, nous devrions prier pour qu’elle puisse durer, et nous poursuivons notre route barbare, étouffant par milliards, réduisant en cendres, c’est-à-dire en poudre, c’est-à-dire en farine. Mais moi, j’aime les poissons.)

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Pas mal. Le ministre de la pêche du Sénégal, Haïdar el Ali, fait arraisonner un chalutier industriel russe, et demande un coup de main au pirate de Sea Shepherd Paul Watson pour empêcher le pillage de ses côtes.

Ce mec ne peut pas exister, et pourtant, il est là. Pourquoi un Blanc devient-il ministre d’un pays noir –le Sénégal – avant de passer une alliance avec le pirate des mers Paul Watson ? Avant d’esquisser une pauvre réponse, les faits, plutôt surprenants.

Le 4 janvier dernier, un rafiot sénégalais se rapproche d’un chalutier russe de 120 mètres de long, l’Oleg Naydenov. Un minable patrouilleur face à une usine capable de siphonner 100 tonnes de poissons en une seule journée. L’impensable se produit : les pouilleux montent à bord, et exigent que le géant suive le nain jusqu’au port de Dakar, car il pêche, illégalement,  dans les eaux territoriales du Sénégal. Les Russkofs sont 62 à bord, accompagnés de 20 Bissau-Guinéens, et envoient promener les Blacks, qui se retrouvent séquestrés, après avoir été secoués.

Le face-à-face sur l’eau dure un jour, et après l’envoi de renforts sénégalais à bord d’un deuxième navire, l’Oleg Naydenov accepte de gagner le port militaire de Dakar, où il est mis sous séquestre. Les côtes africaines, razziées depuis des décennies par des flottes industrielles russes, chinoises, coréennes, européennes, n’ont encore jamais vu cela. Pour la première fois, un pays du Sud se donne les moyens de se défendre contre un pillage précisément chiffré par la très officielle Agence américaine pour le développement international (Usaid). Chaque année, le Sénégal perdrait près de 230 millions d’euros à cause de la pêche illégale, somme extravagante qui dépasse de loin le budget de la santé de ce pays fauché.

La crise diplomatique éclate aussitôt et la lourde artillerie poutinienne se met en branle. Mais l’arrogante Russie tombe sur un os qu’elle ne parvient pas à digérer : un certain Haïdar el Ali. Plongeur sous-marin de grande classe, longtemps directeur d’une ONG locale de protection de la nature – l’Océanium – , ce Libanais du Sénégal s’est forgé une légende dans tout le pays en mobilisant notamment les pêcheurs. Parmi les grands classiques, un cinéma itinérant permettant de projeter des images de la vie sous-marine devant des villages côtiers médusés. Les équipes mobilisées par Haïdar ont replanté des dizaines de millions de palétuviers dans les mangroves, récupéré au large un millier de ces putains de filets abandonnés entre deux eaux. Entre autres.

Par une bizarrerie qu’on ne tentera pas de comprendre ici, Haïdar a été nommé en 2012 ministre de l’Écologie d’un gouvernement pour lequel Charlie ne voterait pas, puis ministre de la pêche en 2013. L’arraisonnement en mer de l’Oleg Naydenov, c’est lui. Et c’est lui qui envoie chier les Russes qui le harcèlent au téléphone. Comme si cela ne suffisait pas, Haïdar fait dans la foulée appel au pirate des mers Paul Watson, dont les bateaux de Sea Shepherd (http://www.seashepherd.fr) courent au cul des baleiniers japonais dans l’Antarctique. Watson, poursuivi par les polices du monde entier, met à la disposition du Sénégal un bateau de surveillance côtière et son équipage, pour plusieurs mois. Haïdar : « Si j’ai fait appel à ceux de  Sea Shepherd, c’est parce qu’ils ne se contentent pas de théories et de bla-bla, ils passent à l’action ».

Grosse, très grosse émotion dans tout le Sénégal, où l’on a l’impression d’avoir enfin touché un héros. Dans la foulée, et reprenant presque mot à mot l’argumentaire de Haïdar, Diapa Diop, secrétaire nationale de la pêche artisanale lance : « Il faut créer des aires marines protégées, des repos biologiques pour certaines espèces et revoir les agréments des usines. Si la population n’a plus assez à manger, il faut arrêter d’exporter ! ».

De quelles usines parle-t-elle ? De toutes celles qui poussent derrière les villages de pêcheurs sénégalais. Russes encore, coréennes, chinoises, qui transforment le poisson des piroguiers en farine pour nos porcs et nos poulets. Pour le moment, le bateau russe reste aux mains des Sénégalais, qui exigent un gros dédommagement. On peut penser que Haïdar finira pendu ou noyé dans le port de Dakar, mais en attendant, la classe. Internationale.

On peut lire une épatante biographie : Haïdar el Ali, itinéraire d’un écologiste au Sénégal, par Bernadette Gilbertas, Terre Vivante, 2010 (j’ajoute en complément que c’est un livre passionnant sur un être d’exception, ce qui, par définition, ne court pas les rues)