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Ce que nous ferons tous le 11 mai 2013 (à Notre-Dame-des-Landes)

Les gars, les filles, les filles, les gars, je ne fais que transmettre. Il se prépare un énorme événement sur le territoire de Notre-Dame-des-Landes et alentours, là où cet exécrable monsieur Ayrault entend imposer son projet d’aéroport. Comme vous verrez (ici), il est question de réunir au moins 100 000 personnes pour réussir trois chaînes humaines concentriques. Ayrault sera depuis longtemps oublié que l’on parlera encore de la mobilisation contre cette saloperie. Je ne dis pas ça en l’air. Je le crois. Je crois que quiconque sera présent le samedi 11 mai 2013 pourra légitimement se sentir fier. Ce n’est pas tous les jours que l’on sait où être, et quoi faire. Le 11 mai, là-bas.

Je précise qu’il faut s’engager à venir et payer à l’avance une obole de deux euros, ce qui permettra de mieux réussir encore ce rendez-vous (peut-être) historique.

Une Chaîne Humaine contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes

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17 novembre 2012, tournant historique,40 000 personnes
à Notre Dame des Landes !

 

45 ans de lutte pour faire sauter les verrous régionaux et donner un éclat national et symbolique à l’opposition au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes.

45 ans pour que 40 000 personnes se lèvent contre le gaspillage d’argent public, la destruction de terres nourricières et l’inutilité du projet aujourd’hui techniquement dépassé.

45 ans pour que de nombreux journalistes s’emparent de ce sujet brûlant.

 
2013 année décisive pour enterrer le projet !

L’État a repoussé le début des travaux de 6 mois. Saisissons cette opportunité.

Tous, nous pouvons faire de cette chaîne humaine un moment historique !


Rendez-vous le 11 mai 2013 sur la ZAD
pour la constitution de la chaîne à 14h00.

Le rassemblement sera suivi par des concerts de soutien.

 

jour-j-heure-h

94 Jours

18 h : 57 m : 57 s

 Prochaîne AG le 22 février 2013  cliquez ici

 

Villiers fait rire de bon cœur (à propos de Notre-Dame-des-Landes)

On ne me croira pas : je plains Jean-Marc Ayrault. Comme j’écris ici sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes depuis 2008, on me pardonnera de ne pas revenir sur le fond du dossier. Ayrault, ancien député-maire de Nantes, veut construire parce qu’il croit, cet affreux couillon, qu’il faut construire. Ce grand sot n’a même pas vu que le monde, le sien pourtant, avait changé de base. Mais voilà qu’il se ridiculise un peu plus, si c’est possible. On lira dans l’ordre un article d’Ouest-France, en date du 14 décembre 2012, que je n’avais pas vu passer (ici). Même les patrons, pour lesquels Ayrault travaille avec tant d’ardeur sans pensée, ne veulent pas entendre parler de son machin. Celui de Fleury-Michon – 644 millions d’euros de CA en 2011, 3750 salariés, plus grand employeur privé de Vendée – envoie aux pelotes son projet. Ses arguments ne sont pas les miens, par Dieu, mais, oui, on a le droit de ricaner. Sur le dos d’Ayrault.

Le second est un papier dont, malheureusement, je ne peux vous livrer la source, ni la date. Je sais, cela fait beaucoup, mais dans le même temps, il est si plaisant que je me décide à le publier ici. Il est tiré d’un journal de l’Ouest en tout cas. Peut-être une édition d’Ouest-France. Et j’espère bien qu’un lecteur me donnera la date, probablement octobre lui aussi. On y lit en tout cas que Philippe de Villiers, l’ultraréactionnaire bien connu, longtemps « patron » politique de la Vendée, aujourd’hui déchu, est lui aussi contre ce foutu aéroport. Dans un Appel aux Vendéens, qui sent le formol et le bénitier, il réclame en fait un abandon définitif. Derechef, rires libérateurs, et ceux-là n’étaient pas pré-enregistrés. Oui les amis, ces deux prises de position m’ont mis d’excellente humeur. Non, cela ne va pas durer, c’est promis.

Avis à ceux qui, comme moi, pataugent : il faut cliquer deux fois dans le doc ci-dessous, et ensuite, se démerder. Oui, je sais.

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Fleur Pellerin, ministre électromagnétique (et follement socialiste)

Le parti socialiste est arrivé au bout de sa course. On le voit mal beaucoup évoluer encore, car il exprime aujourd’hui, comme jamais, le soutien total au monde comme il va. Le destin des créations humaines est de dégénérer. Disons pour ne point fâcher, de s’institutionnaliser. Jadis parti de classe, au temps de Jaurès, ce mouvement a peu à peu pris la place politique qu’occupait, sous la Troisième République, le Parti radical. Une manière comme une autre de reconnaître le vrai pouvoir, celui de la propriété, qui s’incarne aussi bien dans les patrons français que transnationaux.

L’un des exercices les plus épuisants consiste à demander à une structure ou à un être ce qu’il leur est impossible de donner. Réclamer du parti socialiste, dirigé en totalité par une caste au service du monde réel et de sa destruction, qu’il défende les peuples, les espèces, les espaces, est pleinement absurde. Le temps où cela demeurait concevable a disparu depuis si longtemps que, personnellement, je ne l’ai pas connu. Et pourtant, il m’arrive encore d’être surpris. Mais il est possible que cela ne soit que niaiserie. Vous allez juger.

L’Assemblée nationale discute aujourd’hui d’une proposition de loi d’Europe Écologie-Les Verts au sujet des ondes électromagnétiques. Ou dois-je dire devait ? À l’heure où je vous écris – 18 heures – une rumeur me parvient : la discussion n’a pas eu lieu, et le projet est enterré au profond d’une Commission. Ces gens sont de parfaits croque-morts. Mais je n’entends pas insister aujourd’hui sur la dangerosité plus que probable des ondes, notamment celles du téléphone portable. Non, je voulais évoquer la personne de Fleur Pellerin, sous-ministre à l’Économie numérique (et aux PME, et à l’Innovation [sic]). On lui doit en bonne part le caviardage du projet de loi évoqué plus haut. Car bien qu’escamoté, apparemment et au dernier moment, ce projet avait au préalable été vidé de ses mesures les plus significatives. À savoir la limitation du wifi dans les crèches et les écoles.

À ce sujet, la déclaration la plus belle de madame Pellerin, mais il y a concours dans ce singulier domaine, condamne tout projet de loi qui inscrirait « dans le dur des choses qui correspondent à des peurs un peu irrationnelles, et qui consisteraient à donner un poids juridique à la dangerosité des ondes radioélectriques alors que cette dangerosité n’est pas scientifiquement étayée ». Quelle est cette langue stupéfiante ? La sienne.

Reprenons. Fleur Pellerin. Elle aura 40 ans en août prochain, et elle a fait une belle carrière dans ce qu’il faut appeler, après Bourdieu, la « noblesse d’État ». Essec, puis Sciences-Po, puis l’ENA, enfin la Cour des Comptes et les différentes babioles professionnelles qui vont de pair. Socialiste par surcroît ? Exact, par surcroît. Elle entre au PS en 2006, à l’âge intéressant de 33 ans. On a connu des engagements plus fulgurants, sans aucun doute, mais il faut faire avec. Donc, socialiste. Mais quelle ? Eh bien, cette même année 2006, madame Pellerin devient membre de la Fondation Royaumont (ici).

Cette philanthropique institution fonctionne comme un centre culturel,  accueille des concerts, éduque à la musique médiévale et baroque, forme au chant. On applaudit. Mais il n’est pas interdit de rappeler que le fondateur lui-même, Henry Goüin, décrit ainsi la philosophie de sa si charmante créature (ici) : « C’est bien l’étude de l’homme dans le temps, et dans l’espace, sous ses aspects physiques et moraux, dans ses relations avec sa famille, son milieu social, son milieu de travail, avec les peuples d’autres nations et d’autres races, qui peut faire découvrir les remèdes aux états de tension, manifestations d’un désaccord, souvent irraisonné, avec soi-même, avec le prochain, avec la société, qui se traduisent par le déséquilibre mental, les haines, les fanatismes, les luttes de classe, les révolutions et les guerres ».

Ma foi, le programme est joli : il faut extirper par le clavecin ces basses idées propagées par tant d’abrutis. C’est celui de toutes les droites rances, éventuellement catholiques, depuis deux siècles. S’agit-il d’une calomnie ? Sincèrement, je ne le crois. Dans un entretien récent au Parisien (ici), madame Pellerin énonce tranquillement, montrant combien elle a retenu la leçon : « À une logique de lutte des classes, je préfère une stratégie où tout le monde ressort gagnant ». Entendons-nous : ces propos n’ont rien de criminel. Mais ils démontrent, si besoin était, que cette dame n’a rien à voir, de près ou de loin, avec ce fil rouge qui court l’histoire souvent héroïque de ce qu’on appela jadis le mouvement ouvrier. Ce magnifique effort de civilisation assassiné par la guerre mondiale de 1914, puis le stalinisme.

Elle est parfaitement dans son rôle quand elle explique, ces derniers jours : « Je n’ai aujourd’hui aucune preuve que le Wifi est mauvais pour la santé ». Elle n’en aura jamais. Ou quand les morts se ramasseront à la pelle mécanique. Elle n’en aurait pas eu davantage à propos de la clope, de l’amiante, du DDT et des pesticides, de la dioxine, et du reste. N’oublions pas qu’elle est notamment ministre de l’Innovation. Le téléphone portable est une superbe innovation, et ce qui vient sera encore mieux. Fleur Pellerin est socialiste. Et le socialisme est désormais l’ennemi de l’écologie. Libre à chacun de croire le contraire. Il n’y a pas d’âge pour espérer le Père Noël.

PS : J’ajoute pour mes amis de Montreuil que Fleur Pellerin envisage, après bien d’autres, de se présenter aux élections municipales de 2014 dans leur ville. Cela promet.

Sur quoi (se) repose l’inertie générale (et le journal Le Monde)

L’inertie. Il ne vous a pas échappé que les humains, dont nous sommes, ne foutent rien. Ils acceptent massivement, et chaque jour, des nouvelles apocalyptiques, et puis ils passent à autre chose. Un autre chose qui ressemble furieusement au déni pur et simple. Lequel va fort loin, comme on a pu voir chez ces femmes accouchant sans avoir (vraiment) su qu’elles étaient enceintes. D’un côté, des commentateurs souvent indifférents, au fond, annoncent et radotent que la planète elle-même est en danger, et que l’humanité pourrait du même coup être menacée en son existence. De l’autre, TF1, le supermarché, le dernier téléphone portable, et la torgnole au gamin qui vient de passer devant l’écran. Il me faut ajouter que nous sommes tous ainsi, certes à des degrés heureusement différents. Mais tout de même : ainsi.

L’un des soutiens – massif en l’occurrence – accordé à l’indolence générale s’appelle simplement la croyance. Cette bonne vieille croyance dans la magie et la divination. Ceux qui pensent et prétendent que la Raison aurait constamment gagné depuis les Lumières, c’est-à-dire à peu près 250 ans, se trompent lourdement. Deux courtes lectures, dont vous trouverez l’intégralité au bas de ce papier, en disent long sur le sujet. La première est un article paru dans Le Monde daté 24 janvier. Le journaliste Bruno Philip, envoyé spécial en Indonésie, rapporte les propos extraordinaires de Joko Widodo, gouverneur de Djakarta. Précisons que la capitale indonésienne a subi autour du 17 janvier de nouvelles inondations, qui ont entraîné l’évacuation de 18 000 personnes. Le pire est que le centre-ville a été atteint et que l’on a vu le chef de l’État, Susilo Bambang Yudhoyono, les pieds dans l’eau et pantalon retroussé au beau milieu du jardin présidentiel.

Que faire ? Restaurer les vasières et autres zones humides, les forêts, qui pourraient servir à tamponner – limiter – les crues ? Impossible, car ont poussé en lieux et places des centres commerciaux et des résidences immobilières. Sauvegarder ce qui reste de mangroves, ces forêts qui poussent sur les marais littoraux, et qui sont de formidables moyens de lutte contre les tempêtes et la montée des eaux ? Impossible, car les promoteurs veulent la fin des mangroves, de manière à urbaniser totalement le front de mer. Mais dans ces conditions, quoi faire ? Eh bien, lancer des fusées contre ces foutus nuages, pardi. Leur écraser la gueule, à ces ennemis de l’homme ! Le gouverneur de Djakarta, splendide con des Tropiques, a son idée : « J’ai donné des instructions pour que les nuages soient poussés vers la mer, au nord ». Vous avez bien lu. Des instructions pour dégager le ciel. Concrètement, il s’agirait d’envoyer là-haut des bombinettes chargées, par exemple, de sel, pour absorber l’humidité des nues.

Le deuxième article est une tribune parue dans le supplément Sciences et Techno du même quotidien, Le Monde, daté du même jour, le 24 janvier. Le titre en est affriolant : Allons-nous devenir débiles ? L’auteur, un chirurgien appelé Laurent Alexandre, nous en apprend de belles, mais inutile de paraphraser, vous lirez. Ou non. En un mot, les capacités intellectuelles de l’espèce – la nôtre – pourraient s’effondrer. 80 % des variants génétiques « négatifs » présents dans notre héritage auraient entre 5 000 et 10 000 ans, pas plus. Le recul d’une sélection naturelle stricte, sur fond d’humanisation des sociétés et de refus de l’eugénisme, conduirait droit à un appauvrissement massif et continu de notre patrimoine génétique commun. Jusqu’à ce point, rien à dire en ce qui me concerne. Cette hypothèse, car c’en est une, est recevable.

Tout autre est la suite. M.Alexandre a décidé de tout miser sur la technologie, comme le gouverneur de Djakarta, cette fois d’une manière futuriste. Il est un moyen de sauver notre richesse génétique commune, et la voici : « Dès 2025, les thérapies géniques nous permettront de corriger les mutations génétiques qui menacent notre fonctionnement cérébral. La fin de la sélection darwinienne va nous pousser à pratiquer une ingénierie génétique de notre cerveau qui pourrait bouleverser notre avenir ». Notez que ce délire passe comme lettre à la Poste. Notez que Le Monde s’en bat l’œil et le flanc gauche. Notez qu’on a ainsi le droit d’appeler au règne d’un eugénisme aussi terrifiant que le fut le nazisme sans courir le moindre risque d’être ennuyé.

Et pour conclure, notons ensemble que les hommes inventeront d’autant plus de fadaises technophiles que la situation deviendra plus dure. Dure, elle l’est, certes. Mais ce n’est encore rien à côté de ce qui vient. L’avenir prévisible appartient aux géniaux ingénieux ingénieurs.

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Le papier sur Djakarta

Djakarta face au défi des inondations

LE MONDE | 24.01.2013 à 13h13 Par Bruno Philip r

Attaquer les nuages à la roquette pour chasser la pluie ? C’est l’une des hypothèses envisagées par le gouverneur de Djakarta, Joko Widodo, afin de prémunir la capitale indonésienne contre de nouvelles inondations.

Jeudi 17 janvier, des quartiers entiers de la ville ont été recouverts par les flots. Le bilan s’élève à 15 morts et 18 000 habitants évacués. Le centre-ville n’a pas été épargné : on a vu, dans la presse, des photos du chef de l’Etat, Susilo Bambang Yudhoyono, les pieds dans l’eau dans le jardin du palais présidentiel, pantalon retroussé jusqu’aux genoux… « J’ai donné des instructions pour que les nuages soient poussés vers la mer, au nord », a déclaré, mardi 22 janvier, le gouverneur devant un groupe de journalistes réunis à la mairie. M. Widodo n’a pas précisé les détails de l’opération, se contentant d’indiquer qu’il était possible de contrôler les nuages par des moyens « technologiques ».

Selon le météorologue indonésien Armi Susandi, il est en effet possible d’envoyer dans le ciel une fusée « remplie de substances hygroscopiques », qui, tel le chlorure de sodium, absorbent l’humidité. L’expert reste cependant sceptique quant aux chances réelles de réussite : « La pluie risque de retomber quand même sur la ville. »
Les inondations dans Djakarta sont un problème récurrent. En 2007, la capitale avait fait face à une montée des flots encore plus meurtrière : 50 morts et 300 000 personnes déplacées. Selon les spécialistes, il faudrait canaliser les treize rivières qui irriguent la cité, construire des canaux et des tunnels d’évacuation et installer des pompes dans le nord de la ville, sur le front de mer.

« CEINTURE VERTE »

Le gouverneur Jokowi Widodo a reconnu, mardi, que lutter contre les inondations était une tâche des plus ardues : « C’est un problème très compliqué. Les Hollandais avaient construit trois cents barrages et lacs, mais il n’en reste plus que cinquante aujourd’hui. Les marécages, les forêts et autres zones vertes du nord de la ville ont laissé la place à des complexes immobiliers et commerciaux. Vous ne pouvez pas les démolir, tout a été construit légalement.  »
Alors que les météorologues redoutent d’autres pluies diluviennes d’ici à la fin de la mousson en mars, la lutte contre la montée des eaux reste donc un problème systémique dans cette ville engorgée, surpeuplée et au trafic infernal.

Un expert en « écologie de la mangrove », Sukristiono Sukardjo, a publié, mercredi, une tribune très pessimiste dans le quotidien The Jakarta Post, confirmant les craintes du gouverneur : « Au nord, la ville abrite une concentration exceptionnelle d’une dizaine de millions de personnes très vulnérables à la montée du niveau de la mer. Et ce n’est qu’une question de temps avant que les mangroves n’aient complètement disparu de la carte. » L’expert pointe du doigt la contradiction entre « l’industrialisation et l’urbanisation effrénée initiées par le gouvernement qui, en même temps, se dit préoccupé par l’équilibre écologique ».

Le gouverneur sera-t-il à la hauteur de sa réputation ? Elu en septembre 2012 à ce poste, cet homme de 52 ans s’était vu attribuer, la même année, le prix du « troisième meilleur maire mondial » par le World Mayor Project « pour ses performances en tant qu’ancien maire de la ville de Solo », au centre de Java. La mise en place d’une « ceinture verte » à Solo aurait empêché que de nouvelles inondations affectent la ville, comme cela avait été le cas en 2005. Mais Djakarta représente un défi beaucoup plus considérable.

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La tribune sur le patrimoine génétique

 Allons-nous devenir débiles ?

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 24.01.2013 à 16h30 • Par Laurent Alexandre

Un article récemment paru dans le journal Cell a fait l’effet d’une bombe. L’auteur démontre que nos capacités intellectuelles vont chuter dans le futur, du fait d’une accumulation de mutations défavorables dans les zones de notre ADN qui régulent notre organisation cérébrale. En fait, deux tendances contradictoires sont à l’oeuvre. La première est positive : le métissage de l’espèce humaine permet le mélange – porteur d’innovations biologiques – des variants génétiques. L’espèce humaine s’est, en effet, séparée il y a 75 000 ans en différents groupes qui ont chacun connu des variations génétiques. Le mélange actuel assure un brassage génétique entre les différents rameaux qui étaient séparés avant les transports modernes.

La seconde tendance est beaucoup plus inquiétante et contrebalance la première. Les variants génétiques défavorables s’accumulent dans le génome humain. Cette accumulation récente est déjà perceptible : une étude publiée dans la revue Nature fin novembre 2012 révèle que 80 % des variants génétiques délétères dans l’espèce humaine sont apparus depuis 5 000 à 10 000 ans seulement.

 A chaque génération, 70 bases chimiques de notre ADN sont mal recopiées par la machinerie cellulaire, lors de la fabrication des spermatozoïdes et des ovules. Ces fautes de copie sont les interstices où naît le changement. Si le taux d’erreur avait été nul, aucune évolution des espèces ne se serait produite, et nous serions toujours des bactéries ! Les mutations négatives étaient éliminées par la sélection naturelle : les génomes concernés ne se transmettaient pas, faute que leur propriétaire atteigne l’âge de la reproduction.

En faisant émerger notre cerveau, l’évolution darwinienne a cependant créé les conditions de sa propre éradication : nous avons considérablement adouci les rigueurs de la sélection en nous organisant en société humaine solidaire. L’effondrement de la mortalité infantile est la traduction de cette moindre pression sélective. Elle touchait environ 20 % des enfants au XVIIe siècle, aujourd’hui autour de 0,3 %… Beaucoup des enfants qui survivent de nos jours n’auraient pas atteint l’âge de la reproduction en des temps plus sévères. La sélection aboutit finalement à se supprimer elle-même : il n’y a notamment – et fort heureusement – plus d’élimination des individus qui ont de moins bonnes capacités cognitives.

La médecine, la culture, la pédagogie compenseront cette dégradation, pendant quelque temps. Mais notre patrimoine génétique a vocation à se dégrader continûment sans sélection darwinienne. Cela veut-il dire que nos descendants vont tous devenir débiles en quelques siècles ou millénaires ? Evidemment pas ! Les biotechnologies vont compenser ces évolutions délétères.

A court terme, le séquençage de l’ADN du futur bébé est révolutionnaire. Il est possible de réaliser un bilan génomique complet du foetus à partir d’une prise de sang chez la future mère. Cette technique va étendre le champ de l’eugénisme intellectuel que l’Etat promeut déjà avec le dépistage de la trisomie 21 (97 % des trisomiques dépistés sont avortés). Puis, dès 2025, les thérapies géniques nous permettront de corriger les mutations génétiques qui menacent notre fonctionnement cérébral. La fin de la sélection darwinienne va nous pousser à pratiquer une ingénierie génétique de notre cerveau qui pourrait bouleverser notre avenir.

Respirer est mauvais pour la santé

Le papier ci-dessous a paru dans Charlie-Hebdo le 16 janvier 2013

Les experts lancent un énième appel et reconnaissent que l’air des villes est pourri. À cause de la bagnole, qui flingue à tout va les poumons. Il faudrait faire, mais on ne fera rien. L’air tue, mais rapporte.

Ami lecteur, si tu as envie d’abréger les souffrances de ta vie, respire, un bon coup si possible. Ainsi quitteras-tu plus vite cette triste vallée de larmes, comme le garantit (1) le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Précisons que le BEH, publié par l’Institut national de veille sanitaire, fait autorité. Or dans son premier numéro de janvier 2013, le bulletin balance, après bien d’autres il est vrai, quelques énormités.

L’air des villes est pourri. À Paris, par exemple, 9 habitants sur 10 sont (potentiellement) exposés à des niveaux de pollution hors-la-loi. Car faut pas croire, toi qui craches tes poumons : il existe une réglementation. Elle est merdique, elle est laxiste, elle a vingt ans de retard sur les connaissances scientifiques, mais elle existe. Sauf qu’elle n’est pas respectée. Reprenons : 9 Parisiens sur 10, entre 1 à 3 millions de Franciliens se chopent notamment trois polluants gratinés : le dioxyde d’azote ou NO2, les particules de diamètre inférieur à 10 ?m (PM 10) et les particules fines de diamètre inférieur à 2,5 ?m (PM 2,5). C’est technique en diable, mais ça tue aussi bien, quoique plus lentement, qu’un coup de flingue entre les oreilles.

À Bucarest, raconte le BEH, un gars de 30 gagnerait deux ans de vie si les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) étaient respectées. Et six mois à Paris. Si tu as le bonheur d’habiter près du périph’, ou de la RN2 à Pantin, ou de l’A1 à Saint-Denis, laisse tomber, t’es mort. Tu n’auras pas manqué de noter, avant d’y passer, que ces charmants habitats sont tous situés chez les prolos. Eh oui, il vaut mieux habiter Neuilly que Saint-Denis. Le BEH consacre un bel article au « différentiel d’exposition à la pollution atmosphérique ». En résumé, vos gueules, les pauvres.

Le plus drôle, c’est encore les particules fines (PM 2,5). Comme elles ne sont pas plus grandes que les bactéries, elles rentrent profond dans les alvéoles du poumon, et le reste. La France s’est dotée fièrement d’un « objectif de qualité » de 10 µg par m3, soit dix millionième de gramme par mètre cube. Pas bézef, mais pas tenable : la totalité des 11,7 millions de Franciliens s’en prend bien davantage dans les narines. Genre trois fois plus.

Mais mon Dieu ! que faire ? On sait. À Hong Kong, dit encore le BEH, la teneur en soufre des carburants a été abaissée à 0,5 % du poids au maximum en 1990. Dès la première année, baisse de 2,1 % des morts, et même de 3,9 % pour la mortalité respiratoire. Seulement, il faudrait se remuer, et s’attaquer en priorité au responsable principal du désastre, c’est-à-dire la bagnole. Dans son édito du BEH, Michal Krzyzanowski, tel un Ravachol ramollo lançant sa bombe, écrit : « L’accumulation de preuves sur les effets de cette pollution sur la santé invite à des approches politiques plus radicales et globales ».

Peut-on faire confiance à Ayrault-Hollande pour s’y mettre ?  Ben, pas sûr. Les chiffres de Peugeot viennent de sortir, et bien que très bons pour la santé humaine, ils sont effroyables pour l’économie. Notre bel industriel a en effet connu un recul de 19,6 % de ses ventes en 2012. Combien d’asthmes et de cancers évités ? Beaucoup, car Peugeot est le premier fabricant de moteurs diesel dans le monde, et l’OMS a classé en juin les émissions de diesel dans la noble catégorie des « cancérogènes pour l’Homme ».

Finissons sur une note optimiste : il y a bien pire. Une étude parue dans The Lancet (2) étudie 67 facteurs de risque dans l’apparition des maladies au plan mondial. En Asie, la pollution de l’air, essentiellement due aux bagnoles, a tué 2,1 millions de personnes en 2010. Surtout en Chine. Et ça s’aggrave. La mortalité planétaire serait passée de 800 000 en 2 000 à 3,2 millions en 2010. La mort par respiration d’un air craspouille est devenue la dixième cause de mortalité dans le monde.

Finissons sur une deuxième note optimiste : les Chinois débarquent. La bagnole Qoros, du constructeur chinois Chery, sera au salon de Genève en mars, et chez nous un peu plus tard.

(1) BEH-n-1-2-2013
(2) A comparative risk assessment of burden of disease and injury(…) The Lancet, 15 Décembre 2012

Ajout important du 23 janvier 2013 : Un commentaire avisé, celui de Michel G, critique ce papier et me demande de le corriger. Je ne vais pas barguigner, et je lui donne raison. Dont acte, comme on dit. J’ai fait dire à l’étude du Lancet ce qu’elle ne disait pas.

Mais je vous dois, amis lecteurs, une explication, qui n’exonère en rien ma responsabilité. Un journaliste, aussi consciencieux qu’il soit, et je prétends l’être, s’appuie nécessairement sur la lecture d’autres que lui. C’est un fait, et il ne sera pas démenti de sitôt. Pour ce qui me concerne, j’ai fait confiance, à tort, à un journaliste spécialisé, qui avait écrit textuellement ceci : « Une étude publiée par la revue scientifique The Lancet (…)  montre que la pollution liée à la circulation automobile est à l’origine de 2,1 millions de morts prématurées en Asie en 2010. Selon les chercheurs, la pollution atmosphérique due à l’explosion de l’utilisation de la voiture dans les villes asiatiques est désormais l’une des causes de mortalité en expansion, dans le monde, avec l’obésité ».

Je ne vais certes pas dénoncer ce confrère, mais il faut me croire, la source est sérieuse. Je suis allé regarder l’article du Lancet, et je suis obligé de reconnaître que je ne l’ai que parcouru, très rapidement. Je n’y cherchais que simple confirmation, et partant, je l’ai obtenue. J’ajoute que d’autres sources, sérieuses elles aussi, pointent l’écrasante responsabilité de la pollution automobile dans la pollution de l’air urbain en général.

Ceci posé, trois choses. Un, j’ai eu tort, et cela m’amènera à être plus vigilant que je ne suis. Je remercie donc Michel G, et c’est sincère.

 Deux, cette faute décrit l’un des points aveugles de la profession de journaliste. On y délègue constamment sa confiance. C’est en partie inévitable.

Trois, je ne peux retoucher un article déjà publié, et je suis donc contraint de laisser ce texte comme il est. Mais que ces mots apparaissent pour ce qu’ils sont. Je vous prie de m’excuser.