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Serge Orru chez Delphine Batho ?

Bon, on va attendre la suite. Serge Orru ira-t-il au ministère, comme l’envisage ci-dessous Guillaume Malaurie, du Nouvel Obs ? Je ne souhaite pas en rajouter, même si la tentation est grande d’évoquer tant d’autres copinages d’Orru. Une chose est certaine : nous sommes les spectateurs du désastre en cours. Si nous étions des acteurs, si nous étions à d’autres moments de l’histoire humaine, tout cela ne pourrait avoir lieu. Patience, patience dans l’azur. Un tel merdier ne saurait durer éternellement.

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INFO OBS. Serge Orru quitte WWF

Créé le 05-07-2012 à 15h04 – Mis à jour à 15h18

Guillaume Malaurie

Par 

Son nom circule au ministère de l’Ecologie, où il pourrait apporter à Delphine Batho les réseaux dont la ministre est dépourvue.

Le Directeur général de WWF a annoncé ce matin qu’il quitterait en septembre son poste et l’ONG. (SAURA PASCAL/SIPA)(SAURA PASCAL/SIPA)

Le Directeur général de WWF a annoncé ce matin qu’il quitterait en septembre son poste et l’ONG: « J’ai décidé de vivre une nouvelle ère professionnelle dont forcément vous entendrez parler ». Serge Orru avait du affronter l’année dernière une fronde externe et interne mais il assure que sa décision n’a pas le moindre rapport avec cette épisode : « Il était prévu dés mon embauche en 2006, qu’au bout de six ans, j’arrêterais. Je tiens parole, confie-t-il, et c’est sain ».

Il est vrai que le nom de Serge Orru commence à circuler au ministère de l’Ecologie. Hypothèse plausible car Delphine Batho, la nouvelle ministre de l’Ecologie, a encore moins de réseaux que sa prédécesseuse Nicole Bricq dans le petit monde des environnementalistes.

Le bouillant Serge Orru est connu pour son verbe haut, un style rentre dedans et un peu provoc. En fait, il a plutôt fait preuve de pragmatisme. Et lui revient le mérite d’avoir toujours soutenu l’ONG spécialisée RSE (Réseau Environnement Santé) spécialisée sur la santé environnementale.

Il laisse une organisation en bonne forme : un budget doublé et un total de 104 salariés grâce notamment aux partenariats avec les entreprises, qui s’engagent contre l’utilisation du label WWF à développer une stratégie plus durable. Orru avait été également à l’origine de l’idée de l’audit financier de la filière nucléaire que Nicolas Sarkozy avait fait diligenter. Un travail qui servira de référence pour le futur grand débat sur l’énergie promis par François Hollande.

La messe est dite (Jouyet à la Caisse des dépôts et consignations)

Si vous ne l’avez pas fait, je me permets – exceptionnellement – de vous conseiller la lecture d’un mien article, paru ici il y a trois jours : Pierre Cunéo, dir’cab de Delphine Batho (et grand ami de l’oligarchie). Vous y ferez la connaissance de Pierre Cunéo, directeur de cabinet de la ministre de l’Écologie, et au passage, celle de Jean-Pierre Jouyet, son ami. Jouyet a plein d’amis : Hollande, qu’il connaît depuis plus de trente ans, Christophe de Margerie, qui est, outre son cousin par alliance, le patron de Total. Et je laisse de côté les trop nombreux oligarques qu’il fréquente assidument, que ce soit au club Le Siècle ou encore autour de l’Institut Aspen France.

Je peux même ajouter une information de plus. Je crois qu’elle est, pour l’heure, exclusive. Jouyet fait partie du conseil d’administration de The Aspen Institute, maison mère atlantiste d’Aspen France. C’est intéressant autant qu’instructif, car on trouve dans ce conseil d’administration des personnes aussi sympathiques que Condoleezza Rice, à côté de gens plus anodins, mais aussi d’une flopée de patrons, parmi lesquels l’Indien Gautam Thapar. Thapar est milliardaire en dollars et ses activités – je n’ai pas le temps de chercher une liste exhaustive – incluent la chimie, la production de papier et l’exploitation des forêts en Malaisie. Il dirige aussi la branche indienne de l’Institut Aspen, qui promeut l’industrie nucléaire en Inde. C’est donc un grand et noble personnage.

Or voilà que François Hollande a décidé de nommer Jouyet à la tête de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ne vous détournez pas : ce poste est stratégique. Mission de la CDC : « La Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l’intérêt général et du développement économique du pays ». Elle investit en notre nom, au service théorique du long terme. Débordant de fric, la Caisse dispose de plus de 20 milliards d’euros de fonds propres, et réalise un résultat net de plus de deux milliards. Puissance de feu garantie : elle gère, entre autres, l’épargne des livrets A, LEP, LDD, finance le logement social, prête aux collectivités locales, etc. Tout est dans cet etc. La Caisse est le bras armé financier du gouvernement. Et elle siège, ès qualités, au conseil d’administration des plus grandes entreprises du CAC 40. Celles-là même qui sont le moteur, ici, de la destruction accélérée du monde.

Jouyet est leur homme. Je ne mets pas en cause son intégrité, je n’entends pas sous-entendre quoi que ce soit sur son honnêteté. J’ai même tendance à croire qu’il n’a jamais songé à mettre un sou dans sa poche pendant qu’on ne regardait pas. Mais l’essentiel est ailleurs. Il est leur homme. Car il ne connaît qu’eux. Car il partage évidemment leur criminelle vision du monde. Car il entend bien défendre leurs intérêts – qu’il pense légitimes – à la tête de la Caisse des dépôts. Et Hollande, ce balourd qui n’a jamais rien lu de sérieux sur la crise écologique, a décidé, sur fond de vieille amitié, de lui confier la clé du financement public. C’est encore plus dingue que scandaleux. On tourne et on tournera toujours plus le dos au seul avenir concevable, fait d’une extrême sobriété matérielle et d’un immense et authentique partage du gâteau.

Ne rêvons pas. Il n’y a strictement rien à attendre de ce gouvernement. Sauf les places et les miettes qu’il a déjà distribuées aux écologistes de cour et de salon. Je ne suis pas surpris. Je suis en rage.

Pierre Cunéo, dir’cab de Delphine Batho (et grand ami de l’oligarchie)

Le terrain est glissant, et je vais donc tenter de bien me tenir aux murs. Comme vous savez sans doute, Madame Nicole Bricq a été remplacée au ministère de l’Écologie par madame Delphine Batho, parachutée par Ségolène Royal dans sa propre circonscription législative des Deux-Sèvres, en 2007. Madame Royal avait en effet décidé de ne pas se représenter, et Delphine Batho devint alors députée. Avant d’être, ce printemps, sous-ministre de la Justice, puis ministre de l’Écologie, à la place donc de madame Bricq.

Une simple rumeur, il est vrai insistante, car elle est entre autres colportée par Europe-Écologie-Les Verts, prétend que madame Bricq aurait été virée pour cause de Shell. Elle aurait contrarié les intérêts de la transnationale en suspendant l’autorisation de forages pétroliers au large de la Guyane. Je ne dispose d’aucune information exclusive, mais ceux qui croient cette histoire non plus. En attendant mieux, je n’y crois guère. Madame Bricq grande écologiste, je n’y crois pas du tout. Je parierai que la vérité se trouve ailleurs. Ce qui ne veut certes pas dire que l’industrie du pétrole n’a pas joué un rôle dans cet embrouillamini.

Passons au sujet du jour. Madame Batho, bien que jeune – elle est née en 1973 -, est une redoutable politicienne. Ce qui est d’ailleurs son droit. Si je m’autorise ce qualificatif de « redoutable », c’est parce qu’elle vient d’une marmite dont le maître-queux s’appelle Julien Dray. Elle a été, à l’âge de 17 ans, présidente de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), puis responsable de SOS-Racisme, deux associations créées en fait par Dray pour le compte de son si cher François Mitterrand. Je sais assez de choses sur les mœurs de ces structures pour être assuré que madame Batho connaît la chanson. Beaucoup de chansons même.

Et voilà que j’apprends qu’elle vient de choisir Pierre Cunéo  comme directeur de cabinet. Inutile de vous dire que je n’ai jamais rencontré cette personne, mais cela n’empêche pas d’en dire quelques mots. Né en janvier 1975, il a donc 37 ans, et comme il a fait l’ENA et Sciences Po, comme il est Inspecteur des Finances, on se l’arrache. J’ai entendu dire qu’il avait reçu des propositions venant de différents cabinets ministériels. Il a choisi l’Écologie. Ma foi. Après avoir travaillé pour l’Insee, puis le ministère de la Défense, il embauche à la SNCF en 2008, au poste de directeur de la Stratégie ferroviaire et de la Régulation. La suite est à la hauteur : directeur de cabinet du patron de la SNCF, Guillaume Pepy, il est nommé en 2010 directeur du RER C.

Ne pas oublier l’année 2007, celle où Sarkozy est élu. On ne souhaite pas trop s’en souvenir chez M.Hollande, mais son ami de toujours, Jean-Pierre Jouyet, avait accepté sans broncher un poste de secrétaire d’État aux Affaires européennes dans le premier gouvernement Fillon. Pierre Cunéo était alors devenu le directeur-adjoint de cabinet de Jouyet, et même, d’après ce que je crois avoir compris, son ami. Fort bien. Je vous conseille d’écouter un petit reportage réalisé par Hervé Kempf en janvier dernier, au moment où sortent de table les membres du grand club d’influence appelé Le Siècle (ici). Je crois pouvoir dire que c’est instructif.

Poursuivons. Cunéo, haut fonctionnaire pouvant servir, selon les cas, la droite ou la gauche, est ami de Jean-Pierre Jouyet, lequel peut servir, de même, tout « le cercle de la raison » cher à Alain Minc. Jouyet est un habitué du club du Siècle, où se retrouvent discrètement banquiers, « grands journalistes », politiciens, patrons. Mais il a un autre talent, certes mineur, mais épatant tout de même : Jouyet est président du conseil de surveillance de l’Institut Aspen France. Et – quelle surprise ! quelle heureuse surprise ! -, Pierre Cunéo est le président du directoire de ce même Institut. On est vraiment très content pour eux. Pour nous, un peu moins.

Avant de vous livrer un élément important sur Aspen France, laissez-moi préciser les conditions de naissance de ce charmant machin. Aspen est une station de ski du Colorado, qui attire depuis bien longtemps les oligarchies américaines. Notez, et c’est vrai, qu’on peut être oligarque et mélomane, oligarque et amoureux de la peinture, de la littérature, des arts en général. Tel fut bien le cas de  Walter Paepcke, le fondateur en 1950 du Aspen Institute of Humanistic Studies, qui deviendrait l’Institut Aspen. Je n’ai ni le temps, ni vraiment le goût d’aller beaucoup plus avant. Cet Institut, qui n’a rien de secret, je le précise d’emblée, a mené depuis 60 ans une permanente campagne d’influence en faveur des transnationales et de l’American Way of Life. Avec l’aide de pontes démocrates et républicains, et très probablement de services officiels, éventuellement secrets. Je note par exemple que madame Paepcke était la sœur du considérable personnage que fut Paul Henry Nitze. Ce type a joué un rôle essentiel dans la définition de la politique américaine au début de la Guerre Froide, quand la menace de guerre nucléaire tétanisait le monde. Compte tenu de sa place, il n’y a aucun doute qu’il avait la confiance d’organismes civils comme la CIA, ou militaires comme la DIA. Peut-être davantage.

Vous me direz qu’on s’en fout, étant entendu qu’on parle là du frère de madame Paepcke. C’est juste. Mais Paepcke étant mort en 1960, sa veuve s’est ensuite appuyé sur son frère Paul Henry pour continuer l’œuvre. Et le frangin aura beaucoup donné pour ce qui ressemble furieusement à une entreprise d’influence planétaire. Financé par des fondations comme Rockefeller, Ford ou encore Carnegie, comptant à son bureau des anciennes ministres comme Madeleine Albright ou Condoleezza Rice, l’Institut organise des séminaires, des conférences et raouts, forme des petites élites proches de leurs vues dans quantité de pays du Sud. Oui, ça peut toujours servir.

Il existe plusieurs sections nationales de l’Institut Aspen, dont une, en Inde, que je vous recommande. Dans ce pays qu’on peut dire martyrisé par les choix politiques en faveur des transnationales, l’Institut Aspen local regroupe la fine fleur de l’oligarchie (ici). Sans le cacher le moins du monde – et pourquoi le ferait-il ? il en est fier ! -, Aspen présente comme partenaire-clé The Confederation of Indian Industry, qui regroupe les plus grands patrons de l’Inde. Ceux qui sont en train de tuer ce pays. Ceux qui le vendent. Ceux qui laissent crever les 650 000 villages de l’Inde réelle.

Et la France ? Oui, n’oublions pas la France. MM.Jouyet et Cunéo sont donc les responsables de l’Institut Aspen France. Et M.Cunéo s’apprête à jouer un rôle important au ministère de l’Écologie. C’est très bien. C’est d’autant mieux qu’Aspen France, jadis présidé par l’ancien Premier ministre Raymond Barre, a des vues concernant notre avenir commun. Dont « la compréhension de la mondialisation, des contraintes et des opportunités qui en résultent », comme l’indique son site internet, et « l’aggiornamento du modèle économique, politique et social français ». Oh, oh ! voyez-vous cela. L’aggiornamento. Ces gens, qui sont délicats, n’osent pas dire qu’ils veulent abattre les restes de l’édifice construit après 1944, celui du Conseil National de la Résistance. Ils n’écriront pas, les malins, qu’ils veulent ouvrir davantage tous les secteurs encore épargnés par les prédateurs. Voyons, ne sont-ils pas des humanistes ? Une idée de leur ton, à propos de l’Afrique, tiré d’un colloque de 2008 financé par la fondation Mérieux, c’est-à-dire l’industrie pharmaceutique : « La première [des opportunités] est que, dans la mondialisation, l’Afrique dispose d’avantages compétitifs considérables : l’espace – avec un continent quasi vide ; les hommes, avec un immense réservoir de main d’œuvre ; enfin les matières premières, dont l’Afrique dispose en quantité — c’est un avantage compétitif et c’est un avantage géostratégique majeur ».

Je suis sûr que cet accès de franchise vous fera plaisir. Et de même, d’apprendre qui fait partie du Conseil de surveillance en 2012. On trouve dans ce merveilleux aréopage des gens comme l’ancien patron des cimenteries Lafarge, le directeur général de Saint Gobain, ci-devant champion de l’amiante, le président d’Oddo Corporate Finance, banque d’investissement et de gestion des capitaux, le gérant d’Interfinexa, conseil en fusion et acquisition d’entreprises, le PDG du laboratoire BioMérieux, le PDG de GDF-Suez – eau, gaz, électricité, nucléaire -, le directeur général d’Oliver Wyman France, entreprise mondiale de conseil aux entreprises, etc, etc.

Cerise ultime sur ce gâteau un poil indigeste : parmi les partenaires d’Aspen France, outre une bonne partie des entreprises citées plus haut, on retrouve Total. Notre bonne vieille transnationale à nous. Celle des gaz et pétroles de schiste. Celle de Christophe de Margerie, son patron, qui est aussi le cousin par alliance de Jean-Pierre Jouyet, qui lui a fait rencontrer dans la tranquillité François Hollande. Total, rappelons-le, c’est la plus grosse boîte française, avec un chiffre d’affaires atteignant 180 milliards d’euros en 2008. Comme tout s’arrange au mieux ! Comme on se sent bien en famille ! Cunéo dirige Aspen, défenseur intransigeant de l’industrie transnationale, et fait tourner la petite boutique avec une aide désintéressée de Total. Le même Cunéo, devenu directeur de cabinet de la ministre de l’Écologie, aura chaque jour le nez sur des affaires en relation avec Total. Le premier qui parle de conflit d’intérêt est un homme mort.

Madame Vallaud-Belkacem raconte des sornettes (politiques)

Ci-dessous, un extrait d’une dépêche Reuters de ce 22 juin 2012, qui donne une bonne idée de la réalité. Je rappelle que madame Vallaud-Belkacem est la porte-parole du gouvernement.

« Najat Vallaud-Belkacem a essayé de minimiser la polémique [à propos du remplacement de Nicole Bricq par Delphine Batho au ministère de l’Écologie]. “Dans le contexte qui est celui de la France d’aujourd’hui, je ne crois pas que le Commerce extérieur constitue un enjeu moins important que l’Ecologie”, a-t-elle fait valoir ».

Comment peut-on dire quelque chose d’aussi imbécile ? Je me le demande, sincèrement.

Castoriadis contre l’Appel de Heidelberg (suite)

Il me faut donc remercier deux personnes, que je ne connais pas. Et même trois. La première intervient sur Planète sans visa sous le nom de Leyla. Il vient de poster ce qui suit, que je m’empresse de mettre en ligne dans un article. Mais il me faut également saluer Markus, qui a retranscrit ce coup de gueule de Castoriadis. Enfin, toute ma reconnaissance à ce même Cornelius Castoriadis.

Qui était cet homme grec, né en 1922 et mort en 1997 ? Je mentirais avec grossièreté si j’écrivais le bien connaître. De mémoire, j’ai lu deux livres de lui dans ma jeunesse, en deux fois deux tomes. D’abord La Société bureaucratique, livre consacré à l’analyse de l’Union soviétique. Ensuite L’Expérience du mouvement ouvrier. Sur les conseils de mon frère Emmanuel, j’ai lu plus tard Montée de l’insignifiance. Et je ne dois pas oublier un dialogue avec Cohn-Bendit, qui s’appelle De l’écologie à l’autonomie, livre qui m’a laissé un plaisant souvenir. Il faut dire qu’il date, je crois, de 1980, date à laquelle Cohn-Bendit était un autre.

En revanche, je ne sais presque rien du philosophe, et moins encore du psychanalyste que fut Castoriadis. Ma certitude est que cet homme pensait, avec tous les risques liés à cet exercice. Qu’il était lumineux. Qu’il avait compris la nature de nos sociétés. Et qu’il voulait nous aider tous à trouver d’autres voies. Revenons au message de Leyla, qui concerne l’Appel de Heidelberg, objet du dernier article de Planète sans visa.

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De Leyla : Il y a tout juste 20 ans, tout le monde ne gobait pas l’appel d’Heidelberg. Voilà ce que disait par exemple Castoriadis au micro de France Culture le 19 juin 1992 (merci à Markus pour la transcription de cet échange oral – où l’on doit entendre l’irritation et la colère devant l’ignominie de l’appel) :

« Quand on a des réactions au mouvement écologiste comme le manifeste Heidelberg qui a été signé et diffusé à la veille de la conférence de Rio par 150 intellectuels parmi lesquels 52 prix Nobel, ce manifeste est relativement ignominieux dans son hypocrisie ! Tout le monde est d’accord pour l’écologie scientifique à condition qu’on sache ce qu’on veut dire. Mais ces prix Nobel, c’est des gens de 1850, c’est des scientistes !… Ils croient que la science a réponse à tout, ils disent que la science ne crée jamais de problèmes … Ils sont dans une vue primitive et naïve de la chose parce qu’ils sont dans l’ancienne vue que ce n’est pas le couteau qui tue mais c’est le meurtrier ! Or c’était vrai du temps des couteaux, ce n’est plus vrai du temps des bombes à hydrogène !

Nous vivons dans une société où il y a une domination de plus en plus ouverte de la techno-science qui suit son propre cours. Et qu’on nous dise : mais vous pouvez choisir ceci ou cela, c’est une ânerie ! Parce que nous ne pouvons rien choisir : voyez tout ce qui s’est passé avec l’insémination artificielle, les grossesses in vitro, pourquoi Testard a laissé tombé, etc… Dès qu’une chose est possible à faire scientifiquement et techniquement, on la fait ! On ne se demande pas si elle est bonne ou mauvaise. Et ce sont ces prix Nobel qui la font … sans qu’il y ait un cadre de loi, sans qu’il y ait un besoin correspondant ! On fait la chose et après on va créer un besoin, c’est ça qui se passe !… Alors ces messieurs qui disent : la science va résoudre tous les problèmes, c’est complètement absurde !! Parce que la science ne peut pas résoudre le problème des fins, des buts, des finalités … La science peut dire : si vous voulez détruire la planète, je vous donne les moyens. Si vous voulez sauver la planète, je peux vous dire ceci et cela. Mais elle ne peut pas sauver la planète ! Il faut une décision politique qui implique toute une série de choses, et par exemple implique l’abandon de cette course effrénée vers la consommation plus grande et vers une puissance technique plus grande.

Et puis ils critiquent l’idéologie écologiste mais ils ne critiquent pas les autres idéologies les prix Nobel ! Que je sache ils étaient complètement muets quand il y avait Hitler et Staline en Russie, si tant est que beaucoup parmi eux ne collaboraient pas avec l’un ou l’autre ! Ils parlent du contrôle de la population, ils ne disent pas un mot de l’Église catholique ! A Rio il n’est pas question du contrôle démographique et de l’explosion démographique, pourquoi ? Parce qu’il y a un veto de l’Église catholique, parce que Dieu a dit “croissez et multipliez”. (…)

Ce manifeste est tout à fait caractéristique. C’est pour ça où il y a des fois aussi où je vous dis que je suis d’humeur sinistre !… Si 52 prix Nobel sont capables de dire des âneries pareilles, d’un aveuglement pareil où d’ailleurs leurs motivations intéressées sont transparentes … Ces messieurs, ils vivent, ont un laboratoire, ils doivent être financés, la société consacre des ressources à financer ces recherches plutôt qu’autre chose, n’est ce pas ?

Ce qu’il n’y a pas surtout dans ce manifeste, c’est ce que les Grecs appelaient la phronésis, c’est le fait que sans que ce soit scientifique vous êtes prudent, vous savez ce que vous faites, vous voyez où est-ce que vous mettez vos pieds. Or ce que la science actuellement ne fait pas, c’est regarder où est-ce qu’elle met ses pieds. Le génie génétique personne ne sait ce que ça peut donner, c’est comme les balais dans l’histoire de l’apprenti sorcier, parce que l’apprenti il a commencé à utiliser certaines formules magiques sans connaître les autres formules qui arrêtent la chose.

Or ces messieurs n’ont aucune envie d’arrêter, ils n’ont aucune prudence, ils croient que la science répond à tout, ce qui est aberrant. La science n’a pas de réponse politique et heureusement, parce que sinon la réponse serait claire : il faut instaurer une dictature des scientifiques puisque c’est eux qui ont les réponses … il n’y a pas de place pour une démocratie quelconque ; qu’est-ce que ça veut dire laisser les ignorants décider alors qu’il y a des scientifiques qui grâce à leur science ont des réponses scientifiques aux problèmes politiques ? Mais c’est une monstruosité ! Voilà …”