Archives de catégorie : Politique

L’élection, l’acidité, de Gaulle, Hollande, Sarkozy et Mélenchon

Ne cherchez donc pas. Cela ne s’est jamais produit. Ni dans votre vie, ni dans celle de vos parents, ni dans celle de vos aïeuls, aussi loin que l’on remonte. Jamais. Même si l’on était capable de dénicher, sur le vaste arbre généalogique des humains, la trace de celui (ou celle) qui, voici 2 millions d’années, devait contribuer à vous donner naissance, il faudrait encore admettre que l’homme, depuis ses origines, n’a jamais vu cela.

Et cela, bien entendu, c’est la crise écologique. Autrement dit la destruction systématique de tout ce qui tient et soutient l’existence de la vie sur terre pour de grands mammifères comme nous. Nous sommes mal,  sans rire. Cette crise a beau être évidente, elle demeure sans le moindre intérêt. Il est manifeste que toute politique raisonnable, à quelque niveau que ce soit – depuis le plus petit canton du monde jusqu’à la planète entière – devrait mettre au premier plan la sauvegarde. Or, il n’en est manifestement rien.

Au milieu de dizaines de nouvelles du même genre, je vous signale une étude parue dans la revue Science (lire ici). Le rythme d’acidification des océans serait sans précédent depuis 300 millions d’années. Et la cause de ce phénomène tiendrait à l’explosion des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, qui obligerait les mers à absorber toujours plus de carbone. Mais jusqu’où ? 300 millions d’années en arrière, cela inclut quatre crises d’extinction de masse des espèces, survenues au cours de cette gigantesque période. Dont la dernière, il y a 65 millions d’années, a vu mourir les dinosaures, probablement maîtres de la Création de cette époque.

Tout le monde – du moins ceux qui ont fait l’effort de lire un peu -, sait que nous sommes plongés dans la sixième crise d’extinction de l’histoire de la vie, en relation directe avec les activités industrielles humaines. Et l’article de Science, sans entrer dans des détails que personne n’est d’ailleurs en mesure de décrire,  souligne que, par le passé, l’acidification a signifié la mort d’une quantité astronomique d’espèces vivantes. La certitude, la quasi-certitude, c’est que l’acidification accélérée annonce des phénomènes cataclysmiques.

Et c’est alors que je sors mon crincrin coutumier, pour vous parler de notre ridicule campagne électorale. Mais avant cela, un rapprochement absurde, qui m’aidera je l’espère à me faire comprendre. Les hommes sont le plus souvent – toujours ? – en retard d’une guerre. Voyez avec moi l’exemple de Charles de Gaulle, écrivant en 1934 Vers l’armée de métier. Dans ce livre, De Gaulle colporte comme n’importe qui un paquet de sottises partagées par tout le monde de son temps, mais il émet également une idée neuve, qui montre la force de son esprit. Il y théorise en effet la nécessité de régiments blindés autonomes, libérés du poids de l’infanterie, dotés de chars mobiles. C’est génial, ce qui le conduit comme de juste à la solitude.

En 1934, l’état-major de l’armée et les politiciens qui lui sont dévoués – presque tous – pensent un éventuel affrontement avec l’Allemagne comme un remake de 1914, sous la forme d’une revanche globale. Grâce aux fortifications de la ligne Maginot, nos soldats défendront avec vaillance le sol de la patrie, et finiront par épuiser puis écraser l’ennemi. Le schéma entier est statique. Ils avancent, nous contenons, nous contre-attaquons. Sauf que l’armée allemande, jeune et enthousiaste, de M. Hitler, ne daigna pas jouer le jeu. Les blindés de Guderian osèrent franchir les Ardennes par une route jugée impossible, bousculant les vieilles barbes en quelques jours. De même, en Belgique, des parachutistes déposés par planeurs s’emparèrent en quelques heures de forts jugés jusque-là imprenables. Nous eûmes, pour paraphraser Churchill, la guerre et le déshonneur.

Quel rapport avec aujourd’hui ? Je reconnais que le lien est faible, mais pas forcément pour les raisons que vous croyez. Il est faible car la crise écologique est sans commune mesure avec ces tragiques événements. Elle est infiniment plus grave, et ses conséquences, que nul ne peut prévoir, seront sans nul doute à ses dimensions. Je préfère ne pas aller plus loin sur ce chemin. Eh bien, la suite ? Je crois et je crains que les esprits humains ne soient pas capables de voir en temps réel ce qui se passe pourtant sous leurs yeux. Quelle que soit l’explication, et à mon sens il y en a plusieurs, qui se mêlent, nul n’entend regarder en face le noir soleil qui pourtant éclaire et obscurcit tout. Le déni, phénomène troublant autant que fascinant – que l’on songe donc au déni de grossesse, et à ses formes extrêmes – est sûrement décisif, mais il se combine à d’autres limites.

Parmi elles, je nommerai volontiers l’imbécillité. Je n’entends pas parler de la stupidité, pas seulement. L’imbécillité dont je veux parler est ce « caractère de celui qui est plus ou moins incapable de raisonner, de comprendre et d’agir judicieusement ». Cette définition-là me convient parfaitement, et elle permet d’englober la totalité des candidats à l’élection présidentielle. Y compris madame Joly et monsieur Mélenchon, sans qu’il soit nécessaire de faire la liste des autres.

Tous sont des imbéciles de la plus belle eau. Mais je compte bien, malgré tout, prendre leur défense. Certes, ils sont incapables de raisonner et d’agir judicieusement. Est-ce bien de leur faute, à ces pauvres chéri(e)s ? Non. Ils n’ont pas la moindre culture dans les domaines cruciaux pourtant de l’activité publique que sont l’eau, le sol, la mer, la forêt, la chimie, le climat, la systématique, la biologie en général. Ils sont dramatiquement ignorants, et c’est à jamais. Urbains jusqu’au tréfonds, incapables de distinguer un chêne d’un hêtre, reconnaissant avec peine un merle, n’ayant pas marché plus de dix kilomètres à pied depuis deux ou trois siècles, ils sont tous détestables. Et d’autant plus détestables que la plupart ont eu tout le temps nécessaire pour apprendre.

Mais souhaitaient-ils apprendre ? Un Mélenchon a été bureaucrate politique toute sa vie durant, et il est sénateur depuis la bagatelle de 25 ans. Il lui a paru plus digne de s’intéresser à la secte OCI, puis aux jeux de pouvoir dans un parti – le PS – dont il fut membre 31 ans. La nature ? Quelle nature ? Les autres sont aussi dignes d’éloges. Sarkozy, qui n’a jamais réellement travaillé, ne voit la complexité du monde qu’au travers de notes de synthèse – selon : une page ou deux, jamais plus – que ses conseillers lui pondent chaque demi-heure. Je vous rassure : il ne les lit pas toutes, car il n’aurait pas le temps. Mais vite ! quand l’on reçoit à 11 heures l’ambassadeur d’Ouzbekistan et à 12 heures l’envoyé du pape, il vaut mieux, je vous le dis, ne pas se tromper de fiches.

Si vous souhaitez rire, et que vous ne connaissez pas ce petit document, laissez-vous tenter par ce court échange sur le sunnisme de Ben Laden (c’est ici). Où l’on voit qu’un homme légalement capable de déclencher une guerre en notre nom ne sait rien d’une réalité de base qui devrait pourtant l’obséder. Quant à Hollande, qu’espérer franchement d’un homme qui, lorsqu’il était premier secrétaire du PS, aventure qui dura onze ans, commençait ses savoureuses journées d’équilibriste par la lecture de L’Équipe ? Et sans jamais trouver le bon moment pour régler le cas désespérant de Georges Frêche, Jean-Noël Guérini ou Jean-Pierre Kucheida ?

Vous pensez bien que la crise climatique ou la ruine accélérée de la biodiversité n’auraient jamais pu trouver la moindre place dans des emplois du temps aussi chargés. Et vous pensez juste. Ces politiciens professionnels n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe sur Terre. 300 millions d’années, pour en revenir à mon point de départ, ne sont rien pour ceux qui comptent en jours de pouvoir. Et ils ont bien raison, puisque l’on continue à voter pour eux, rendant du même coup inconcevable que l’on s’attaque si peu que ce soit à quelque problème d’importance que ce soit. Ô vous qui vous apprêtez à voter Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, Corinne Lepage ou François Hollande, ou tout autre (Bianca, voilà le résultat), je ne sais sincèrement pas quoi vous dire. Je cherche sans trouver. J’aimerais faire une pirouette, mais au vrai, je n’ai pas trop le cœur à rire. Il faut vraiment tout recommencer. Et autrement.

Le principe industriel est-il criminel ? (à propos de la clope et du reste)

J’ai choisi cette fois un titre un poil abscons, en tout cas peu clair au premier abord. Et c’est volontaire, car je tiens à vous garder ici jusqu’à la fin. À l’heure du net et du survol, ceux qui lisent un article jusqu’au bout son rares, je le sais. Et je sais de même que je perdrai des lecteurs en nombre avant le bas de cette page. Je tente donc une pauvre ruse, et voyons ce qu’elle donne.

Ce que je vais écrire n’est pas ordinaire, et si j’étais vous, je prendrais cet avertissement au sérieux. Je sais de longue date, pour avoir observé de bien près certaines industries mortifères que le crime a joué et joue son rôle dans leur déploiement vertigineux. Je l’ai vu au sujet de l’amiante, au sujet des déchets – je me suis occupé professionnellement, pendant des années, de la sinistre décharge de Montchanin (Saône-et-Loire) -, au sujet des pesticides, des biocarburants, de la viande. Je sais donc de source sûre et certaine que les grandes chaînes hiérarchiques, démesurément étendues, produisent sous le règne du profit maximum des comportements ignobles, immondes et, oui, criminels.

Avant de savoir qui est responsable, éventuellement justiciable, je dois vous parler d’un article qui constitue un choc. Cela ne m’arrive pas toutes les cinq minutes, car je n’ai jamais cessé de lire les journaux depuis l’âge de dix ou onze ans, ce qui commence à dater. Cet article signé Stéphane Foucart, a paru dans Le Monde sous le titre : Les conspirateurs du tabac. Exceptionnellement, je vous en donne l’intégralité dans la partie Commentaires, ci-dessous, mais vous pouvez aussi le lire online, en cliquant ici. Foucart évoque la sortie d’un livre aux États-Unis, écrit par le professeur de Stanford Robert Proctor. Cet intellectuel de haut vol a passé des années à dépiauter des millions de documents internes à l’industrie du tabac. Quoi qu’on puisse penser du reste, ce n’est pas chez nous que l’on verrait cela. Car en 1998, après un procès historique mené par 46 États américains contre les industriels de la clope, il a été décidé, outre le versement d’une menue amende de 188 milliards d’euros, la publication forcée de mémos, courriels, documents internes en tous genres. Et dans cet immense fatras, comme on se doute, d’innombrables révélations qui donnent sa chair au bouquin de Proctor, Golden Holocaust.

Bien sûr, je savais que les fabricants de tabac savaient. Et qu’en toute conscience, ces crapules avaient continué d’inonder les marchés de leur poison mortel. J’avais compris – il aurait fallu être bien aveugle – que cette industrie était comme l’archétype de tant d’autres. Dès les années 20 du siècle passé, raisonnablement, le doute n’était plus permis : le tabac était bien un puissant cancérigène. Confrontés au péril d’une chute sans fin de leurs profits, les pontes de la clope eussent pu tenter une reconversion, mais ils décidèrent en conscience la tuerie de masse. Savez-vous qu’au moment du Plan Marshall pour l’Europe dévastée par la guerre -1947 -, les cigarettiers ont obtenu du gouvernement américain que l’aide directe se décompose en deux dollars de nourriture pour un dollar de tabac ?

En 1953, les mêmes lancent une stratégie extraordinaire qui vise à tromper l’opinion et ces benêts de journalistes en organisant méthodiquement un soi-disant « doute scientifique » sur la dangerosité de la clope. On achète des scientifiques – je croyais la chose rare, Proctor montre que non -, on finance des études biaisées, montées en épingle ensuite dans les journaux adéquats, et de la sorte on crée du bruit, des écrans de fumée, de la confusion. Il faut donc, pour y voir plus clair, de nouvelles études, lesquelles se montrent comme par hasard aussi contradictoires que les précédentes. Ô ne me dites pas que vous ne reconnaissez pas cette musique ! Elle est jouée en ce moment au sujet des antennes de téléphonie mobile.

Osons parler de chef d’œuvre. Il a permis de gagner des dizaines d’années, et il continue d’ailleurs de travailler les esprits dans ces pays d’avenir pour la mort que sont la Chine, l’Inde, et tant de contrées plus exotiques encore. Le savoir-faire accumulé a bien entendu servi aux autres, avec en France par exemple ce qu’on a appelé le Comité permanent amiante (CPA), créé pour tromper sur les risques de contamination par ce qu’on appelait jadis, The Magic Mineral. Mais revenons au tabac. Comment décrire ? La clope tue 5,5 millions d’humains chaque année, soit davantage que le sida, le paludisme, la guerre et le terrorisme réunis. Au cours du XXème siècle, la cigarette aura flingué prématurément 100 millions d’hommes et de femmes. Chiffre à rapprocher – et pourquoi n’oserait-on le faire ? – des 50 à 60 millions de morts de l’infernale Seconde Guerre mondiale.

Des statisticiens ont même calculé ce que tuerait la cigarette au cours de ce siècle si les tendances devaient rester les mêmes, ce qui est pour sûr impossible. Il n’empêche que l’estimation est, disons, intéressante : 1 milliard. Oui, d’authentiques ordures cousues d’or pourraient être responsables de la mort d’un milliard d’entre nous. Par commodité, je vous prie, laissons de côté le débat périphérique – et légitime – sur la responsabilité propre au fumeur, cela nous perdrait. Et d’ailleurs, Proctor raconte dans son livre les incroyables ruses de l’industrie pour rendre toujours plus accros et dépendants les malheureux consommateurs imbéciles. Car imbéciles ils sont, j’en disconviens d’autant moins que j’ai clopé pendant quinze années.

Quoi d’autre ? Eh bien, les fabricants ont infiltré en professionnels qu’ils sont l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De nouveau, je le savais, mais dans les grandes lignes seulement. Comme je sais que toutes les structures onusiennes comme la FAO, le Codex Alimentarius – créé par l’OMS et la FAO pour édicter des normes alimentaires…-, le Pnue, le Pnud et bien d’autres le sont. Je vous renvoie à un document de l’OMS, en anglais hélas, qui est proprement stupéfiant. Je ne prétends pas avoir lu les 260 pages, mais j’y ai passé suffisamment de temps pour recommander le texte à quiconque, et c’est ici.

Quoi d’autre ? La clope est radioactive, et un paquet et demi par jour équivaut, grossièrement, à 300 radios du thorax en une année.

Quoi d’autre ? J’arrête là, et je vous dis que nous sommes vraiment des êtres soumis. Du gibier bon à être abattu par les petits et grands viandards de l’industrie. Non ? Si. Pour sortir de la folle cécité qui est la nôtre, il faudrait commencer par nommer le crime. Ce qui entraînerait ipso facto une crise essentielle dans ces structures soi-disant écologistes qui collaborent avec l’industrie, et parfois la pire, comme c’est le cas, entre autres, du WWF ou de France Nature Environnement (FNE). Bien entendu, cela ne suffirait pas, mais conduirait à rechercher des formes d’action enfin adaptées. Car en face de l’assassinat de centaines de millions de personnes, que fait-on ? On pétitionne ? On joue du flûtiau ? Ou bien l’on dresse la liste des criminels avant que de leur faire rendre gorge ? Ce n’est pas ce que j’appellerais la même stratégie.

Que ce soit pour les pesticides – une industrie criminelle -, les biocarburants – une industrie criminelle – la viande – une industrie criminelle – et vous compléterez l’interminable liste vous-même, nous savons bel et bien l’essentiel. La seule chose qui nous manque, c’est la vaillance, le courage, la volonté d’enfin affronter le mal incarné. J’ai nommé l’industrie. Et je réponds du même coup à la question posée dans le titre. Oui, je crois que l’industrie est criminelle dans son principe. Elle rend abstrait ce qui est on ne peut plus concret : le besoin de boire et de manger, de se vêtir, de se chauffer, d’avoir un toit. Elle transforme les êtres en marchandises. Elle est dirigée chaque jour davantage par des entités, dont nous ignorons tout. Sans la moindre solution de continuité, selon moi, elle mène des fabriques puantes – qui ruinaient les tondeurs et tricoteurs au seul profit des métiers à tisser et de leurs propriétaires, il y a deux siècles -, à Michelin volant les terres d’un village d’Intouchables du Tamil Nadu aujourd’hui.

L’industrie a toujours, et toujours plus remplacé le service dû aux hommes par son propre mouvement interne. Lequel, dans nos sociétés capitalistes vieillissantes, signifie la recherche abjecte de fric, quels que soient les coûts sociaux ou écologiques. L’industrie est amorale et son gigantisme l’entraîne fatalement à provoquer des dégâts planétaires irréparables. Il n’y a rien que l’on puisse faire, sinon abattre le monstre. Le reste n’est que vile soumission à l’ordre.

Je ne terminerai pas en laissant croire que je réclamerai le retour au bon vieux temps de l’artisanat. Les hommes n’étaient pas meilleurs, mais au moins, la taille de leurs activités leur interdisait les exterminations de masse. Je récuse avec force l’idée que nous serions condamnés à pactiser avec les transnationales et tous nos petits champions nationaux, mus exactement par les mêmes logiques. Ce qui me saute aux yeux, c’est qu’il faudra, sur les ruines de notre monde, bâtir une économie de la simplicité, où les objets retrouveront le sens qu’ils n’auraient jamais dû perdre, où l’on pourra faire réparer toute une vie durant ce dont nous aurions réellement besoin. Une utopie ? Certes oui, et revendiquée. Mais leur avenir à eux n’est pas utopique, il baigne dans le sang des sacrifiés à venir. Arrêtons donc de déconner et de faire semblant, comme tous ces foutus Bisounours de la sphère écologiste, qu’il s’agit de s’entendre entre gens de bonne compagnie. Je ne suis pas de bonne compagnie. Et la place de ces salauds est en enfer.

Divagations sur le principe industriel

C’est dimanche, juste au lendemain de l’article ci-dessous, écrit donc samedi. Je dois préciser que je viens de changer le titre, ce qui a pu m’arriver une autre fois, mais guère plus. Le précédent titre (Sur le principe industriel [pas vu, pas pris] ) était très mauvais. Celui que j’ai mis à sa place n’est pas bon pour autant, mais au moins, il montre ce qu’il en est. J’essaierai de de faire mieux les autres fois.

Sans transition mesdames et messieurs, passons à ce qui m’amène. Je viens de lire une information saisissante sur un truandage majeur. Il concerne des prises illégales de poissons – maquereau et hareng surtout – au Royaume-Uni, c’est-à-dire, malgré tout, chez nous. Pour ceux qui lisent l’anglais, voici une adresse fiable où trouver les détails : cliquer ici. Pour les autres, je résume. Des pêcheurs margoulins, immatriculés pour bonne part aux îles Shetland, ont débarqué pendant des années des millions de tonnes de poissons qui n’étaient pas déclarés. Et qui, bien sûr, excédaient de loin les quotas, absurdes par ailleurs compte tenu de la situation des mers, octroyés par l’Union européenne.

La fraude est considérable, car en valeur, elle se chiffre en dizaines de millions d’euros. À cette échelle industrielle, il faut un système, et de multiples complices. De fait, il existait de faux livres de bord, des balances truquées, un système informatique parallèle. Bref, de quoi nourrir son monde et se payer des vacances aux Maldives – ô les jolis poissons ! – et des 4X4 Hummer pour faire bisquer le pauvre. Le plus plaisant peut-être se trouve dans la déclaration d’un bureaucrate de la pêche, Bertie Armstrong, chef de la Fédération des pêcheurs écossais. « La situation a complètement changé », assure-t-il pour commencer. Et le brave homme ajoute : « La loi a changé, les pratiques de l’industrie ont changé et sont vérifiées de manière indépendante par le Marine Stewardship council ».

Je précise en m’esclaffant que le Marine Stewardship council est un label censé garantir que la pêche menée selon ses règles est durable. Je ne développe pas ici, me contentant de m’esclaffer en précisant que ce label a été créé en 1997 par le WWF et Unilever, transnationale qui vendrait ses produits à 150 millions d’humains. Et parmi ces produits, des lessives aux phosphates, interdites en France, mais vendues par ce grand philanthrope, ami du WWF, en Amérique latine, où les rivières aiment les phosphates.

C’est affreux, car une fois de plus, je butine et ne parviens pas à me poser. Considérez donc cet article comme une simple déambulation mentale, et ne m’en tenez pas rigueur. Donc, si l’on en croit le monsieur Armstrong, tout a changé. Sauf qu’il n’en est évidemment rien, car le principe industriel joue bien entendu aussi sur la soif d’or qui s’est emparée du monde. Les pêcheurs-truands d’Écosse et leurs aides à terre sont indiscutablement des modernes. Eux aussi veulent en croquer. Eux aussi veulent faire comme les innombrables petites et grandes crapules du CAC 40. Eux aussi rêvent de parachutes dorés et de retraites-chapeaux. L’industrie est hybris, cette notion grecque qui signifie démesure.

Je me demande parfois si l’idée même d’industrie n’est pas en cause. Je blague, car je crois en réalité que le principe industriel a joué un rôle central, décisif, dans l’émergence d’une crise écologique sans rivages, et sans solution apparente. Bien entendu, il y a loin des premières fabriques, celles où les prolos et leurs gosses crachaient leur vie à pleins poumons, et les monstres complets que nous connaissons. Mais le passage des unes aux autres, qui s’est étendu des débuts de la révolution industrielle à nos jours, est-il affaire de nature ou plus certainement de degré ?

Rappelons aux oublieux que le salariat, cette invention maudite, a une histoire, et qu’elle est récente. Ce rapport de sujétion entre un maître et ses marchandises – un salarié est-il autre chose ? – n’existe pas depuis la nuit des temps, pardi. Et ne me faites pas dire que le passé était mieux. Le passé est d’abord ce qui a passé. La cruauté sociale, la souffrance au travail, le malheur d’un geste raté, tout cela existait bien avant le salariat. Je constate seulement que la domination et le pouvoir de coercition ont fait, depuis deux siècles, d’étonnants progrès. Je constate également que l’abolition du salariat, qui irrigua pourtant une partie de l’histoire vive du mouvement ouvrier défunt, ne figure plus guère au programme.

La soif de l’or est ancienne, comme chacun le sait. Mais à l’époque par exemple d’El Dorado, cette contrée mythique d’Amérique latine que les soudards espagnols du XVIème siècle croyaient découvrir chaque jour ou presque, elle pouvait être étanchée avec deux ou trois sacs de bijoux incas, ou mayas, ou aztèques. Le crime était là, mais artisanal encore. Et c’est bien ce qui aura changé avec l’apparition des machines à vapeur, puis du reste, jusqu’à cette informatisation uniforme de la planète, qui recèle à mes yeux les plus grands dangers de l’histoire des hommes. Faut-il rappeler que pendant ladite Guerre Froide, l’équilibre de la terreur a reposé sur des ordinateurs, seuls capables de répondre en une milliseconde à une agression nucléaire venue de l’autre camp ? Faut-il ajouter un mot sur le rôle d’amplificateur des crises financières que tiennent aujourd’hui les machines ? Ce que je veux dire, qui n’est que truisme, c’est que les hommes – nous – et les petits cerveaux dont nous sommes dotés, ne sont pas compatibles avec la taille des structures et des engins. Le constat peut être partagé avec quiconque regarde les choses avec sérieux. D’un côté, nos possibilités de maîtrise et de morale sont les mêmes qu’au temps de la pierre taillée; et de l’autre, nous devrions nous montrer capables de dominer l’atome et le pouvoir extravagant des transnationales malgré ces tares congénitales que sont l’idiotie, la jalousie, le pouvoir, le lucre.

Je ne suggère pas de nous tourner vers les temps anciens, ce serait vain. Je prétends que, compte tenu de nos singularités d’espèce, ou nous saurons trouver des formes de production locales et régionales, contrôlables, mesurées, ou nous périrons dans les flammes de l’enfer. Et quand je dis : périrons, je ne pense pas nécessairement à la mort, mais à la survie dans des conditions qui deviendraient chaque jour plus indignes. Tiens, avez-vous entendu parler de cette fraude sur le marché européen des émissions de carbone, qui a coûté à la France 1,6 milliard d’euros (cliquer ici) ? Pour vous donner une idée de l’ampleur du chiffre, les 60 000 postes que créerait François Hollande élu président dans l’Éducation coûteraient selon lui 2,5 milliards d’euros. Vu de cette manière, vous serez d’accord, je pense, pour estimer que cette fraude au carbone est simplement colossale. A-t-on lu des éditoriaux enflammés des habituels sur la question ? Non pas. L’industrie, comme la fraude industrielle, est considérée comme un fait. Un horizon indépassable. Le restera-t-elle ?

En attendant le black-out, tous à la bougie !

Le temps passe si vite que l’on a oublié l’hiver. Il y a une dizaine de jours, la France claquait des dents et battait des records de consommation électrique chaque soir ou presque. On attendait de vastes coupures dans les régions les plus fragiles, comme Paca ou la Bretagne. Moi, j’en ai profité pour écrire deux papiers dans Charlie-Hebdo la semaine passée, que je vous mets ci-dessous, en complément des billets précédents de Planète sans visa. Hum, on nous aurait donc mené en bateau ? Pas possible. Pas possible, n’est-ce pas ?

Les papiers de Charlie :

Notre France va-t-elle connaître un krach électrique ? À l’heure où Charlie boucle, ce n’est pas encore gagné. Mais avec un peu de chance, un vaste black-out peut bloquer d’un clic des milliers d’ascenseurs et des millions de rasoirs électriques. Merci qui ? EDF, qui promet la lumière aux benêts depuis l’après-guerre. Merci quoi ? Le chauffage électrique.

Comme c’est bien organisé ! En 1971, EDF invente le chauffage électrique. Pile poil au bon moment, car à la fin de 1973, profitant de la maladie du Pompidou et du quadruplement du prix du pétrole, les ingénieurs des Mines et leurs complices du gouvernement lancent la construction de nombreuses centrales nucléaires. Seulement, soyons pas cons, il faut penser à la suite. Produire de l’électricité, c’est bien, mais la vendre, c’est mieux. Citation de Marcel Boiteux (1), alors directeur général d’EDF, en 1973 : « Tout client nouveau qui opte pour le chauffage électrique nous amène à augmenter d’autant notre programme nucléaire ».

Boiteux, t’es chic comme tout. Le chauffage électrique a donc servi de cheval de Troie pour imposer le nucléaire à une société qui n’en voulait pas. Dans la foulée, des armées de margoulins se lancent à l’assaut. Pour les fabricants de convecteurs, les installateurs, les bureaux d’études pour logements neufs, les vendeurs de laine de verre et de placoplâtre, c’est Noël tous les matins. Une industrie de l’arnaque se met en place.

Comme on peut s’en douter, personne ne vérifie rien. Le chauffage électrique ne peut chauffer que des pièces bien isolées. Or tel n’est pas le cas des millions de logements, souvent sociaux, qui vont être royalement équipés au fil des décennies. Selon EDF même, dans sa communication interne, 50 % des logements chauffés ne respectent pas, en 1999, la réglementation d’isolation de 1977. Et les deux tiers celle de 1982. Un triomphe (2). Les proprios installent deux merdouilles avec résistance électrique, et laissent le locataire se démerder avec les factures. Les promoteurs de maisons neuves préfèrent installer quelques appareils plutôt que de payer un chauffage central, bien plus cher au départ. Les sociétés HLM, qui n’ont rien à refuser à EDF et à l’État, balancent du tout électrique dans des immeubles en carton-pâte et obligent ainsi les prolos à jongler avec l’addition.

Un exemple parmi 500 000 autres : la cité des Grands Pêchers, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). En 1997, Bertrand et Nils Tavernier viennent y tourner « De l’autre côté du périph’ », et réveillent une putain de colère. L’hiver, les gueux grelottent et sortent jusqu’à un demi-smic pour payer une électricité qui se barre par les fenêtres et les portes. Les responsables HLM dénoncent l’attitude d’EDF, soutenue au plus haut niveau de l’État (3).

Face aux gueulantes, EDF sort une arme de destruction massive nommée publicité : la propagande Vivrélec déferle à partir de 1996 sur la France. Cela donne, dans le texte : « Vous voulez faire construire ou acheter un logement neuf, et vous réfléchissez à son mode de chauffage. Aujourd’hui, avec les nouveaux appareils, le chauffage électrique vous offre de nombreuses possibilités pour un très grand confort ». Ou bien : « Pratique et esthétique, le radiateur sèche-serviettes ». Ou encore : « Satisfaction sur toute la ligne », ce qui est, précisons-le, un jeu de mots.

Le chauffage électrique repart du bon pied. Selon les derniers chiffres officiels connus, 31 % des logements individuels et collectifs sont chauffés à l’électricité, et surtout, 80 % des logements neufs, en 2009 étaient livrés avec. Voici venue l’heure de la leçon de choses. En France, 80 % de l’électricité est nucléaire. Notons ensemble l’intelligence de ce mode de production. Un, faire garder par des hommes en armes des mines d’uranium, au Niger par exemple. Deux, enrichir le minerai et larguer les déchets où c’est possible, loin des yeux. Trois, bâtir 58 réacteurs nucléaires, en priant le bon dieu des atomes qu’aucun n’explosera jamais. Quatre, aligner de vastes réseaux de lignes à très haute et à haute tension, si bonnes pour la santé des riverains.

Compter 100 000 Km en tout. Enfin, servir bien chaud à domicile ce qui reste dans la hotte du père Noël. Comme vous le saurez en lisant l’encadré que Charlie a caché ailleurs sur cette page, il ne reste pas bézef. Est-ce au moins bon pour le climat, comme le jure EDF sur la tête de sa mère ? Benjamin Dessus, l’un des meilleurs connaisseurs du dossier électricité, rappelle que « l’Ademe et RTE (Réseau de Transport d’Électricité) ont montré que tout kWh électrique supplémentaire consacré au chauffage d’ici 2020 contiendrait 500 grammes de CO2, contre 300 pour le fioul et 200 pour le gaz ». C’est technique, très. Mais l’Ademe et RTE sont des autorités officielles. Le chauffage électrique est bien une merde.

(1) Le Point, le 30 juillet 1973

(2) In Sujets ou citoyens, par Marc Jedlizcka et Didier Lenoir (Cler)

(3) Libération, 6 décembre 1997

(4) www.terraeco.net/La-France-du-tout-electrique-est,7051.html

Un deuxième papier

Le plus con de tous les chauffages du monde

Tout le monde le sait : la France ne cesse de battre ses records historiques de consommation d’électricité. Plus de 100 000 mégawatts (MW) chaque soir, à l’heure où s’allume le chauffage électrique. Autour de 19 heures, il faut mobiliser une puissance électrique colossale. Sauf qu’on ne l’a pas en magasin : il faut en acheter 7 à 8 % à l’étranger, surtout en Allemagne. Bien souvent en provenance du charbon.

Le nucléaire qui devait nous sauver de la bougie est un bon connard de l’énergie, qui produit sans lever la tête de son établi. Comme on ne sait pas stocker l’électricité, il faut la vendre quand elle sort du tuyau. À prix cassé tout au long de l’année. Mais quand l’hiver arrive, changement de programme. Le chauffage électrique est si foldingue qu’EDF n’arrive plus à suivre.

Il y a encore plus distrayant. L’électricité nucléaire – 80 % de celle made in France – est une gagneuse. Entre l’uranium que l’on extrait de la mine et celui, enrichi, qu’on enfourne dans les centrales, on perd 14 % de l’énergie de départ. Rien qu’un début, car la conversion de la chaleur en électricité n’est que de 33 %. Tout le reste, soit 67 %, disparaît dans les systèmes de refroidissement des centrales. Fini ? Pas encore. Les pertes en ligne, le long des pylônes, ou autour des convecteurs à domicile, parachèvent le miracle. Au total, l’énergie utile n’est que de 25 % de celle de départ.

Quand tu chauffes à l’électricité nucléaire, tu perds les trois quarts en route. Question efficacité, nos bons amis de la nucléocratie ont réinventé la cheminée sans insert. Retour au Moyen Âge, avec une bougie dans le cul.

Jancovici et Allègre sont dans un bateau (personne ne tombe)

Dans Quel beau dimanche – Aquel domingo -, Jorge Semprún raconte un jour ordinaire dans le camp nazi de Buchenwald, où il fut emprisonné. J’ai lu ce livre lorsqu’il est sorti, en 1980 donc, et je l’ai aimé. J’aimais beaucoup Semprún, en ce temps-là, et ce temps a changé. Celui qui fut le responsable du parti communiste (clandestin) espagnol à Madrid, dans les années si noires du fascisme franquiste, parlait dans ce livre des insupportables réalités d’un camp de concentration. Qui n’était pas d’extermination, la différence est de taille pour qui passa par les conduits des chambres à gaz. Buchenwald, Dachau ou Mauthausen ne sont pas Auschwitz-Birkenau, Sobibór ou Treblinka. Mais je m’égare, comme si souvent.

Semprún raconte dans ce livre quantité de choses importantes, et parmi elles, ce mot à propos d’une des antiennes de la vulgate marxiste-stalinienne de cette époque : la dialectique. Tarte à la crème de générations de militants élevés dans l’orbite soviétique, la dialectique était servie à toutes les soupes. Et pour Semprún, cela donnait finalement : « C’est quoi, la dialectique ? La dialectique, c’est l’art de toujours retomber sur ses pattes ». Voilà que j’ai pensé à ces mots à propos – peut-être hors de propos, vous en jugerez – de deux personnes en apparence fort éloignées.

Mais d’abord, les présentations. Claude Allègre, avant d’être un climatosceptique et un imposteur certain, a été un ponte socialo. Un ami de plus de trente ans de Jospin, à qui il servit à la fois de ministre de l’Éducation, de conseil – si je puis écrire – en écologie, et même de garde rapprochée. Il est proprement fantastique de voir un homme de cette sorte, qui a prétendu toute sa vie être de gauche, et donc défendre la veuve et l’orphelin, se rallier avec une vulgarité sans égale à la candidature de Sarkozy, qui méprise le peuple sans seulement le dissimuler. Cela n’embête personne. Cela ne questionne ni le parti socialiste, ni Lionel Jospin, qui eût pu devenir notre président après avoir été un espion de Pierre Lambert (fondateur de l’OCI, secte politique dont fut membre aussi Jean-Luc Mélenchon, lequel admire sans gêne Jospin).

Jean-Marc Jancovici, polytechnicien, est membre de longue date du Comité de veille écologique de la Fondation Hulot. Il a écrit de nombreux livres sur l’énergie – bons  -, au Seuil, il tient table ouverte sur www.manicore.com, un site internet très intéressant, et il est un croyant dans le nucléaire. Mais un vrai. Pour avoir parlé avec lui, longuement, je peux ajouter sans craindre de me tromper qu’il est d’une infatuation considérable. Doté d’une agilité intellectuelle que je n’hésite pas à juger remarquable, son intelligence – et ce n’est certes pas la même chose – bute contre les limites de son arrogance. Je gage qu’à l’égal d’un Juppé, il a une perception rabougrie de l’intelligence de soi et de celle des autres. Bon, je n’entends pas le changer.

Pourquoi ces deux-là ? Parce que le premier, Allègre, vient de se prosterner aux pieds de notre soi-disant président. Et cela n’attire pas le moindre commentaire. Besson, Kouchner, Amara se sont vendus au maître, et cela ne voudrait rien dire. Sur les hommes. Sur la valeur qu’on accorde aux idées. Sur le sens de l’action publique. Oui décidément, je pense à Semprún. Tout est possible à qui sait danser sur un fil. Et retomber sur ses pattes sans se faire le moindre mal. Quant à Jancovici, je viens de lire un entretien déprimant qu’il a accordé à un journal en ligne, Enerpresse. Je dois avouer que les mots me manquent, qui permettraient de décrire mon écœurement. Voici ce que Jancovici écrit sur Fukushima, dont on va fêter l’atroce premier anniversaire le 11 mars prochain :

« Même si tous les 20 ans se produit un accident similaire, le nucléaire évitera toujours plus de risques qu’il n’en crée. Il n’y a plus de raison sanitaire, aujourd’hui, d’empêcher le retour des populations évacuées à Fukushima, qui, au final, n’aura fait aucun mort par irradiation. De son côté, le million d’évacués pour le barrage des Trois Gorges, parfaitement « renouvelable », est assuré de ne jamais retrouver son « chez lui » ! En France – car c’est loin d’être pareil partout – Fukushima aura surtout été un problème médiatique majeur, avant d’être un désastre sanitaire ou environnemental majeur. Cet embrasement médiatique n’est pas du tout en rapport avec l’importance de cette nuisance dans l’ensemble des problèmes connus dans ce vaste monde. Du point de vue des écosystèmes, et ce n’est pas du tout de l’ironie, un accident de centrale est une excellente nouvelle, car cela crée instantanément une réserve naturelle parfaite ! La vie sauvage ne s’est jamais aussi bien portée dans les environs de Tchernobyl que depuis que les hommes ont été évacués (la colonisation soviétique, à l’inverse, a été une vraie catastrophe pour la flore et la faune). Le niveau de radioactivité est désormais sans effet sur les écosystèmes environnants, et le fait d’avoir évacué le prédateur en chef sur cette terre (nous) a permis le retour des castors, loups, faucons, etc. On a même profité de cette création inattendue de réserve naturelle pour réintroduire des bisons et des chevaux de Przewalski , qui vont très bien merci. La hantise de la radioactivité vient de la crainte que nous avons tous quand nous ne comprenons pas ce qui se passe. Mais ce que nous ne comprenons pas n’est pas nécessairement dangereux pour autant…».

Je peux admettre, car je fais des efforts, qu’on défende cette énergie criminelle. Mais pas avec des arguments aussi lamentables. Non ! Si même Jancovici avait raison sur le nucléaire, il serait insupportablement con de prétendre savoir, comme par miracle, ce qui s’est passé il y a près d’un an à Fukushima. Car nul ne le sait. Car l’opacité organisée par les maîtres locaux de l’atome interdit que l’on sache. Oser dire dans ces conditions qu’il n’y a eu aucune mort liée à l’irradiation est une pure et simple infamie. Et passons vite, car je ne veux pas vomir devant vous, sur le goût du paradoxe, sur le plaisir du paradoxe dont fait preuve Jancovici. Cette affaire est un drame planétaire, sauf pour lui et ses amis, dont je ne doute pas qu’ils rient à gorge déployée de ces écolos-idiots incapables de prendre la vraie mesure des choses.

Non, cette fois, je ne me suis pas perdu en route. Cette manière de perpétuellement retomber sur ses pattes, c’est le signe de notre époque, davantage que celui d’autres temps. Je constate que les socialistes se foutent du cas Allègre et al., qui en dit tant sur eux. Et que Nicolas Hulot se garde bien de remettre à sa place son glorieux conseiller dans le domaine de l’énergie. Et cela en dit extraordinairement long sur les limites indépassables de sa personne. Non ?