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Le 7 septembre, évidemment (la retraite en marchant)

Un mot. Tous ensemble. Envoyer les malfaisants dans les cordes. Refuser leur loi. Refuser Woerth. Refuser la Légion d’honneur. Refuser le fric. Refuser le sort fait aux prolos qui ont fait l’abominable richesse matérielle de ce pays, celle-là même sur laquelle s’égaille ce gouvernement corrompu. Manifester, bien sûr, malgré les réserves colossales qui sont les miennes. Les syndicats ne pensent pas une seconde à la crise écologique, ce qui est tragique (lire ici). Mais Sarkozy ne pense qu’à lui. Mardi, donc, sans hésitation.

Un petit devoir de (fin de) vacances

Devoir de (fin de) vacances : penser la structure, et le temps long. Penser le pouvoir vrai, et l’organisation sans faille. Cela, d’un côté. Et de l’autre, rire de l’esbroufe, des moulinets médiatiques, négliger l’écume des jours inutiles, à répétition. D’un côté, le ministère de l’Écologie – le Medad, ou ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le Climat – et ses baronnies. De l’autre, ce malheureux Jean-Louis Borloo.

Tout bien considéré, peu de gens imaginent ce qu’est un ministre. Commençons par l’évident : c’est un politicien professionnel, dont le travail consiste à plaire à l’opinion et à son maître, le président. Surtout sous le règne de qui vous savez. Borloo se moque éperdument de l’écologie, vous pouvez m’en croire. Son plan de carrière était ailleurs, et je dois rappeler qu’après l’élection de Sarkozy en 2007, il avait obtenu un poste de très haut rang, celui de ministre de l’Économie. Très près de ce qu’on pourrait appeler, chez un Borloo du moins, un bâton de maréchal. Hélas, les législatives de juin 2007 ont envoyé le maire de Bordeaux, Alain Juppé, au tapis, qui avait hérité lui, dans le premier gouvernement Fillon, du poste de ministre de l’Écologie.

C’est contraint et forcé – on ne gagne pas à chaque fois – que Borloo s’est retrouvé à l’Écologie. Ensuite, ce bateleur de foire, cet animateur doué de ristournes géantes au Carrefour du coin, s’est emparé de la chose, en se demandant à chaque seconde si les caméras étaient placées au bon endroit. Je n’insiste pas sur la vaste arnaque du Grenelle de l’environnement, qui aura permis à Borloo – inutile de nier, car c’est un fait – d’apparaître comme un écologiste sincère auprès de notables fractions de l’opinion. Il faut dire qu’on n’a pas tous les jours la caution du WWF, de Greenpeace, de Hulot et  de France Nature Environnement.

Que trouve-t-on dans l’escarcelle d’un ministre comme Borloo, en dehors de la mise en scène du vide ? Rien. Et cela n’est pas propre à lui, du reste. Un ministre ne fait jamais que passer deux ou trois ans sur un territoire dont il ignore tout. Il y atterrit avec un cabinet de spécialistes – manucures, esthéticiens, coiffeurs, palabreurs, danseurs mondains, joueurs de pipeau -, lesquels n’ont qu’un seul rôle : obtenir qu’on parle en bien de leur patron. Même dans l’hypothèse fantaisiste où ce patron obtiendrait une réforme sérieuse et positive, on ne pourrait en observer les effets que plusieurs années après son départ vers d’autres rivages. Or seul compte le présent. Et le ciel bleu.

Au-delà, il faut comprendre ce qu’est un ministère. Tandis que le ministre et sa petite troupe babillent sous les spots, l’administration centrale décide, gère, tranche. Elle est la permanence et la structure. Elle sait qu’elle est la plus forte. Elle sait, bien entendu, qu’elle survivra à tous ces polichinelles qui se succèdent dans l’indifférence générale. Il se trouve, amis lecteurs, que j’ai écrit le 19 décembre 2007, ici même, un article auquel j’attache plus de prix qu’à d’autres. J’y décrivais la manière, la formidable manière dont le ministère de l’Écologie était réorganisé, passant définitivement sous la coupe exclusive de grands ingénieurs d’État étrangers à la cause de la vie sur terre (c’est ici). Quelques mois plus tard, Corinne Lepage me rejoignait sur ce point réellement décisif, soulignant le hold-up des ingénieurs des Ponts et Chaussées sur le ministère de l’Écologie (c’est ici).

C’est à cette aune qu’il faut juger nos pauvres petits ministres. Incapables qu’ils sont d’agir sur le réel, ils ont recours, comme depuis quelques centaines de milliers d’années, à des rituels magiques. Le Grenelle de l’environnement n’est rien d’autre, si l’on y réfléchit un peu. On ne me croira évidemment pas si j’écris que je trouve Borloo plutôt sympathique. C’est pourtant vrai. Mais à la différence de ceux, si nombreux chez les journalistes, qui se contentent de regarder le doigt, j’essaie d’apercevoir la lune.

Brice Lalonde serviteur du faux (Rio 2012)

Ce qui suit est une reprise d’un article publié mercredi passé dans Charlie-Hebdo. J’écris dans ce journal, oui. Entre autres. Et ce n’est pas de la pub, car cela dure depuis une année environ, et vous êtes assez grands pour savoir ce que vous voulez. Si je publie de nouveau ce texte, c’est qu’il annonce, je l’espère du moins, une mobilisation exceptionnelle contre le Sommet de la terre prévu en 2012 à Rio, vingt ans après celui de 1992. Ce qui se prépare, ce qui se jouera, c’est la parole publique légitime autour de la crise écologique. Il y a  ceux comme Brice Lalonde, d’ores et déjà couchés devant le capitalisme vert, qui nous assure de nouveaux désastres. Et les autres, dont je suis. Puis-je vous demander de parler de tout cela autour de vous ? Je crois que se prépare un grand combat, une bagarre que nous ne pouvons pas perdre. Peut-on parler d’une priorité ? Il faut en faire LA priorité des prochains mois. Beaucoup ici se demandent quand et comment se lever ensemble. Voilà une occasion unique.

L’affaire semble crétine en diable, mais elle est si passionnante en vérité que l’on ne tardera pas à en reparler. Brice Lalonde, ci-devant écolo, sarkozyste de choc, vient d’être discrètement désigné par les Nations Unies pour organiser le Sommet de la terre 2012 de Rio, vingt ans après le premier. Et notre bon maître à tous n’est pas étranger à la combinazione.

Mais d’abord, un rappel rapide de la carrière d’un si gentil garçon. Écolo dans l’après-68, tendance PSU, Lalonde passe ensuite quinze ans à freiner l’émergence des Verts puis à tenter de les casser. Un beau travail d’expert. Ainsi, en 1984, il présente une liste aux Européennes contre les Verts, qui viennent de naître, en compagnie d’un ancien ministre de droite, le sublime Olivier Stirn. Comme il est élu de Normandie, ce dernier est également appelé « L’andouille de Vire ». Serait-ce une allusion ?

En 1989, Mitterrand appelle Lalonde au gouvernement pour faire semblant de s’occuper d’écologie, mais surtout pour concurrencer les Verts, qui viennent d’obtenir 10,59 % des voix aux Européennes. Commence une époque épique pour Lalonde, qui monte avec Jean-Louis Borloo – lui-même – une grande opération de diversion connue sous le nom de « Génération Écologie » ou GE. Aux régionales de 1992, GE fait à peu près jeu égal avec les Verts, ce qui arrache des sanglots de joie au vieux Mitterrand, qui déteste l’écologie.

Lalonde est déjà reparti ailleurs. La gauche ne plaît plus au monsieur, qui appelle à voter Chirac en 1995, puis s’acoquine dans la foulée avec l’ultralibéral Alain Madelin. Madelin, c’est du lourd. Le 13 mai 1986, 15 jours après Tchernobyl, il déclare, alors qu’il est ministre de l’Industrie : « Dans cette affaire du nucléaire, il faut jouer la transparence. Il n’y a eu aucun maillon faible dans la sécurité des Français ». Presque aussi beau que le coup du nuage arrêté à la frontière.

En 1995, à peine ministre des Finances, il réclame une réforme des retraites plus radicale que celle de Sarko aujourd’hui. En 1998, ayant conquis le Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, il refuse de condamner Million et Blanc, qui se sont allié à Le Pen pour gagner les régionales à Lyon et Montpellier. Bien entendu, il soutient avec vigueur Bush et son intervention en Irak. Un sans faute.

Et notre Lalonde ? Il ne jure plus que par l’industrie, très grosse de préférence, et se désintéresse peu à peu de la politique. Il laisse tomber Génération Écologie, petite entreprise en difficulté, et disparaît de la scène. Jusqu’à l’été 2007, quand commence la belle mise en scène du « Grenelle de l’Environnement ». Coup de fil de son vieux copain Borloo, devenu chef cuistot à l’Élysée. Le ministre de l’Écologie lui propose un poste taillé sur mesure, celui d’« ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique ». Lalonde remonte en selle et parcourt le monde en avion pour préparer le sommet climatique de Copenhague, en décembre 2009, dont Sarkozy attend beaucoup.

Mais cela foire, et en grand. Les petits bras blancs du président n’ayant pas suffi à sauver le monde, Lalonde se retrouve à la tête d’un poste inutile. Fini ? Mais non, les amis ! Les réseaux élyséens s’agitent en coulisses pour une nouvelle manœuvre auprès des Nations Unies, qui vient de réussir : Lalonde va donc préparer officiellement le grand Sommet de la terre de dans deux ans, qui occupera une bonne part de l’espace médiatique au printemps 2012.

Tout cela relève-t-il d’un heureux hasard ? Euh, non : Sarkozy entend utiliser Lalonde pour montrer au moment des présidentielles, épaulé par un Borloo aux anges, que la droite est non seulement écologiste, mais aussi planétaire. Le coup marchera-t-il ? Pour l’instant, on s’en fout. Mais il faut ajouter deux ou trois bricoles sur l’arrière-plan des festivités de Rio. L’édition 2012 devrait consacrer pour un bon bout de temps le triomphe du « capitalisme vert ».

Qu’est-ce que c’est ? De la peinture. Du ripolinage. Ce qu’on appelle en Amérique du greenwashing, c’est-à-dire l’art éternel d’entuber le beau monde. Un, on lance sur le marché l’expression « développement durable », dont la vraie traduction est business as usual. Deux, on occupe les places qui comptent. Trois, on applaudit. De 1972 à 1992, du premier sommet de la terre de Stockholm à celui de Rio première manière, le grand organisateur de ces rendez-vous « écolos » s’appelait Maurice Strong, fascinant personnage lié de tout temps à l’industrie pétrolière. Adjoint du même dès la fin des années 80 : le Suisse Stephan Schmidheiny, alors patron d’une transnationale de l’amiante, Eternit, qui a tué les prolos par milliers. Lalonde s’inscrit à la perfection dans la tradition. Rio 2012 ? Un grand moment du faux.

Juste un petit complément (sur Pierre Moscovici)

Vous ne connaissez pas Pierre Moscovici. Ou vous le connaissez, ce qui ne change rien.  Cet ancien ministre socialiste est toujours député du Doubs, et il est le vice-président du Cercle de l’Industrie, où se retrouvent Lafarge, Pechiney, Elf, L’Oréal, Bull, Schneider, Renault, Total, etc. Il ne fait pas de doute que dans le cas où la gauche l’emporterait en 2012, il sera à nouveau ministre. De l’Industrie, peut-être ? Une petite curiosité : le père de Pierre, Serge, a fait partie de cette poignée d’intellectuels de gauche qui s’intéressèrent à l’écologie voici quarante ans, dans le sillage d’Ivan Illich ou André Gorz. Pierre a donc entendu des choses lorsqu’il était enfant, du moins l’espère-t-on pour lui. Et pour son père.

Mosco, comme on l’appelle, était hier vendredi aux Journées d’été des Verts et d’Europe-Écologie, où il représentait les socialistes. Photos, embrassades, plans sur la comète de 2012, et le toutim habituel. Au passage, il a eu un mot pour l’industrie automobile, que voici : « En tant qu’élu du Doubs – où réside le berceau de Peugeot – je suis pour le soutien à l’industrie ». Les Verts et leurs petits ennemis d’Europe-Écologie vont donc utiliser toutes leurs forces, dans les deux prochaines années, à tenter de gagner les élections avec Moscovici et ses excellents amis. Après quoi, il faudra comme de juste soutenir l’industrie.

Où est la cohérence ? Dans l’incroyable incohérence de ces pseudo-écologistes qui vont répétant que la planète est en danger, mais s’apprêtent à mettre encore un peu d’essence sur les flammes ? J’ai sur un coin de ma table un livre signé Jean-Marc Jancovici – un proche de Nicolas Hulot – et Alain Grandjean. Son titre : « C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde ». Il a paru en janvier 2009, ce qui veut dire qu’il ne nous resterait que 18 mois. Pas assez pour atteindre les présidentielles. Crotte, encore raté.

On se lève tous (contre Notre-Dame-des-Landes)

C’est un test, un test que je crois décisif. La question est celle-ci : saurons-nous, collectivement, nous opposer à cette lamentable sottise connue sous le nom d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (lire notamment ici) ? Il est des dossiers qui symbolisent l’état d’une société. Celui du deuxième aéroport de Nantes fait partie du lot. Ou la machine continuera sa course folle, en avions s’il vous plaît, et en ce cas, nous replierons nos gaules, une à une. Ou nous saurons détruire ce projet à la racine, proclamant que l’avenir n’appartient ni au pétrole ni à la vitesse. Et alors, il restera de l’espoir.

Quoi de neuf à propos de Notre-Dame-des-Landes ? D’abord une bassesse coutumière. Un appel d’offres avait très normalement été lancé au sujet des travaux d’infrastructure. Qui allait gagner ? Grand suspense. Tout soudain, le microcosme apprit comme par miracle que le géant Vinci allait emporter les enchères. Ce qui provoqua, quelques heures avant la décision  publique, ce cri de Louis-Roland Gosselin, patron du groupe d’ingénierie SNC Lavalin, qui pétitionnait lui aussi : « C’est un peu inquiétant. Cela fait peser quelques doutes sur la régularité du processus. Nous ne voulons pas y croire et considérons qu’il s’agit plutôt de désinformation. Je suis serein sur la qualité de notre offre et de nos partenaires et je suis sûr que le choix se fera sans autre considération que celle-là (lire ici) ».

Je ne crois pas utile d’enfoncer le clou. Les mots se suffisent, n’est-ce pas ? Là-dessus, quelques dizaines d’opposants au projet – Marie et tous les autres, tenez bon ! – ont occupé quelque temps le siège du conseil général de Loire-Atlantique (lire ici). Cette collectivité est gérée par les socialistes, grands défenseurs, avec Ayrault, le maire de Nantes, du projet d’aéroport. Où l’on voit pour la millième fois que la gauche et la droite partagent la même vision du monde. Où l’on pressent, pour la millième fois, que l’argent public sera tôt ou tard mobilisé pour combler les pertes du privé, comme c’est le cas avec l’aéroport de Ciudad Real, en Espagne.

Vinci triomphe pourtant, au moins provisoirement. À lui le chantier, et les centaines de millions d’euros que coûteront, pour commencer, les travaux d’aménagement. Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, amuseur public, rigolo de service, écolo à la sauce Grenelle, esbroufeur de première, copain comme cochon avec le désosseur d’entreprises Nanar Tapie, Borloo a ajouté son grain de sel au dossier. On est là dans le registre des farces et attrapes, croyez-moi. Car Borloo, non content d’avoir fait annoncer par ses services la victoire de Vinci, vient de décider la création d’une liaison tram-train entre Nantes et le nouvel aéroport (lire ici). Une formidable « victoire environnementale », ainsi que notre excellent ami le proclame à tout va.

Ce foutage de gueule a quelque chose de sublime. Un, on aura – on aurait – un aéroport de plus, au détriment d’un bocage miraculeusement préservé. Et deux, au nom de l’écologie, une nouvelle ligne ferroviaire qui zébrerait un peu plus ce pays. Au fait, Jean-Louis, tu n’as pas dit à qui seraient attribués les travaux de la ligne. Tu permets que je te tutoie, j’imagine ? Alors, et ces travaux en plus ? À Vinci, j’espère.

Je me répète et radote jusqu’à plus soif. Il n’est, à ma connaissance, aucun dossier plus important, ces temps-ci – en France, cela va sans dire – que celui de Notre-Dame-des-Landes. Mais pour l’heure, la vraie grande mobilisation que j’espère tant n’a pas commencé. Il faut pourtant s’y mettre, et malgré le poids émollient d’août, je compte sur nous, je compte sur vous pour que tous les réseaux chauffent jusqu’à ébullition. Il faut sortir du bois et de la paille, descendre des collines. Il va falloir se battre. Et jusqu’au bout ¡ Adelante !