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Un certain Stephan Schmidheiny (philanthrope et criminel ?)

Aujourd’hui 6 juillet 2011, et sauf oubli de ma part, j’ai ouvert pour la première fois – disons la deuxième pour plus de sûreté – le quotidien gratuit Metro. J’ai peut-être tort, mais je ne supporte pas qu’une information, fût-elle vraie, soit payée par la publicité. Bon. Et alors ? Et alors ceci : j’étais dans le métro, et la Une du journal m’a littéralement agrippé, car elle parlait de ce vaste crime social connu sous le nom d’amiante.

Sorti des tunnels, j’ai récupéré Metro et j’ai lu l’article en question, que vous pourrez retrouver ici. En deux mots, on y apprend qu’un procureur du tribunal de Turin (Italie) a requis vingt ans de cabane contre un certain Stephan Schmidheiny, ancien patron de l’entreprise suisse Eternit. Eternit, quel joli nom pour une boîte fabriquant de l’amiante ! 3 000 prolos des usines italiennes Eternit sont morts d’avoir été exposés à ce poison. Si le procureur dit vrai – le procès dure depuis des années -, ce Stephan Schmidheiny est un criminel. Un criminel de masse.

Or, surprise, Stephan Schmidheiny n’est plus. Comme après une opération de chirurgie esthétique, ce milliardaire a refait sa vie en Amérique latine, où il est devenu philanthrope, écologiste tendance DD, pour « développement durable ». Il a créé des fondations, mais aussi maintenu un business fort lucratif, bien entendu éthique. Un livre serait nécessaire. Il a refusé de venir ne serait-ce qu’une seule fois à la barre du procès de Turin, et s’il y est finalement condamné, ce sera par contumace. Le procureur a établi l’an passé que Stephan Schmidheiny s’était adjoint les services d’une boîte de com’ italienne pour dissuader les journaux de citer son nom en relation avec le procès. Être philanthrope ou ne pas être.

Ce n’est pas tout. Vous trouverez ci-dessous un extrait de mon livre Qui a tué l’écologie ? (éditions LLL), consacré à ce charmant personnage. J’espère que vous ne vous perdrez pas. Une rumeur insistante, pour l’heure non vérifiée, donne Schmidheiny comme l’un des organisateurs du Sommet de la terre de Rio, en 2012, en compagnie de cet excellent Brice Lalonde. Je vous tiendrai au courant. En attendant, mon livre :

« De nouveau, il me faudrait un livre pour décrire en profondeur un phénomène mondial, dont l’ampleur est colossale. Je me contenterai d’un exemple saisissant : Stephan Schmidheiny. Ce Suisse est l’héritier d’une dynastie capitaliste, qui aura bâti son immense fortune sur l’entreprise Eternit. Cette fois encore, patience, car je ménage certain suspens. En 1990, né en 1947, devient le bras droit de Maurice Strong dans la préparation du Sommet de la Terre de Rio, qui doit se tenir en 1992. Je le précise pour ceux qui ne le sauraient pas : Rio est une date majeure, qui assure le triomphe définitif du « développement durable » partout dans le monde.

À partir de cette date, des milliers d’ONG, d’institutions publiques et privées, de structures gouvernementales ne cesseront d’ânonner le vocabulaire de Rio. Vingt ans après, nous en sommes au même point. Une génération militante a cru – et croit, d’ailleurs – aux Agendas 21, aux conventions internationales sur le climat, la biodiversité, la désertification. Article 3 de la grande déclaration finale, que n’aurait pas renié ce bon Harry Truman, ni bien sûr madame Brundtland : « Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures ».

Impossible de surestimer l’importance de Rio. C’est un point de départ, et un point d’arrivée. Difficile de ne pas s’interroger sur la place centrale qu’y occupent Schmidheiny et Strong. Mais il est vrai que les deux hommes emploient volontiers pour se définir le mot de philanthropes. C’est plus fort qu’eux, ils aiment l’humanité. Cette fois encore, je m’appuierai essentiellement sur des propos estampillés. Dès 1984, Schmidheiny crée au Panama une structure appelée Fundes, qui essaimera ensuite en Amérique latine. L’objectif officiel est d’aider les (nombreux) chômeurs de la région. Il s’agissait, écrira Schmidheiny (www.avina.net), « de mon premier pas en direction de la philanthropie organisée ». Il y en eut d’autres, en effet. Mais avant d’en parler, notons ensemble que, toujours selon notre héros suisse (entretien à la revue chilienne QuéPasa, cité par Avina.net) : « Ma philanthropie n’a pas le sens classique de la philanthropie, qui signifie charité, dons aux pauvres pour manger, ce n’est pas de la miséricorde. Je vois cela comme un investissement dans les processus sociaux. Un investissement dans l’avenir d’une société dont je dépends et où je veux faire des affaires ». Une telle franchise est tout à l’honneur de notre grand « philanthrope ».

Après avoir lancé Fundes et co-organisé le Sommet de la Terre 1992 avec Strong, Schmidheiny est fatalement devenu un vigoureux militant écologiste. On le retrouve donc sans surprise, en 1994, lancer une ONG nommée Avina, financée par une structure appelée Viva, qui est aussi propriétaire d’un trust industriel dont le nom est GrupoNueva, spécialisé dans le bois, l’eau, les tubes plastique, le fibrociment. Simple, non ? Avina a pour but revendiqué de « contribuer au développement durable en Amérique latine afin de promouvoir l’établissement de relations de confiance et de partenariats fructueux entre les chefs d’entreprise et leaders sociaux autour de programmes d’action consensuels ».

Avina et les « entrepreneurs sociaux »

Chaque mot compte, bien entendu. Les leaders sociaux sont ceux qui, voici quarante ans et plus, voulaient soulever le monde et se priver des services de tous les Schmidheiny de la terre. Il semble plus compatible avec l’essor du commerce et de la libre entreprise de se mettre ensemble autour d’une table, à discuter de programmes consensuels. C’est très vraisemblablement ce qu’a réussi le philanthrope au Chili, où une opportune loi du dictateur Pinochet, en 1974, a permis à des sociétés forestières d’exploiter à leur convenance des terres disputées par les anciens habitants du lieu, les Indiens Mapuche. L’entreprise Masisa, qui fait partie de la nébuleuse GrupoNueva, y est installée, et possède 238 000 hectares de monocultures de pins et d’eucalyptus entre Chili, Argentine, Venezuela, Brésil, Pérou, Mexique. Pour qui connaît la chanson, et c’est mon cas, il est aisé d’imaginer tout ce qu’une industrie de la sorte – gros engins, engrais et pesticides – peut avoir d’écologique. Et ne parlons pas des conflits d’usage avec les habitants des lieux, surtout quand la police et l’armée ne sont pas loin.

Parallèlement à sa nouvelle carrière latino-américaine, Schmidheiny a fondé une authentique merveille connue sous son nom anglais de World Business Council for Sustainable Development (WBCSD). Ce Conseil mondial des entreprises pour le développement durable est né au moment du Sommet de la Terre de Rio, en 1992. Il regroupe environ 200 entreprises, dont la liste inclut d’autres philanthropes que Schmidheiny, tels China Petrochemical Corporation, Mitsubishi Chemical Holding Corporation, Solvay, AREVA, Dassault Systèmes S.A., L’Oréal, BASF, Bayer, Italcementi Group, Shell, Philips, Hoffmann-La Roche, Novartis, Syngenta, BP, Rio Tinto, Alcoa, Boeing, Chevron Corporation, Dow Chemical, DuPont, sans oublier The Coca-Cola Company.
Bref, toute la grande industrie a été réunie dans le WBCSD. J’ai sous les yeux un livre admirable – non  traduit – paru en 2002 (BK éditions),
Walking the talk. Le titre signifie : joindre le geste à la parole. Ses auteurs sont Stephan Schmidheiny, Charles Holiday, patron de DuPont et Philip Watts, l’un des grands patrons de la Shell. On y trouve des études de cas, qui concernent l’activité des transnationales partout dans le monde. 67 monographies en tout.

Disons tout de suite qu’il faut avoir le cœur bien accroché. Je ne prendrai qu’un exemple, qui me touche singulièrement : le delta du Niger. Schmidheiny et ses acolytes inventent pages 34 et 35  un autre monde, dans lequel la Shell « a une longue histoire d’assistance aux communautés auprès desquelles elle travaille ». Au Nigeria, cela donne un beau rapport annuel, des tables rondes avec de gentils interlocuteurs, des aides à de beaux projets de « développement durable ». La vérité, connue de tous, est aux antipodes.

Le si prudent Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), dans un document de 2006 : « Les compagnies pétrolières, Shell Petroleum en particulier, opèrent depuis plus de trente ans [dans le delta du Niger] sans véritables contrôle ni réglementation régissant leurs activités dans le domaine de l’environnement ». Le dernier rapport d’Amnesty International sur le sujet, en date de juin 2009 : « La région est quadrillée par des milliers de kilomètres d’oléoducs et parsemée de puits et de stations de pompage.Une bonne partie de ces infrastructures sont situées près des maisons, des fermes et des sources d’eau des populations qui y vivent. L’industrie pétrolière est responsable d’une pollution généralisée de l’environnement dans le delta du Niger. Les fuites d’hydrocarbures, les déversements de déchets et les combustions en torchères sont bien connus et fréquents ». En 1995, pour ne pas remonter à Mathusalem, l’écrivain nigérian Ken Saro-Wiwa a été pendu haut et court par le gouvernement de l’époque. Ce naïf, qui n’aurait sans doute pas été invité à une table-ronde, menait une bagarre publique et non-violente contre les activités de la Shell. Dans le delta du Niger.

Le machin appelé WBCSD a évidemment joué un rôle crucial, en coulisses, au Sommet de la Terre de Johannesburg, en 2002. Tandis que Jacques Chirac clamait à la tribune : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », les hommes de Schmidheiny vantaient dans des discussions moins verbeuses les mérites de leur si cher « développement durable ». Et ils ont également joué un rôle essentiel, bien que méconnu, dans la tenue de la Conférence mondiale sur la biodiversité de Nagoya (octobre 2010). Où il ne se sera surtout rien décidé, alors que nous vivons la sixième crise d’extinction des espèces.

Je n’en ai pas encore tout à fait fini. Cet excellent Schmidheiny a donc imaginé (voir supra) Avina. On retrouve dans son « board of directors » une certaine Anamaria Schindler, par ailleurs vice-présidente d’Ashoka. Cela n’a rien de bien étonnant, car Ashoka se fixe comme mission de participer « à la structuration et au développement du secteur de l’entrepreneuriat social partout dans le monde, afin qu’il amplifie son impact sur la société ». En France, la BNP et la Société générale paient pour cela, de même que des entreprises plus discrètes que je n’ai pas découvertes. Au plan international, Ashoka dispose du soutien financier des plus grands cabinets de conseil aux transnationales : McKinsey and Company, Hill and Knowlton, Latham and Watkins.

Avina et Ashoka font à ce point le même métier qu’ils ont signé un partenariat stratégique, ce qui explique la présence de madame Schindler au bureau d’Avina. Encore un tout petit mot sur le sujet : le 18 décembre 2010, j’ai reçu un message électronique d’un gérante de supermarché bio que je connais bien. Et que j’apprécie. Elle m’invitait à une soirée consacrée à l’entrepreneuriat social, organisée à Paris par l’Unesco et…Ashoka. Et cela m’a rappelé que, voici trois ans à peu près, j’ai reçu une demande concernant un ami écologiste, Roberto Epple. Un Suisse. Un autre Suisse. Une structure inconnue de moi m’envoyait une série de questions sur Roberto, pour s’assurer qu’il méritait bien un prix récompensant son impressionnant engagement en faveur des rivières d’Europe. Comme j’estime au plus haut point Roberto, j’ai répondu, et il a obtenu son prix. Cette structure, bien entendu, c’était Ashoka, qui gagne chaque année en légitimité ».

Voilà, les amis, c’est tout pour aujourd’hui. Ne me dites surtout pas que cette belle histoire n’est pas édifiante. Elle donne sûrement envie de vomir, mais plus encore, elle dit le vrai, le noyau dur et irréfragable du réel. Ce réel que personne ne veut voir, et qui pourtant décide et décidera de tout. Dites, à quand un mouvement populaire pour dénoncer l’épouvantable mascarade du Sommet de la terre prévu l’an prochain à Rio ? Qui lancera la première tarte à la crème de la saison à Brice Lalonde, qui organise ce grand rendez-vous mondial du faux ?

Propuestas de los indignados (España en marcha)

PRÉAMBULE  : je souhaite ajouter mon grain de sel au débat naissant sur Planète sans visa. Certains semblent penser – déjà – du mal du mouvement de Los indignados. Mon Dieu ! Tout de même ! Certes, et je l’ai dit, je déplore la place ridicule laissée à la crise écologique – la seule qui vaille, in  fine – par les révoltés espagnols. Mais ce serait commettre une erreur de taille que de juger une entreprise de cette nature à ses toutes premières apparences. À ce compte-là, disons franchement que le mouvement naissant du printemps 1968 était ridicule.

À Nanterre, en mars de cette année magnifique, on réclamait la mixité des résidences universitaires. On, c’est-à-dire les futurs barricadiers. Bonjour la folle audace, hein ? Et comment oublier que la jeunesse de ce temps se leva – pour partie – au nom d’épouvantables despotes comme Mao ou Joseph Staline ? Comment oublier que les gazettes de ce temps englouti étaient emplis d’articles à la gloire d’une jeunesse sans autre idéal que de voir Johnny Halliday casser sa guitare au Golf Drouot ?

Si l’on ose le rapprochement, il ne fait aucun doute à mes yeux que el movimiento español de los indignados est d’ores et déjà mille fois plus intéressant. Mon sentiment est donc limpide : faisons confiance. Attendons, comme disent les Castillans, c’est-à-dire espérons. L’immobilité d’une société est sa mort. Le mouvement est sa chance. Esperamos, y también eso, de Rafael Gabriel Juan Múgica Celaya Leceta Cendoya : « ¡ A la calle ! que ya es hora ?de pasearnos a cuerpo ?y mostrar que, pues vivimos, anunciamos algo nuevo ».

Et maintenant, la suite. Élise m’envoie ce petit mot – merci ! – pour proposer une traduction du texte espagnol que j’ai mis en ligne l’autre jour. Je n’ai hélas pas le temps de vérifier l’exactitude du travail, mais je fais confiance à Élise. Voici donc :

Bonjour,
voici une proposition de traduction des propositions
POUR UNE DÉMOCRATIE RÉELLE, mise en ligne sur le site rebebellyon.

 PROPOSITIONS (texte revu par Renaud, merci à lui)

Voici quelques-unes des mesures, qu’en tant que citoyens, nous considérons essentielles à la régénération de notre système politique et économique. Donnez votre avis et proposez vos mesures dans le forum !

1. Suppression des privilèges de la classe politique :

* Un contrôle strict de l’absentéisme des élus. Sanctions spécifiques pour manquement à leurs devoirs.

* Suppression des privilèges dans le paiement des impôts, les années de cotisation et le montant des pensions. Égalisation des salaires et des avantages des élus avec le salaire moyen espagnol.
* Suppression de l’immunité des élus. Imprescriptibilité des crimes de corruption.

* Publication obligatoire du patrimoine des élus.

* Diminution des postes acquis par nomination.

2. Contre le chômage :

* Réductions du temps de travail et meilleure conciliation entre travail et vie familiale pour éliminer le chômage structurel (c’est à dire jusqu’à ce que le chômage tombe en dessous de 5%).

* La retraite à 65 ans et aucune augmentation de l’âge de la retraite supplémentaire afin d’éliminer le chômage des jeunes.

* Des bonus pour les entreprises de moins de 10% des contrats temporaires.

* La sécurité de l’emploi: interdiction des licenciements collectifs pour les grandes entreprises qui font des bénéfices, taxer les grandes entreprises qui embauchent des travailleurs temporaires sur des emplois qui pourraient être en CDI.

* Rétablissement de l’allocation chômage de 426 € pour tous les chômeurs de longue durée.

3. DROIT AU LOGEMENT :

* Expropriation par l’État des logements construits et qui ne trouvent pas preneurs pour les proposer en HLM.

* Aide financière au logement des jeunes et à toutes les personnes ayant de bas revenus.

* Permettre de rendre son logement à la banque pour payer les hypothèques (actuellement le bien est vendu aux enchères ce qui ne couvre pas la valeur de l’hypothèque).

4. SERVICES PUBLICS DE QUALITE :

* La suppression des dépenses inutiles dans l’administration publique et l’établissement d’un contrôle indépendant des budgets et des dépenses.

* Recrutement du personnel de santé afin d’éliminer les listes d’attente.

* Recrutement d’enseignants pour assurer un nombre d’élèves par classe décent, le travail en petits groupes et les classes de soutien.

* Réduction des frais de scolarité dans tout l’enseignement universitaire, diminuer les frais de scolarité des troisièmes cycles jusqu’au niveau des 1ers cycles.

* Financement public de la recherche pour assurer son indépendance.

* Des transports publics bon marché, de qualité et respectueux de l’environnement, rétablissement des lignes de train classiques qui ont été remplacées par des TGV, rétablissement de leur prix d’origine, les abonnements d’autobus moins cher, restreindre la circulation des voitures privées dans les centres urbains, construction de pistes cyclables .

* Ressources sociales locales : mise en œuvre effective de la loi sur la Dépendance (des personnes âgées, des handicapés…), des réseaux municipaux de soins, des services locaux de médiation et de tutorat.

5. Contrôle des banques :

* Interdiction de tout sauvetage ou injection de capital pour les banques : les institutions en difficulté doivent faire faillite ou être nationalisées pour former une banque publique sous contrôle social.

* Augmenter les impôts des banques à proportion des dépenses sociales causées par la crise provoquée par leur mauvaise gestion.

* Remboursement au Trésor public des aides publiques reçues par les banques.

* Interdiction de l’investissement des banques espagnoles dans des paradis fiscaux.

* Sanctions sur la spéculation et les mauvaises pratiques bancaires.

6. FISCALITE :

* Augmenter le taux d’imposition sur les grandes fortunes et les banques.

* Suppression des SICAV.

* Récupération de l’impôt sur le patrimoine.

* Le contrôle réel et efficace de la fraude fiscale et la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux.

* Promouvoir l’adoption internationale d’une taxe sur les transactions internationales (taxe Tobin).

7. Démocratie participative et libertés citoyennes :

* Pas de contrôle de l’Internet. Abolition de la Loi Sinde (Hadopi espagnole).

* Protection de la liberté de l’information et du journalisme d’investigation.

* Référendums obligatoires et contraignants sur les grandes questions qui changent la vie des citoyens.

* Référendums obligatoires pour toute introduction de mesures dictées par l’Union européenne.

* Amendement de la loi électorale afin d’assurer un véritable système représentatif et proportionnel qui ne discrimine aucune force politique ou sociale, les bulletins blancs et nuls sont également représentés à l’Assemblée législative.

* Indépendance de la magistrature : réforme du ministère public afin d’assurer son indépendance, suppression de la nomination des membres de la Cour constitutionnelle et du Conseil judiciaire par l’exécutif.

* Mise en place de mécanismes efficaces pour assurer la démocratie interne dans les partis politiques.

8. Réduction des dépenses militaires

Une première traduction del manifiesto de los indignados

Je crois de plus en plus qu’il suffit de demander. Une heure après avoir mis en ligne le manifeste (en anglais) de Los indignados de Madrid, mon cher Jean-Paul Brodier, de Metz, m’envoie une traduction parfaite de ce texte. Jean-Paul, merci beaucoup, et belle journée à toi.

Mais n’oublions pas qu’il reste à traduire las propuestas, les propositions en espagnol. ¡ Adelante !

Traduction du Manifeste de la Puerta del Sol (par Jean-Paul Brodier)

Nous sommes des gens ordinaires. Nous sommes comme vous : des gens qui se lèvent chaque matin pour étudier, travailler ou trouver un emploi, des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui travaillent dur pour procurer un avenir meilleur à ceux qui les entourent.

Certains parmi nous se considèrent progressistes, d’autres conservateurs. Certains parmi nous sont croyants, d’autres non. Certains parmi nous ont des idéologies bien définies, d’autres sont apolitiques, mais nous sommes tous inquiets et en colère au sujet du paysage politique, économique et social que nous voyons autour de nous : corruption parmi les politiciens, les hommes d’affaires et les banquiers qui nous laissent sans recours et sans voix.

Cette situation est devenue la norme, une souffrance quotidienne, sans espoir. Mais si nous assemblons nos forces, nous pouvons la changer. Il est temps de changer les choses, temps de construire ensemble une meilleure société. C’est pourquoi nous affirmons fortement que les priorités de toute société avancée doivent être le progrès, la solidarité, la liberté de la culture, la durabilité et le développement, le bien-être et le bonheur des peuples.

Voici des vérités inaliénables auxquelles nous devrions nous attacher dans notre société : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation à la vie politique, à la liberté du développement personnel, les droits des consommateurs pour une vie heureuse et en bonne santé.

L’état actuel de notre gouvernement et de notre système économique ne se soucie pas de ces droits et de beaucoup de façons s’oppose au progrès humain.

La démocratie appartient au peuple (demos = peuple, kratos = force), cela signifie que le gouvernement est composé par chacun de nous. Toutefois, en Espagne, la majorité de la classe politique ne nous écoute même pas. Les politiciens devraient porter notre voix aux institutions, permettre la participation des citoyens à la politique par des canaux directs qui apportent les plus grands bénéfices à l’ensemble de la société et non pas s’enrichir et prospérer à nos dépens, à l’écoute exclusive de la dictature des principales puissances économiques, ni les maintenir au pouvoir dans un bipartisme conduit par les acronymes inamovibles PP & PSOE.

L’appétit de puissance et d’accumulation de quelques-uns crée les inégalités, les tensions et les injustices, lesquelles conduisent à la violence, que nous rejetons. Le modèle économique anti-naturel et obsolète pousse la machine sociale dans une spirale de croissance qui la consume elle-même, enrichit quelques-uns et plonge les autres dans la pauvreté. Jusqu’à l’effondrement.

L’intention et l’objet du système actuel est l’accumulation d’argent, sans égard pour l’efficacité ni le bien-être de la société. Gaspillage des ressources, destruction de la planète, création de chômage et de consommateurs malheureux.

Les citoyens sont les rouages d’une machine conçue pour enrichir une minorité qui ne tient pas compte de nos besoins. Nous sommes anonymes, mais sans nous rien de cela n’existerait, parce que nous sommes les moteurs du monde.

Si, en tant que société, nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une économie abstraite, qui ne restitue jamais les bénéfices à la majorité, alors nous pouvons mettre fin aux mauvais traitements dont nous souffrons tous.

Il faut une révolution éthique. Au lieu de placer l’argent au-dessus des êtres humains, nous le remettrons à notre service. Nous sommes des gens, pas des produits. Je ne suis pas le produit de ce que j’achète, pourquoi je l’achète et à qui je l’achète.

Pour tout ce qui précède, je suis indigné.
Je pense que je peux le changer.
Je pense que je peux aider.
Je sais qu’ensemble nous pouvons. Je pense que je peux aider.

Je sais qu’ensemble nous pouvons.

El manifiesto de los indignados (Espagne)

Je l’ai déjà écrit : je me sens spontanément proche des jeunes et bien moins jeunes qui occupent la Puerta del Sol, cette place de Madrid. Certes, j’aurais infiniment préféré qu’ils mettent au premier plan la crise écologique, à quoi tout est subordonné. Ce n’est pas le cas. Ils n’en parlent même pas. Par ailleurs, les mesures proposées sont fort éloignées de ce que j’imagine pour ma part. Pour rester poli. Mais il demeure que j’applaudis ce mouvement clair et vivifiant. Je vous mets ci-dessous deux textes sans traduction. Le premier en espagnol, qui rassemble les propositions de Los indignados. Le second, en anglais, est un manifeste.

Si je ne traduis pas, c’est simplement parce que je n’ai pas le temps. J’espère qu’une amie lectrice – un ami lecteur – de Planète sans visa, proposera rapidement une traduction, que je mettrai aussitôt en ligne. Voici l’adresse du mouvement : http://www.democraciarealya.es

D’abord donc, les propositions.

Estas son algunas de las medidas que, en cuanto ciudadanos, consideramos esenciales para la regeneración de nuestro sistema político y económico. ¡Opina sobre las mismas y propón las tuyas en el foro!

 

1. ELIMINACIÓN DE LOS PRIVILEGIOS DE LA CLASE POLÍTICA:

  • Control estricto del absentismo de los cargos electos en sus respectivos puestos. Sanciones específicas por dejación de funciones.
  • Supresión de los privilegios en el pago de impuestos, los años de cotización y el monto de las pensiones. Equiparación del salario de los representantes electos al salario medio español más las dietas necesarias indispensables para el ejercicio de sus funciones.
  • Eliminación de la inmunidad asociada al cargo. Imprescriptibilidad de los delitos de corrupción.
  • Publicación obligatoria del patrimonio de todos los cargos públicos.
  • Reducción de los cargos de libre designación.

2. CONTRA EL DESEMPLEO:

  • Reparto del trabajo fomentando las reducciones de jornada y la conciliación laboral hasta acabar con el desempleo estructural (es decir, hasta que el desempleo descienda por debajo del 5%).
  • Jubilación a los 65 y ningún aumento de la edad de jubilación hasta acabar con el desempleo juvenil.
  • Bonificaciones para aquellas empresas con menos de un 10% de contratación temporal.
  • Seguridad en el empleo: imposibilidad de despidos colectivos o por causas objetivas en las grandes empresas mientras haya beneficios, fiscalización a las grandes empresas para asegurar que no cubren con trabajadores temporales empleos que podrían ser fijos.
  • Restablecimiento del subsidio de 426€ para todos los parados de larga duración.

3. DERECHO A LA VIVIENDA:

  • Expropiación por el Estado de las viviendas construidas en stock que no se han vendido para colocarlas en el mercado en régimen de alquiler protegido.
  • Ayudas al alquiler para jóvenes y todas aquellas personas de bajos recursos.
  • Que se permita la dación en pago de las viviendas para cancelar las hipotecas.

4. SERVICIOS PÚBLICOS DE CALIDAD:

  • Supresión de gastos inútiles en las Administraciones Públicas y establecimiento de un control independiente de presupuestos y gastos.
  • Contratación de personal sanitario hasta acabar con las listas de espera.
  • Contratación de profesorado para garantizar la ratio de alumnos por aula, los grupos de desdoble y los grupos de apoyo.
  • Reducción del coste de matrícula en toda la educación universitaria, equiparando el precio de los posgrados al de los grados.
  • Financiación pública de la investigación para garantizar su independencia.
  • Transporte público barato, de calidad y ecológicamente sostenible: restablecimiento de los trenes que se están sustituyendo por el AVE con los precios originarios, abaratamiento de los abonos de transporte, restricción del tráfico rodado privado en el centro de las ciudades, construcción de carriles bici.
  • Recursos sociales locales: aplicación efectiva de la Ley de Dependencia, redes de cuidadores locales municipales, servicios locales de mediación y tutelaje.

5. CONTROL DE LAS ENTIDADES BANCARIAS:

  • Prohibición de cualquier tipo de rescate o inyección de capital a entidades bancarias: aquellas entidades en dificultades deben quebrar o ser nacionalizadas para constituir una banca pública bajo control social.
  • Elevación de los impuestos a la banca de manera directamente proporcional al gasto social ocasionado por la crisis generada por su mala gestión.
  • Devolución a las arcas públicas por parte de los bancos de todo capital público aportado.
  • Prohibición de inversión de bancos españoles en paraísos fiscales.
  • Regulación de sanciones a los movimientos especulativos y a la mala praxis bancaria.

6. FISCALIDAD:

  • Aumento del tipo impositivo a las grandes fortunas y entidades bancarias.
  • Eliminación de las SICAV.
  • Recuperación del Impuesto sobre el Patrimonio.
  • Control real y efectivo del fraude fiscal y de la fuga de capitales a paraísos fiscales.
  • Promoción a nivel internacional de la adopción de una tasa a las transacciones internacionales (tasa Tobin).

7. LIBERTADES CIUDADANAS Y DEMOCRACIA PARTICIPATIVA:

  • No al control de internet. Abolición de la Ley Sinde.
  • Protección de la libertad de información y del periodismo de investigación.
  • Referéndums obligatorios y vinculantes para las cuestiones de gran calado que modifican las condiciones de vida de los ciudadanos.
  • Referéndums obligatorios para toda introducción de medidas dictadas desde la Unión Europea.
  • Modificación de la Ley Electoral para garantizar un sistema auténticamente representativo y proporcional que no discrimine a ninguna fuerza política ni voluntad social, donde el voto en blanco y el voto nulo también tengan su representación en el legislativo.
  • Independencia del Poder Judicial: reforma de la figura del Ministerio Fiscal para garantizar su independencia, no al nombramiento de miembros del Tribunal Constitucional y del Consejo General del Poder Judicial por parte del Poder Ejecutivo.
  • Establecimiento de mecanismos efectivos que garanticen la democracia interna en los partidos políticos.

8. REDUCCIÓN DEL GASTO MILITAR

Et voici le manifeste :

We are ordinary people. We are like you: people, who get up every morning to study, work or find a job, people who have family and friends. People, who work hard every day to provide a better future for those around.

Some of us consider ourselves progressive, others conservative. Some of us are believers, some not. Some of us have clearly defined ideologies, others are apolitical, but we are all concerned and angry about the political, economic, and social outlook which we see around us: corruption among politicians, businessmen, bankers, leaving us helpless, without a voice.
This situation has become normal, a daily suffering, without hope. But if we join forces, we can change it. It’s time to change things, time to build a better society together. Therefore, we strongly argue that:

  • The priorities of any advanced society must be equality, progress, solidarity, freedom of culture, sustainability and development, welfare and people’s happiness.
  • These are inalienable truths that we should abide by in our society: the right to housing, employment, culture, health, education, political participation, free personal development, and consumer rights for a healthy and happy life.
  • The current status of our government and economic system does not take care of these rights, and in many ways is an obstacle to human progress.
  • Democracy belongs to the people (demos = people, krátos = government) which means that government is made of every one of us. However, in Spain most of the political class does not even listen to us. Politicians should be bringing our voice to the institutions, facilitating the political participation of citizens through direct channels that provide the greatest benefit to the wider society, not to get rich and prosper at our expense, attending only to the dictatorship of major economic powers and holding them in power through a bipartidism headed by the immovable acronym PP & PSOE.
  • Lust for power and its accumulation in only a few; create inequality, tension and injustice, which leads to violence, which we reject. The obsolete and unnatural economic model fuels the social machinery in a growing spiral that consumes itself by enriching a few and sends into poverty the rest. Until the collapse.
  • The will and purpose of the current system is the accumulation of money, not regarding efficiency and the welfare of society. Wasting resources, destroying the planet, creating unemployment and unhappy consumers.
  • Citizens are the gears of a machine designed to enrich a minority which does not regard our needs. We are anonymous, but without us none of this would exist, because we move the world.
  • If as a society we learn to not trust our future to an abstract economy, which never returns benefits for the most, we can eliminate the abuse that we are all suffering.
  • We need an ethical revolution. Instead of placing money above human beings, we shall put it back to our service. We are people, not products. I am not a product of what I buy, why I buy and who I buy from.

For all of the above, I am outraged.
I think I can change it.
I think I can help.
I know that together we can.I think I can help.

I know that together we can.

Coup de force des lobbies (sur les gaz de schistes)

Il se passe en ce moment-ci, dans notre vieux pays perclus de sombres histoires, une affaire en tout point extraordinaire. Je rappelle qu’après une mobilisation sans guère de précédent récent, surtout dans le sud de la France, des élus de droite et de gauche ont pris peur. La joyeuse perspective de l’extraction de gaz et de pétrole de schistes ici même – pollution massive de nos eaux, destruction de nos paysages, émissions massives de gaz à effet de serre en violation de la loi française – semblait bien devenir, sous nos yeux incrédules, la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Révolte populaire, notre mouvement contre les gaz et les pétroles de schistes –  « notre », car j’en suis, ô combien – paraissait jusqu’à ces derniers jours provisoirement victorieux. La gauche, puis la droite tombaient d’accord pour déposer en urgence un projet de loi – il sera discuté le 10 mai – abrogeant les permis d’exploration si généreusement accordés par l’ancien ministre Borloo à l’industrie pétrolière. Sarkozy, qui souhaite tant une campagne présidentielle à sa main, avait accepté, malgré sa proximité obscène avec des acteurs de premier plan du dossier, Paul Desmarais et Albert Frère, de laisser voter cette loi. Et de même Fillon, qui garantissait encore avant-hier, l’abrogation des permis. Au nom de la France, non ?

On se doutait certes que de puissants lobbies – Desmarais, les ingénieurs des Mines, Total et Suez – feraient leur travail, dans l’ombre si conforme à leurs intérêts. Mais on ne pensait pas – je n’imaginais pas, non – que les députés se coucheraient de la sorte après avoir clamé leur engagement définitif, Christian Jacob (UMP) en tête.  Le texte définitif de la loi qui sera discutée mardi prochain n’est pas connu. Mais tout indique, au-delà des arguties dont on nous comblera jusque dans les médias, que l’abrogation des permis n’y figurera pas.

Oui, lecteurs de Planète sans visa , nous assistons en direct à un coup de force des oligarchies qui détiennent les vrais pouvoirs. Bien que n’ayant fait aucune étude exhaustive, je crois bien qu’il s’agit d’une première dans l’histoire de la République. Cette dernière a connu bien des reculades et des reniements, mais je ne vois pas – vous me trouverez peut-être des exemples – ce qui pourrait être comparé à ce gigantesque revirement de nos élites, sur fond de fric et d’énergie. Faut-il que notre monde soit malade !

Moi qui ne me fais aucune illusion sur le système parlementaire, je vois dans les événements en cours la confirmation, à mes yeux du moins, que la forme de démocratie dans laquelle nous vivons a totalement épuisé sa force. Elle ne survit que par inertie, faute d’une mobilisation capable de renverser la table une bonne fois pour toutes. Ne me faites pas dire que je suis contre la démocratie. Tout au contraire. C’est parce que je suis démocrate que je crois venu le temps de l’affrontement avec ce que, dans ma jeunesse, on appelait le « crétinisme parlementaire ». Ce n’est pas la voie la plus facile, mais je n’en vois aucune autre.