Il se passe quelque chose sous nos yeux que nous ne voyons pas. Appelons cela, faute de mieux, un déni. Il n’y a pas que le climatoscepticisme, Dieu sait. Pensez une seconde aux femmes qui vivent un déni de grossesse jusqu’à la naissance de leur enfant. Mais je souhaitais ce jour vous parler de tout autre chose : l’eau.
Elle n’est plus acceptable. L’eau du robinet, avant le triomphe planétaire de l’industrie chimique, le déferlement des molécules médicamenteuses, des pesticides, des cosmétiques, des plastiques, des PFAS, devait ressembler à de l’eau. C’est devenu un produit industriel comme un autre, qui contient une infinité de résidus toxiques qui s’accumulent dans notre corps. Je rappelle que nous sommes de l’eau. Un adulte moyen en contient autour de 60% . Et moi, dans mon court séjour ici, j’ai décidé en conscience que je devais boire de l’eau, pas une soupe chimique. Et je bois de l’eau embouteillée, sans rien ignorer – imaginez – des problèmes que cela pose. J’ai tort ? Alors quoi penser de ceux qui boivent l’infect jus qui sort des robinets en faisant croire que tout va bien ?
Commençons par La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Elle rassemble dans le domaine de l’eau plus de 500 collectivités territoriales et représente plus de 51 millions d’habitants . Même si elle est composée d’élus locaux, elle délègue dans la majorité des cas la gestion de l’eau à des groupes privés comme Veolia ou Suez.
Or ces élus ne peuvent plus suivre. Dans une tribune passée inaperçue, publiée sur le journal Le Monde le 29 mai dernier, la Fédération affirme : « Les collectivités organisatrices du service public de l’eau potable sont contraintes de se lancer dans une course permanente aux traitements de l’eau qui n’est plus tenable d’un point de vue sanitaire, environnemental, économique, en particulier pour les territoires ruraux. » Mais aussi : « Force est de constater que les crises de la qualité de l’eau, résultat de pollutions diffuses et persistantes, et de sa rareté s’intensifient sous l’effet du changement climatique, conduisant à une crise structurelle de l’eau. » D’autant que « des pollutions industrielles par les “polluants éternels”, PFAS notamment, sont venues noircir le tableau. »
Retenons ce premier point : les élus en charge de l’eau annoncent la fin d’un cycle historique, celui d’une eau de qualité distribuée à domicile. Entend-on quiconque, dans ce champ politique qui se passionne pour le dérisoire, en parler ? Passons au pesticide R471811. La bête est un métabolite d’un pesticide interdit en Europe en 2020, le chlorothalonil. Un métabolite est un produit de dégradation d’une molécule chimique. Tous les pesticides, et bien au-delà, en « fabriquent ». Combien ? Nul ne sait vraiment. Donnons un ordre de grandeur : dix. Et les métabolites peuvent à leur tour se dégrader et former de nouveaux assemblages. De nombreux métabolites sont plus toxiques que la molécule-mère dont ils sont issus. Dingue.
Et voilà que le 11 juin dernier, la préfecture de la Vienne (Poitiers) publie un communiqué qui abroge l’obligation de rechercher dans l’eau potable la trace du R471811. Pourquoi cette abrogation ? Parce que la situation est désormais sans issue, partout en France ou presque. La loi est – était – stricte : au-delà de 0,1μg par litre d’un pesticide dans l’eau potable, elle ne peut plus être distribuée. Et il ne faut pas dépasser 0,5 μg pour l’ensemble des molécules détectées. μg signifie microgramme, soit un millième de milligramme par litre.
Et ce n’est plus tenable. Donc, on ne cherchera plus, méthode radicale pour ne rien trouver. Derrière cette haute fantaisie, l’Anses, acronyme d’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. À l’époque du mouvement des Coquelicots que j’ai créé en 2018, j’ai pilonné cette Agence pour ses liens avec l’industrie de la pire chimie. Et je ne regrette rien. Selon l’Anses, il y aurait des métabolites « pertinents », dont la limite resterait à 0,1μg par litre. Et les autres, « non pertinents », qui ne devraient pas dépasser 0,9 μg. Soit 9 fois plus. Joli truc.
La chronologie résume toute l’histoire : en avril 2023, l’Anses publie le résultat d’analyses portant sur 136 000 prélèvements réalisés sur des points de captage représentant 20% de l’eau distribuée chez nous. Il y a du R471811 dans la moitié, et un tiers des échantillons dépassent la limite de 0,1 μg. Or, jusque là, on ne le cherchait pas. Dans le système tel qu’il est, il n’y aucune solution. Alors l’Anses se dévoue, et le 29 avril 2024, elle revoit en catastrophe ses propres travaux sur le R471811, jugé jusque là « pertinent » et le change par un coup de baguette magique en « non pertinent ». Sa limite passe de 0,1 à 0,9, champagne pour les manipulateurs. Le comble, c’est que l’Anses justifie ce mic-mac par l’obtention de documents industriels. Citation garantie de l’Agence, qui explique avoir reçu, « pour le métabolite R471811, des nouvelles données fournies par Syngenta, titulaire d’autorisations (…) de produits à base de (…) chlorothalonil. »
Syngenta ! C’est une ancienne multinationale suisse de la chimie, rachetée par le surpuissant groupe chinois ChemChina, dont le PDG Ren Jianxi est un responsable du très totalitaire parti communiste chinois. Autrement exprimé, l’Anses s’appuie sur une structure d’État spécialisée dans le mensonge pour prétendre que le R471811 est un bon petit gars qui a toute sa place dans l’eau prétendument potable du robinet.
Qu’ajouter ? J’aimerais beaucoup lancer un immense mouvement, sur le modèle de celui des Coquelicots. En beaucoup plus vaste. Qui bien sûr serait organisé autour de l’eau. Et qui combattrait dans l’arène l’industrie chimique et tous ses suppôts publics. Vous en seriez ?
Je veux mon n’veu. J’en serais comme jamais. Je n’ai hélas pas même besoin de boire de cette eau universellement et radicalement impropre à la consommation humaine autant qu’animale et végétale pour vomir chaque matin tous ces salopards de pillards repus qui nous chient à la gueule. Un rappel, utile peut-être, les « pauvres » dont je suis devraient cesser de consommer ces monceaux de merdouilles que ces charognes de publicitaires nous disent être indispensables à notre bonheur, mais ceci est une autre histoire et la même somme toute.
Mon cher Fabrice,
Oui, bien sûr, il y a l’eau, mais aussi l’air et la terre. Il y a les résidus chimiques, les métabolites, les nanoparticules de plastiques, le méthane, le CO2, les éléments radioactifs… La liste serait trop longue.
Alors il est grand temps d’unir nos forces pour mettre à bas le système techno-industriel qui, sinon, viendra à bout de la vie !
Bien à toi.
merci Fabrice une fois encore https://theconversation.com/glyphosate-sur-quelles-pathologies-portent-les-soupcons-et-avec-quels-niveaux-de-preuves-217583
le FREDON PACA a publié 2 synthèses régionales de contamination des eaux par les produits phytosanitaires, en 2005 et un autre rapport est paru en 2012 qui portait à 305 les molécules recherchées: c’était consultable sur le net par tout un chacun et bien ( trop) éclairant car fait par bassin de chaque rivière et par molécule
( l’étude devait coûter cher) depuis 2015 plus rien… et les liens internet vers les études sont devenus caducs cf
http://www.fredonpaca.fr/IMG/pdf/ATLAS_ESO_2012.pdf
http://draaf.paca.agriculture.gouv.fr/Donnees-eaux-et-pesticides-en-PACA
atlas eaux souterraines 2004 à 2009 publié fin 2012 385 molécules recherchées
http://draaf.paca.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/ATLAS_ESO_2012_cle816dde.pdf
atlas eaux superficielles FREDON PACA daté 2009 138 pages
http://draaf.paca.agriculture.gouv.fr/Atlas-des-eaux-superficielles
http://draaf.paca.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/ATLAS_ESU_PACA_2004-2007_cle8d13da.pdf
dormez braves gens et merci Fabrice une fois encore
Voici la teneur du rapport Fredon PACA 2009 concernant le Rhône page 81 (site 1)
« Faits marquants:
20 molécules ont identifiées sur l’ensemble des points de suivis. Les herbicides (13 molécules) dominent largement en terme de fréquences et de concentrations.
Certains herbicides non spécifiques sont détectés dans 100% des échantillons et ce sur plusieurs points.
Molécules dont la détection est fréquente (plus de 10%)
9 molécules herbicides sont détectées à plus de 10% sur au moins un des points de suivis. Cinq d’entre-elles le sont à chaque point.
Par ordre décroissant de fréquence, le diuron, l’aminotriazole, l’oxadiazon, l’AMPA et le glyphosate. Ces détections semblent liées à des pratiques non agricoles pour partie si ce n’est pas être la seule cause. Les détections d’oxadiazon ne sont justifiées par aucun usage agricole sur le secteur en question. Le diuron, apparaît avec une régularité rarement rencontrée dans des bassins versants agricoles. Les détections de l’aminotriazole, du glyphosate et de l’AMPA sont à l’image des usages de ces molécules à savoir fréquentes et importantes pour être détectées régulièrement à des concentrations parfois élevées. […]
Le grand nombre de molécules détectées caractérisent la diversité culturale et phytosanitaire du tronçon suivi.
Le pipéronyl butoxyde confirme l’hypothèse d’une origine urbaine.
Le métolachlore, le linuron et le bifénox vont dans le sens d’une origine « grandes cultures ».
Les rares détections de métalaxyl, quinoxyfen, procymidone et folpel peuvent être
attribuées à la viticulture. »
Combien de communes tirent leur eau potable de la nappe du Rhône?
« On ne peut pas être citoyen du monde, il faut élire domicile quelque part », m’avait dit mon prof de physique de l’école Steiner, citant quelqu’un que j’ai oublié. L’eau elle est partout, elle n’a pas de citoyenneté et personne n’en est propriétaire, même lorsqu’elle est dans nos corps, mais nous il nous faut bien commencer quelque part. L’interdiction des pesticides, elle doit commencer par chez soi. Dans notre maison, notre ferme, notre école, notre hôpital, notre village, notre région. C’est ça être patriote : la loyauté envers l’eau et la terre du lieu où l’on habite, qui est indispensable si l’on veut commencer à être loyal, chose plus difficile encore, envers nos « compatriotes ». C’est ça la souveraineté, le patriotisme, c’est prendre ses responsabilités en commençant par chez soi, et nous avons tous un chez-soi, c’est une question de courage, comme ces Palestiniens qui plantent des herbes et des légumes dans les ruines de leurs villes rasées. Ce mouvement de l’eau ne peut donc qu’être une continuation, voire même une répétition des coquelicots ! Il n’y a pas de honte à répéter, car on ne refait jamais la même chose, et peut-être que comme en architecture, la politique consiste à remettre 100 fois la trame sur le métier, car on ne « gagne » jamais, on ne « perd » jamais, on ne fait que travailler, avancer, et nous ne pouvons jamais prédire le moment où la société déclarera le « succès », que ceux qui l’on construit, je ne sais pas pourquoi, trouvent invariablement ambigu et avec une pointe d’amertume… « comme un malentendu » disait Pierre Rabhi…
L’information est le champ de bataille. Un citoyen ignorant est obéissant. Tous les mouvements qui ont commencé à changer la société (La Gueule Ouverte, Survivre et Vivre, le mouvement contre l’amiante, le Criirad, Crigen, etc. etc.) ont tous commencé par collecter et diffuser l’information.
Merci Fabrice de nous informer inlassablement depuis tant d’années !
« Pensez une seconde aux femmes qui vivent un déni de grossesse jusqu’à la naissance de leur enfant. »
Rien à voir avec les climatonégationnistes qui eux ont mille informations pour ne pas faire de déni.
Les femmes qui font un déni ne refusent pas leur grossesse, elles l’ignorent réellement.
Si j’ai bien tout compris…
Chère Hélène,
Je pense que tu as tort. Le déni est un phénomène de défense psychique ubiquiste. Ce qui veut dire qu’il se manifeste dans bien des circonstances. Et je pense aussi que tu sous-estimes de beaucoup la part « d’honnêteté » perverse des climatosceptiques.
Fabrice Nicolino
Un des penseurs de l’écologie les plus fins, dont la thèse de doctorat, publiée sous le titre :
« Drowned and dammed, colonial capitalism and flood control in Eastern India » par O.U.P. en 2006, fut une révélation pour moi, et depuis il a continué de travailler !
Sur le climat, l’anthropocène, etc. ces notions au croisement de la science, de la culture et de la politique…
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0016718518302926
Je ne peux pas cautionner le fait de préférer l’eau en bouteilles : c’est avant tout du transport et des déchets plastiques. De plus, on sait maintenant que l’eau des bouteilles contient d’innombrables particules plastiques dont les effets sur notre organisme sont inconnus.
Alors ? Dans le doute, je préfère la solution qui impacte le moins l’environnement : je bois l’eau du robinet, avec tous ses polluants…
Hé là ! Edmond,
Cautionner ? Mais qui vous demande de cautionner ? Je crains que vous ne connaissiez qu’une faible partie de la réalité. J’aurais pu me taire, mais j’assume, car je sais plutôt bien la situation réelle. Il y a l’eau – je choisis la moins polluée – et il y a un breuvage que l’on appelle de l’eau après une multitude de traitements physico-chimiques. Qui la transforment en un produit industriel bien plus rempli de molécules que celle que je bois. Ce n’est pas même pour ma santé – à mon âge, les jeux sont faits -, c’est d’une certaine manière philosophique. Et d’un, constitué d’eau, mon corps et mon esprit revendiquent d’en recevoir des gorgées authentiques. Et de deux, j’entends par là, sachant à quel point c’est dérisoire, protester contre l’état des choses. Un de mes auteurs favoris a écrit un jour cette phrase que je me plais à répéter souvent : « Si le mensonge règne sur le monde, qu’au moins cela ne soit pas par moi ». Je tiens à ma vérité. Contre toutes leurs falsifications.
Fabrice Nicolino
Dans certains de mes projets je fais un traitement des eaux usées par « root zone » (filtre planté de macrophytes), et ça marche non seulement pour les effluents de la fosse septique mais même pour les effluents de l’industrie textile (même si dans ce cas c’est plus difficile). Quelqu’un a peut-être déjà fait ce genre de filtre en terrasse, pour purifier l’eau de pluie… un jardin qui produirait de l’eau… de toutes façons il n’y a pas d’autre manière de faire, car l’eau pure que l’on trouve parfois dans la nature ne l’est que parcequ’elle a été purifiée par les bactéries qui vivent autour des racines des plantes et nourrissent ces racines. Il paraîtrait même que les arbres, selon Ernst Zürcher, synthétisent de l’eau à partir de l’oxygène et de l’hydrogène ! Donc ils fabriqueraient en permanence de l’eau « neuve », qui n’a jamais existé ! Selon Zürcher c’est pas énorme mais mesurable ! Je ne suis pas chimiste et je n’ai rien compris à ses équations, mais cela confirme que l’eau n’est pas une « resource » à capturer, mais un produit des êtres vivants.
Comme le ciment (calcium et chaux, os des animaux), comme l’argile (produite par les racines des plantes), des matériaux sans lesquels on ne pourrait rien faire !
Pour mesurer ce que nous devons aux êtres vivants, voyons comment Elon Musk veut faire des briques pour construire sur Mars (pas d’argile, pas de ciment = pas de liant !)… avec le sang des cosmonautes ! Un cosmonaute courageux peut produire une brique par mois ! Il faudra 5 générations pour faire un seul igloo martien… mais ils seront morts bien avant…
Mais pour revenir sur terre : On reconnaît de plus en plus que l’anthropocène a commencé il y a au moins 12 mille ans (Ellis 2021), et que non seulement des oasis et des terraces, non seulement des centaines de milliers d’espèces (comme le riz) mais des forêts entières… ont été créés par les hommes !
Lorsque nous avions encore de la sagesse. Dont nous pouvons retrouver le chemin !
Bien sur on y va ! Mais comment ? De plus en plus (et en lisant vos rubriques dans Charlie) je me dis que le colibri (que j’aime à faire connaitre autour de moi) fatigue et ne va pas pouvoir faire grand chose. En terme d’impact. Mais mettre dans la tête des gamins de bonnes idées c’est pas du temps perdu. Je continue.
Bon, pour l’eau, autour de moi, ce qui inquiète au delà des actions à mener (est-ce encore possible ?) c’est que boire ? Robinet ? C’est pas possible de mentir à ce point, on a plus confiance. En bouteille ? Laquelle ? La moins polluée ? Et ça se voit comment ? Et si on la filtrait ? Mais avec quel engin ? Là aussi attention à la pub. Alors, on boit quoi ?
Petit on se baignait dans les rivières, et on y remplissait nos gourdes. Jamais eu de « chiasse ». Qui oserait encore ?
Alors oui, faisons quelque chose contre les salopards qui nous ont bousillé la terre, l’air et l’eau. Ça ressemble à une mission impossible non ? Donc on y va !
J’écoute François Béranger en ce moment, j’ai pas le moral…
« Voilà le printemps
On ne l’attendait plus, sui-là !
Qui fait vibrer la ville qui dormait
A moins que ce soit
Tous les gaz délétères
Qui se propagent en pourrissant la Terre »
Merci pour vos chroniques sincères et lucides.
Pierre de Toulouse