Vous ne le savez peut-être pas, mais c’est fini. Fi-ni ! Il n’y aura pas de troisième piste pour l’aéroport londonien d’Heathrow (ici). Un combat de sept années s’achève, et quel ! En 2003 en effet, ce cornichon appelé Tony Blair et ses copains travaillistes décident que la compétitivité britannique exige une piste supplémentaire. Heathrow, mais ce n’est jamais que 67 millions de passagers et 471 000 mouvements d’avions par an. Une paille, pour ces grands amoureux du PIB. La troisième piste permettrait d’ajouter 220 000 passages d’avions chaque année et de créer 8 000 emplois. Disent-ils. Ah ! vivre le nez dans le kérosène.
Les seuls problèmes sont menus. Le village de Sipson serait, de fait, sacrifié au bruit des enfers. Tout l’ouest londonien serait contraint de s’acheter des bouchons pour les oreilles. Et la crise climatique serait une fois de plus traitée avec le grandiose mépris qu’elle mérite. Le grand malheur des aménageurs, c’est qu’une coalition hétéroclite se forme. Des aristos et des anarchistes. Des proprios et des écolos. Des adeptes du « pas de ça chez moi » – ce qu’on appelle le Nimby – et de fiers combattants internationalistes. Soutenus par Greenpeace, l’actrice Emma Thompson, le comédien Alistair Mc Gowan et le nouveau député conservateur Zac Goldsmith – longtemps éditeur de The Ecologist – achètent un petit terrain situé sur le tracé de la piste prévue. Et ils découpent le tout en une multitude de confetti, rendant copropriétaires 91 000 personnes. De quoi retarder notablement toute tentative d’expropriation.
Le stupéfiant, qui fera réfléchir, c’est que l’abandon de cette troisième piste est le résultat direct des dernières élections générales. Les travaillistes – cette chose molle qui conduisit à la guerre dure en Irak – voulaient l’expansion de l’aéroport. Les conservateurs – la droite – et les libéraux-démocrates – appelons cela le centre – réunis dans le même gouvernement, viennent donc de donner raison aux activistes du climat et des nuits étoilées. J’ajoute qu’emporté par son élan, le nouveau gouvernement a aussi renoncé à l’agrandissement des deux autres aéroports de Londres, Gatwick et Stansted. Champagne ? Ma foi, cela ne se refuse pas. Je bois exceptionnellement à la santé de la coalition tory-libdem, et vous invite à en faire autant. Comment, vous ne voulez pas ? Parce que la droite est au pouvoir ? Oh, soyez beau joueur, au moins le temps d’une coupe. Nick Clegg, le nouveau Vice-Premier ministre, fait partie des 91 000 propriétaires du terrain acheté par les zozos cités plus haut.
Ma morale du jour sera française (lire ici). Près de Nantes, le cheffaillon socialiste Jean-Marc Ayrault défends bec et ongles le lamentable projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Je ne crois pas que ce monsieur et ses amis puissent imaginer le rejet viscéral qu’ils m’inspirent. Dépourvus de toute vision, incapables de défendre la moindre idée d’un avenir seulement possible, ils ne songent qu’à poursuivre leur travail de destruction de tout ce qui bouge encore. À Notre-Dame-des-Landes, il reste par miracle un bocage d’environ 2 000 hectares, une rareté désormais, habitée par des gens vaillants – Marie, venceremos ! – et des oiseaux comme l’engoulevent ou le busard Saint-Martin, et des mammifères qui ne se doutent encore de rien, et des fleurs, et des arbres abritant lucanes et pique-prunes.
Cette saloperie d’aéroport ne doit pas se faire, est-ce assez clair ? Ayrault – et Fillon, qui le soutient – peut et doit être battu, et il le sera. Si nous sommes capables de seulement imiter ceux d’Heathrow. On attend quoi, au juste ?