Chapeau, monsieur Hulot !

Sarkozy et toute la classe politique aux pelotes. On pourra toujours ergoter. Je pourrais bien entendu le faire à propos de Nicolas Hulot, dont j’ai déjà parlé ici plus d’une fois. Et à l’occasion d’une manière acide. Je me souviens d’un coup de téléphone qu’il avait donné chez moi, un matin de septembre 2008 (lire ici). Nous nous étions engueulés, sur des sujets fondamentaux pour moi, comme les nécrocarburants. Plus tard, je l’avais félicité (lire là), et tout était rentré dans l’ordre, un ordre éminemment provisoire et mouvant.

Je n’ai jamais caché que j’aime ce qu’est devenu Hulot. J’ai soutenu son évolution il y a près de quinze ans dans une presse qui lui était froidement hostile. Politis, par exemple. Je ne le connais certes pas en intime, mais nous nous croisons, oui. Et je crois que nous nous apprécions, au-delà de différences considérables. Car je vois évidemment tout ce qui peut nous séparer. L’important, le décisif en cette occurrence, c’est que cet homme est de liberté. Il n’est pas ce qu’il fut. Il n’est plus l’homme des paillettes télévisées. La crise écologique lui a dessillé les yeux, et l’a conduit sur un chemin où je peux, où je dois – tel est mon sentiment profond – lui serrer la main. Je rappelle, malgré la détestation que j’ai pour TF1, que l’émission Ushuaïa Nature est regardée par des millions de nos contemporains. Et que des messages d’une grande force et d’une vraie qualité y ont été régulièrement diffusés.

Rien que pour cette raison, j’aurais grande estime pour lui. Mais ce qui me touche le plus chez cet homme est cette capacité d’arrachement à lui-même qu’il a manifestée. Pour ce que je sais, il vient de loin, politiquement, socialement, culturellement. Le mouvement sincère d’un être fait partie des spectacles qui m’émeuvent en profondeur. Je ne cherche pas pourquoi, je constate. Et pour ce qui concerne la crise écologique, faut-il insister ? Si des millions de gens à qui, a priori, nous n’avons guère envie de parler, ne se jettent pas, tôt ou tard, dans la fournaise, nous sommes perdus. Je considère Hulot comme un éclaireur, un missionnaire.

Et maintenant, cette magnifique nouvelle. La fondation Hulot se retire de cette foutaise appelée Grenelle de l’Environnement, que j’ai conspué dès les premiers instants (ici). C’est tard ? Mon Dieu oui, comme c’est tard ! Mais au moins, c’est fait. Le misérable édifice politicien organisé par Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet s’effondre pour de bon. Car sans Hulot et les 750 000 signataires du Pacte écologique, que reste-t-il ? Une arnaque. Je serais à la place des écologistes officiels de Greenpeace, du WWF, de France Nature Environnement, j’aurais simplement honte. Car évidemment, ce sont eux, les militants de toujours, qui auraient dû mener la fronde. Et ils n’ont rien dit, rien fait. Honte !

Ce pauvre président de France Nature Environnement, Sébastien Genest, a donné il y a une poignée de jours un lamentable entretien à La Tribune (ici). Il y déclare notamment : « L’abandon de la taxe carbone n’est pas synonyme d’une remise en cause du Grenelle de l’environnement. Au contraire, l’événement taxe carbone implique une poursuite et une relance de l’esprit du Grenelle, dont le champ d’intervention est large et ne peut se résumer uniquement à cette taxe. Des tas d’autres engagements du Grenelle ont également de l’intérêt ». Pauvre garçon ! Pauvre mouvement de protection de la nature, à qui Nicolas Hulot administre une leçon tardive, mais sans appel, de courage et de lucidité. Nicolas, si tu lis ces quelques paroles, sache que je pense à toi, que je te salue, que je te félicite.

PS :  Nathalie Kosciusko-Morizet, dont j’ai dit, dont je maintiens qu’elle est une politicienne tout ordinaire, vient de déclarer son soutien à Chantal Jouanno (ici). Ah quelle rouée personne ! Elle qui sait ce que vitesse veut dire – ne s’occupe-t-elle pas d’économie numérique ? – a pris tout son temps, des jours et des jours, avant de trouver un mot en faveur de Jouanno l’esseulée. Je parie, sans preuve aucune, qu’une analyse soignée et soigneuse de carrière, appuyée sur des sondages, l’aura décidée. Sans preuve aucune, certes.

Claude Allègre et les glaciers du Tibet

Je vais me vanter, c’est indiscutable. Je suis l’un des premiers à avoir attaqué publiquement Claude Allègre à propos du dérèglement climatique en cours. En fait, je suis peut-être le premier. Ne lisant pas tout, de loin, quelqu’un peut m’avoir devancé. Mais en ce cas, je l’ignore. Moi, dans le journal Politis en date du 4 décembre 1997, j’ai consacré ma chronique hebdomadaire à cet illustre personnage. Et pas d’anachronisme, s’il vous plaît ! À cette date, le mandarin trône encore. Il est ministre de l’Éducation de Lionel Jospin, lui-même Premier ministre, et tous les commentateurs lui lèchent les pieds, pour demeurer poli.

Oui, cette fin 1997, alors que la conférence de Kyoto sur le climat va avoir lieu, Allègre est d’autant plus intouchable qu’il est intouché. Dans mon papier, je l’accuse d’être atteint de ce que j’appelle le syndrome Charpak – Georges -, du nom de ce physicien devenu amoureux fou de l’atome. Et j’ajoute aussitôt : « Tout comme le Nobel de physique, Allègre use et abuse de son statut – indiscutable – de grand scientifique pour trancher de tout, y compris dans des domaines où il n’est nullement compétent (…) Jusqu’à ces derniers mois, Allègre disposait chaque semaine dans Le Point d’une chronique scientifique. Celle du 8 mai 1995 – deux ans à peine – mérite comme on dit le détour. Que déclame-t-elle ? Que l’effet de serre serait tout simplement une fausse alerte. Mieux : une véritable mystification entretenue par des lobbies scientifiques en mal de crédits et de mystérieux…groupes industriels. Comme on aimerait savoir lesquels ! Hélas, hélas, les élucubrations de monsieur Claude ne sont pas une plaisanterie ».

Je ne trouve pas cela sans intérêt. Car ce texte montre bien la logique interne du discours de notre génie national. Il conteste a priori. Ce n’est que bien plus tard qu’il cherchera à justifier, à documenter son obsession « climato-sceptique ». Et il n’est pas le seul dans ce cas, oh non ! On commence par croire, on tente ensuite de prouver. Quelle jolie démarche scientifique, non ? On se lance de la sorte, porté en triomphe par une caste de journalistes obséquieux autant qu’incultes et l’on finit par le graphique Håkan Grudd. Allègre, dans son dernier livre – je ne nomme pas ce machin – a publié un document issu des travaux de Grudd, paléo-climatologue suédois. Fort bien. Mais comme le démontre dans un article implacable, impeccable, le journaliste français Sylvestre Huet (ici), Allègre a falsifié la publication de Grudd. Pour prouver ce qu’il affirme. Vous lirez si vous avez envie.

Par ailleurs, mais en complément, je souhaite vous parler d’un article puissant paru dans le numéro d’avril 2010 de la revue américaine National Geographic (ici). Évoquer ce magazine en langue anglaise n’est pas du snobisme : simplement, j’ai eu la chance de lire une partie du dossier de couverture, dont le titre est Water, our thirsty World (Eau, notre monde assoiffé). Ce grand journal, sans le proclamer, prend parti dans la grande controverse autour du climat, et de la plus belle manière, c’est-à-dire par les faits. Pour mémoire, je rappelle qu’Allègre et ses nombreux amis se sont jetés comme la pauvreté sur le monde dessus une erreur bien réelle figurant dans un rapport du Giec, ce grand organisme chargé par les Nations Unies de surveiller l’évolution du climat.

Pour Allègre et ses si nombreux amis – bis repetita -, le Giec est désormais le grand Satan, mû par d’obscurs ou trop limpides intérêts, et qui raconterait sans cesse des balivernes. Donc une erreur, reconnue comme telle, au milieu de milliers d’informations solides et recoupées, qui concerne les glaciers de l’Himalaya. Oui, hélas, le Giec s’est appuyé sur un semblant d’étude, concluant avec légèreté que les glaciers de cette région décisive pour l’avenir commun auraient complètement fondu d’ici 2035 (ici). Pour Allègre et ses innombrables amis – ter repetita -, cette faute vénielle est et demeure une aubaine. Par chance, National Geographic.

Dans le numéro consacré à l’eau, on trouve un reportage exceptionnel écrit par Brook Larmer. Larmer est allé au Tibet, dans sa partie chinoise comme dans sa partie indienne, et il en ramène des informations de très haute qualité. On me dira que cela ne vaut pas un travail scientifique. Je répondrai que cela vaut 100 000 Allègre. Le massif de l’Himalaya est la source des plus grands fleuves de l’Asie. Le Yangzi Jiang (Yangtsé), le Fleuve jaune, le Mékong, le Gange, entre autres. Or, raconte Larmer, qui a parlé aux villageois et aux scientifiques, les glaciers de ces hautes montagnes, qui alimentent le cours de ces fleuves et permettent in fine d’abreuver autour de deux milliards d’êtres humains, fondent à une allure démentielle. Que se passera-t-il quand l’eau manquera dans les plaines surpeuplées, chaque année un peu plus ?

Certes, ce reportage n’est qu’un reportage, mais il dit le vrai, malgré cette funeste erreur de détail dans l’un des grands rapports du Giec sur le climat. Écoutez plutôt la voix de Jia Son, qui montre au journaliste ce qu’est en train devenir, sous ses yeux impuissants, le glacier du mont Kawa Karpo, montagne sacrée des Tibétains : « si nos glaciers sacrés ne peuvent survivre, dit-il, comment le pourrons-nous ? ». Sur les 680 glaciers, côté chinois, 95 % perdraient davantage de glace qu’ils n’en créent. Le glaciologue Yao Tandong, chercheur à l’institut chinois de recherches sur le plateau tibétain, prévient sans ambages : « Le recul à grande échelle des glaciers est inévitable. Et elle nous mènera à une catastrophe écologique ».

J’ajoute : humaine, sociale, politique, globale en somme. Il n’existe pas encore de mot humain capable de décrire ce qui va probablement, très probablement se passer. Mais certains préfèrent continuer à croire Allègre et sa petite troupe si bien informée. Eh bien, la ligne frontière entre eux et moi – entre eux et je l’espère la plupart d’entre vous -, cette ligne devient un fossé, que je ne franchirai évidemment jamais. Car c’est un gouffre, pour l’âme comme pour l’esprit.

Mon commentaire sur les commentaires (faut suivre)

Je commencerai ce court billet par un bonsoir à tous. Je ne suis pas et ne risque pas de devenir un professeur de morale, mais il me vient parfois l’envie de fermer tout simplement l’espace des commentaires. Depuis un temps qui m’échappe un peu, il me semble bien assister à une inflation de propos qui n’ont aucun rapport avec ce dont on parle. Pis, certains des mots écrits par des lecteurs me gênent carrément. Ainsi, et désolé pour son auteur, je n’ai pas envie de lire des développements aussi hasardeux que ceux rapprochant la bagnole des grands massacres nazis (à retrouver dans la liste pour ceux qui le veulent).

J’ai créé Planète sans visa pour y faire circuler des informations intéressantes sur la crise écologique, et permettre, éventuellement, d’aider tel ou tel à y voir un peu, un tout petit peu plus clair. Pas pour que chacun raconte son petit bastringue avant d’aller faire ses courses. D’autant qu’il y a un point technique dont je ne me plains pas, mais que vous devez connaître. Je suis moralement et légalement tenu de modérer les textes qui apparaissent ici. Ce qui signifie qu’il existe un filtre, et que ce filtre, c’est moi. Je ne peux laisser passer des écrits injurieux, diffamatoires, racistes, etc. Et c’est bien normal. Et si je le faisais et que je sois condamné, je ne trouverais aucun argument en ma faveur. Il faut assumer. J’assume. Y compris ce rôle ingrat, qui demande du temps, que je refuse de perdre dans des conneries. Je sais que cela paraîtra dur à certains, mais tant pis. Je crois pouvoir demander un peu de respect pour un lieu de travail et d’élaboration qui ne demande rien d’autre que de l’attention. Et du respect, je me répète.

Pas de malentendu ! Je suis ravi, en règle très générale, de vos interventions. Et même de celles qui ne se rapportent pas explicitement aux textes que j’écris. Cela n’a pas d’importance à mes yeux si. Si ces textes ouvrent ne serait-ce qu’un fenestron sur d’autres histoires, d’autres lieux, d’autres personnages. Et à la condition que tout cela apporte au moins un petit quelque chose à notre communauté intellectuelle et morale. Car c’est ainsi que je perçois notre collectif informel où, certes, l’égalité n’est pas de la partie, puisque je tiens le manche. Il n’empêche que je me sens comptable. Il n’empêche que le respect que j’attends, je l’accorde en retour à tout lecteur de bonne foi, fût-il très éloigné de ma pensée. Cela est arrivé maintes fois, et se reproduira je l’espère. Planète sans visa ne peut servir en tout cas, et ne servira pas au blabla. Je suis d’avance navré, mais c’est comme cela. Que chacun, en conscience, fasse ce qu’il a à faire. Et que chacun se souvienne qu’il existe une multitude d’autres lieux où parler pour ne rien dire.

Nos vemos.

Passer le Sahara dans un tamis (adage new age)

Je suis à peu près certain que la plupart d’entre vous en ont entendu parler. Une équipe américaine de la Sea Education Association (SEA) a découvert l’existence d’un continent fait de déchets, essentiellement plastiques, dans l’Atlantique (ici en français et là en anglais). Continent est certes un mot abusif pour parler d’une masse liquide, mais cela donne au moins une idée de la taille. Environ la surface de la France, de la Belgique et de la Grèce réunies. Notons avant d’oublier que l’on parle beaucoup ces derniers jours de cette dernière, mais pour des raisons plus intéressantes : comment diable ses habitants vont-ils faire pour continuer à acheter les merdes qui finiront dans l’Atlantique ?

Donc, une découverte. Faite de milliards de fragments de plastique industriel, sur dix mètres de profondeur, à moins de 1 000 km des côtes américaines. De l’autre côté, dans le Pacifique, on a trouvé dès 1997 le Trash Vortex (tourbillon d’ordures), autrement dénommé The Great Pacific Garbage Patch, pour Grande nappe de déchets du Pacifique. Je vous en avais parlé il y a deux ans (ici). Cette gentille monstruosité doit aujourd’hui dépasser la taille des États-Unis d’Amérique, qui atteignent tout de même 9 millions et 600 000 km2. Mais ce n’est qu’un début.

Autre nouvelle aussi réjouissante : la mousson d’Asie envoie dans la stratosphère l’extraordinaire pollution atmosphérique produite par les croissances chinoise et indienne. Vous avez dû entendre parler de ce miracle qui nous permet de vendre des turbines et d’acheter des ordinateurs. De vendre des centrales nucléaires et d’acheter des T-shirts. De vendre des locomotives et d’acheter des joujous. Bref, de continuer à vivre sans aucun but. Revenons à la mousson, qui est aussi une sorte de pompe surpuissante, capable de propulser l’air chargé de polluants de toutes sortes au-dessus des villes d’Asie, avant qu’il ne rencontre des courants porteurs et rapides, entre 32 et 40 km d’altitude (ici). Une fois bien installés dans ces couches de la haute atmosphère, ces masses colossales de molécules souvent redoutables circulent pendant des années au-dessus de nos têtes, mais finissent largement par retomber. Sur nous ? Pardi.

Si j’ai choisi le titre « Passer le Sahara dans un tamis », c’est grâce à Charles Moore, le navigateur qui a découvert le Trash Vortex du Pacifique en 1997. Lui ne se paie pas de mots. Il sait pertinemment qu’il est impossible de « nettoyer » les océans des épouvantables déjections que nous y rejetons chaque jour. Et sa formule me paraît pleine de bon sens : « Autant essayer de passer le Sahara au tamis ». On ne peut nettoyer, désolé. Mais on ne peut continuer bien longtemps. De même qu’on ne peut stopper les si magnifiques croissances asiatiques, même si elles s’effondreront fatalement, et bientôt probablement. Cette situation me rappelle le sort d’Antigone, cette pauvre fille d’Œdipe et de Jocaste. Quand Créon, le nouveau roi de Thèbes, lui interdit d’enterrer son frère Polynice, considéré comme un traître, elle se trouve prise dans un étau qui lui sera fatal.

D’un côté, elle doit obéir à son roi, car c’est la loi. De l’autre, elle ne peut pas abandonner la dépouille de son frère à la charogne, car elle l’aime. Que faire ? Oui, que faire dans un cas pareil ? Antigone décide finalement d’enterrer Polynice, mais Créon l’emmure vivante encore dans le tombeau des Labdacides. C’est un cas de double contrainte, bien étudié depuis par les psychologues et les psychiatres. Pour ce qui concerne la crise écologique, si manifeste, la société des hommes ne sait visiblement pas quoi faire. Il lui faudrait arrêter les frais, et tout de suite. Mais elle ne le peut pas. Je vous en préviens, les situations de double contrainte peuvent aisément conduire à la folie. Pour ma (toute petite) part, je suggère de commencer par la révolte.

PS : Amis lecteurs qui êtes en désaccord avec mes prises de position, par exemple au sujet des Verts et d’Europe Écologie, sachez que je vous comprends, en partie du moins. Mais de vous à moi, vous croyez qu’une telle stratégie, qui n’a rien donné de probant en quarante ans, est susceptible d’arrêter le nuage chinois et de réduire la taille des océans de merde plastique dont nous remplissons notre petite baignoire planétaire ?

Des fleurs pour Chantal Jouanno

Je me suis salement moqué de Chantal Jouanno le 22 janvier 2009 (ici). Je signalais notamment un film vidéo réalisé au moment de la campagne des présidentielles, où elle était follement ridicule. Elle le reste, je viens de le regarder à nouveau. Et, de nouveau, j’ai rigolé aux dépens de la secrétaire d’État à l’Écologie.

Mais je dois reconnaître aujourd’hui qu’elle a changé. La championne de karaté, propulsée hors des tatamis par Sa Seigneurie Sarkozy en personne, donne ce jeudi 25 mars 2010 un entretien au quotidien Libération. Elle se lâche. Elle y parle avec une sincérité que je n’attendais pas. Concernant la défunte taxe carbone, elle tire à boulets rouges contre le patronat, disant par exemple : « C’est clair, c’est le Medef qui a planté la taxe carbone. Au nom de la compétitivité. Est-ce que le Medef s’est ému des 2 milliards de bonus distribués aux banquiers ? ».

Faut-il le souligner ? Ce n’est pas dans la ligne. Borloo, l’increvable bonimenteur, a préféré hier accuser les socialistes d’avoir miné son beau projet. Non, elle n’est pas dans la ligne officielle, et j’ai envie de croire qu’elle n’est pas en mission commandée. J’ai envie de croire qu’elle parle d’elle-même, sans y avoir été incitée par Sarkozy pour tenter de calmer l’incendie. Ai-je tort ?

J’espère que non. Chantal Jouanno a des mots convaincants. Elle dit : « Si on attend que l’Europe prenne une décision, la taxe carbone sera reportée sine die. Cela pose un problème ontologique à la gauche comme à la droite. Nos élus et une partie de la société n’ont pas compris l’importance de l’écologie. On a vingt ans pour changer les mentalités ». Et elle ajoute : « Il faut essayer quelque chose. Il me reste la parole. Je me ferai peut-être exploser mais ce n’est pas grave. Je vais juste parler vrai. Je préfère aller au bout. Je ne suis pas là pour faire de la provoc, mais porter la parole que l’écologie n’est l’otage d’aucun clan ».

Pas de panique à bord ! je ne viens pas de brutalement tomber amoureux, et mon regard ne me semble pas, pour l’heure en tout cas, alangui. Je sais qui est cette dame. Je sais sa proximité avec Sarkozy. Autant dire que des années-lumière me séparent et me sépareront toujours d’elle. Il reste qu’à la différence d’une Kosciusko-Morizet, politicienne jusqu’au bout des ongles, passant de l’Écologie à l’Économie numérique avant d’aller peut-être à la Santé, il semble que Chantal Jouanno a pris conscience de quelque chose qui la transcende.

Un grand mot ? Oh oui ! Exagéré ? Peut-être bien, l’avenir le dira. Mais je dois rappeler, malgré mes emportements aussi nombreux qu’extrêmes, que je mise sur l’homme, et la femme. Si je ne croyais pas à la possibilité que des êtres dissemblables – et lointains les uns des autres – se mettent en mouvement, je ne parlerais plus de crise écologique. Je ne parlerais plus du tout, en réalité. Or je pense que le cours des esprits et des âmes est le seul espoir authentique qu’il nous reste. Que m’importe à la fin d’où l’on part, pourvu qu’on se soit mis en marche dans la bonne direction. Le reste viendra par surcroît, s’il advient.

Madame Jouanno, je me répète, ne pensera jamais comme moi. Moi surtout, je ne la rejoindrai jamais sur le terrain qui restera, en toute hypothèse, le sien. Et peut-être suis-je, de toute façon, en train de bâtir un château de cartes et de sable dans l’Espagne la plus profonde qui se puisse concevoir. Il demeure que la crise écologique devra sous peu mobiliser des millions de personnes dans ce vieux pays couturé qu’est la France. J’ai le pressentiment que madame Jouanno en sera. Et c’est pourquoi, à rebours de ce que je suis pour l’essentiel, je lui offre ce jeudi matin un frais bouquet de fleurs des champs. Without any pesticide application.