On ne sait pas s’il l’a dit. Mais en tout cas, ils l’ont fait. Les barbares – nos pères – de la Croisade contre les cathares, en 1209, ont bel et bien massacré l’essentiel de la population de Béziers. D’une manière qui défie la description. Le légat du pape, Arnaud Amaury, qui conduisait la horde, aurait déclaré pour l’encourager : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! ».
Pas de rapport avec la pêche au cabillaud ? Non, pas. Mais c’est néanmoins à cela que j’ai songé en écoutant notre président Sarkozy, en visite au port de Boulogne-sur-mer. Il y a déclaré notamment que les quotas de pêche imposés par l’Union européenne devaient être balayés, et le seraient dès que la France présiderait à son tour l’Union pour six mois, en juillet prochain.
Tête du pauvre Michel Barnier, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, qui n’avait cessé de répéter que l’accord européen sur les quotas serait appliqué avec une « totale intransigeance ». Depuis, l’Europe a repris la main, incendié Sarkozy par toutes voies diplomatiques ouvertes, et ce pauvre Barnier – bis repetita – vient de déclarer que les journalistes n’avaient pas compris la parole présidentielle. Il ne s’agirait plus de supprimer les quotas de pêche, mais de les adapter.
Je ne vais pas décrire ici la situation des océans et de leurs habitants. Elle est totalement tragique. La surpêche industrielle est partout, qui prive les pêcheurs artisanaux du Sud, de l’Afrique de l’Ouest à l’Inde, en passant par le Pérou, de ressources vitales. Des écosystèmes stables depuis des millions d’années se trouvent bouleversés de fond en comble. Les signaux sont innombrables. Je retiens celui-ci : en novembre 2006, une équipe menée par Steve Palumbi et Boris Worm a publié dans Science une étude, une étude de plus, sur l’état des stocks de poissons.
On ne peut trouver mieux dans l’état actuel des connaissances. Ces scientifiques ont épluché tout ce qui a été conservé par les humains depuis 1 000 ans. Compilé tous les travaux récents disponibles. Dépouillé les livres de bord des pêcheurs professionnels. Le bilan est sans appel : la vie sauvage dans les océans est désormais menacée dans sa globalité. Si les tendances actuelles se poursuivent, aucune pêche commerciale ne sera plus possible d’ici 40 années.
40 ans. Avec un peu de chance – pour lui -, Sarkozy sera encore de ce monde. Cet homme ridicule – il n’est pas le seul, oh non ! – commande et croit donc imposer. Sa loi. Aux éléments. Aux écosystèmes. À la nature. Comme il veut une fois de plus montrer qu’il en a, il promet donc n’importe quoi, n’importe quoi, aux pêcheurs français désespérés.
Mais ce discours innommable ne doit pas cacher le reste. Toute la classe politique française s’autorise en permanence des propos absurdes, et révoltants pour l’esprit. Royal autant que Fillon. Bayrou comme Buffet. Loin d’être une honteuse exception, Sarkozy est un parfait archétype. Il est celui qui, mieux que tout autre en ce moment, exprime l’inconciliable. Le point de vue écologiste rappelle à quel point la politique ordinaire est grotesque.