Avant de vous livrer le fond de ma pensée, laissez-moi vous reproduire deux articles (S’il y a une erreur, elle est mienne, car je recopie ligne à ligne). Ou plutôt un articulet et un papier, tous deux tirés du Canard Enchaîné. Le premier, que voici, figure à la page deux, celle des brèves non signées, dans le numéro du 30 octobre 2013.
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Placé joue perdant
Avant d’appeler les lycéens à manifester, le sénateur Placé avait déjà fait des siennes, plus discrètement, pour faire rejeter par le Sénat la loi de programmation militaire (LPM). L’opération n’est pas passée inaperçue à Matignon.
Quelques jours avant le vote, il avait appelé son collègue UMP Christian Cambon, par ailleurs vice-président de la commission de la défense, pour que l’UMP rejette massivement la LPM. « Si vous votez contre, elle ne passera pas », insistait-il. Hélas pour lui, 15 sénateurs UMP se sont abstenus, 18 centristes ont voté pour, et la LPM a été finalement adoptée. À quand une manif de lycéens devant le Sénat ?
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Place maintenant à l’article signé Anne-Sophie Mercier, dans le numéro suivant du Canard, daté du 6 novembre 2013.
Jean-Vincent Placé
L’écolo de services
Ce sénateur Vert, du genre pragmatique, est un grand adepte du donnant-donnant
La scène se passe le 22 août à Marseille, aux journées d’été d’EELV. Jean-Vincent Placé est face à la caméra d’une chaîne d’info, et les deux jeunes journalistes qui l’interrogent n’ont pas l’air satisfaits de leurs images. « Ben, alors, on la refait ? Vous voulez quoi ? Qu’on cogne plus ? Plus court ? Je me décale un peu sur la droite, comme ça ? Allez, on y va. » Ainsi s’explique l’irrésistible ascension de Placé : donner à chacun ce quu’il attend. Aux journalistes, disponibilité et petites phrases qui vont assurer la « reprise » AFP ; aux militants, les mots-clés qui font vibrer et rassurent ; aux grands électeurs qui l’envoient au Sénat, les petits services qui font les vraies alliances.
Le président du groupe écolo au Sénat a toujours pensé que la vie n’était qu’un grand deal, en politique comme ailleurs. Tu me cases ce gars dans ta mairie, ça m’arrange bien, et moi je trouve un petit job tranquille à la nièce de ton pote au conseil régional ; tu votes mon amendement, je vote le tien, pas de raisons de se faire des entourloupes, pas vrai ?
Il affiche sa complicité avec Dassault, qu’il appelle « Sergio », et le fréquente, car tous deux sont élus de l’Essonne. Et c’est le même homme qui dénonce dans L’« Huma », le 25 juillet, « le poids terrible de la pensée unique libérale qui, avec l’ensemble de ses moyens financiers, inonde les médias. » À chacun son picotin.
Placé a ceci d’unique qu’il ne cache rien de sa méthode ni de ses pensées. Venu du radicalisme, il n’a jamais fait semblant d’être écologiste, d’ailleurs le sujet ne vient jamais sur le tapis. Sentant sans doute ce que sa position pouvait avoir de désinvolte, il a récemment affiché un vif intérêt pour…l’obsolescence programmée.
Placé aime le pouvoir et le dit souvent à ses proches. Le pouvoir avant tout, et peu importe que la cause n’en profite pas. « Tu me fais rigoler, avec ton discours sur les militants qui s’en vont. Moi, ça m’arrange. Quand on a 5 000 militants, je suis certain de tenir la boutique ; avec 20 000, ça devient sportif. » L’idéologie, les grandes idées, ça le fait doucement rigoler. Il ne croit qu’aux relations interpersonnelles, dans lesquelles il excelle. Son grand pote, c’est Pierre Charon [sénateur sarkozyste de Paris NDPSV]. Ils déjeunent ensemble, s’échangent des secrets, jaugent et flinguent, se trompent rarement, car il y a belle lurette qu’ils n’ont plus d’illusions.
Du pouvoir, il aime aussi les signes : grandes tables, pardessus en cachemire, chaussures anglaises, séjours dans les plus beaux riads de Marrakech.
Tenir la boutique, c’est central. C’est ce qui a permis à Duflot de devenir ministre, et il espère bien que ce sera un jour son tour. Pour garder la main, il est prêt à tout. Il attribue tous les postes, est toujours au centre du jeu. Attaqué par Noël Mamère, qui dénonce la « firme » constituée par ce petit groupe qui tient le parti, alors qu’un congrès du mouvement s’annonce, il multiplie les déclarations avec pour but de faire croire qu’il n’est pas vendu au pouvoir. Il a ainsi incité les lycéens à reprendre les manifestations pour protester contre l’expulsion de la collégienne Leornarda. Les socialistes n’ont pas apprécié, c’est peu dire, mais il s’en est évidemment expliqué à la buvette du Sénat. « Tu comprends, j’ai un congrès en novembre…Allez, on n’en parle plus, je te revaudrai ça. »
Il pratique bien sûr le second degré en dynamitant les codes en vigueur, en dévoilant ce qui doit rester caché, mais il n’est malgré tout pas loin du pétage de plombs. Un événement récent permet de comprendre ce qui le guette : l’implosion. Placé, désormais, s’impatiente, sent le temps passer, les petits jeunes qui poussent. Il joue les sereins, mais dézingue à tout-va Pascal Canfin, l’autre ministre écolo, auquel il se substituerait volontiers. Il rêve de la place Beauvau, s’enivre de sa propre puissance. L’Intérieur, quand on incite les jeunes à manifester, quelle formidable idée. « Je suis un des hommes les plus influents de la République », dit souvent cet homme qui n’a pas de surmoi. Il se sent à ce point fort qu’il n’hésite pas à répondre à Élise Lucet, qui l’interroge sur l’origine de diverses sommes ayant permis le financement du siège du parti : « Soixante-quinze mille euros, c’est important. Pour vous ! »
Il a récemment voulu montrer aux socialistes toute l’étendue de son pouvoir en torpillant, en pure perte, la loi de programmation militaire au Sénat. Il avait élégamment menacé le sénateur UMP Christian Cambon, qui refusait de le suivre, d’en appeler à Copé pour le faire plier. Cambon furieux, n’a pas obéi, et l’autre, Placé, n’a pas osé appeler Copé. Placé, combien de divisions ?
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Et voici maintenant mon commentaire. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’écrit Anne-Sophie Mercier, mais je souhaite d’autant moins entrer dans les détails que l’essentiel suffit bien. L’essentiel est que le parti de M. Placé est totalement corrompu au plan moral. Cet état ne signifie pas, pour moi, échange de services financiers et corruption active. Il est possible que cela se produise, mais en vérité, je n’en sais strictement rien. En revanche, il me paraît nécessaire, et comme évident, de parler d’un affaissement de la morale commune, élémentaire. Cette corruption-là est arrivée à un point indécent dans ce parti fondé en 1984 – on ne rit pas – pour « faire de la politique autrement ».
Ce que révèlent ces deux papiers n’est pas très différent de ce que Daniel Cohn-Bendit et Jean-Paul Besset m’avaient déclaré au printemps (ici). Je me permets de citer un court passage : « Moi : Placé distribue-t-il des postes ?. Jean-Paul Besset : Oui. Des postes de sénateurs, de députés, de conseillers régionaux. Bien sûr ! Nous avons autour de 250 conseillers régionaux, plus de 50 conseillers généraux. Mais bien au-delà de sa personne, Placé représente une face de l’engagement politique. Il ne s’agit plus pour lui et ses proches d’aider à la transformation sociale. Il s’agit d’une affaire de gestion des élus et des postes. Ces gens-là, qui ont construit un univers clos, ne vivent plus que de la politique politicienne depuis des années. Comme ils sont toujours là, à la différence des simples militants, ils finissent par l’emporter ».
Je rappelle que cet entretien à mes yeux fondamental n’a pas même entraîné un semblant de murmure dans les rangs de ce mouvement décati. Pas un. Deux des principaux responsables énoncent le pire, ou presque, sans provoquer l’ombre d’une réaction. Et ce sera de même, et c’est déjà pareil avec ces deux articles présentés plus haut. La pourriture est si étendue qu’aucun sursaut n’aura lieu. Les « opposants » ont peur des résultats du congrès d’EELV, prévu le 30 novembre, et préfèrent se cacher derrière le masque d’une des sept pathétiques motions qui y seront présentées. Valent-ils mieux que leurs adversaires ? Je dois avouer que je me pose la question.
En tout cas, sachez, et je suis loin d’être le seul dans ce cas, que j’ai pu recueillir des confidences de certains membres et (hauts) responsables d’EELV. Les anecdotes que j’ai lors obtenues sont du même genre que celles décrites dans les papiers du Canard. Parfois pires. Si une camarilla aussi détestable dirige ce parti de la sorte, au vu et au su de tous, c’est bien entendu que les causes du désastre sont profondes, intérieures, difficiles à extirper. Pour ma part, je fais volontiers la comparaison avec la génération de gauche qui a accompagné l’arrivée de Mitterrand au pouvoir. Elle n’avait ni le courage ni la vaillance de défendre les idées qu’elle prétendait avoir. On a vu le résultat.
Comme je l’ai déjà écrit à propos d’autre chose, une phrase de Marx s’impose. Dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, il écrit : «Hegel bemerkt irgendwo, daß alle großen weltgeschichtlichen Thatsachen und Personen sich so zu sagen zweimal ereignen. Er hat vergessen hinzuzufügen: das eine Mal als große Tragödie, das andre Mal als lumpige Farce ». Ce qui veut dire grosso modo : Hegel a noté quelque part que les grands événements et personnages de l’histoire se répètent deux fois. Mais qu’il a oublié de préciser que, la première fois, c’est sous la forme d’une grande tragédie, et la seconde à la manière d’une farce dérisoire.
Idem pour EELV. Leur farce à eux est dérisoire. Sauf si l’on considère l’arrière-plan de cette histoire, c’est-à-dire la terrifiante impasse où sont plongées les sociétés humaines. Pour le reste, les chefs d’EELV se valent, qui acceptent sans broncher. Eh ! Voynet, Durand, Lipietz, Besset, Cohn-Bendit, Blandin, Hascoët, Buchmann, Jadot, Mamère, Cochet, qu’avez-vous donc fait ?
Question : en quoi Placé, Duflot , Joly et autres apparatchiks « verts » sont ils écologistes? vu la politique anti écolo de ce gouvernement, la moindre décence des 2 ministres EELV consisterait à démissionner, même si « la place est bonne »; à mon avis il y a tromperie sur la marchandise.
Pourquoi je quitte Europe-Écologie-les Verts
http://www.yves-paccalet.fr/
http://www.reporterre.net/spip.php?article4982
JV Placé m’a personnellement déjà justifié l’utilisation de l’avion quand c’est « trop long » par le train.
EELV laissons de côté, ils se meurent, passons à autre chose, le dernier rapport de l’AIE dont Auzanneau nous offre un bon compte rendu
sur son blog… car on n’en parlera pas dans la presse et encore moins à la télévision
http://petrole.blog.lemonde.fr/2013/11/13/petrole-la-route-est-droite-mais-la-pente-est-raide-dit-lagence-internationale-de-lenergie/#more-9422
Merci Fabrice… Je retiens ceci « si l’on considère l’arrière-plan de cette histoire, c’est-à-dire la terrifiante impasse où sont plongées les sociétés humaine »…
Et je me souviens de Shoah… Dans ce film il est question à un moment de ceux qui regardent passé les trains et font signes aux voyageurs de leur mort prochaine… Oui les voyageurs voyaient, oui, ils pouvaient même le savoir de ce qui avait été dit dès les ghetto, mais ils ne pouvaient pas y croire…
Quel politique à dit « l’important n’est pas ce que les gens savent mais ce qu’ils croient »
Savoir la fin prochaine est une chose niée et contredite par la peur d’y croire, alors on y croit pas…
Allons demander à la dinde la veille de noel si elle est heureuse. Elle répondra oui trois fois oui : le gite et le couvert plus que de raison chaque jour, non cela ne changera jamais, c’est ainsi fait que moi la dinde je suis faite pour vivre dans le luxe et la satiété à jamais…
Ah la belle croyance !