Avec tant de retard (sur le Loup et les plantes)

La procrastination est un mal commun. Le mot désigne cette faculté largement – mais inégalement – répartie de remettre au lendemain la tâche qui nous attend sur l’immense étagère que vous savez. Je suis donc en retard d’au moins une quinzaine de livres, mais je vais commencer par deux revues qui méritent un coup de chapeau.

D’abord un spécial Loup du Courrier de la Nature, la revue de la Société nationale de protection de la nature (SNPN). En 76 pages, d’excellents naturalistes passent en revue quelques-unes des grandes questions posées par le retour de Canis lupus, notre cher Grand Méchant Loup, chez nous. Je signale d’emblée l’article signé François Moutou, longtemps épidémiologiste à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Anses), que je connais assez pour le saluer au passage. Moutou nous livre un aperçu très riche des origines du Loup, de son écologie, de son comportement, de ses capacités de reproduction. Comme il est agréable de lire un homme savant qui sait écrire pour tous ! J’ai appris différentes choses, mais la plus considérable est qu’il existe des loups en Afrique, passés totalement inaperçus des observateurs, qui les confondaient avec les chacals dorés ! Combien ? Moutou parle de 80 000 femelles, ce qui est gigantesque. Pour mémoire, il y aurait environ 35 000 loups dans tout le Canada, et autour de 10 000 en Alaska.

Les autres articles sont de belle qualité. Le Suisse Jean-Marc Landry nous offre une histoire du Loup en France, s’appuyant à la fois sur les travaux de François de Beaufort et sur ceux de l’historien Jean-Marc Moriceau, malmené par de nombreux naturalistes pour avoir rapporté plusieurs milliers d’attaques de loups sur l’Homme dans notre pays. Anne Lombardi raconte l’aventure, la grande aventure du Réseau Loup-Lynx qui permet à des centaines de correspondants de suivre chaque année, sur le terrain, la trace de ces magnifiques animaux.

Vincent Vignon, pour sa part, décrit le rôle considérable du Loup dans la défense et illustration de la biodiversité, sujet central de tant de polémiques. On le sait, les ennemis du Loup prétendent que les ovins, en montagne, sont les meilleurs agents de la biodiversité, et que les loups en seraient les adversaires, voire les ennemis. Lire Vignon permet de comprendre simplement la complexité des liens écosystémiques. Quand il note : « Le loup est en position de contrôle du système herbivore », on a envie d’applaudir, car cette phrase est le point d’orgue d’un vaste développement sur ce qui unit prédateurs, ongulés, végétation. Oui, croyez-moi, c’est intéressant.

L’autre revue, que certains de vous connaissent certainement, s’appelle La Garance voyageuse. Je reçois ce cadeau des cieux chaque trimestre, et le dernier numéro, le 104, a pour thème « Plantes et villes ». Je crois sincèrement que tout est à lire, mais comme il me faut choisir, je vous signale un papier d’Alain Baraton, le jardinier du parc du château de Versailles, que j’ai eu la chance d’interroger sur place il y a quelques années. Baraton raconte ce qu’il pense de l’arbre dans les villes, où il subit tant de malheurs quotidiens. J’ai également aimé une déambulation urbaine de Patrick Derennes et un zoom de Boris Presseq sur les si curieuses stratégies de dispersion des plantes soumises aux règles de la ville. Admirez avec moi la graine d’Erodium ciconium, dont la forme hallucinée de tire-bouchon fonctionne un peu comme une vrille, qui lui permet de s’enfouir au profond des friches. Et encore ce texte de Jean-Michel Lecron sur les intenses amours entre les murs et les plantes. Et encore, et encore, et encore.

Cela fait des années que je souhaite parler de cette revue hautement improbable, dont le siège se trouve dans un village cévenol de Lozère, Saint-Germain-de-Calberte. Je connais mal l’histoire du groupe de bénévoles qui publie La Garance, mais j’ai souvent pressenti qu’elle était, au-delà des fatigues et départs inévitables, une fort belle aventure. Les articles, accompagnés d’une véritable iconographie, sont précis, instructifs, savants même, mais avant tout, ils transportent. N’importe où en France, n’importe où dans le monde, dans l’histoire, dans les livres, dans le destin de quantité de naturalistes et voyageurs des temps passés ou présents. Et je vous assure qu’un non-botaniste comme moi y est toujours le bienvenu. Bref. Formidable.

29 réflexions sur « Avec tant de retard (sur le Loup et les plantes) »

  1. Hein ? ! Koua ?!
    Et pas un mot de cet immmmense spécialiste du loup qu’est Bozé Jové ?
    Rhaaaaa…

  2. Si le WWF avait ete invente par des Chinois, son logo serait un LOUP ou un OURS, et il aurait a sa tete les patrons de HUAWEI ou SAMSUNG. Mais apparemment ces gens ne croient pas aux vertus de l’exotisme pour vendre du confort moral a leurs populations, et ils n’ont pas invente le WWF! (Ne nous apitoyons pas trop, leurs politiciens obsoletes ont probablement d’autres sinecures)

  3. Le loup est plus present dans les contes et legendes populaires de tous les continents que le chien ou le cheval, et plus souvent qu’a son tour, il n’a pas le mauvais role! Vouloir l’eradiquer physiquement, c’est un comportement qui meriterait le qualificatif de tribal. (au mauvais sens du terme: borne et superstitieux)

  4. Merci pour « un spécial loup » de la SNPN à lire.

    info pour celles et ceux qui résident non loin de ma champagne: le parc NOCTURIA (voir Google) vient de rouvrir ses portes depuis le 05/04 où 12 loups sont à observer. Egalement à l’accueil, vous pouvez disposer de dépliants de l’ association aspas sur le loup destinés aux enfants et pas seulement.

    SECONDE INFO: lire « ODE A LUPUS » en tapant ce titre sur Google, c’est mon poème sur le loup rédigé en 2006. (publié dans magazines à l’époque)

    nota: poème écrit suite à mon rôle de correspondant de pisteur de loups.

    Merci de votre attention

  5. Les plantes se situant proche des fleurs, selon les différentes focales avec un reflex (non numérique) muni d’un objectif, zoom à position rapprochée et télé-objectif, photographier les fleurs avec pélicule 400 ASA destinée à la diapositive à un très bon rendu sur tirage papier format 20-30.

  6. info: REIMS l’ancienne ville des sacres a tenu un colloque à la médiathèque-cathédrale en 2006 sur le loup, donc a été à la pointe du « faire connaître » le loup. Jean-Marc Landry y tait ainsi que Eric Marboutin du réseau Grand Prédateurs de L’oncfs.

    Voir pages anciennes de Google.
    voir bulletin « quoi de neuf » oncfs sur sujet depuis Google.

    nota: A l’époque, l’annonce de ce colloque avait été extrêmement médiatisé en champagne.

  7. Bonsoir,

    Merci pour tout les sujets.

    Merci pour tout les beaux commentaires.

    Merci pour les merveilleux partages.

    Veuillez me pardonner, suis dans la résistance. J’écoute l’herbe pousser.

    Grosses bises a toutes, tous, grattouilles derrière les oreilles, :):):)

  8. info:
    durant le début des années 2000 où le réseau de correspondants loup oncfs naissait pour grandir ensuite suite à la dispersion de canis lupus dans tous les massifs alpins, les premiers chiens de protection appelés patous (montagne Pyrénées) étaient mis en place dans les alpages, Christelle Durant de l’oncfs était en charge du suivi de ces chiens.

  9. Bonjour,
    j’aurais eu depuis des années bien d’autres occasions, bien plus pertinentes, d’intervenir dans des débats ou de te féliciter, Fabrice, pour l’énergie de vie, de réaction, le courage ou la rage que tu insuffles dans ton blog; je ne l’ai pas fait. Aujourd’hui je réagis, et seulement vis à vis des nombreux commentaires qui invitent à chercher des infos sur Google, comme si c’était anodin. Je suis peut-être naïf, mais j’ai saisi depuis quelques temps l’occasion d’échapper au diktat(ou à la banalisation)de la recherche à travers ces instruments invasifs en optant pour Ixquick, qui n’enregistre pas l’adresse IP. Ayant appris récemment, lors d’un débat après projection du film de Philippe Borrel « un monde sans humains? », que Ray Kurzweil, chantre du transhumanisme et créateur de l’université de la singularité, était entré comme numéro deux ou trois au CA de Google, je pense qu’il y a de quoi s’inquiéter et y réfléchir à deux fois avant de confier à cette entreprise le soin de s’informer (ou de communiquer). A bon entendeur, salut.
    P.S. C’est promis, la prochaine fois que je laisserai un commentaire, il sera en lien avec la nature et l’environnement.

  10. Jaygee,

    Pour information, le nouveau nom de Ixquick est Startpage qui a effectivement le grand avantage de ne pas enregistrer l’adresse IP.

  11. à P.P:
    Lisez donc depuis Google en tapant ce titre « L’ours dans l’arène ou le sort du taureau », c’est mon texte publié en 2012 puisque vous défendez cette cause.

  12. à lire (avec tant de retard) sur le loup:

    L’incantation du loup LECONSTE DE L’ISLE 1818-1894
    Poésie française webnet. (Google)

    Déjà au 19 ième siècle, un écrivain s’était penché sur le sort du loup alors que celui-ci était pourchassé.

  13. à Fabrice:
    (chef de meute ici et aux autres)
    Suite à mon post ci-dessus, mon dernier texte écrit ci-dessous:
    (non publié)

    HONNI SOIT QUI MAL Y PENSE
    Cavalier d’équipage à la foi de St-Hubert pourchasse le cerf sans relâche.
    Agonie s’en suit dans l’impunité.
    Tradition macabre en ruralité!
    Du blaireau martyrisé jusqu’au fan éliminé,
    Dans: affûts, pièges ou battues,
    Comme d’une guerre déclarée,
    D’une conscience non entachée, il exhibe le trophée!
    Au prédateur, ayant pris sa place, l’homme s’est fait chasseur.
    En toute éloquence: honni soit qui mal y pense.
    Sans peur de l’avanie,
    Par conviction, il est exalté.

    Ps: inspiré d’un texte de Victor Hugo sur la chasse

  14. Concernant texte « Honni soit qui mal y pense » copié ci-dessus:

    Pierre Athanaze l’a lu ainsi que Allain Bougrain Dubourg. (réponses émises)

  15. Info:
    à voir sur le site http://www.loup.org les trois nouvelles pensionnaires du parc ALPHA. Ce sont des louves du Canada nées en captivité. Originaires du Canada, on les appelle « louves noires de l’Alberta de la région de Mackenzie ». (voir Internet sur cette explication)

  16. Monsieur,

    Puisque mon nom est si gentiment cité, je quitte momentanément l’objectif photo-témoignage qui me tient habituellement lieu de paire de lunettes sur le monde (la nature pour l’essentiel) et prends ma plume pour ici vous en remercier.

    Cet article, « réflexions d’un promeneur citadin », représente « ma pratique » des milieux, ici urbains (mon lieu de vie et de travail), mais elle est surtout fidèle au regard que je porte sur mon milieu de prédilection et de loisirs, la Nature.

    J’aime musarder et éventuellement collecter par l’image les sujets de rencontre et/ou de curiosité qui m’apparaissent, même si, depuis (très) peu, j’avoue que je m’essaie avec plus ou moins de bonheur à un exercice plus statique et extrêmement zen, voire ascétique, l’immersion dans le milieu naturel via des affûts fixes. J’avoue alors parfois sombrer dans une douce somnolence à l’écoute des oiseaux printaniers.

    Je m’aperçois en parcourant les pages de votre blog, en en lisant les développements, en regardant votre parcours, que ma pratique (arpenter plus ou moins lentement le terrain), ma passion (montrer des choses du monde naturel), ne sont pas directement emprunts de politique (au sens plein du terme) ni de militantisme (au sens plein du terme) et qu’il me reste beaucoup à apprendre en la matière.

    Un pan entier de culture et d’éveil citoyen me reste à prospecter.

    Jeune actif, et moins jeune, j’ai eu vent, chaque fois au journal télévisé de 20 heures si ma mémoire est bonne, de la parution de deux de vos essais (Pesticides, révélations sur un scandale français – avec François Veillerette – et La faim, la bagnole, le blé et nous – Une dénonciation des biocarburants -). J’avoue hélas ne pas les avoir lu et c’est certainement un manque car ils ont fait dates me semble-t-il.

    Ce sont des sujets qui m’intéressent. J’essaierais de consacrer de mon temps à la lecture de vos lignes édifiantes.

    Je vais de plus rapidement, de ce pas déambulant mais affirmé, me procurer le numéro « spécial Loup » du Courrier de la Nature, belle revue que j’ai eu l’occasion d’avoir en main, notamment pour un numéro spécial oiseaux.

    Le Loup est un sujet scientifique, affectif, passionnel, emblématique et édifiant …

    La Grande Faune est de retour ! Pour notre plus grand plaisir !

    Je me souviens comme si j’y étais, des deux scènes fortes qui m’ont permis d’observer cette mythologie vivante.

    La première fois en juin 2005, en Espagne, nous avons assisté, à la longue-vue, dans les monts Cantabriques, sur le versant situé en face de nous, à la poursuite somme toute pacifique (!), au gentil trot, à distance constante, d’un Cerf par un Loup. Ce dernier a fini par être rejoint par deux de ses congénères. Ils ont fait vainement le siège du maquis dans lequel le cervidé avait disparu à nos yeux … et aux leurs ! Une scène enthousiasmante !

    La seconde fois, nous venions de prospecter en avril 2007, en Turquie, une immense zone sensée être humide, un vaste marais dramatiquement drainé, à la recherche d’un gravelot qui avait finalement et, certainement (?), définitivement déserté son lieu habituel de nidification (assèchement quasi total du marais pour motif d’irrigation de la plaine agricole environnante et pour gagner des terres arables).

    Nous poursuivions alors notre piste, songeurs, tous muets et un peu dégoûtés, frustrés devant ce qui était pour nous le symbole diffus de la dégradation des milieux par l’homme, pour rentrer à notre logement.

    Soudain, émergeait du canal d’irrigation encombré de phragmites, … un Loup ! A 15 m de notre véhicule, sur l’autre rive du canal  !! Il devait certainement ici chasser des batraciens, rongeurs … à moins que ce ne fut le héron pourpré … Il nous a fixé quelques secondes, à peine, le temps d’un cliché, un peu flou, puis a tourné le dos et est parti au trot soutenu et efficace.

    Gravissant les remblais (issus du creusement du canal de drainage), nous avons pu suivre sa rapide progression sur le fond à sec, poussiéreux et exempt de toute végétation, du marais disparu, au pied du volcan enneigé, là même où était sensé se reproduire ce gravelot.

    Très très belle observation. Et très triste constat …

    Puis en 2013, lors d’un stage botanique organisé par l’association Mille et une plantes, j’ai eu l’opportunité de croiser la route de La Garance voyageuse, revue à laquelle j’étais abonné depuis quelques temps déjà !!

    Merci à La Garance voyageuse d’avoir accueillie mes quelques lignes, de les avoir relevées de belles illustrations (merci aux illustrateurs !!)et à votre œil d’avoir parcouru ces lignes.

  17. A Patrick Derennes:
    Si vous souhaitez vous fondre dans la nature, allez dans le Mercantour notamment dans la vallée des merveilles (voir sur Internet)en empruntant le vallon de la minière ou le vallon de Gordolasque situés au dessus de Menton. (Alpes maritimes) Pour ce loger, louez un mobilhome (ou autre) dans un terrain du village authentique de Sospel, non loin de là. Autrement, au plus facile, rendez-vous au vallon de Salèse (Mercantour) pour y voir des loups, c’est là que ça a commencé… Voilà ma parole de pisteur.
    Egalement, les fleurs sont abondantes dans ces montagnes notamment l’amarilys orangée à 2000 mètres.
    nota: plus au nord de cette contrée en Ubaye, j’avais découvert un parterre d’édelwess en altitude au détour d’un chemin de randonnée.
    alors bonne randonnée.

  18. à Jacques Baillon:
    Bien lu ci-dessus. Nous y sommes là, c’est impossible de quitter le milieu, une passion dévorante.

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