Trois belles découvertes

Je ne peux laisser passer ce lundi 23 mars 2020 sans partager quelques – bonnes et moins bonnes – nouvelles liées à l’apparition du coronavirus. Je suis bien convaincu que vous avez fait le même constat.

Et d’abord, bien sûr, il y a du fric, au point que, cette fois, on dirait bien qu’il pousse sur les arbres. Nos pauvres Excellences ont accepté de faire vivre ce pays dans l’anxiété sociale pendant six mois. À propos des retraites, sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire, qui ne plairait pas à tout le monde d’ailleurs. N’empêche : six mois. Dans le pire des scénarios de ma connaissance, le déficit du système français de retraites pourrait atteindre 27 milliards d’euros d’ici 2030. Et tout soudain, la France, l’Allemagne, l’Europe jonglent avec des centaines de milliards d’euros, pour commencer.

Il y a donc du fric. Deux immédiates questions. À quoi va-t-il servir entre les mains de ceux qui nous ont menés au désastre en sifflotant ? Et ne serait-il pas judicieux, pour une fois, de s’en emparer et de décider ensemble quel but écologique et social cette manne pourrait servir ? Une société libre a le devoir sacré de décider, après discussion et délibération, ce qu’on produit et à quelle fin. Non ?

Deuxième découverte des deux semaines passées : la politique bouge encore. J’ai assez écrit et décrit la soumission des politiques de tout bord à l’intérêt industriel pour m’interroger un peu. Une réunion au sommet, dix personnes au plus, deux heures de discussion, et l’on change les conditions de vie quotidienne d’un pays. Et l’on envoie promener du même mouvement, même si ce n’était évidemment pas l’intention, des entreprises considérables devant lesquelles on était couché en permanence. La leçon que j’en tire est évidente : on peut décider. On peut encore imposer sa loi. Certes, elle est aujourd’hui entre les mains de gens de très basse dimension humaine, mais cela pourrait changer demain. Non ?

Pour finir, la contrainte. Brutalement, on réalise que l’on peut imposer des mesures qui auraient paru dépourvues du moindre sens il y a quelques semaines. Au nom d’un intérêt supérieur, on peut donc limiter drastiquement la circulation, le déplacement, le mouvement presque. J’en rirais presque, pensant à cette ribambelle de crétins hurlant à la mort dès que l’on évoquait une mesure ferme contre le dérèglement climatique. Vous vous souvenez ? Halte à l’écologie punitive ! À bas les khmers verts ! Tous unis contre les ayatollahs de l’écologie ! Les avez-vous entendus hurler contre le confinement ? Pardi non, ils s’écrasent.

Bien sûr, ce confinement pose de graves problèmes politiques. Il n’est jamais bon de laisser la bride sur le cou aux appareils de coercition. Armée, police, services divers et parfois secrets ne lâchent pas volontiers la proie qu’on leur a laissée prendre. D’année en année – sur fond de djihadisme notamment – nous nous habituons à déléguer la sûreté de tous à des appareils spécialisés qui ne reflètent aucunement la société. Je ne dévoile pas un secret en disant que le vote lepéniste est exacerbé dans les casernes, les gendarmeries, les commissariats.

Néanmoins, les événements en cours me renforcent dans la certitude que lutter contre le dérèglement climatique et la sixième crise d’extinction ne pourra se faire dans le cadre que nous connaissons. Les formes actuelles, je le crois hélas, ne permettront pas de mobiliser les opinions à la hauteur souhaitable et pour tout dire obligatoire. En clair, je pense que la contrainte est désormais inévitable compte tenu du rythme des destructions en cours.

Je vois bien le risque d’être compris de travers. Je suis un amoureux définitif de la liberté, et je maudis tous les tyrans – de tous les rangs, de tous les camps, de tous les temps – et les tyranneaux. Je n’entends pas changer, et d’immenses combats pour la liberté s’imposent partout dans le monde. Mais selon moi, il va falloir arbitrer, plus que jamais. C’est-à-dire accepter qu’une décision collective puisse imposer sa loi à l’individu-roi de notre temps, ce chevalier à la triste figure de tant de réseaux sociaux. Mais à la condition impérieuse que se battre en vaille encore la peine. À la condition impérieuse que l’avenir que nous aurons forgé ensemble soit celui de tous. La liberté et la contrainte sont notre seul horizon discernable. Non ?

8 réflexions sur « Trois belles découvertes »

  1.  » Mais selon moi, il va falloir arbitrer, plus que jamais.  »

    A mon avis, l’expérience des Conventions de Citoyens proposées par l’association Sciences Citoyennes pourrait aider à faire émerger le concessus entre chercheurs, politiques, homme de la rue …

    Personnellement, leur approche m’a positivement marqué.

    Qu’en penses tu ?

    PS Jacques Testart est impliqué dans cette asso.

    1. Cher Jean-Gabriel,

      Hum. Je juge évidemment impossible de redémarrer de zéro. Et quelqu’un comme Testart – et tant d’autres – a toute sa place dans la perspective d’un grand renouveau. Mais je crois aussi que les anciennes structures doivent être remplacées par d’autres. Amitiés,

      Fabrice Nicolino

  2. Lu, merci bcp. C’est clair comme toujours, c’est affûté; c’est ce que l’on sent ou pense;
    sans oser se le dire parfois
    sans parvenir à se faire comprendre souvent

  3. Il y a exactement 6 mois, Frédéric Jacquemart, président de la FRAPNA Ardèche, docteur en médecine, docteur ès-sciences, chercheur sur la complexité et la transdisciplinarité, membre de l’Institut des Systèmes Complexes, président du GIET (Groupe International d’Études Transdisciplinaire), donnait une conférence grand public dont le titre était :

    « Changement global et maladies émergentes »

    Etant donné la situation, nous avons fait l’effort de traiter l’enregistrement et de le mettre en ligne en fichier audio :

    https://www.fne-aura.org/actualites/ardeche/comprendre-les-maladies-emergentes/

    Mettez un petit casque sur vos oreilles, calez vous dans un bon fauteuil et faites plaisir à vos neurones pendant 70 minutes, en douceur ! Tout devient limpide, intelligible et des pistes pleines d’espoir commencent même à émerger. En toute lucidité !
    Extrait prononcé le 20 septembre dernier :  » La progression de ces épidémies est de type exponentielle. […] Il y a le feu au lac. Et si on ne réfléchit pas à ça, on risque de se retrouver devant des problèmes extrêmement compliqués à résoudre. […] C’est un sujet qui doit être considéré et qui ne l’est pas actuellement dans les programmes politiques et les décisions politiques. »

    LIEN A DIFFUSER SANS MODERATION !

    PP

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