M.Mélenchon, la Chine et la Russie

Je remets en service ce papier de novembre 2021, quand on ne parlait pas encore, par chance, de Poutine et de l’invasion de l’Ukraine. Avais-je si tort ? M.Mélenchon avait-il bien raison ? On jugera.

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L’article :

Il est certain que je n’aime guère le parcours de ce monsieur Mélenchon, que suivent néanmoins tant d’excellentes personnes. Je n’aime pas ses années dans le groupe nommé OCI, pour Organisation communiste internationaliste, car on y pratiquait le sexisme le plus bas, la triche aux élections universitaires, la violence contre tous ceux jugés gênants, et jusqu’au refus dédaigneux de participer au mouvement de mai 1968. Je n’aime pas davantage ses 31 ans passés au parti socialiste, où il aura pu exercer les pratiques apprises plus tôt. Avant de devenir ce qu’il a toujours été : un politicien professionnel.

Mais baste ! Il est écologiste, n’est-ce pas ? Eh bien non. Il est écologiste comme Mitterrand – son héros, je le rappelle – prétendait terrasser le capitalisme. Je ne doute pas qu’une partie de lui est sincère, mais laquelle, et jusqu’où ? J’ai été une nouvelle fois frappé par ses déclarations au sujet de la Chine, et de la Russie. En octobre 2012 – neuf ans déjà -, il estimait ceci : « Je considère que le développement de la Chine est une chance pour l’humanité ». Et le voilà maintenant qui se livre à de surprenants développements « géostratégiques ».

D’abord le 20 octobre dernier, face au journaliste Jean-Jacques Bourdin, il assure que « les Chinois n’ont pas l’intention d’envahir Taïwan, mais si Taïwan se déclare indépendant, alors il est possible que la Chine, à juste titre, trouve qu’une ligne rouge a été franchie ». C’est déjà très extraordinaire, car j’ai un peu honte de rappeler que la Chine est un État totalitaire. Taïwan, par ailleurs, a une histoire fort complexe, au cours de laquelle des peuples aborigènes ont été envahis par des Chinois venus du continent. L’île a aussi été vendue au Japon en 1895 avant de redevenir « chinoise ». Dans ces conditions, pourquoi M.Mélenchon, qui ne connaît rien à la situation, prend-il le parti de la dictature en justifiant à l’avance une invasion ?

Le 11 novembre, M.Mélenchon accorde un entretien au Figaro, et déclare : «Je ne crois pas à une attitude agressive de la Russie ni de la Chine. Je connais ces pays, je connais leur stratégie internationale et leur manière de se poser les problèmes. Seul le monde anglo-saxon a une vision des relations internationales fondée sur l’agression. Les autres peuples ne raisonnent pas tous comme ça ». De nouveau, c’est très singulier. La Chine, en effet, est l’histoire même d’agressions contre les autres peuples et de conquête de territoires.

L’origine de l’expansion chinoise se situe dans le bassin intérieur du fleuve Jaune, et pendant des siècles, les guerriers chinois n’ont fait qu’avancer, ajoutant à l’Empire des provinces comme la Mongolie intérieure, la Mandchourie, le Xinjiang, le Tibet. Quant à la Russie, n’a-t-elle pas conquis l’Asie centrale, la Sibérie, le Caucase, pratiquement annexé les pays baltes ? Et ne parlons pas des pays de l’est de l’Europe après 1945, privés de liberté par la seule présence de l’Armée rouge, ou l’Afghanistan. Dans ces conditions, est-il vrai que M.Mélenchon connaît bien ces pays ?

Reposons la question : est-il écologiste ? S’il le croit, franchement, c’est qu’il est mal informé sur lui-même. Car la Chine est le plus terrible ennemi existant des écosystèmes. Bien entendu, le capitalisme, les transnationales, notre hyperconsommation de biens matériels, Macron, Biden et tous autres participent aussi à la destruction du monde. Mais la Chine pose des problèmes immédiats d’une autre nature. Une partie notable de son 1,4 milliard d’habitants veut consommer comme chez nous. Aussi stupidement. Aussi irresponsablement.

Car ce n’est possible qu’au prix d’une accélération mondiale vers le collapsus écologique. La Chine, pour commencer, ne dispose que de 9% des terres arables de la planète et doit nourrir 22% de la population mondiale. Avec de plus en plus de viande, ce qui impose des surfaces colossales de pâturages et de cultures pour nourrir les animaux. Qui n’existent pas en Chine. Telle est l’une des raisons, avec le pétrole et le gaz, qui a poussé la Chine totalitaire à s’imposer en Afrique, du nord au sud et de l’ouest à l’est, à y accaparer des terres par millions d’hectares, à y vendre massivement ses colifichets, à y construire routes, ports et chemins de fer, à câliner des élites qui connaissent de longue date le délice des comptes secrets. La Chine en Afrique ? C’est notre Françafrique des années 60, à la puissance dix.

Si vous avez le moindre doute, et si vous comprenez un peu l’anglais, je vous en prie, lisez ceci. Je n’ai pas le temps de plus détailler. Mais la Chine est partout où il est question de saloper le monde. Les forêts du Cambodge et du Laos, si uniques, sont dévastées par ses bûcherons, et tant d’autres par le monde, jusqu’en Sibérie, jusqu’au Guyana, jusqu’en France, d’où l’on expédie nos plus beaux hêtres. Le fleuve Mékong, l’une des grandes merveilles du monde, est en train de mourir, barbelé de quantité de barrages hydro-électriques dont l’énergie est aussitôt envoyée en Chine. Même l’Arctique, le fond de l’océan Arctique, avec son pétrole et son gaz, est devenu une cible.

Et cela ne suffit pas. Et cela ne suffira jamais. En dehors de la dévastation de la Grande Prairie américaine par les pionniers – et ses suites -, je ne vois guère d’équivalent dans l’histoire des hommes. Pour en revenir à M.Mélenchon, écologiste, vraiment ? Qui est incapable de comprendre le rôle si majeur de la Chine mérite-t-il le qualificatif ? Hum.

15 réflexions sur « M.Mélenchon, la Chine et la Russie »

  1. Bonsoir Fabrice,

    L’article que vous citez est publié 2 fois de suite ce qui rend sa compréhension compliquée.
    Il faudrait supprimer les parties inutiles.
    Très cordialement

    1. M. Mélenchon lorsqu’il dit que la France doit « s’allier avec la Chine et l’Inde pour isoler la Russie » perds certainement un peu les pédales car l’Inde n’a pas très envie de s’allier avec la Chine (et la Chine ne comprends pas pourquoi) et en ce moment et pour autant qu’on puisse deviner le futur c’est plutôt la Chine et la Russie qui s’allient pour isoler l’Europe.

      Mais en ce qui concerne la France, j’espère que la guerre en Ukraine est l’occasion de voir que « le roi est nu » et de mettre fin à l’OTAN sa branche civile l’Union Européenne, qui sont des outils de terreur domestique (de la bombe de la salle d’attente de la gare de Bologne aux attentats de Paris 2015) et d’assujettissement.

      Les pays Européens jouissent d’un prestige extraordinaire en Asie. L’OTAN et l’Union Européenne n’ont fait que détruire ce prestige.

  2. Bonjour Fabrice, très heureux de te voir écrire à nouveau dans ce blog même si c’est une redite.
    Par contre, il faudrait supprimer les 8 derniers paragraphes à partir de « Mais baste » car ils sont une copie exacte des 8 précédents !
    Au plaisir,
    Marc L.

  3. “Toujours lire la totalité de l’énoncé avant de répondre », nous ont jadis fréquemment répété nos maîtres d’école.
    Propos utiles, mais volatiles hélas …
    Sinon nous n’aurions pas à lire ces curieux commentaires :  » … supprimer les parties inutiles.“ , “ supprimer les 8 derniers paragraphes … copie exacte des 8 précédents !“
    Merci Fabrice
    J-C L.

  4. L’apparent déplacement du centre de gravité du monde s’accompagne inévitablement de confusion et de querelles, utiles ou inutiles, qu’en sais-je ? Au moment où nous découvrons que le sens même des mots change alors que nous aimerions tant qu’ils restent, ces mots, stables comme nos souvenirs d’enfance, nous devons nous souvenir que même si le centre de gravité du monde peut changer, notre propre centre de gravité individuel reste bien en place, et que les mots c’est toujours nous qui les créons, nous en demeurons responsables, et donc entièrement maîtres. Y aura-t-il un nouveau centre du monde ? Nous n’en savons rien, car pour le moment c’est plutôt l’émergence d’un monde qui n’a plus de centre, un monde où il n’y a plus de « centre-ville » et de « banlieue », et où chacun est, de par la condition moderne, au centre du monde.

  5. Francis Kéré gagne le prix Pritzker. Apres Lacaton et Vassal l’année dernière, voici les signes du changement de paradigme de ma génération. Lorsque j’étais étudiant, il n’y avait pas un seul livre par, ni sur, Hassan Fathy dans la bibliothèque de mon école d’architecture. Il n’était mentionné que par un seul de mes professeurs, Brian Brace Taylor, dans le cadre de son cours sur l’architecture « en développement », ce qui était interprété par nous étudiants comme « marginale », ou pire encore, « folklorique », voire « anecdotique »… avec un sourire en coin! Fathy avait l’âge de mon grand-père, le livre qu’il a écrit vers la fin de sa vie en 1969 fut acheté par mon père, mais seuls les étudiants d’aujourd’hui, de l’âge de mes enfants, commencent à l’étudier dans leurs écoles d’architecture. Les idées les plus radicales sont souvent les plus lentes, et les changements tectoniques ne sont pas observés par leurs contemporains.

  6. On peut percevoir le changement de paradigme ainsi: Lorsque j’étais étudiant, les constructions de gens comme Francis Kéré étaient perçues comme « alternatives », « marginales », et en fin de compte, « anecdotiques » c’est à dire pas essentielles. Cette catégorisation était tellement inévitable, surtout en France, pays « intellectuel », que c’était même la traduction du titre du livre « Shelter » par l’américain Lloyd Kahn: « Habitats, constructions traditionnelles et marginales », publié par les (excellentes au demeurant) « éditions alternative et parallèles ». Il n’y avait tout simplement pas d’autre moyen de donner au public susceptible de lire ce livre, une idée de son contenu. L’Américain était comparativement plus simple et direct, et en fin de compte, véridique! Mais aujourd’hui en regardant les œuvres de Francis Kéré, on ne peut s’empêcher de trouver celles qu’il a fait en Angleterre ou aux Etats-Unis plutôt « précieuses » et pour le coup, anecdotiques! Alors que ce qu’il a fait en Afrique semble puiser beaucoup plus dans les profondeurs, va à l’essentiel, parle le langage de l’universel. Chacun, architecte ou non, peut le percevoir.

  7. Des raisons d’avoir confiance !

    Le Covid et la mort de Luc Montagnier ont remis en lumière une révolution scientifique en cours: La relation entre les ondes et la vie!

    Pierre Fournier dans La Gueule Ouverte évoquait déjà André Faussurier, prof à la Catho de Lyon, qui plus tard dans les années 1980 étudiait les ondes électromagnétiques émises par la vie.

    Fabrice Nicolino nous informait ici des recherches poétiques et fructueuses -contrastant avec tant de recherches inutiles voire destructives- de Joël Sternheimer:
    https://fabrice-nicolino.com/?p=1253

    Et Luc Montagnier, qui – excusez du peu- a identifié le virus du SIDA à l’époque où le Dr. Antony Fauci recommandait, ça ne s’invente pas, de ne pas laisser les enfants s’approcher des malades du SIDA, et faisait la promotion, déjà, d’un médicament tueur appelé AZT, Dr. Luc Montagnier donc, étudiait depuis les 20 dernières années les relations entre l’optique et la biologie, à la suite des travaux du Professeur Benvéniste.

    C’est étrange que la dualité onde-particule, formulée par Einstein pour la lumière puis généralisée par De Broglie pour la matière, a été vite acceptée en physique, mais est si vigoureusement -violemment, même- opposée en biologie. Est-ce pour une raison religieuse, à la base du pouvoir techno-politique actuel ?

    Faussurier, Benvéniste, Montagnier, Sternheimer… Filiation magnifique d’une révolution, lente mais infatigable !

  8. Cher Fabrice Nicolino, et ce « cher » n’est pas une formule de politesse car nous sommes nombreux à te lire, à guetter tes articles tout comme je guettais ceux de Delfeil, de Jacques Drillon et de Pierre Jourde, des esprits libres : le même punch dans des domaines différents certes mais quelle plume, quelle science, quel à propos. Je reviens sur ton dernier article (16 mars 2022) de « Charlie-Hebdo ». Tu écris: « Entendu l’autre jour Jean-Marc Jancovici vanter une nouvelle fois cette énergie [le nucléaire] pour lutter contre le dérèglement climatique. C’est un excellent connaisseur des questions énergétiques, aussi intelligent qu’imbu de lui-même (jancovici.com). Mais cela ne prémunit pas contre la sottise. » Je ne sais pas si Jancovici est imbu de lui-même, je me souviens d’une émission (2019) où il s’entretenait avec Guillaume Erner sur France-Culture, Jancovici était effectivement tranchant mais c’est que, face à lui, en effet, il convient de bien préparer arguments et objections, sinon tu te fais ratatiner. (Erner avec courage et humilité réinvita Jancovici quelques mois plus tard). Se faire ratatiner c’est ce qui arriva naguère à Maria-Antonietta Macciocchi en 1983 lors d’une célèbre émission d' »Apostrophes » sur la Chine précisément quand Simon Leys prit la parole. La collection « Tracts » de Gallimard s’honorerait à vous accueillir tous les deux, Jancovici et toi Fabrice, le débat serait à coup sûr passionnant. Bien amicalement, Jacques Faule

  9. Le nucléaire, le covid, le changement climatique, tout ça va continuer, totalement indépendamment de la science ou de la technique sous-jacentes, simplement parceque ce sont de formidables outils de gouvernement, qui permettent au pouvoir de prendre des décisions au nom de principes supérieurs moralement hors de portée en se cachant derrière une science ésotérique qui demande des experts du plus haut niveau et des financements et des moyens techniques énormes, hors de portée des citoyens, et politiquement complètement contrôlables.

    Se méfier des débats apparemment techniques qui en fait nous forcent à prendre position sur des critères émotionnels et moraux.

    Le début de l’éthique c’est de prendre le pouvoir de ses propres connaissances. Sans cela la liberté n’est qu’un leurre et sans liberté pas d’éthique possible.

  10. Une autre révolution scientifique discrète: La découverte ces 30 dernières années de la théorie moderne du confort, dite « adaptive », qui donne aux citoyens et aux architectes des moyens scientifiques pour lutter contre le fanatisme de la climatisation qui nous mène à l’abime. Mais ce qui distingue vraiment ces nouvelles découvertes, et qui explique peut-être la résistance à leur emploi et à leur compréhension, c’est qu’elles reconnaissent l’être humain comme un être vivant et pas comme un moteur thermique. En fait cette théorie explique les données autrement inexplicables de la théorie précédente, celle de Fanger sur laquelle reposent les standards de l’industrie de la climatisation, notamment par la tolérance, dont on observe qu’elle augmente avec l’activité physique et diminue avec elle (exactement le contraire de ce que font les machines, qui s’usent plus vite lorsqu’elles tournent plus vite), au point de converger vers zéro lorsque l’activité devient nulle: Celle d’un corps mort. Autrement dit, seuls les êtres vivants, non morts, ont une tolérance non nulle et sont par conséquent capables d’être satisfaits de leur environnement. C’est un retournement conceptuel qui explique beaucoup de choses et redonne du pouvoir aux citoyens et aux architectes.

    Cette théorie donne des bases scientifiques aux travaux de pionniers comme Hassan Fathy et Baruch Givoni, qui faisaient « de la théorie adaptive du confort » sans le savoir !

    Ce lien donne un récit autobiographique en Anglais d’un des créateurs de cette théorie, Rev. Michael Humphreys :

    https://www.buildingsandcities.org/insights/research-pathways/creating-adaptive-thermal-comfort.html

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