D’abord merci à l’un de mes lecteurs, Maraudeur, qui me signale une nouvelle qui m’avait échappé. Je signalais l’autre jour une grande farce en cours au parc national des Pyrénées (ici). L’État – qui, dans l’État ? – avait décidé de nommer au conseil d’administration de ce parc une ennemie jurée de l’ours. En lieu et place de l’association régionale de protection de la nature, qui détenait depuis des lustres ce strapontin.
Bon, quelles sont les nouvelles ? Il y a recul, et la madame qui déteste tant les ours n’aura finalement pas son siège au conseil d’administration (ici). Ce pourrait être un moment de joie partagée pour tous ceux qui disent – j’en suis – que l’ours a sa place, toute sa place, dans ce grand paradis que sont les Pyrénées. Mais la fête, si elle a lieu, se fera sans moi.
J’ai sous les yeux le texte de l’Uminate, l’association régionale fédérée à France Nature Environnement. La vie reprend. Celle d’avant. Celle des réunions calmes et sages. Celle des compromis qui se changent peu à peu en compromissions. Je n’accuse pas des personnes, je désigne un processus par lequel ceux qui devraient défendre la vie sauvage ne cessent de reculer et de s’excuser d’être encore là. Je le rappelle, l’ours est dans ce pays que nous occupons depuis environ 250 000 ans, une époque où les humains ne se bousculaient pas au portillon.
En quelques petits siècles, le déclin de cette espèce fabuleuse n’a cessé de la rapprocher du néant, en France du moins. Ne remontons pas à ce bon vieux Mathusalem. L’ours était présent en Franche-Comté il y a 150 ans seulement. Dans les Alpes, jusqu’en 1937, date à laquelle les Pyrénées « françaises » en abritaient encore entre 150 et 200. En 1954, il en restait sans doute 70, et 36 en 1970. Et 18 en 1981. En 1988, le 6 octobre précisément, notre Mitterrand proclamait sans rire : « En 1982, j’avais lancé un appel pour la sauvegarde de l’Ours ; et bien ! Je recommence ! », ajoutant ce mot admirable : « À quoi servirait-il de protéger les ours si dans un même moment on détruit leur habitat ? ».
Et en effet, vieux renard, à quoi bon ? Il n’y a pratiquement plus d’ours autochtones dans les Pyrénées. Deux, peut-être trois entre Ossau et Aspe, auxquels il faut ajouter ceux qu’on a fait venir de Slovénie, et qui ont été relâchés dans les Pyrénées centrales. Une génération humaine aura suffi pour achever 250 000 années de présence ursine. Un tel désastre mériterait peut-être qu’on s’y arrête. Qu’on réfléchisse. Qu’on parle avant que d’agir d ‘une manière enfin déterminée contre tous ceux qui empêchent la cohabitation.
Je constate que bien des acteurs, y compris du côté naturaliste, sont incapables du courage nécessaire au sursaut. Il faut, il faudrait une assemblée constituante, seule capable de définir une vraie stratégie, et de s’y tenir. Une stratégie enfin offensive, unifiant toutes les forces disparates qui défendent encore l’animal. Cela ne serait peut-être pas suffisant, certes. Mais c’est devenu nécessaire. Obligé. Jouer le jeu de la concertation avec des gens et des structures qui ont tué ce rêve sans égal ne peut mener nulle part. Ne mène nulle part. N’aura mené qu’à la destruction définitive du pacte immémorial passé sans un mot entre nous et eux.
Croyez-le ou non, mais j’ai honte.