Archives de catégorie : Santé

Chimie, pesticides, air, pollutions en tous genres

Réveillé

Je n’ai qu’un minuscule et provisoire accès au net. Excusez donc ma brièveté. Je suis réveillé, mais grandement plâtré, et immobilisé pour des semaines… C’est un peu dur.

Le magnifique soleil du dehors est voilé par un insupportable nuage de pollutions diverses. On ose conseiller aux vieux, aux malades, aux gosses de se planquer. Surtout ne pas courir ! Surtout ne pas ennuyer Peugeot, notre beau champion du diesel !

Avez-vous vu que l’Ademe, agence publique normalement à notre service, a enterré sur ordre ministériel – madame Royal – un rapport qu’elle avait pourtant commandé ? Il est vrai qu’il conclut que la France pourrait être alimentée à 100 % par des énergies renouvelables dès 2050. Pour moins cher que le nucléaire. Et voilà pourquoi les atomistes associés, de droite comme de gauche, ne veulent pas que l’on sache.

J’embrasse qui le souhaite et je salue de ma chambre tous les autres.

150 milliards d’euros dans la benne (les perturbateurs endocriniens)

Avant de vous dire deux mots ce qui suit, je tiens à préciser que je suis immensément loin de mon état normal. Je n’ai pas envie de m’étendre sur le sujet, mais je n’ai que peu de moments de véritable activité. Par ailleurs, que les innombrables auteurs de billets de soutien sachent que je lis tout, absolument tout. C’est pour moi une bénédiction, mais je suis dans l’incapacité physique – et psychique – de répondre. Au moins pour le moment. Je suis très heureux de vous avoir.

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Lisons ensemble cet éditorial du journal Le Monde. Ceux qui ont lu ou liront mon livre Un empoisonnement universel ne seront guère surpris : le désastre est vraiment colossal. Ceux qui nous gouvernent, qui n’ont que les mots de l’économie à la bouche, ne sont pas même capables de s’attaquer à un problème qui coûte au bas mot 150 milliards d’euros à l’Europe. Le comble est qu’ils sont dans une certaine logique : toutes les dépenses de santé liées aux perturbateurs endocriniens ne sont-elles pas un moteur, au moins auxiliaire, de la croissance ?

Que dire de nos pauvres ministres ? De Ségolène Royal, dont la principale activité consiste à chercher des trucs susceptibles de lui valoir un passage au JT ? Et de Marisol Touraine, en charge toute théorique de la santé publique, et qui connaît sans doute à peine l’expression « perturbateurs endocriniens » ?

Perturbateurs endocriniens : l’Europe irresponsable
LE MONDE | 06.03.2015 à 11h31 • Mis à jour le 06.03.2015 à 13h29

Editorial du Monde. Les chiffres sont ahurissants. Jeudi 5 mars, une vingtaine de biologistes, d’épidémiologistes et d’économistes de la santé ont publié la première estimation du coût économique, en Europe, des perturbateurs endocriniens (PE). Les dégâts sanitaires engendrés par l’exposition à ces substances omniprésentes dans l’environnement domestique et la chaîne alimentaire – pesticides, plastifiants, conditionnements, solvants, cosmétiques, etc. – sont estimés par les chercheurs à quelque 150 milliards d’euros au moins, en coûts directs (frais de santé, soins…) et indirects (absentéisme, perte de productivité économique…). Soit 1,2 % du produit intérieur brut des Vingt-Huit ! Pourtant, aussi énormes qu’ils puissent paraître, ces chiffres sont encore lourdement sous-estimés. En effet, la plus grande part des effets sanitaires de ces PE n’a pas été prise en compte, faute d’avoir pu être chiffrée par les chercheurs.

La publication de ces travaux intervient alors que Bruxelles a échoué à tenir ses engagements pour réguler enfin ces substances, qui touchent l’ensemble de la population. La Commission s’était engagée de longue date à publier, au plus tard en décembre 2013, les critères définissant ces fameux PE. Une telle définition est le préalable nécessaire pour réglementer leur utilisation par les industriels. Soumise à un lobbying intense – documenté sans ambiguïté par le travail d’organisations non gouvernementales et de journalistes –, la Commission a renoncé à respecter ce délai, arguant de la nécessité d’évaluer l’impact d’une réglementation de ces molécules sur les entreprises européennes.

La démarche même de la Commission soulevait de sérieuses questions. L’ambition d’une politique de santé publique doit-elle être soumise à son impact sur quelques secteurs économiques ? La réponse s’impose d’elle-même. Le monde académique a pris le problème suffisamment au sérieux pour qu’une vingtaine des meilleurs spécialistes du dossier rappellent à Bruxelles qu’une réglementation stricte des PE produira aussi des bénéfices considérables, dont profiteront les finances publiques et l’économie européenne dans leur ensemble.

Défiance
La Commission de Bruxelles n’a donc plus l’excuse économique pour tarder à prendre des décisions qui s’imposent. La littérature scientifique n’est pas seule à protester contre les atermoiements de l’Europe. En novembre 2014, la Suède a lancé une action en carence contre la Commission devant la Cour de justice de l’Union. Le 16 janvier, le Conseil européen s’est prononcé à une forte majorité pour soutenir la démarche de Stockholm.

L’incapacité de la Commission, sur le dossier des perturbateurs endocriniens, à faire passer l’intérêt général avant les intérêts particuliers de quelques grandes entreprises n’a pas seulement des conséquences sanitaires et économiques. Elle alimente la défiance à l’égard des institutions européennes. Le Front national, qui commence à flairer un filon prometteur, ne s’y est pas trompé. Pour preuve, cet étrange communiqué de presse diffusé le 4 mars par le parti de Marine Le Pen, fustigeant le laxisme de Bruxelles sur le bisphénol A, le plus célèbre des perturbateurs endocriniens, interdit en France dans les contenants alimentaires depuis le 1er janvier. Il serait irresponsable de fournir aux populistes des motifs supplémentaires de soupçonner l’Europe de tous les maux.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/03/06/perturbateurs-endocriniens-l-europe-irresponsable_4588756_3232.html#DH8SJ8EPdTwJxOH5.99

En avant vers notre grandiose Salon de l’Agriculture

Mes chers amis, mes chers non-amis, mes si chers lecteurs, quelques nouvelles. Pour ceux qui l’ignorent, j’ai reçu plusieurs balles au cours de l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, le 7 janvier dernier. Je suis toujours à l’hôpital, toujours en attente de nouvelles opérations. Je n’entre pas dans des détails plutôt pénibles, mais de nouveaux dégâts apparaissent. Rien d’irrémédiable, mais beaucoup de tracas en perspective. Je ne me plains pas. Comment oserais-je ? Chaque jour, j’entends de la bouche des soignants et soignantes de nouvelles histoires, extraordinaires à mes oreilles. Et puis j’attends. 44 jours.

Pour le reste, je vois que la politique coutumière suit son chemin. François Hollande, Manuel Valls, Stéphane Le Foll ont, ainsi que je vous l’ai écrit plus d’une fois, dealé avec l’un des plus grands ennemis de la nature de notre pays, Xavier Beulin. Beulin, céréalier industriel de la Beauce, est à la fois le président de la FNSEA, abusivement présenté comme un syndicat paysan, et P-DG de la multinationale de l’agro-industrie Sofiprotéol, dont le chiffre d’affaires dépasse les 7 milliards d’euros par an.

De multiples exemples attestent de cet accord discret, dans lequel je vois une profonde connivence. À l’approche du Salon de l’Agriculture, qui ouvre ce samedi en présence de François Hollande, notons ensemble quelques points. Le 2 février, le président de la République reçoit Beulin, qui annonce froidement une forte houle pendant le salon de l’Agriculture. La France Agricole en ligne ajoute : « Le couple agriculture-environnement, “sujet emblématique” du secteur agricole, a également été abordé par le responsable syndical. Il a rapporté au chef de l’Etat l’exaspération du terrain sur de nombreux sujets tels que la simplification administrative ou encore la difficulté pour les éleveurs d’obtenir des autorisations pour les installations classées ».

Eh bien, la réponse n’a pas traîné. Dès hier, le gouvernement annonçait l’assouplissement des conditions d’ouverture des élevages industriels de volaille : jusqu’à 40 000 bêtes, seul l’enregistrement sera nécessaire. En outre, les contrôles environnementaux se trouveront allégés, et la durée de recours juridique contre les élevages industriels sera réduite. Rien que des cadeaux à l’agriculture industrielle. Le pire, que même Sarkozy n’avait osé.

Commentaire de Jean-François Piquot, porte-parole d’Eau et Rivières de Bretagne (ERB), l’une de nos vaillantes associations : « Alors que la pollution de l’eau coûte chaque année plus d’un milliard d’euros au consommateur, ces mesures corporatistes (…) ne peuvent que dégoûter les citoyens soucieux de l’environnement et renforcer leur défiance à l’égard des responsables politiques. » 

La messe serait donc dite ? Elle l’est, et depuis le début. Derrière le rideau de scène, la ferme des 1000 vaches, que nos compères Hollande-Beulin soutiennent de toutes leurs forces coalisées depuis le début. Le Foll, sur ordre volontairement consenti, a choisi l’industrie contre l’agriculture paysanne. La FNSEA contre la Confédération paysanne. L’infernale pollution des sols et des eaux contre le dynamique essor de la production bio. Le grand massacre de bêtes contre le respect dû à toute créature vivante.

Qu’ajouter ? Ces gens me font honte.

Quelques mots avant de me rendormir

Mes amis, mes chers amis, mes chers lecteurs, quelques nouvelles du front intérieur. Je suis encore à l’hôpital, en attente de deux opérations. Cela fera quatre au total si l’on s’arrête là, ce qui n’est pas certain. Je vois le monde au travers d’un voile éthéré, tout est ralenti, et dans le même temps chronométré. Je découvre le monde de la kinésithérapie.

J’en profite pour dire et répéter à quel point je suis merveilleusement traité. Je parle à tout le monde, ébahi par le savoir et le destin de tant d’êtres anonymes. Je ne peux vous conter dans le détail l’histoire des 13 filles rousses, digne des Mille et Une nuits. Je me laisse bercer par des récits de Kabylie, du Mali, de Gambie, du Laos. C’est un tour du monde immobile.

Je mentirais en vous disant que je pense. Mon esprit est comme engourdi, et mon attention faiblit après un quart d’heure d’application. Les médicaments de toute sorte font la sarabande dans mon corps. Et moi qui ai publié un livre sur un « empoisonnement universel » ! Ça y est, je faiblis déjà, laissez-moi donc vous embrasser. Même mes adversaires ? Il le faut, au moins l’espace d’un soulagement. Je ne répéterai jamais assez qu’il nous faut unir. Sur des bases claires – d’où ma virulence -, mais dans une unité aussi complète qu’il sera possible.

Je vous laisse. J’essaierai d’écrire plus souvent dans les jours qui viennent. Je ne peux m’occuper pour l’instant des mails que vous adressez à planetesansvisa@yahoo.fr, pour me dire vos articles préférés de Planète sans visa. Mais je vous jure que rien ne sera perdu, et je vous adjure de continuer, encore et toujours. Merci, merci infiniment d’être là.

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J’aime profondément les oies cendrées, et tous les oiseaux du monde. Madame Royal, ministre de l’Écologie, a signé le 28 janvier une circulaire scélérate qui rappelle hypocritement, pour commencer, que la chasse aux oies cendrées est interdite à partir du 31 janvier. Telle est la loi. Mais le texte mitonné à petit feu par nos services spécialisés ajoute qu’aucun procès verbal d’infraction ne sera dressé avant le 9 février. Ce qui laisse neuf jours de braconnage légalisé aux tireurs fous de la chasse.

Or donc, de splendides oiseaux, retour d’Andalousie et en direction de l’Écosse et des pays scandinaves, vont être abattus pour complaire au lobby du flingue. C’est de la politique. Leur politique.

Mais vous aussi, tenez bon !

(J’ai de nouveau accès au Net, mais sans garantie que cela dure. Et même ainsi, je ne peux communiquer qu’un tout petit peu)

Bonjour à vous tous. Je ne peux entrer dans les détails, mais mon séjour à l’hôpital va se prolonger. On parle d’une troisième opération, ce qui est une détestable perspective. Je reste très étonné de mon sursaut des premiers jours, qui m’a permis de vous écrire, car j’en aurais été incapable depuis.

Sur le fond, je suis et demeure comme frictionné par vos innombrables messages. Encore une fois, je suis bien incapable de répondre pour le moment. Mais soyez certain(e)s qu’ils me sont vitaux. Puis-je vous demander de continuer à écrire à planetesansvisa@yahoo.fr, en me signalant les deux ou trois textes de Planète sans visa qui vous ont le plus marqué(e)s ?

Un phénomène étrange s’est invité chez moi. Comme le signalent certain(e)s d’entre vous, il règne ici un sentiment merveilleux, celui de la fraternité. Je n’oublierai jamais. Je chasserai peut-être le pire de ma mémoire, mais cette fraternité-là, jamais.