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Prendre BP à la gorge (et serrer)

Baptiste est un adepte du boycott. Un adepte très convaincant, un adepte si convaincant qu’il m’a convaincu que cette forme d’action peut être une arme fatale, à condition de bien s’en servir. Mais qui veut s’en servir ? Je suis stupéfait, et le mot est encore faible, par notre total(e) inertie. BP, la transnationale BP a créé un site internet pour parler de la merde qu’elle a répandue sur le monde. Allez-y voir, il y a des pages en français (ici). Foutage de gueule garanti par le bénéfice net du second semestre 2009 de BP, soit 4,39 milliards de dollars. Dernier message, daté d’hier seulement : « Comment signaler un litttoral pollué ? Veuillez contacter le numéro vert suivant (866) 448-5816 ».

Vous avez par ailleurs entendu parler du discours d’Obama à la nation américaine, prononcé depuis le bureau ovale de la Maison Blanche. Je n’insiste pas, cela tournerait à l’insulte contre un chef d’État. Après avoir parlé il y a un couple de jours de « 11 septembre écologique », le président a résumé avec force et détermination sa complète impuissance. Blablabli, blablablo. 17 000 gardes nationaux – avec des pelles et des rateaux dans les bayous ? -, BP paiera, il faut des énergies propres. Pauvre grand garçon perdu dans l’immensité.

Évidemment, il y a autre chose à faire. Et c’est même très simple. Il faut organiser un boycott mondial et définitif contre tous les produits liés à BP. De la sorte, et à supposer que cela marche, cette entreprise criminelle – on sait qu’elle n’a tenu aucun compte des avertissements annonçant la catastrophe – serait cassée en deux. Comme ces tankers échoués sur les plages d’ici et d’ailleurs. Cassée en deux, comme le Torrey Canyon, l’Amoco Cadiz, l’Exxon Valdez. Cassée, c’est-à-dire détruite à la racine, dispersée aux quatre vents mauvais qu’elle n’a cessé de faire souffler sur ses propres braises.

Cassée. Ce n’est pas que BP serait pire que Total ou Shell. Elles sont toutes identiques. Elles se valent, de la Birmanie aux truandages irakiens du programme « pétrole contre nourriture », en passant par la tragédie biblique du delta du Niger. Bien entendu, ces salauds sont des salauds ontologiques. Et c’est bien pourquoi il faut, il faudrait briser en deux BP. Ainsi, ainsi seulement les autres comprendraient ce qu’il y a à comprendre. Que nous ne voulons plus. Que nous préférons de très loin leur mort à celle d’un oiseau. Alors peut-être commenceraient-ils à faire attention. À ne plus affréter sous pavillon dissimulé des pétroliers en bout de course. À ne plus ruiner des peuples. À ne plus dévaster des espaces. À ne plus corrompre les satrapes, sans lesquels leur commerce mortuaire s’arrêterait dans les sables.

Mais j’écris cela sans y croire une seconde. Car ma vérité est bien plus directe. Il faut les détruire tous, sans transiger jamais. D’autant qu’à mesure que le pétrole deviendra plus rare, leur compétition deviendra plus folle. Leurs moyens de gangsters se changeront en méthodes d’assassins, et nous auront fatalement d’autres explosions de plate-formes, d’autres marées noires géantes, d’autres pollutions sans rivage. Non, la seule manière d’en sortir, c’est de les abattre. Et de proclamer un service universel de l’énergie, capable de réguler l’offre équitablement, en fonction de l’évolution de la crise écologique.

Ces beaux esprits qui écrivent tant de tribunes creuses dans les gazettes, les mêmes qu’on entend à la radio, les mêmes qu’on voit à la télévision, n’ont plus que le mot – atroce – de « gouvernance » au bout de la plume. Ils y ajoutent désormais l’adjectif « mondiale », comme pour montrer à quel point ils réfléchissent. « Gouvernance mondiale » toi-même ! Passons aux actes, et laissons de côté les mots dérisoires des bateleurs. Bâtissons une autorité supérieure se substituant à ces compagnies pétrolières qui préparent déjà leur reconversion dans ces « énergies propres »  chères au cœur d’Obama. Utopique, impossible, délirant ? Bien moins que les misérables croyances des puissants du jour. Ces derniers ne pensent-ils pas que leur monde malade, perpétuellement au bord de l’explosion finale, épuisé comme le serait un roquentin de 120 ans, a encore tout l’avenir devant lui ?

Ce n’est pas parce que le rêve semble hors de portée qu’il faut lui préférer la réalité. C’est parce que la réalité est impossible qu’il faut la changer. Je résume. Je me résume. Et j’ajoute pour faire le compte cette question très embêtante : pourquoi ne se passe-t-il rien ? Pourquoi les Hulot et Arthus-Bertrand ne disent-ils pas un mot ? Pourquoi des structures mondiales comme le WWF ou Greenpeace n’ont-elles pas encore lancé le mot d’ordre de boycott de BP ? Pourquoi Yves Cochet, ancien ministre et analyste de la crise du pétrole, est-il aux abonnés absents ? Pourquoi sommes-nous, collectivement, si lâches et timorés, si soumis, si prévisibles ? Pourquoi cette perpétuelle et cumulative soumission à l’autorité des médias et des responsables de tout niveau ?

Une leçon d’économie (en chinois)

Peut-on être plus bête qu’un économiste ? Sans doute, car la limite, en ce domaine, n’existe pas réellement. Il n’empêche que si l’on faisait un concours – mais qui l’organiserait ? -, ce spécialiste-là serait assuré de monter sur le podium. Oui, l’économiste est massivement con, je suis désolé de froisser ainsi la sensibilité de mes lecteurs. L’économiste ordinaire se délectera de la prose du journal Le Figaro, ce qui est déjà un bien mauvais signe. J’ai trouvé et lu deux petits chefs-d’œuvre consacrés à la Chine, que je vous invite à lire (ici et). Comme je ne suis pas certain de votre patience, je vais vous en résumer l’essentiel.

Le premier papier annonce que la Chine va probablement devenir le plus grand importateur de charbon au monde au cours de cette année 2010. Ce n’est pas une petite nouvelle, au moins pour deux raisons. Un, la Chine est déjà le plus gros producteur mondial de charbon, et de très loin : en 2005, la Chine a produit 2 milliards et 430 millions de tonnes de charbon, tandis que le deuxième, les États-Unis, ne dépassait pas 1 milliard et 131 millions de tonnes. Deux, la combustion de charbon, dans les centrales ou pour des usages domestiques, est l’un des plus puissants contributeurs à l’effet de serre.

Au-delà, il faut bien s’interroger. Comment un tel phénomène est-il possible ? Comment diable la Chine peut-elle brûler autant de charbon ? J’en viens au deuxième article. La Chine ne se contente pas de cramer de la houille et du lignite. Elle est devenue un gigantesque aspirateur à matières premières. Une gueule insatiable qui avale le fer, le pétrole, le nickel, l’uranium, le manganèse, le cobalt, les « terres rares » si nécessaires dans de nombreux usages industriels, le bois, le caoutchouc, etc. La croissance chinoise serait sous-estimée par les bureaucrates au pouvoir à Pékin, pour ne pas effrayer le reste du monde. Elle pourrait avoisiner le pourcentage annuel de 15 %. Une démence, une pure démence.

L’économiste de service, qui n’a jamais entendu parler du rôle des écosystèmes, qui n’a jamais songé aux innombrables services « gratuits » que prodigue la nature aux hommes – leur « valeur » est bien plus grande que le PIB mondial -, ne voit pas où est le problème. Au mieux, il parlera alors de « surchauffe » de l’économie chinoise, et suggérera de prendre des mesures pour freiner ce qu’il croit être un nouveau cycle historique du développement des sociétés. Et c’est en ce sens, précisément, qu’il révèle l’étendue de son idiotie. Attention ! je ne veux pas dire qu’un économiste est fatalement une buse. Ce que je crois, c’est que l’économie interdit de penser la réalité du monde.

Car si l’on ajoute au tableau l’incroyable détérioration des équilibres naturels les plus élémentaires, il n’est qu’une seule conclusion possible : l’hypercroissance chinoise annonce un chaos intégral et planétaire. Le temps n’est plus de l’accumulation de capital d’antan, comme l’ont réussie, sur le dos des ouvriers et des colonies, les nations d’Occident, dont la nôtre. Pour la raison très simple que les limites physiques se sont rapprochées au point que nous les touchons désormais. Les espaces et les ressources engloutis dans la mise en orbite de l’Allemagne, de la France de l’Angleterre de ce côté-ci de l’Atlantique, et des États-Unis sur l’autre bord, n’existent plus. Il faut maintenant effacer et dissoudre, araser les forêts, assécher les fleuves, vider les océans, disloquer ce qui reste de l’ancien équilibre climatique.

Il n’y a plus aucun ailleurs, comme j’ai eu l’occasion de déjà l’écrire. Il n’y a plus que ce que nous voyons, qui disparaît à une vitesse accélérée. La marmite chinoise, qui nous fournit l’immonde tambouille que l’on sait, des tee-shirts aux ordinateurs, des chaussettes aux bières Tsingtao, fait bouillonner ensemble les forêts de Nouvelle-Guinée et le pétrole d’Angola, l’uranium du Niger et le caoutchouc du Cambodge. Il n’y aura bientôt plus rien. Ce bientôt peut signifier dix ans, ou cinquante. Ne sous-estimons pas l’inventivité technologique des humains, qui fera gagner du temps, en toute hypothèse.

Pour nous, cela peut faire une différence. Pour ce qui se meut, pour ce qui vit encore, guère. La Chine, comme métaphore. La Chine, comme parabole. La Chine, notre destin.

L’éternel principe de la marée noire (éclaboussures pour tout le monde)

Vous n’avez pas besoin de moi pour savoir que le cadeau de BP au monde et à la Louisiane est la plus grande catastrophe écologique moderne de l’histoire des États-Unis. Je dis moderne, car à la vérité, la plus folle de toute reste l’arrivée des colons du Mayflower, en 1620, dans ce qui n’était pas encore le Massachusetts. Le reste suivrait, dont la destruction radicale de la Grande prairie, l’un des plus beaux joyaux de la longue histoire de la vie sur terre.

Il demeure que la marée noire commencée le 20 avril, suite à l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, marquera cette année 2010. À la différence des promesses en cours de Barack Obama – une enquête, des sanctions ! -, qui n’engagent jamais que les couillons qui les croient encore. Cette pollution sera-t-elle seulement un immense désastre ? Se pourrait-il, les déversements se poursuivant pendant des mois, qu’elle se change en Apocalypse Now ? Je ne le sais évidemment pas. Mon rôle, celui en tout cas que je m’attribue, est de tenter d’aller au-delà des simples faits. Lesquels sont d’une rare violence, puisque deux représentants démocrates à la Chambre américaine, Henry Waxman et Bart Stupak, ont d’ores et déjà révélé que trois alertes précises, dans l’heure précédant l’explosion, auraient dû conduire à prendre des mesures d’urgence. Mieux. Pire. Une série de problèmes avaient été détectés 24 heures avant, sans qu’aucun bureaucrate de BP ne prenne la peine de s’y intéresser (lire ici). Ah ! les braves gens.

Ce qui se joue sous nos yeux est consubstantiel à la forme prise par nos sociétés. Voilà ce que je veux dire, et rien d’autre. Ce qui s’est produit s’est déjà produit et se reproduira, car nous sommes en face d’un principe. Un principe de base. Un principe de fonctionnement que nul ne saurait remettre en cause sans abattre l’édifice. Il est inutile de pleurnicher. Inutile même d’accabler BP, qui n’agit qu’avec notre complicité évidente, reliant nos besoins déments de pétrole et d’objets dérivés et son implacable activité. L’avidité, si évidente en la circonstance, est seconde. Ce qui est premier, c’est l’accord tacite entre eux et nous. Nous roulons, nous voulons malgré tout des colifichets, ils produisent, et détruisent.

Et j’en reviens à la question essentielle. La destruction. Le principe de notre monde est celui de la destruction. Je vois des milliers d’écologistes sincères, dans un pays comme la France, englués dans le pétrole lourd de leurs illusions. Ils pensent que nous pourrons chevaucher le monstre, puis le calmer, le dominer enfin. Ils ne font que lui donner davantage d’énergie. La seule priorité que j’entrevois n’est pas de ramasser le pétrole jusqu’au cœur des bayous. La seule priorité est de nommer enfin ce qui nous conduit aux insondables abîmes où nous nous perdrons tous. La seule priorité est de ne plus détourner le regard. La seule priorité, c’est la vérité.

Espagne, castagnettes et dominos

Après la Grèce, l’Espagne ? Je n’ai pas le temps, hélas, de rechercher quelques perles égrenées par nos économistes-en-chef, nos politiques princiers, de droite et de gauche bien sûr. Il y a une poignée d’années, l’Espagne était LE modèle que nos élites proposaient à une France jugée malade, en tout cas assoupie. Son taux de croissance faisait chavirer le cœur de tous les abrutis qui croient penser, quand ils ne font que braire. Le problème est que tout reposait sur un château de cartes, un lointain château en Espagne que personne ne possèderait un jour.

La politique criminelle des élites espagnoles tient en peu de mots : corruption de masse, destruction de la nature, délire immobilier. On a détruit là-bas ce qui restait de rivage après la stupéfiante flambée franquiste des années soixante du siècle passé. Et construit, souvent au bord de l’eau, mais aussi dans d’improbables banlieues, des milliers de programmes immobiliers qui jamais ne trouveront acquéreurs. Jamais. Certains sont achevés, mais sans aucune adduction. D’autres sont commencés, et se trouvent à divers stades. Mais le cochon de client s’est évaporé. Il s’agissait d’une chaîne de Ponzi, la même pyramide que celle qui a conduit l’escroc Madoff en taule. Tant que les gogos achètent et que d’autres gogos se lancent à leur suite, tout marche à la perfection. Mais dès que le doute s’installe, c’est l’effondrement.

Cela fait longtemps que j’ennuie mon entourage en répétant que l’Espagne est d’une fragilité de verre. On conspue aujourd’hui les gouvernements grecs dans les rues d’Athènes. Il n’est pas exclu que l’on fasse pire demain avec ceux du Parti populaire (PP) espagnol et du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Car ils ont mené la même politique et créé les conditions du chaos. Je vous, je nous le demande : qui paiera pour ces appartements morts-nés ? Qui paiera le prix de la corruption et de la dévastation écologique ? N’oubliez pas que des banques ont massivement prêté aux margoulins pour faire leurs galipettes monétaires. Je vous l’annonce, pour le cas où vous ne le sauriez pas : celles de France sont plombées par le désastre immobilier espagnol. Pas toutes, non, et pas à la même échelle. Mais si mes informations sont bonnes, on peut s’attendre à des surprises. Et elles seront mauvaises.

Tiens, je vous remets pour le même prix un article de Planète sans visa, qui n’a, après tout, qu’un an. Il renvoie à un article qui en a deux.

Zapatero, Zapatera, socialauds d’Espagne et d’ailleurs

Je souhaite ardemment que personne ne vienne prendre leur défense, ici tout au moins. Car ailleurs, je sais combien ils sont choyés, aimés, cajolés. Madame Ségolène Royal – dite la Zapatera – ne s’est-elle pas excusée il y a quelques jours, au nom de nous tous, auprès de son si cher ami José Luis Rodríguez Zapatero, Premier ministre espagnol en titre ? Ne lui a-t-elle pas demandé de pardonner des propos prêtés à notre Sarkozy national ? Si.

Or que font donc les socialistes espagnols ? Ils détruisent avec frénésie ce qui reste de ce pays de légende. En janvier 2008, avant donc l’annonce de la crise économique que vous savez, j’ai écrit (ici) sur quoi reposait le soi-disant miracle espagnol, avec ces taux de croissance admirés d’un bout à l’autre de notre Europe si malade. Tenez, je me cite : « Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Pourquoi ce rappel ? Mais parce que les socialistes au pouvoir à Madrid s’attaquent aujourd’hui au grand joyau ornithologique de la péninsule, l’Estrémadure. Je connais ce lieu, qui est rude au regard et au corps. Froide l’hiver, brûlante l’été, la région abrite une sorte de savane arborée méditerranéenne, la dehesa. Comme un compromis entre la nature et l’homme, immémorial, sur fond de chênes verts, d’oliviers sauvages, de genêts, d’arbousiers et de troupeaux. C’est aussi le pays des oiseaux. Des grandes outardes. Des vautours fauves, moines, percnoptères. Des grues. Des oies. Des canards. L’Éstrémadure est si pauvre que les bureaucrates madrilènes l’ont laissée en paix, tout occupés qu’ils étaient à ronger les côtes sublimes du pays.

Fini. Le gouvernement vient de décider une série de mesures scélérates au dernier degré. La plus extravagante est peut-être le cadeau fait à une transnationale étasunienne, Florida Power and Light (ici), qui pourra construire deux usines solaires cette année à Casas de Hito, en Estrémadure. 600 millions d’euros d’investissement – on ne sait rien d’autres arrangements éventuels, qui peuvent se produire néanmoins – et 100 emplois à la clé. 100 emplois en échange d’un paradis des oiseaux. En 2007, on a dénombré à Casas de Hito 11 325 grues. Et sept espèces d’oies, et 140 000 canards hivernant à trois kilomètres, sur le lac de barrage de Sierra Brava. Je dois vous avouer que je n’ai pas regardé de près les dangers que feront peser sur les oiseaux sauvages ces installations. Et vous renvoie à une pétition des naturalistes espagnols de SEO (ici). Ils sont déprimés. Moi aussi.

D’autres projets simplement criminels menacent l’Estrémadure. Une raffinerie de pétrole à Tierra de Barros, des centrales électriques, des parcs éoliens lancés dans des conditions douteuses de légalité, et qui sont apparemment dangereux pour des oiseaux comme les vautours. Lesquels sont magnifiques, à la différence de ceux qui traînent dans les bureaux des promoteurs d’Ibérie comme de France.

Je vois bien que naît sous nos yeux encore ébahis un capitalisme vert censé nous clouer le bec. Si vous avez le moindre doute, jetez un œil ici, je crois que nous nous comprendrons. Eh bien ? Au risque flagrant de me répéter, il n’est pas question de considérer ces gens-là, qui incluent évidemment nos socialistes comme de vagues cousins un (long) temps égarés. Ce sont des adversaires. Ce sont des ennemis. Et je vous jure que je les exècre. Zapatero, Zapatera, toutes ces camarillas, tous ces sbires, tous ces fifres et sous-fifres, tous ces petits marquis, ces Dray, Mélenchon, Royal, Hollande, Fabius, Weber, Bartolone, Aubry, Rebsamen, Le Guen, Hamon, Delanoé, Désir, Bloche, ad nauseam. J’ai pris le parti des oiseaux et du vol libre au-dessus des cimes, celui des migrations, celui de Nils Holgersson, celui de la beauté. J’ai pris le parti du soleil, de la lune, de la pluie et des arbres. Et ce n’est pas le leur.


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Avatar, c’est chaque matin (en Inde)

L’Inde est loin, et tout le monde s’en fout. C’est vrai, mais ce n’est pas une raison suffisante. Car un tel pays de 1,2 milliard d’habitants – environ – est simplement l’une des colonnes vertébrales du monde réel. Avec la Chine, elle forme une colossale paysannerie encore au travail, dont dépend notre avenir, bien davantage que les gesticulations que l’on sait. Qu’elle résiste au rouleau compresseur de la réification, et nous gagnons du temps pour tenter l’impossible, ici. Qu’elle succombe en quelques années, et la marche à l’abîme en sera accélérée. Oui, l’Inde nous importe. Oui, elle devrait.

Peut-être avez-vous vu Avatar, le film de James Cameron. Moi oui, et malgré les critiques entrevues, j’ai adoré l’évocation de ce monde des profondeurs du rêve humain. Les ficelles de la superproduction ne m’ont pas toutes échappé, mais j’ai marché, galopé, sauté de branche en branche, souffrant à chaque avancée de ces foutus humains dans le territoire magique et pourtant si réel des Na’vi. Je dois dire que j’avais dès le départ choisi mon camp. Celui des êtres et du cœur contre l’abject déploiement de la marchandise et du moteur. L’association Survival International, comme beaucoup ont dû l’entendre il y a quelques semaines, a relayé un appel de la tribu indienne des Dongria Kondh à James Cameron (ici). Les Dongria vivent dans des collines perdues de l’État d’Orissa, et connaissent en réalité le sort des Na’vi. Une compagnie minière entend détruire méthodiquement leur montagne sacrée pour en extraire du bauxite. Son propriétaire, Indien, s’appelle Anil Agarwal. Un milliardaire.

Figurez-vous que j’ai connu un Anil Agarwal, moi qui vous écris. D’où mon coup au cœur quand j’ai vu ce nom associé au communiqué de Survival. Anil avait créé à New Delhi une association écologiste appelée Centre for Science and Environment (CSE, ici), éditrice d’un bimensuel, Down to Earth. Cet Anil-là, mort en 2002, n’a bien entendu rien à voir, hors le nom, avec l’abominable salaud qui veut dévaster la terre des Dongria. Oui, mais voyez comme les choses se passent : je reçois régulièrement le sommaire du bulletin du CSE, et le dernier contient un éditorial de Sunita Narain, qui a pris la succession d’Anil Agarwal, le seul ou plutôt le vrai.

Titre de l’édito : « Bullets are not the answer to development ». C’est-à-dire : « Les balles ne sont pas une réponse au développement ». Je précise tout de suite, pour ne plus y revenir, que je ne partage pas les espoirs du CSE dans un développement qui ne ruinerait pas l’Inde à jamais. Sarain et ses amis défendent le point de vue d’un développement soutenable écologiquement, et pour une fois, je n’écris pas cette expression pour me moquer. Ils y croient. Pas moi. Telle n’est pas la question. Dans son édito, Sarain revient sur un événement récent. Début avril, les maoïstes indiens ont tué au cours d’une embuscade 75 policiers (ici, en français). C’est le bilan le plus lourd jamais enregistré dans les affrontements entre Naxalites – maoïstes – d’un côté et pouvoir central (ici).

Revenons à l’édito de Sarain. Elle y rappelle un épisode vieux de quelques années. Venue présenter en province un rapport sur l’industrie minière, elle dut affronter sur place un gouverneur et des petites frappes qui la traitèrent, elle et ses amis, de complices des maoïstes, d’ennemis de l’État et du développement. En clair, comme elle le dit d’ailleurs, « With us or against us ». Avec nous ou contre nous. Un slogan digne de George W.Bush, comme elle l’ajoute aussitôt. Le reste est désespérant. Car il est clair, car il semble inéluctable que la machine en marche ne saurait s’arrêter devant les droits des peuples ruraux et des tribus autochtones de l’Inde profonde. « Les minerais que nous utilisons, dit Sarain, viennent de leurs terres; l’électricité qui éclaire nos maisons est produite là-bas. Mais les gens qui y vivent n’ont eux pas d’électricité. Ils devraient posséder les minerais ou les forêts. Ils devraient profiter du développement.  Ils ne tirent pourtant aucun bénéfice de ressources naturelles qui sont seulement extraites chez eux. Les terres leur sont arrachées, leurs forêts rasées, leur eau polluée, leurs foyers détruits. Le développement les rend plus pauvres qu’ils n’étaient ».

Que faire après un tel constat ? Sarain suggère que soient rendues aux communautés locales des droits qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Que ces peuples de la campagne, des forêts, des collines puissent exercer un droit de veto sur les projets d’aménagement les concernant. Et, bien sûr, j’applaudis. Je suis d’accord. Bien entendu. Simplement, il me vient aussitôt comme un doute, abominable. Les propos de Sarain, aussi justes soient-ils, ne sont-ils pas pure billevesée ? Qui fera lâcher le monstre de New Dehli, qui prend ses ordres auprès des transnationales ? Qui fera reculer une corruption qui explose après avoir été tant bien que mal contenue (ici) ? Qui empêchera le patron indien de l’empire Tata de fourguer ses criminelles voitures Nano à 1500 euros, dans ce pays qui martyrise ses peuples lointains ?

Je le reconnais, cet article n’a rien de guilleret. Mais l’Inde prépare les guerres de demain. Un État aussi perdu dans ses chimères que celui-là a toutes chances d’être tenté par la fuite en avant. Contre le Pakistan voisin, bombe nucléaire en main. Contre ses 600 000 villages de l’intérieur, et ce chiffon rouge agité par les Naxalites. Je n’ai pas de réponse à mon angoisse, et je suis désolé de vous la faire partager. C’est qu’elle est grande. Bien que n’ayant pas l’once d’une sympathie pour l’idéologie stalinienne des maoïstes, je dois confesser que je comprends sans difficulté ceux qui prennent les armes aujourd’hui en Inde. Ce n’est pas la solution. Ce n’est pas une solution. Mais pour l’heure, il n’y en a pas. Et la destruction est là.