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Vive l’Inde, vive la Chine, vive la prospérité !

C’est du lourd, de l’indigeste qui s’accroche à l’estomac. Je crois bien que j’aimerais passer ma vie à raconter d’autres histoires – pour les enfants par exemple -, ce que je fais d’ailleurs, quand il me reste du temps. On va finir par me prendre pour un obsédé du malheur, et ce ne sera que justice. Je le suis. Obsédé. Par le malheur. Ne cherchons pas plus loin.

En décembre dernier, le cabinet de conseil en stratégie Boston Consulting Group publiait une liste impressionnante de 100 multinationales du Sud, nouveaux challengers mondiaux de la concurrence de tous contre tous. Sans surprise vraie, 41 étaient chinoises et 20 indiennes, la plupart cotées en Bourse.

On s’en fout ? Non. Car croyez-moi, PetroChina, TCL, Thai Union Frozen Products, Lukoil, Bharat Forge détruisent plus violemment encore, si c’est possible, que nos grandes compagnies. Ce n’est pas affaire de morale, mais d’âge. Les nôtres se sont usées – je n’écrirai jamais civilisées – au contact des peuples et des pays. Pas les nouvelles venues. Pas encore. Elles en veulent. Elles veulent cracher du profit, davantage encore, dominer le territoire, entrer dans l’histoire absurde de la possession sans fin et sans but. En achetant si besoin – il est besoin – les coeurs et les âmes. Et elles y parviennent sans difficulté.

Parmi les nouveaux parrains du monde réel, Tata. Un groupe indien dans lequel tout se mélange, de l’informatique à l’hôtellerie, en passant par l’agroalimentaire, la sidérurgie, les télécoms. Chiffre d’affaires annuel ? 28,8 milliards de dollars. En 2007, sa filiale sidérurgique, Tata Steel, a racheté l’anglo-néerlandais Corus. Et Tata Motors va racheter Jaguar et Land Rover à Ford.

Mais la grande nouvelle, qui a ébahi une fois de plus le journaliste automobile, c’est la Tata Nano. Le groupe indien met en vente une bagnole neuve à 1700 euros, record du monde battu et même ridiculisé (http://archives.lemonde.fr). Je ne vais vous faire la liste de ce que cette voiture ne contiendra pas. L’essentiel est qu’elle roule et va déferler sur les marchés du Sud. Évidemment, puisqu’elle a été conçue pour cela.

Je crois qu’il s’agit d’une des pires nouvelles de ces dernières années. Le Sud, le Sud officiel qu’on fête dans la presse officielle de ce monde officiel, le Sud choisit donc l’aventure, un peu plus. Des petits-bourgeois indiens, par millions, vont connaître le grand frisson automobile. Il n’y aura donc pas d’argent pour les paysans, ni pour les pêcheurs, ni pour les tigres et les forêts, ni pour les sols et les nappes. Pas un sou, pas un seul pour la restauration écologique d’un pays dévasté par l’irrigation imbécile et le vaste désastre de la Révolution verte. On aura à la place des rocades, des parkings, des cancers, des usines. Pour quelques années encore, avant le grand effondrement.

En Chine, les nouvelles sont elles aussi radieuses. Que n’apprend-on pas ? Ou plutôt, que ne confirme-t-on pas ? La Chine est foutue. La Chine officielle – là-encore – n’a aucun avenir. Shangaï et les autres villes-Potemkine de là-bas, qui font pourtant saliver tous nos braves responsables et la plupart de nos excellents journalistes, sont perdues. Pourquoi ? Mais parce que l’eau manque et manquera toujours plus. 400 des 600 plus grandes cités chinoises en manquent structurellement et des dizaines de millions de paysans en sont régulièrement privés (http://archives.lemonde.fr).

Bon, qu’attend donc la technologie pour régler ce menu problème ? Elle ne le pourra pas. La Chine représente un peu moins du quart de la population mondiale, mais ne dispose que de 7 % des réserves d’eau planétaires. Encore faut-il préciser que les bureaucrates qui tiennent ce pays d’une main de fer gèrent cette ressource si rare comme des malades mentaux. À coup de barrages géants, à coup de pollutions bibliques, sans aucun plan véritable. Cela ne peut pas durer, et cela ne durera pas. Peut-être – qui sait ? – encore dix ans, ou quinze. Mais la croissance chinoise va vers une fin tragique. Il va falloir expliquer à des centaines de millions de gogos que le rêve n’était qu’un cauchemar.

Je sais, ce n’est pas gai. Je sais, c’est franchement désolant. Mais je n’ai rien d’autre en magasin, et puis j’ai promis de dire les choses, telles qu’elles m’apparaissent en tout cas. Au passage, cela nous change des roulements de biceps hexagonaux. De tous ceux qui ne parviennent pas à penser réellement le monde. Je ne cite personne. Je ne vise personne. Et le pire de tout, c’est que c’est vrai. La liste serait de toute façon trop longue.

Bill Gates roi de l’Afrique (une nouvelle révolution verte)

2008, hein ? Peut-être faudra-t-il attendre quelques jours avant que la vie ne devienne belle pour de bon. En Afrique, lecteurs de ce blog, les philanthropes sont de sortie. Au Kenya, par exemple, où la guerre civile menace d’emporter ce que les commentateurs présomptueux présentaient comme un exemple de stabilité.

Au Kenya donc, la fondation Rockefeller finance une extraordinaire structure appelée African crops (www.africancrops.net). Laquelle a réuni le 5 octobre 2007, à Nairobi, de nobles spécialistes africains encravatés – pour les messieurs – ou pomponnées – pour les dames. Objet de la rencontre ? Lever les barrières commerciales qui entravent le commerce des semences de maïs, lutter contre les bureaucraties, diffuser des « connaissances » sur l’intérêt de nouvelles variétés. Et donc, bien sûr, lutter contre la faim.

L’affaire réserve, malgré les apparences, son lot de surprises. Car une énorme offensive est en cours, qui se fixe pour objectif de changer le cours de l’histoire africaine. Je suis contraint de faire court, ce qui est un peu dommage. Bill Gates, le héros bien connu de Microsoft, a créé avec son épouse Melinda une fondation prestigieuse, qu’il a dotée à la hauteur vertigineuse de 28,8 milliards de dollars. Mais oui. En comparaison, la fondation Rockefeller, elle, lancée en 1913, fait figure de nain.

Mais les deux s’aiment, car elles ont le même but : aider l’humanité souffrante. En conséquence de quoi, elles ont décidé de lancer ensemble une Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra) dotée dans un tout premier temps de 150 millions de dollars (en français : www.agra-alliance.org/fr). Dès ce mois-ci, un premier contingent d’étudiants financés par l’Agra commencera une formation dans les locaux du Centre d’Afrique de l’Ouest pour l’amélioration des plantes (Wacci), qui se trouvent au coeur de l’université du Ghana, à Accra. Il s’agit en fait de créer une nouvelle génération d’agronomes africains, au service de l’agriculture industrielle mondialisée.

Le propos est simple, sinon simpliste. Dans les années 50, les fondations Ford et déja Rockefeller ont puissamment financé la Révolution verte, qui devait ensuite déferler en Inde, au Pakistan, en Amérique latine, notamment. Le vrai bilan de cette grandiose aventure inclut – pourquoi le nier ? – une augmentation des rendements, donc un recul de la faim. Mais aussi une dévastation écologique sans précédent des sols et nappes phréatiques dans le Sud, qui compromet gravement tout avenir.

N’importe. Au passage, les transnationales de l’agrochimie ont imposé leur modèle, et vendu leurs engins et produits. Les tracteurs, les engrais, les pesticides n’auront pas été perdus pour tout le monde. Hélas, hélas, l’Afrique des années 60 du siècle passé, plongée dans les affres d’une toute nouvelle indépendance, était restée à l’écart du grand mouvement. Et cela ne pouvait durer, en tout cas pas avec un Bill Gates en pleine forme, aimant à ce point les enfants et les Africains. D’où cette idée, qui sera bientôt, sauf révolte décidée, une réalité. Incluant, au passage, les OGM.

Comme il se doit, Monsanto et consorts ne sont pas loin derrière. Ainsi qu’un certain Ernesto Zedillo, d’ailleurs. Qui est ce brave garçon ? L’ancien président du Mexique, membre éminent du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir pendant la bagatelle de 70 ans. Inutile de se perdre : le PRI, c’est le pire. Élu à l’été 1994, en pleine insurrection zapatiste dans le Chiapas, Zedillo est surtout connu pour le massacre de 45 Indiens à Actea, en décembre 1997, perpétré par des sbires liés à son parti.

Il mériterait bien d’être oublié, mais Gates aime les hommes et croit en la rédemption. Il vient de faire entrer Zedillo dans le staff de direction de sa fondation. Il y suivra notamment le dossier de l’Agra. Croyez-le ou non – mais croyez-le -, on reparlera tantôt de cette Révolution verte en Afrique. Sur fond de guerres civiles, de désagrégation des États, de partitions, d’extrême violence ethnique, elle annonce un très grand désastre de plus. Au moins, et pour commencer, tenons-nous au courant. Et s’il devient possible de faire, faisons. Mais vite, car ces hommes courent à très vive allure.

Toutes les forêts du monde

Sylvain Angerand, des Amis de la Terre, m’envoie le texte d’une tribune parue dans Libération, sous sa signature. Cela tombe bien : l’ayant déjà lue, je m’apprêtais à vous en parler (http://www.liberation.fr). Je n’ai jamais rencontré Sylvain et ne sais que fort peu de choses sur Les Amis de la Terre. Ce qui ne m’a pas empêché de saluer ici ou ailleurs la droiture et la pugnacité d’un de ses membres, Christian Berdot, à propos des biocarburants.

Que nous veut Sylvain Angerand ? Eh bien nous alerter, bien entendu, et sur une question essentielle. Une de plus. Voyez l’entrée en matière, qui résume bien le tout : « Planter des arbres pour sauver le climat est la grande mode du moment. Il n’y a qu’à voir les opérations qui pullulent ces derniers temps : «Un milliard d’arbres pour la planète» du Programme des
Nations unies pour l’environnement,
«Un arbre, un Parisien» de la Ville de Paris, et encore «Plantons pour la planète» d’Yves Rocher. L’idée est qu’en grandissant, un arbre capte du C02, l’un des principaux gaz à effet de serre, permettant donc d’en atténuer l’impact sur le réchauffement climatique ».

Angerand décrit le monde tel qu’il est. Qui ne ressemble pas aux dépliants publicitaires de l’univers marchand. La supercherie, en ce domaine, repose sur une idée si simple qu’elle en est totalement fausse : un arbre vaudrait un arbre. Un eucalyptus, appelé en Amérique latine l’arbre de la soif, tant il assèche les sols où il est planté massivement, vaudrait un arbre tropical de 700 années vivant une infinité de relations complexes avec son voisinage de plantes et d’animaux. Si vous lisez l’espagnol, allez jeter un oeil à l’adresse entre parenthèses (http://www.redtercermundo.org). Un vieil homme venu d’Australie, qui est aussi et surtout un eucalyptus – Don Eucalipto – raconte l’odyssée, ce long sanglot de l’eucalyptus, changé pour notre malheur en petit soldat de l’industrie forestière.

Donc, un serait égal à un. La forêt gagnerait en Chine, alors qu’elle s’évanouit, parce que le parti communiste a décidé de planter des surfaces géantes d’eucalyptus génétiquement modifiés. L’Indonésie, multipliant des palmiers à huile par milliards, compenserait, au moins en partie, la perte de ses forêts pluviales primaires, qu’elle vole à l’humanité et à l’avenir de tous. Et de même, partout, dans ce monde barbare.

Angerand nous met en garde contre un nouveau truc des bureaucrates du climat. À Bali, où Greenpeace s’est en partie déconsidéré, la planète officielle a discuté des moyens de lutter contre le grand dérèglement. Ce qui fut et demeure un désastre – l’absence de toute décision – a été présenté comme un pas en avant par tous ceux qui ont un intérêt, au moins symbolique, à ce que le commentaire soit mensonge.

Là-bas, dans le pays de l’abomination – Bali est en Indonésie -, l’on a évoqué une idée inouïe : payer des gouvernements pour qu’ils limitent un peu la déforestation. Dans le jargon insupportable des conférences internationales, cela s’appelle « déforestation évitée ». Et comme la FAO, agence onusienne, considère que les monocultures d’arbres valent les communautés végétales plurimillénaires des forêts primaires, on peut s’attendre à de stupéfiants résultats.

À terme, l’ONU pourrait aisément payer les mafieux d’Indonésie qui plantent des palmiers à huile pour fabriquer des biocarburants, au motif que ces arbres ralentissent la déforestation massive causée par leur développement fulgurant. Les mafieux gagneraient ainsi deux fois. Au-delà, le monde entier pourrait se reboiser sous la forme de pins Douglas dans le Morvan français – Lulu, coucou ! -, de peupliers en Chine, de palmiers dans le bassin du Congo, etc.

Tragédie ? Je confirme : tragédie. Mais je dois ajouter que j’en ai marre de ces cohortes de collaborateurs de la destruction, qui font la queue au guichet de la mort. La rébellion est un devoir moral élémentaire. En attendant mieux. Tiens, je viens de lire un article qui referme, pour aujourd’hui en tout cas, le dossier. Laurence Caramel (http://www.lemonde.fr) écrit ceci : « Plus de 1,6 milliard d’arbres ont été plantés en 2007 grâce à la campagne « Plantons pour la planète » lancée par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) avec la Kényane Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix 2004, dont le Mouvement de la ceinture verte soutient depuis longtemps des actions de reforestation en Afrique. L’objectif du milliard d’arbres que s’étaient fixé les initiateurs du projet est ainsi dépassé. Fort de ce succès, le PNUE a annoncé que la campagne serait reconduite en 2008 et en 2009.
Au palmarès des pays ayant répondu à l’appel, l’Ethiopie arrive en tête avec plus de 700 millions de plants, suivie par le Mexique (217 millions) et la Turquie (150 millions)
».

N’est-ce pas formidable ? Non. En Éthiopie, la surface de forêts est passée de 40 % du territoire national en 1950 à 3 % aujourd’hui. 700 millions d’arbres qu’on pourrait dire sans racines, en tout cas sans l’extraordinaire réseau de diversité qui en fait des monuments de la vie, ce n’est rien. Peut-être moins que rien, car l’illusion n’est pas notre alliée, mais un mortel soporifique.

Extension du domaine du ciment (à propos de Lafarge)

Je n’ai guère de temps ce 11 décembre, pardonnez. Juste un mot sur Lafarge, puissant groupe français de matériaux de construction (plâtre, béton, ciment). Cette entreprise a au moins deux particularités : elle est traditionnellement dirigée par un catholique, elle est « écolo ».

J’ai eu l’occasion de rencontrer l’ancien PDG, Bertrand Collomb. Il était, il est probablement resté un catholique fervent. Et un partisan déclaré du « développement durable ». Sur ce point, j’émets quelques réserves, car j’ai pu discuter avec lui sur le sujet, et la chose flagrante, c’est qu’il en ignorait tout. Le développement durable, pour lui, c’était avant toute chose un développement appelé à durer. Éternellement, de préférence.

Il y a quelques années, j’ai lu avec passion un livre qui le mérite, Chronique d’une alliance, de l’Écossais Alastair McIntosh (paru chez Yves Michel). McIntosh y relate un combat fabuleux mené sur une île d’Écosse, Harris, pour empêcher l’ouverture d’une vaste carrière. La lutte, homérique, semble perdue à l’avance. Mais Alastair parvient à rassembler – c’est une clé d’or, croyez-moi – les considérations écologiques et la culture profonde des habitants du cru. Et il gagne, après être passé près du gouffre plus d’une fois (http://www.alastair).

L’adversaire des îliens, le monstre protéiforme qui veut tant dévorer l’espace porte un nom : Lafarge Redland Agregate. Une filiale, comme vous vous doutez. Autrement dit, il y a loin de la coupe aux lèvres. Et loin – si loin, vraiment ? – des coquettes subventions accordées par Lafarge au WWF à un comportement réellement écologique et responsable.

Je lisais hier une information qui risque de passer inaperçue, ce qui serait dommage. Lafarge, jusqu’ici numéro deux mondial de son secteur, (re)devient le numéro 1. Voyez comme la France gagne, de temps à autre. Oui, mais Lafarge doit ce bond en avant à un rachat, plutôt préoccupant. Car la transnationale d’origine française, catho et presque « écolo », vient de payer 6 milliards d’euros pour s’emparer du groupe égyptien Orascom Construction. Devinez donc où, comment, pourquoi le ciment va se mettre à couler.

Dubaï, Abu Dhabi, l’Arabie Saoudite, qui ne savent quoi faire de l’argent du pétrole – selon moi un bien mondial commun et inaliénable -, vont le claquer. Dans des palais, dans des routes traversant le désert, dans des quartiers neufs et déjà craquelés par l’infernal soleil de là-bas. À elle seule, l’Arabie saoudite prévoit de bâtir six villes nouvelles de 1 à 3 millions d’habitants chaque.

Lafarge prend pied dans ces Eldorados du ciment que sont le Proche et le Moyen-Orient. L’Égypte, qui vit sous perfusion, et dont la situation écologique – la seule qui vale sur le long terme -, est apocalyptique, l’Égypte elle aussi va donc cracher du ciment Lafarge sur les ruines du Caire. Si je parle de ruines, c’est parce que cette ville est défunte, comme le delta du Nil qui fut son immense richesse. Oui, le ciment Lafarge, durable ô combien !, va recouvrir un peu plus les plaies ouvertes de notre si petite planète. Si c’est une bonne nouvelle, expliquez-moi pourquoi.

L’Ampère contre-attaque

Vaut-il mieux souffrir les yeux ouverts ? J’en fais le pari ici, chaque jour ou presque. En ce jeudi 6 décembre, je dois reconnaître que je vais un peu loin car, pour commencer, je vous parlerai de nos si chers gadgets électroniques. Dont cet ordinateur sur lequel je frappe les mots que vous lisez.

À ma connaissance, la presse française, si glorieuse pourtant, aura encore oublié de nous parler du fracassant rapport de l’Institut britannique Energy Saving Group (ESG). Je n’ose penser que l’omniprésente publicité en faveur de ces objets aura joué son rôle dans la discrétion de violette de nos journaux. Enfin. Sachez que l’institut (http://www.energysavingtrust.org.uk), dans une étude publiée cet été, estime que les engins électroniques – tous rassemblés – que nous aimons tant pourraient représenter en 2020, demain matin donc, 45 % de la consommation électrique domestique.

Détendons l’atmosphère avant de repartir. Le travail d’ESG s’appelle The Ampere Strikes Back, ce qui veut dire l’ampère contre-attaque, clin d’oeil au film de George Lucas. Pas drôle ? Désolé, je n’ai que cela en magasin. Et reprenons. Un écran de télé plasma consomme trois fois plus qu’une antiquité à tube cathodique. Une radio numérique quatre fois plus qu’une bonne vieille analogique. Et je vous fais grâce des veilles électriques imposées, qui interdisent d’arrêter les appareils autrement qu’en les débranchant par la prise murale.

En somme, le système industriel, dont je ne me lasserai jamais de rappeler qu’il est amoral, ce système dont nous sommes tant complices continue comme si de rien n’était. En avant comme avant !

Deuxième info tout aussi plaisante, envoyée par Hélène et Guy Bienvenu. L’association Global Action Plan, britannique elle-aussi, affirme que le système informatique mondial (ICT pour Information and Communication Technology) émet à peu près autant de gaz à effet de serre que l’ensemble du transport aérien. An inefficent truth (http://www.globalactionplan.org) révèle qu’un serveur informatique de taille moyenne a la même empreinte écologique annuelle – traduite en production de carbone – qu’un gros 4×4 américain, qu’on appelle là-bas un SUV.

Et tout est à l’avenant, dans un crescendo d’irresponsabilité et même de délire. Ainsi, 58 % des départements informatiques, du plus petit au plus vaste, ne paient ni ne voient leurs factures d’électricité, prises en charge par d’autres qu’eux. Et 12 % de mieux voient – une seconde ? – leur note, sans toutefois la payer sur leur budget. Bien entendu, presque aucun n’a la moindre idée de la contribution de leur(s) machine(s) à l’émission de gaz carbonique.

Ils s’en foutent, gaillardement, sans état d’âme, conscients d’appartenir à l’élite du monde en marche, connecté, moderne, rutilant en diable. Que veux-je vous dire ? Mais vous le savez bien ! C’est le principe de nos sociétés qui est en question, et nullement telle ou telle de leurs inventions concrètes. La propagande, hier seulement, souvenez-vous, proclamait que, grâce à l’ordinateur, nous irions doucettement, confortablement, vers une production de plus en plus immatérielle, tournant le dos aux gaspillages passés, responsable, écologique même.

C’est tout le contraire. Nous allons dans une direction qui comblera les fous de jeux vidéos et les touristes; les urbains et les nomades; les petits vieux comme les jeunes fous. Le monde, tel qu’il va, empilera le nucléaire, les grands barrages, les éoliennes, les panneaux solaires, les centrales au charbon, le chauffage au gaz, et tout le reste, que nous n’avons pas encore eu le bonheur de découvrir. Oui, le monde tel qu’il va. Mais ira-t-il encore très loin de la sorte ? Nous avons à penser. Nous aurons à agir.