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Le principe industriel est-il criminel ? (à propos de la clope et du reste)

J’ai choisi cette fois un titre un poil abscons, en tout cas peu clair au premier abord. Et c’est volontaire, car je tiens à vous garder ici jusqu’à la fin. À l’heure du net et du survol, ceux qui lisent un article jusqu’au bout son rares, je le sais. Et je sais de même que je perdrai des lecteurs en nombre avant le bas de cette page. Je tente donc une pauvre ruse, et voyons ce qu’elle donne.

Ce que je vais écrire n’est pas ordinaire, et si j’étais vous, je prendrais cet avertissement au sérieux. Je sais de longue date, pour avoir observé de bien près certaines industries mortifères que le crime a joué et joue son rôle dans leur déploiement vertigineux. Je l’ai vu au sujet de l’amiante, au sujet des déchets – je me suis occupé professionnellement, pendant des années, de la sinistre décharge de Montchanin (Saône-et-Loire) -, au sujet des pesticides, des biocarburants, de la viande. Je sais donc de source sûre et certaine que les grandes chaînes hiérarchiques, démesurément étendues, produisent sous le règne du profit maximum des comportements ignobles, immondes et, oui, criminels.

Avant de savoir qui est responsable, éventuellement justiciable, je dois vous parler d’un article qui constitue un choc. Cela ne m’arrive pas toutes les cinq minutes, car je n’ai jamais cessé de lire les journaux depuis l’âge de dix ou onze ans, ce qui commence à dater. Cet article signé Stéphane Foucart, a paru dans Le Monde sous le titre : Les conspirateurs du tabac. Exceptionnellement, je vous en donne l’intégralité dans la partie Commentaires, ci-dessous, mais vous pouvez aussi le lire online, en cliquant ici. Foucart évoque la sortie d’un livre aux États-Unis, écrit par le professeur de Stanford Robert Proctor. Cet intellectuel de haut vol a passé des années à dépiauter des millions de documents internes à l’industrie du tabac. Quoi qu’on puisse penser du reste, ce n’est pas chez nous que l’on verrait cela. Car en 1998, après un procès historique mené par 46 États américains contre les industriels de la clope, il a été décidé, outre le versement d’une menue amende de 188 milliards d’euros, la publication forcée de mémos, courriels, documents internes en tous genres. Et dans cet immense fatras, comme on se doute, d’innombrables révélations qui donnent sa chair au bouquin de Proctor, Golden Holocaust.

Bien sûr, je savais que les fabricants de tabac savaient. Et qu’en toute conscience, ces crapules avaient continué d’inonder les marchés de leur poison mortel. J’avais compris – il aurait fallu être bien aveugle – que cette industrie était comme l’archétype de tant d’autres. Dès les années 20 du siècle passé, raisonnablement, le doute n’était plus permis : le tabac était bien un puissant cancérigène. Confrontés au péril d’une chute sans fin de leurs profits, les pontes de la clope eussent pu tenter une reconversion, mais ils décidèrent en conscience la tuerie de masse. Savez-vous qu’au moment du Plan Marshall pour l’Europe dévastée par la guerre -1947 -, les cigarettiers ont obtenu du gouvernement américain que l’aide directe se décompose en deux dollars de nourriture pour un dollar de tabac ?

En 1953, les mêmes lancent une stratégie extraordinaire qui vise à tromper l’opinion et ces benêts de journalistes en organisant méthodiquement un soi-disant « doute scientifique » sur la dangerosité de la clope. On achète des scientifiques – je croyais la chose rare, Proctor montre que non -, on finance des études biaisées, montées en épingle ensuite dans les journaux adéquats, et de la sorte on crée du bruit, des écrans de fumée, de la confusion. Il faut donc, pour y voir plus clair, de nouvelles études, lesquelles se montrent comme par hasard aussi contradictoires que les précédentes. Ô ne me dites pas que vous ne reconnaissez pas cette musique ! Elle est jouée en ce moment au sujet des antennes de téléphonie mobile.

Osons parler de chef d’œuvre. Il a permis de gagner des dizaines d’années, et il continue d’ailleurs de travailler les esprits dans ces pays d’avenir pour la mort que sont la Chine, l’Inde, et tant de contrées plus exotiques encore. Le savoir-faire accumulé a bien entendu servi aux autres, avec en France par exemple ce qu’on a appelé le Comité permanent amiante (CPA), créé pour tromper sur les risques de contamination par ce qu’on appelait jadis, The Magic Mineral. Mais revenons au tabac. Comment décrire ? La clope tue 5,5 millions d’humains chaque année, soit davantage que le sida, le paludisme, la guerre et le terrorisme réunis. Au cours du XXème siècle, la cigarette aura flingué prématurément 100 millions d’hommes et de femmes. Chiffre à rapprocher – et pourquoi n’oserait-on le faire ? – des 50 à 60 millions de morts de l’infernale Seconde Guerre mondiale.

Des statisticiens ont même calculé ce que tuerait la cigarette au cours de ce siècle si les tendances devaient rester les mêmes, ce qui est pour sûr impossible. Il n’empêche que l’estimation est, disons, intéressante : 1 milliard. Oui, d’authentiques ordures cousues d’or pourraient être responsables de la mort d’un milliard d’entre nous. Par commodité, je vous prie, laissons de côté le débat périphérique – et légitime – sur la responsabilité propre au fumeur, cela nous perdrait. Et d’ailleurs, Proctor raconte dans son livre les incroyables ruses de l’industrie pour rendre toujours plus accros et dépendants les malheureux consommateurs imbéciles. Car imbéciles ils sont, j’en disconviens d’autant moins que j’ai clopé pendant quinze années.

Quoi d’autre ? Eh bien, les fabricants ont infiltré en professionnels qu’ils sont l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De nouveau, je le savais, mais dans les grandes lignes seulement. Comme je sais que toutes les structures onusiennes comme la FAO, le Codex Alimentarius – créé par l’OMS et la FAO pour édicter des normes alimentaires…-, le Pnue, le Pnud et bien d’autres le sont. Je vous renvoie à un document de l’OMS, en anglais hélas, qui est proprement stupéfiant. Je ne prétends pas avoir lu les 260 pages, mais j’y ai passé suffisamment de temps pour recommander le texte à quiconque, et c’est ici.

Quoi d’autre ? La clope est radioactive, et un paquet et demi par jour équivaut, grossièrement, à 300 radios du thorax en une année.

Quoi d’autre ? J’arrête là, et je vous dis que nous sommes vraiment des êtres soumis. Du gibier bon à être abattu par les petits et grands viandards de l’industrie. Non ? Si. Pour sortir de la folle cécité qui est la nôtre, il faudrait commencer par nommer le crime. Ce qui entraînerait ipso facto une crise essentielle dans ces structures soi-disant écologistes qui collaborent avec l’industrie, et parfois la pire, comme c’est le cas, entre autres, du WWF ou de France Nature Environnement (FNE). Bien entendu, cela ne suffirait pas, mais conduirait à rechercher des formes d’action enfin adaptées. Car en face de l’assassinat de centaines de millions de personnes, que fait-on ? On pétitionne ? On joue du flûtiau ? Ou bien l’on dresse la liste des criminels avant que de leur faire rendre gorge ? Ce n’est pas ce que j’appellerais la même stratégie.

Que ce soit pour les pesticides – une industrie criminelle -, les biocarburants – une industrie criminelle – la viande – une industrie criminelle – et vous compléterez l’interminable liste vous-même, nous savons bel et bien l’essentiel. La seule chose qui nous manque, c’est la vaillance, le courage, la volonté d’enfin affronter le mal incarné. J’ai nommé l’industrie. Et je réponds du même coup à la question posée dans le titre. Oui, je crois que l’industrie est criminelle dans son principe. Elle rend abstrait ce qui est on ne peut plus concret : le besoin de boire et de manger, de se vêtir, de se chauffer, d’avoir un toit. Elle transforme les êtres en marchandises. Elle est dirigée chaque jour davantage par des entités, dont nous ignorons tout. Sans la moindre solution de continuité, selon moi, elle mène des fabriques puantes – qui ruinaient les tondeurs et tricoteurs au seul profit des métiers à tisser et de leurs propriétaires, il y a deux siècles -, à Michelin volant les terres d’un village d’Intouchables du Tamil Nadu aujourd’hui.

L’industrie a toujours, et toujours plus remplacé le service dû aux hommes par son propre mouvement interne. Lequel, dans nos sociétés capitalistes vieillissantes, signifie la recherche abjecte de fric, quels que soient les coûts sociaux ou écologiques. L’industrie est amorale et son gigantisme l’entraîne fatalement à provoquer des dégâts planétaires irréparables. Il n’y a rien que l’on puisse faire, sinon abattre le monstre. Le reste n’est que vile soumission à l’ordre.

Je ne terminerai pas en laissant croire que je réclamerai le retour au bon vieux temps de l’artisanat. Les hommes n’étaient pas meilleurs, mais au moins, la taille de leurs activités leur interdisait les exterminations de masse. Je récuse avec force l’idée que nous serions condamnés à pactiser avec les transnationales et tous nos petits champions nationaux, mus exactement par les mêmes logiques. Ce qui me saute aux yeux, c’est qu’il faudra, sur les ruines de notre monde, bâtir une économie de la simplicité, où les objets retrouveront le sens qu’ils n’auraient jamais dû perdre, où l’on pourra faire réparer toute une vie durant ce dont nous aurions réellement besoin. Une utopie ? Certes oui, et revendiquée. Mais leur avenir à eux n’est pas utopique, il baigne dans le sang des sacrifiés à venir. Arrêtons donc de déconner et de faire semblant, comme tous ces foutus Bisounours de la sphère écologiste, qu’il s’agit de s’entendre entre gens de bonne compagnie. Je ne suis pas de bonne compagnie. Et la place de ces salauds est en enfer.

Le lac Poyang et l’élection présidentielle française

Rajout le 26 janvier, suite à un petit mot de mon ami Hacène. Il me reproche d’évoquer un avenir pulvérulent pour le lac Poyang, constatant à juste titre qu’il pleut encore 1 000 mm d’eau sur la région chaque année. Je ne change rien, et il le comprendra je pense, car j’ai déjà évoqué la grande distance – incommensurable – qui existe entre notre temps si chichement compté et celui des écosystèmes. Mon propos était une image.

Un événement domine tous les autres, qui réduit nos débats picrocholins à leur triste condition : l’état du lac Poyang, situé dans la province de Jiangxi (Chine). Avant de vous en dire plus, et je suis navré de devoir enfoncer ce clou empoisonné : l’élection présidentielle française, Son Excellence Jean-Luc Mélenchon comprise, est un comice agricole franchouillard, où les prétendants se filent des torgnoles pour rire, tout en arborant leur air avantageux et leurs plumes dans le derrière. J’ai honte. Je ne devrais pas, car tous ces candidats me sont bien peu, mais j’ai honte pourtant.

La France, dans ma mémoire profonde, est un pays de révoltés. Je ne dresserai pas la liste de toutes ses barricades, qui m’ont tant fait rêver. Je dois rappeler tout de même qu’il fut un moment de l’histoire où notre pays se pensait universel. Où il trouvait les mots – et les actes – pour parler bien au-delà de ses pauvres frontières géographiques et mentales. Tel n’est plus le cas. Gavé, perdu dans sa goinfrerie perpétuelle, il se contente de radoter. Sarkozy est un Rastignac de troisième division, Hollande un Mitterrand de pacotille, Mélenchon un Robespierre de banlieue. Ce n’est même pas drôle.

Le lac Poyang, donc. Allons à l’essentiel : il est crucial, il est vital pour les hommes et les animaux. Nous parlons d’un géant de 160 kilomètres de long et de 16 de large en moyenne. Soit le plus grand lac d’eau douce de ce pays d’1 milliard 400 millions d’habitants. Je ne sais pas, et je ne crois pas d’ailleurs qu’on sache bien, en Chine, combien d’humains sont abreuvés par ses eaux. Disons beaucoup, et je suis certain de ne pas me tromper. Disons des millions, et je suis bien sûr de ne pas exagérer. La province du Jiangxi, peu connue, se trouve au sud-ouest de Shanghai, et compte environ 45 millions d’habitants. Pour les oiseaux migrateurs, les chiffres sont raisonnablement plus précis : l’hiver, 500 000 d’entre eux et de 52 espèces différentes se gorgent de nourriture et de graisse sur ses rives et son imposante surface. Dont la merveilleuse et si menacée grue de Sibérie. Regardez ci-dessous cette beauté.

 Grus leucogeranus

Le Poyang abrite également 140 espèces de poissons et supporte la vie de 600 autres espèces animales (ici, en anglais). Que se passe-t-il là-bas ? Une catastrophe dont aucun mot humain ne peut s’approcher. Au printemps 2011, une sécheresse historique a frappé la région, asséchant 90 % de la superficie du lac. 90 % d’un lac de 160 kilomètres de long, je le rappelle. Je dois être en veine de photographies : regardez celles-ci, piquées à un site officiel chinois. Elles datent du 28 mai 2011 pour la première, et du 27 juin 2010 pour la seconde (ici), bien entendu prises au même endroit. Le lac est simplement devenu une prairie, avant peut-être de se changer en désert pulvérulent.

En haut : le 28 mai 2011, un photographe marche sur le lit exposé du lac Poyang à Jiujiang. En bas : le 27 juin 2010, le lac Poyang au même endroit.

Cela, c’était donc au printemps dernier. Et maintenant, c’est pire. Jamais le lac n’avait été aussi désespérément sec un mois de janvier. Les pêcheurs n’ont pas eu à sortir leurs barques, car l’eau n’y est plus (voir le reportage photo). La sécheresse n’est pas la seule explication, de loin. Le barrage des Trois-Gorges, l’insupportable barrage des Trois-Gorges (ici) joue un rôle-clé dans cette tragédie. Or ce barrage, c’est nous aussi. Car Alstom, l’entreprise franchouille dont Chevènement s’est fait le héraut a vendu aux canailles de la bureaucratie chinoise 12 des 26 turbines géantes des Trois-Gorges. Avis aux crapules de gauche et de droite qui défendent le travail « français ».

Pourquoi les Trois-Gorges sont-ils en cause ? Mais parce que le lac Poyang se situe à l’aval du lac de barrage, long de centaines de kilomètres ! Tout l’équilibre de ce qui fut un grandiose écosystème est rompu. À jamais, du moins à vue humaine. Une considérable partie des eaux est désormais retenue, au lieu d’irriguer les terres, et d’alimenter nappes et lacs. Même la Chine officielle s’en émeut, c’est dire ! Jetez un regard à cet article estampillé par Pékin, mais en langue française (ici), et notamment à ces mots terribles : « Le projet du barrage des Trois-Gorges n’a pas pris la mesure complète de son impact sur l’environnement durant sa phase de conception, a admis un fonctionnaire hier. Il a ajouté que cet impact pourrait néanmoins être minimisé par des rejets d’eau du réservoir appropriés dans le fleuve Yangtsé. Le plus grand projet hydroélectrique du monde a contribué à la diminution du niveau d’eau dans le lac Dongting du Hunan et dans le lac Poyang du Jiangxi, a déclaré Wang Jingquan, inspecteur adjoint du Bureau de prévention des inondations et de la sécheresse affilié au Comité des ressources hydrauliques du Yangtsé ».

Autrement dit, les communistes au pouvoir reconnaissent à demi-mots, mais vingt ans après les courageux qui osèrent l’écrire au risque de leur liberté et même de leur vie, que les Trois-Gorges sont un crime de masse. Je ne les déteste pas, je les hais. Je sais que dans une société (faussement) pacifiée comme la nôtre, il ne fait pas bon assumer un tel sentiment. C’est barbare. Pis, c’est vulgaire. Mais moi, pour être franc, je m’en fous. Je n’aurai pas vécu pour faire plaisir au monde des bien-nés et des bien-élevés.

Et je continue. La situation est si grave que, sans état d’âme apparent, les divines autorités de la province de Jianxi envisagent désormais…un barrage pour que le lac Poyang ne verse plus ce qui lui reste d’eau dans le Yangtsé, le fleuve martyrisé par les Trois-Gorges. Un barrage contre le barrage ! Nous sommes bel et bien dans le monde des Shadoks (ici, en anglais). Au total, si l’on en croit la presse officielle du régime, 243 lacs d’une surface de plus d’un kilomètre carré chaque ont disparu en Chine depuis cinquante ans (ici, en français).

Je vous le dis bien calmement : la Chine est en train de vivre un krach écologique au regard duquel nos angoisses ne pèsent rien. La crise financière dont tant de gens discutent chaque matin chez nous n’est absolument rien en face du grand désastre planétaire dont nous sommes coresponsables, au premier plan. Je vois, comme vous j’espère, que pas un candidat à notre funeste élection présidentielle ne s’intéresse si peu que ce soit à ce qui commande pourtant notre avenir commun. Autant dire que je les envoie tous au diable, du premier – de la première – au dernier – à la dernière. Je ne sais plus bien qui a dit cette phrase limpide, que je fais mienne : « Si le mensonge règne sur le monde, qu’au moins cela ne soit pas par moi ». Et en effet, au moins cela.

À ceux qui nous préparent des lendemains atroces (à propos du climat)

Il se tient en ce moment à Durban (Afrique du Sud) une énième conférence mondiale sur le climat. Je ne regarde que de loin, car je sais l’essentiel : il n’en sortira rien. Rien. Certains, y compris peut-être chez les écologistes officiels, jugeront bon de faire accroire qu’un pas a été accompli. Mais ce sera faux, bien entendu. Je ne dis pas cela pour décourager qui que ce soit de croire au Père Noël. J’ai toujours aimé le Père Noël. Mais je crois préférable, chez un peuple d’adultes, de laisser cette noble croyance aux plus jeunes d’entre nous.

Je ne vous ferai pas la liste des conférences précédentes, toutes effroyablement gâchées. Celle de Copenhague, à la fin de 2009, peut être considérée comme un archétype. On palabre, on applaudit, on conspue, on se congratule pour finir, sur fond de désastres de plus en plus évidents. Officiellement, la France est vertueuse, et se promène du reste toujours auréolée de grands discours creux, dont ceux de Sarkozy donnent une image assez juste. Officiellement, la France comme l’Europe sont vertueux, et prétendent en conséquence faire les gros yeux à ces vilains Américains et à ces affreux Chinois, qui ruinent tous nos si magnifiques efforts. Que vous dire ? Oui, c’est une supercherie totale, mais dont tout le monde se contrefout – je vais y revenir – au long de ce fameux axe politique droite-gauche, qui inclut je le précise tout de suite Europe-Écologie-Les Verts.

Quelle supercherie ? Je vous renvoie à Jean-Marc Jancovici, polytechnicien et néanmoins formidable vulgarisateur de la question énergétique. Ceux qui voudraient me chercher à son propos doivent savoir que je l’ai constamment critiqué pour ses positions très favorables au nucléaire. Il reste que cet homme pense, et souvent des choses passionnantes. Au nom de quoi devrait-on l’oublier, dans ce monde pétrifié ? Jancovici, donc, a publié un calcul remarquable, et je dois ajouter : incontestable. Si. Je maintiens : incontestable. Selon ce travail (ici), chaque Français émet 13 % de gaz à effet de serre de plus en 2010 qu’en 1990. 1990, telle était la date retenue au sommet de Kyoto – 1997 -pour jauger et juger les efforts de réduction des émissions de gaz des uns et des autres. Le protocole prévoyait ainsi que les pays développés s’engageaient à réduire leurs rejets de 5 % en moyenne à l’horizon 2012 par rapport à 1990. 2012, nous sommes bien d’accord ? c’est dans un mois.

C’est dans un mois et les charlatans qui nous gouvernent prétendent que, notamment grâce au nucléaire, notre pays serait au rendez-vous de Kyoto, qui soit dit en passant n’était déjà rien, RIEN, en égard des véritables enjeux climatiques. Mais tel n’est pas le cas. Et si nous émettons 13 % de gaz à effet de serre en plus, par rapport à 1990, c’est que les calculs ministériels oublient un détail. La consommation hystérique de biens matériels fabriqués ailleurs. Eh oui ! C’est simple comme bonjour : à qui diable attribuer les saloperies made in China, made in India, made in partout ailleurs, qui arrivent par milliers de tonnes dans nos ports, pour satisfaire une fringale sans but ni fin ? On refile les émissions liées à leur fabrication aux autres, et pas à nous ! De la sorte, nous pouvons dormir tranquillement. Les joujoux, les cotonnades, les ordinateurs, les télés, les téléphones ? C’est pas nous, c’est les barbares de tout là-bas !

Et voilà pourquoi votre fille est muette. Voilà la vérité à peine cachée de notre monde réel. Et le fondement d’une unité nationale qui ne dira jamais son nom. Mélenchon, par exemple, qui se prétend écologiste quand il n’est jamais qu’un politicien mollettiste (1) de plus, réclame une augmentation de la consommation des biens matériels en France, ce qui le rend complice – qu’on se rassure, il ne sera jamais jugé – de l’aggravation si prévisible de la situation climatique. Il n’est pas le seul. Tous continuent de danser sur le pont du Titanic, et les Verts, qui se battent au couteau pour des places de députés, ne font évidemment pas exception.

Des organismes qui pourtant soutiennent la marche folle de ce monde assassin, comme l’Organisation météorologique mondiale (OMM), le Programme des nations unies pour l’environnement (Pnue), l’Agence internationale de l’énergie (AIE), notent avec une grande force que, sans un sursaut qu’on peine à imaginer, la température moyenne du globe s’apprête à devenir incontrôlable. La barrière des 2° d’augmentation – digue ridicule s’il en est – sera sous peu pulvérisée. Nous allons vraisemblablement vers 4 ou  5 degrés de plus, voire 6 à l’horizon 2100. Ce que nous promettent ces perspectives, si elles devaient se réaliser, c’est la fin des civilisations humaines. Attention !  Je ne parle pas là de la disparition des hommes, mais d’une régression sans précédent depuis qu’existent des sociétés civilisées. Et j’en profite pour vous rappeler ce truisme : sans l’exceptionnelle stabilité du climat que nous connaissons depuis des millénaires, pas de Pharaons, pas de Phéniciens, pas d’Athéniens ni de Spartiates, pas de pax romana, pas de cathédrales, et pas même de Révolution française. Nous devons tout, absolument tout à l’extrême bonté d’un climat favorable.

4, 5 ou 6  degrés de plus, c’est la fin concrète des agricultures productives, la migration forcée de centaines de millions d’êtres, et peut-être davantage, c’est la guerre sous toutes ses formes, le massacre, l’ensevelissement de l’idée humaine, et pour longtemps. Je vous renvoie à un article de l’historien du climat Emmanuel Le Roy Ladurie (ici), qui n’a rien d’un écologiste. Le dérèglement du climat, historiquement – à des niveaux dérisoires par rapport à ce que nous vivons -, signifie l’affrontement entre les hommes. Et pourtant, nul ne met cette question au centre de la discussion publique chez nous, à quelques mois d’une élection présentée comme importante. Que la droite veuille poursuivre cette marche forcée à l’abîme, soit. Elle semble née pour nous entraîner au chaos. Mais la gauche, mais les gauches, mais ces écologistes estampillés ? Ils font exactement pareil. Mutatis mutandis, ces gens me font penser à ceux qui couraient sur le terrain d’aviation du Bourget à la rencontre de l’avion de Daladier, retour de Munich. On s’en souvient, Édouard Daladier, Président du Conseil en cet automne 1938, était allé vendre la Tchécoslovaquie à Hitler, dans le fallacieux espoir de sauver la paix. De retour en France, il redoutait, apercevant la foule sous les ailes de l’avion, d’être lynché par des antifascistes révulsés par sa couardise. Au lieu de quoi, il fut acclamé par une foule d’imbéciles.

Eh bien, sachant dès l’avance que je vais choquer des lecteurs fidèles, je fais un rapprochement avec la situation présente, dont j’ose écrire qu’elle est pire, incomparablement. Ceux qui soutiennent des partis indifférents au chaos climatique qui vient, et qui s’apprêtent à voter pour eux, ressemblent à ceux qui apportaient des fleurs au Bourget à ce damné connard de Daladier (2). Il y a des moments, et nous en sommes là, où la rupture mentale est une nécessité absolue. Je ne voterai pas en mai 2012, car tous, TOUS nous préparent des lendemains atroces.

(1) Mollettiste renvoie à Guy Mollet, ancien dirigeant de la SFIO, qui donna naissance au parti socialiste. Mollet avait commencé sa carrière politique en 1945, tonnant du haut des tribunes et maniant une langue souvent plus « à gauche » que celle du parti stalinien (communiste). Sa spécialité fut donc d’apparaître comme une sorte de révolutionnaire de pacotille. Ce qui n’empêcha pas son parti, dès 1947, de réprimer les grèves par la violence étatique, sous la conduite de Jules Moch. Et à Mollet lui-même de couvrir et même encourager la torture de masse en Algérie lorsqu’il devint président du Conseil en 1956.

(2) Rappelons que Daladier fut un personnage-clé du gouvernement de Front populaire en 1936.

Pascal : un grand philosophe nous est né (sur le cas Bruckner)

Pour Marie, qui se demande dans un commentaire pourquoi je ne parle pas de Bruckner. Eh bien, j’en parle. J’en ai parlé dans un papier publié par Charlie-hebdo il y a deux semaines. Car j’y ai fait la critique de son dernier livre. Et voilà ce que cela donne.

Les écologistes sont « les Lugubres ». Des méchants et des affreux qui détestent l’homme et le progrès. Et s’ils répandent la peur du lendemain, en bons petits chevaliers de l’Apocalypse, c’est que leur but est de « nous démoraliser pour nous mettre au pas ». C’est tellement bas du cul que ce livre a forcément été écrit par Pascal Bruckner lui-même. Pas de nègre chez monsieur le grand philosophe. On survole trois bouquins, on reluque Wikipédia, et l’on pond un bouquin de plus, salué par les journaux dignes de ce nom comme un magnifique essai : Le fanatisme de l’Apocalypse (Grasset, 20 euros).

Bon, faut bien continuer. Bruckner, comme d’autres plaisantins avant lui, n’a à peu près rien lu sur le sujet qu’il traite. La dislocation des grands écosystèmes, les crises de l’eau, de la biodiversité, des sols, des océans, le dérèglement climatique, il s’en tape. Il n’est pas au courant. « Après tout, note-t-il tout en finesse, le climat de la Riviera en Bretagne, des vignes au bord de la Tamise, des palmiers en Suède, qui s’en plaindrait ? ». Pas lui. Le pilier du café du Commerce veut continuer à profiter de la vie sans qu’on l’emmerde, car « voitures, portables, écrans, vêtements sont à tous égards non des gadgets, mais des agrandissements de nous-mêmes ». Face à ces merveilles, les écologistes n’ont qu’un but : « Mettre le voile noir du deuil sur toutes les joies humaines [l’italique est dans le texte d’origine, pas seulement dans Charlie] ». Pourquoi ? Mais parce qu’ils sont fanatiques, sectaires et même avares. Avares, c’est nouveau, ça vient de sortir. Oh, mais quels vilains !

Les références du Bruckner, allez savoir pourquoi, sont rares et répétitives, ses citations assez courtes pour semer le doute sur leur signification réelle, et le tout est enveloppé d’une logorrhée aussi belle qu’un cours de philo à l’ancienne, où l’on voit apparaître à la queue leu leu Kant, Rousseau et Nietzsche. Ça mange pas de pain, mais qui est visé ? L’écrivant polygraphe ne s’attaque en réalité qu’à ceux que l’on appelle les décroissants. En multipliant d’ailleurs les erreurs : Rabhi n’a ainsi jamais été le « père du mouvement décroissant ». Seulement, qui achèterait un livre de ce genre ? Philosophe mais conscient des lois du marché, Bruckner joue donc avec les mots, passant tranquillement des « écologistes » aux « Verts », de Serge Latouche à Hervé Kempf, de Hans Jonas à Jean-Pierre Dupuy, d’Ivan Illich à André Gorz.

Dans le genre, il faut reconnaître que c’est fendard. Le fondement de l’infamie serait ceci : « L’humanité est aberrante dans son ensemble, nous disent de nombreux auteurs, il faut la prendre comme une maladie à soigner de toute urgence ». Soigner, c’est-à-dire faire disparaître. Sauf bien sûr que les « nombreux auteurs » du moraliste n’existent pas. Mais s’ils n’existent pas, plus de livre à promouvoir. Donc ils existent. Ce doit être un procédé rhétorique, peut-être même philosophique.

Au total, Bruckner apparaît comme un scientiste un brin déconnant, qui défend les OGM, les « mini-centrales nucléaires sous-marines », « l’ensemencement en minerai de fer des océans pour faire croître les algues planctoniques », et même le DDT. Sans oublier les avions volant dans la stratosphère – entre 10 et 60 km d’altitude -, ou encore les ordinateurs « qu’on pourra bientôt intégrer à nos  corps ». D’un côté « les commissaires politiques du carbone », qui répandent la peur et le goût du désastre. De l’autre, quelques rares esprits demeurés lucides, résistant tant bien que mal au déferlement du « nouveau despotisme ». Comparé à Pascal Bruckner, Claude Allègre est un mou du genou, un roi de la dégonfle, une pauvre couille molle.

Au fait, qui est ce mec ? Bruckner a déjà eu son quart d’heure de gloire en 1983, avec un autre livre : Le sanglot de l’homme blanc. Les écologistes s’appelaient alors tiers-mondistes, qui par haine de l’Occident, osaient interroger les responsabilités du Nord dans la situation du Sud. Voilà comment on gagne son rond de serviette médiatique chez les bien-pensants. Dix ans plus tard, en 1992, un petit salopard nommé Luc Ferry piquait la place en publiant Le Nouvel Ordre écologique (Grasset), qui présentait les écologistes et les défenseurs des animaux comme des suppôts de Hitler (1). Un livre tous les vingt ans pour entretenir la haine de ceux qui pensent (vraiment), c’est le bon rythme, Pascal. Rassure Charlie : tu permets qu’on t’appelle Pascal, hein ?

(1) Une remarquable critique de Ferry par l’historienne Élisabeth Hardouin-Frugier : http://bibliodroitsanimaux.voila.net/hardouinfugierloinazie.html

Réponse à Skept (sceptique professionnel autocentré)

Un lecteur de Planète sans visa, qui utilise le pseudonyme de Skept, intervient depuis quelques semaines d’une manière que je juge fort attrayante. L’homme – si c’est un homme – est cultivé, maîtrise parfaitement notre langue, dispose d’un accès sûr à des informations de qualité. En somme, c’est un excellent commensal, et je le remercie sans détour de ses interventions.

Pour le reste, il va de soi que je suis en désaccord total et définitif avec sa pensée. Vous trouverez ci-dessous à la fois ses commentaires et ceux qu’il a pu entraîner à sa suite. Le tout est à lire depuis le bas de cette page interminable, en remontant, donc. Je ne souhaite pas détailler tous les propos de Skept, et n’en aurais d’ailleurs pas le temps, même si je le désirais. Ce qui me frappe en bloc, dans ces textes, c’est leur sophistication et leur extrême arrogance, dissimulée comme il se doit entre gens civilisés, sous une apparence urbaine. En l’occurrence, notre ami utilise le masque de la raison critique.

Je vois bien que je succombe moi-même à la polémique, car en vérité, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une pelisse, d’une sorte de déguisement pour mieux tromper l’adversaire. Je crois chez lui à une certaine vérité de la pensée, ce qui n’exclut pas, chemin faisant, le plaisir du bretteur affrontant tout son monde avec vaillance. Car nul doute : il aime batailler, prendre à revers, trancher des gorges, métaphoriquement parlant. Seulement, pour quoi ?

Je me dois d’écrire que Skept, à mon sens en tout cas, reste très ignorant de la gravité extrême de la crise de la vie sur terre. Tout lui semble du déjà vu, de près ou de loin. L’humanité comptant déjà une si longue histoire, il faudrait lui apporter bien d’autres éléments pour qu’il se mette à douter de ce qu’il considère comme acquis, et qui s’appelle simplement le progrès. Il n’envisage pas, ni ne compte le faire, la possibilité que l’histoire humaine ait subi un tournant sans aucun précédent.

Cela le dérangerait, et mettrait en question sa vision du monde, et celle de lui-même dans le mouvement de la société. De ce point de vue, il semble tout de même plus économique, plus agréable en tout cas, de penser à un énième remake. Comme la vie techniquement améliorée est si évidemment préférable à la misérable existence dépourvue d’histoire – donc de progrès – des peuplades lointaines, comment oserait-on mettre en doute la métamorphose complète des sociétés humaines lancée voici désormais plus de deux siècles par la machine à vapeur ?

Tel est le postulat. Tel est le substrat. Skept ne voit pas, car il n’y a visiblement pas intérêt, qu’un monde meurt, qui se heurte pour la première fois dans l’histoire des hommes à des limites physiques infranchissables. Il ne souhaite pas entendre que les océans vivent une dislocation de leurs chaînes de vie sans précédent depuis des dizaines de millions d’années. Il ne veut pas voir le désert qui gagne, le corail qui meurt, les mangroves qui disparaissent comme le font tourbières et zones humides. Il ne veut considérer la mort plus que probable des forêts tropicales, la crise du cycle de l’eau, l’amincissement si net, encore aujourd’hui, de la couche d’ozone, l’extraordinaire pollution chimique planétaire par des molécules n’ayant encore jamais existé. Le dérèglement climatique, qui conditionne in fine toutes les activités humaines, ne saurait être établi, car s’il l »était, cela ruinerait à soi seul l’édifice de cette si belle pensée progressiste. Le nucléaire ? Skept sait déjà que Fukushima n’est pas l’atroce catastrophe que l’on sait. Car si tel était le cas, à qui donc faudrait-il se fier ?

Les sols épuisés du monde réel, les nappes phréatiques surexploitées donneront, pour peu que l’on fasse confiance à qui de droit, de quoi nourrir – de viande, par exemple, n’est-ce pas ? – neuf ou dix milliards d’humains.  La technique, le savoir-faire, l’ingéniosité des hommes viendront à bout des difficultés qu’en sa malignité Skept reconnaît, car tel est notre destin, de toute éternité. Le monde de Skept annonce pour de bon la fin de l’histoire, en ce qu’il nous condamne à une éternelle répétition. Nous avons eu des difficultés, nous en aurons encore, mais nous trouverons des solutions, car nous en sommes capables. Et, bien sûr, parce que nous en avons le droit. Je cite exceptionnellement Skept, car je trouve dans ces mots un concentré d’une vision autocentrée, faussement rationnelle, et réellement folle : « Je ne trouve pas moralement mauvais que l’homme arbitre en faveur de son bien-être au détriment du non-humain ».

Nous sommes face à un archétype d’une rare consistance. L’homme au sommet d’une non-pensée de la toute-puissance. L’homme à l’égal d’un enfant qu’aucune force contrariante n’a encore limité dans son espace et ses décisions. Le non-humain ! Le non-humain ! Tout ce que nous apprenons depuis précisément deux siècles, depuis les Encyclopédistes, et chaque jour un peu plus, nous rapproche d’une vision complexe, holistique, systémique, écosystémique de la vie sur cette terre. L’homme, animal fort savant il est vrai – à certains égards, c’est l’évidence – entretient des liens d’une force inouïe avec l’ensemble des autres systèmes vivants. À rebours, certaine pensée primitive et progressiste, primitive car progressiste, consiste à nier, sous toutes formes possibles, l’extrême dépendance de nos sociétés à l’égard des écosystèmes.

Ajoutons que cette manière ridicule, mais profonde, de signaler une frontière entre l’humain et le non-humain met à bas l’idée même de beauté, de grandeur, de transcendance. À suivre notre critique, le bien-être – matériel – de notre espèce serait comme un étalon moral supérieur à tout autre. Et en ce cas, les sources de la Loire vaudraient moins qu’un Espace de la marque Renault. La télévision à plasma justifierait aisément l’extermination des escargots et des baobabs. Pour vous dire le fond de ma pensée, je préfère mon univers intérieur au sien.

Le rêve, qui est pur fantasme, de Skept, consiste à imaginer un homme qui aurait donc des droits prépondérants au motif, si je le comprends bien, qu’il a les moyens de ses si belles ambitions. Appliqué à l’histoire des sociétés humaines et de leurs drames récurrents, un tel principe nous mènerait si loin  que je ne parviens pas à accuser Skept d’en avoir accepté dès l’avance les inévitables conséquences.

Skept se plaindra peut-être que je le maltraite. Pour la raison, entre autres, que je ne réponds pas à chacune de ses affirmations. Vous verrez. J’ai estimé pouvoir juger d’une pensée, très répandue, infiniment répandue en vérité. Elle est en réalité au pouvoir intellectuel de la France. Elle ne sait, elle ne peut, elle ne veut pas même prendre en compte des éléments pourtant objectifs d’une série d’événements qui mettent en cause la pensée de l’homme et les moyens qu’il s’est octroyés. Je crois que la crise écologique, par la violence extrême de ses manifestations, rend paradoxalement sourds, aveugles, et à certains égards muets des hommes qui se croient pourtant des intellectuels. Et qui le sont, d’ailleurs. Mais qui ne sont que les intellectuels d’un monde qui a cessé d’exister.

(Je précise à toutes fins utiles que je viens d’écrire ce texte comme il m’est venu, à l’égal de tous les articles publiés ici. Il exprime bien entendu ce que je pense, mais peut comporter son lot d’approximations, d’erreurs, de sottises même. J’en accepte le risque et la responsabilité. Depuis quatre ans que j’ai créé Planète sans visa, je n’ai jamais varié de cette règle. J’écris au fil de ma plume, et je publie, et j’attends réponses et répliques). 

Commentaires

  1. Laurent Fournier |Bonjour Skept, votre expérience de l’esprit est intéressante. La manière d’y répondre détermine vraiment notre attitude. S’agit-il d’une philosophie abstraite portant sur des mots, ou s’agit-il d’une réflexion sur l’univers dont nous faisons partie ? Que signifie “énergie” au fond ? C’est la découverte que l’équilibre des flux naturels peut être détourné par l’intelligence, et qu’ainsi l’Homme peut changer le cours des choses, bien au-delà de la force contenue dans son propre corps. En projetant dans l’univers la notion de travail, on y voit de l’énergie partout. Mais énergie signifie uniquement, possibilité de détourner le chemin naturel des mouvements de l’univers. Le travail (force x déplacement, autrement dit, effort) est un concept physique. L’énergie est une abstraction. On ne la voit que lorsqu’elle produit un travail. Mais détourner les flux naturels, est-ce gratuit ? Une action sans conséquences est-elle conceptuellement possible ? Alors l’énergie infinie et gratuite qu’on nous fait miroiter a intervalles réguliers, si c’est un mythe, que signifie-il ? Chacun devrait se poser la question, avant de manœuvrer un interrupteur ou de tourner un robinet (l’eau qui coule du robinet, il a bien fallu la pomper). Ces instruments et ces gestes que l’on considère comme des acquis sans se poser de questions, sont les instruments les plus puissants de construction de ce mythe philosophique de l’énergie infinie, « a disposition ».juil 19, 8:47 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  1. skept |Florian : vous connaissez la citation apocryphe selon laquelle l’âge de pierre ne s’est pas terminé parce qu’il n’y avait plus de pierre. Quoiqu’il advienne dans le futur, la période fossile sera regardée un jour comme une curiosité. Je n’ai pas de “croyance” particulière dans ce futur (les trois hypothèses évoquées ci-dessus sont pour moi équiprobables, et il y en a sûrement plein d’autres dans le réservoir sans fond des mondes possibles), mais j’ai des préférences dans le présent. Même s’il n’existait aucune source d’énergie alternative, cela ne m’empêcherait pas de penser au regard de l’histoire qu’avoir de l’énergie à sa disposition est préférable au fait de ne pas en avoir. C’est ce jugement de valeur, plus rétrospectif que prospectif, qui est à mon avis une source de la discorde. Raison pour laquelle je demandais de faire une expérience de l’esprit : on découvre une énergie X, bon marché, potentiellement inépuisable à l’échelle des temps historiques. Serait-ce une condition suffisante pour abandonner la transition, vu qu’il n’y aurait plus aucune raison objective de craindre une pénurie? Ceux qui répondent par la négative ne s’engagent pas dans la transition pour tel ou tel jugement de fait sur le pétrole, mais pour d’autres raisons.juil 18, 11:26 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  2. marie |Conseil de lecture à Skept : “Manifeste sur la société industrielle” de théodore Kasinsky (unabomber), mathématicien américain, en prison à viejuil 18, 12:31 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  3. skept |Florian : j’ai lu le manifeste sur la Transition, qui se trouvait à bibliothèque de la ville à côté. Bon, pour être franc, cela ne m’a pas convaincu de revendre mon motoculteur et ma tronçonneuse pour reprendre la bêche et la hache ! Je comprends cette philosophie alternative et je ne blâme pas ceux qui l’adoptent : mais je doute qu’elle soit perçue comme un plaisir par la majorité de mes concitoyens. Emmenez un urbain couper quelques stères de bois, il en ressort souvent convaincu des avantages de son chauffage central au gaz ! Vous dites que cette simplicité volontaire résulte d’un choix et non d’une obligation mais en même temps, et comme le mouvement de la Transition, vous suggérez que la prochaine pénurie fossile la rendra de toute façon obligatoire. On verra ce qu’il en est. Nous sommes déjà dans l’ère du pétrole et des MP chères puisque dans pour la plupart d’entre eux, la décennie 2000 a suffi à effacer en quelques années la tendance séculaire à la baisse de ces produits. Nous allons observer laquelle des trois hypothèses se vérifie : décadence, réactivation ou métamorphose de la société industrielle. (Par réactivation, j’entends exploitation plus intensive des même ressources devenues rares ; par exemple que la France voit un jour le retour des mineurs et foreurs pour exploiter charbon, gaz et huile de schiste, minerais, etc.)juil 18, 11:26 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  4. florian |@skept :
    Il faut dépasser les mouvements écologistes alarmistes ou dénonçant tel ou tel fait. Dénoncer est certes important, mais il laisse tout le monde dans un état d’. Il faut au contraire montrer que notre système est basé sur des tromperies (la foi en la mondialisation, en la croissance infinie, en l’accumulation de bien comme critère de bien-être, etc).
    Une fois cette prise de conscience effectuée, il faut réfléchir à nos besoins, des alternatives de vie (qui existent partout dans le monde même si personne n’en parle). Je reprends ici les principes fondateur de la transition (mouvement initié par la ville de Totnes). C’est-à-dire qu’en prenant conscience que le pétrole bon marché n’existera bientôt plus, de même pour les minerais rares, il faut donc se rendre le plus indépendant possible vis-à-vis de ces ressources que nous ne pourrons plus utiliser comme avant. Je trouve que ce principe est valable puisque tôt ou tard nous (pays riches occidentaux) serons touchés par la vraie crise pétrolière. Il faudra donc se passer du pétrole et cela passe par des actions concrètes dès à présent (privilégier les circuits courts, le stockage d’énergies renouvelables, etc).La décroissance, la simplicité volontaire, la frugalité sont autant de mouvements qui résultent d’un choix et non d’une obligation. Toute personne sera bientôt amenée à réfléchir sur la validité de son mode de vie, autant le faire par choix plutôt que par obligation dans 10 ans (sous le coup d’un plan d’austérité, d’une énième crise économique, d’un accident nucléaire, … tout scénario est possible)juil 17, 8:18 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  5. miaou | Skept vous nous dites :
    miaou : je ne sais pas trop ce que signifie “amplifier un besoin”
    Vous vous moquez (ou vous provoquez), ou alors vous êtes le dernier des naïfs. Dans les deux cas vous consolidez le système dont nous montrons les tares. En conséquence : oui, vous êtes un troll, maintenant, c’est évident.
    Si au moins vous aviez répondu à des remarques précédentes, mais pas encore.juil 17, 4:14 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  6. skept | Hacène : oui bien sûr, désolé de la bourde. Ma phrase est d’ailleurs bancale de toute part. L’action humaine dure depuis qu’il y a des hommes – environ 250.000 ans si l’on prend Homo sapiens, dix fois plus si l’on prend d’autres espèces Homo ayant commencé à migrer. Si l’on doit dater l’Anthropocène comme période d’influence anthropique significative sur les milieux, alors il faut sans doute commencer aux premières extinctions de mégafaunes reptiles, aviaires et mammifères, à l’époque paléolithique. Peut-être ces extinctions et leurs conséquences ont-elles influencés certains récits religieux primitifs? On ne le saura jamais.juil 17, 1:22 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  7. Hacène |Skept, ne vous emballez pas et enlevez un zéro à votre durée attribuée à l’Holocène…juil 16, 7:14 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  8. skept | Florian : votre lien explique ma réponse ci-dessus. L’action humaine au Holocène (qui dure depuis 100.000 ans et pas depuis la révolution industrielle) n’a pas éteint pour le moment autant d’espèces que les 5 grands épisodes connus d’extinction : on suppose qu’elle le fera. Tout réside dans des projections en business as usual. La valeur de ces projections est douteuse, et ce fait était encore signalé dans un papier récent du journal Nature (He et Hubbell 2011) sur les mauvaises estimations du lien surface-survie dans les modèles de biodiversité. Les auteurs observaient notamment : « Previous estimates of extremely high extinction rates, – for example, one species per hour to one species a day (8), 33–50% of all species between the 1970s and 2000 (ref. 9), from half to several million species by 2000 (refs 10, 12) or 50% of species by 2000 (ref. 11) – have not been observed. There is also reason to question the recent estimates of extinction rates made by the Millennium Ecosystem Assessment (1) and those by Thomas et al. (19) ».Sur l’avenir, je préfère donc suspendre mon jugement vu que les prévisions anciennes (et déjà catastrophiques) se sont révélées inexactes, que les chercheurs n’ont toujours pas de modèles réalistes de la biodiversité et que l’histoire n’est jamais un business as usual (sauf dans le cerveau d’un économiste, peut-être). Sur le passé et le présent : une part notable de la grande faune a disparu dans les temps pré-industriels, donc cela signale que la pression démographique d’Homo sapiens porte en elle le potentiel de nuisance. La bonne nouvelle est que cette pression est en train de se stabiliser, car le taux de croissance baisse depuis plusieurs décennies (donc le nombre absolu augmentera de plus en plus par la longévité et non la natalité au cours de ce siècle).Ensuite, il y a deux débats à trancher : le bien-être humain baisse-t-il ou augmente-t-il en fonction de l’état de son environnement ? Si l’on admet qu’il baisse à long terme, quelles pratiques sont les plus durables pour environ 9-10 milliards d’humains ? Le Millenium Ecosystem Assessment (2005) observe qu’au niveau global, la richesse (complexité et diversité) des écosystèmes baisse mais que le bien-être humain global augmente. La réponse convenue est que nous le paierons tôt ou tard, car nous nous privons à long terme des services rendus par ces écosystèmes. Mais une autre hypothèse est que le bien-être humain ne dépend plus spécialement de la biodiversité, même à long terme (voir à ce sujet l’article de Raudsepp-Hearne et al 2010, Untangling the Environmentalist’s Paradox: Why Is Human Well-being Increasing as Ecosystem Services Degrade?, Bioscience). Cela rejoint le problème de vos animistes, et de la croyance en général : nos modes de production et reproduction inspirent des récits qui les confortent. Si mon bien-être dépend de la chasse-cueillette d’une communauté réduite sur un habitat large ou s’il dépend de l’infrastructure technique d’une société complexe sur une planète réduite, je n’ai pas la même perception du monde, je n’adhère pas aux mêmes idéologies, récits, croyances.Admettons que vous souhaitiez maximiser la diversité environnementale et limiter la nuisance humaine sur les milieux. Vous avez donc 7 milliards d’humains (et, prévoit-on, 10 milliards) d’un côté, une planète finie de l’autre. Votre solution consiste en une décroissance des modes de vie, sauf là où les besoins primaires ne sont pas satisfaits. Sur le papier, c’est tout à fait cohérent. Il se peut très bien que nous arrivions à cela par contraintes plutôt que par choix, d’ailleurs. Mais pour l’instant, nous sommes encore dans une logique de choix volontaire vers cette simplicité. Mes questions sont : en quoi une telle simplicité est-elle désirable pour l’humain de base qui observe les différents styles de vie aujourd’hui possibles ? Quelle société humaine actuelle ou passée correspond à peu près à cet idéal ? Ou, si aucune société ne correspond, quel est la consommation énergétique et matérielle maximale tolérée ? Comment parvient-on concrètement à modifier les comportements dans les sociétés qui ne correspondent pas à ce comportement optimal ? Comment ensuite contrôle-t-on les free-riders (ceux qui veulent contourner la stratégie altruiste globale par un comportement local égoïste) ?PS : l’énergie solaire n’est certes pas infinie mais, pour les échelles de temps historiques dont nous parlons (plutôt que géologiques ou cosmiques), la capture et le stockage d’une simple fraction suffirait amplement à couvrir les besoins énergétiques de plusieurs humanités comme la nôtre. Cela dit, c’est improbable à court terme et c’était juste une expérience de l’esprit pour savoir si votre inquiétude correspond à une limite physique (dommageable à l’humain car limitant son action) ou au contraire à l’absence de limite physique (dommageable au non-humain car ne contenant plus l’action humaine). Depuis le Club de Rome, la critique écologiste jouait plutôt sur le premier registre – la planète est limitée, hélas pour l’homme mais c’est comme cela –, alors qu’ici, j’ai l’impression que c’est autre chose – quelque chose comme : l’inventivité humaine pourrait bien être illimitée, hélas pour la vie.juil 16, 1:06 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  9. florian |@skept :
    Je vous mets ce texte directement extrait de wikipédia. Nous sommes actuellement, grâce aux progrès industriels, arrivés à une septième extinction massive des espèces appelée extinction de l’Holocène. Je ne mets pas en cause l’expansion démographique humaine car les dommages qu’elle a causée sont partis liés à la propagation d’un mode de vie destructeur de la nature (sans quoi nous n’aurions certainement pas autant d’extinction d’espèces).
    “D’après un sondage fait en 1998 auprès de 400 biologistes par le Muséum d’histoire naturelle américain de New-York, près de 70 % des biologistes pensent que nous sommes actuellement au début d’une extinction de masse causée par l’homme16,17, connue en tant qu’extinction de l’Holocène. Dans ce sondage, la même proportion de personnes interrogées était d’accord avec la prédiction selon laquelle jusqu’à 20 % de toutes les populations vivantes pourraient s’éteindre d’ici une trentaine d’années (vers 2028). Le biologiste Edward Osborne Wilson a estimé en 2002 que si le taux actuel de destruction de la biosphère par l’homme se maintenait, la moitié de toutes les espèces en vie sur Terre seraient éteintes d’ici 100 ans18. De façon plus significative, le taux d’extinction d’espèces à l’heure actuelle est estimé entre 100 et 1000 fois plus élevé que le taux moyen d’extinction qu’a connu jusqu’ici l’histoire de l’évolution de la vie sur Terre19, et est estimée à 10 à 100 fois plus rapide que n’importe quelle extinction de masse précédente. Pour Johan Rockström et ses collègues. La limite acceptable pour la planète serait d’environ dix extinctions par millions d’espèces et par an soit dix à cent fois le taux considéré comme naturel. Or le taux d’extinction était au début des années 2000 estimé supérieur à 100 disparitions par million d’espèces et par an, soit plus de 10 fois supérieur au taux acceptable proposé par Rockström20. Le taux d’extinction actuel correspondrait donc, pour une espèce, à une espérance moyenne de survie inférieure à 10.000 ans alors que l’espérance moyenne au cours des temps géologiques était de un à 10 millions d’années.”Pour rappel, il existait avant le christianisme des populations animistes qui avaient un rapport harmonieux à la nature. Chaque action était prévue en accord avec la nature. Nous pourrions donc nous dégager de l’anthropocentrisme (et pour cela il suffirait de ne plus considérer le profit humain comme composante ultime de nos décisions).Il me semble que vous omettez quelque chose d’important dans votre exposé de l’évolution de nos modes de vie. Quelque soit l’énergie que nous posséderons (bois, animal, solaire, etc), elle ne sera pas infinie. Nous pourrions très bien imaginer que si 9M d’humains exploitent l’énergie solaire pour leur besoins (sur la base d’un mode de vie actuel), ils rencontreront des problèmes à long terme (l’énergie solaire n’étant pas utilisée uniquement par l’homme).
    Il est nécessaire d’avoir une remise en cause de nos modes de vie, et par là, j’entends une décroissance de nos modes de vie. Il faut réfléchir à ce dont nous avons réellement besoin, assouvir dans un premier temps les besoins primaires de chacun ce qui n’est déjà pas le cas dans le monde actuel. Une fois que ces besoins seront assouvis, en adéquation avec les autres espèces et la nature, nous verrons ce que l’on pourra faire.juil 16, 9:56 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  10. skept |bianca : l’empathie intraspécifique existe chez certains animaux, à travers les neurones miroirs et autres processus de représentation dont l’observation a fait beaucoup de progrès récents. Ces travaux sont fascinants, et menés de longue date sur les primates non-humains (parfois sur des félins, des rats ou des oiseaux). Cela posé, je doute cependant que l’ours blanc éprouve autant de choses à l’égard de l’homme que l’homme à son égard (par exemple). Autant la négation de l’animalité de l’homme (de son héritage commun avec le reste du vivant) est absurde, autant sa spécificité est manifeste. Parmi elle, le langage, la conscience, la capacité à s’estimer responsable du sort des êtres non-humains.Sur l’économie : pas bien compris votre lien. Je ne doute pas que notre système a plein de défauts et donc plein de moyens d’être améliorés, mais je ne parviens pas du tout à trouver qu’il en a plus que ceux qui l’ont précédés lorsque j’analyse les critères usuels du bien-être humain et leur distribution dans le grand nombre. Surtout que ce grand nombre a été multiplié par 7 en un siècle seulement. Mon hypothèse est que la perception très aiguë d’une « crise écologique », animant notre hôte et je suppose la plupart de ses commentateurs, est un effet secondaire de ce bien-être . C’est-à-dire que pour 5 ou 6 milliards d’humains, les crises les plus évidentes ne sont et ne seront pas écologiques : ce sont toujours la misère, la guerre, la maladie, la famine, l’arbitraire. Comme nous en sommes (relativement) protégés dans les sociétés riches, nous pouvons porter notre capacité d’indignation sur le CO2 ou la forêt amazonienne ou le blanchiment des coraux. Cela revient souvent à s’indigner de ce que font de plus pauvres que nous (ils déboisent comme nous le fîmes, ils construisent des centrales charbon comme nous le fîmes, ils exploitent leur terre au détriment de la biodiversité comme nous le fîmes, et de temps en temps, ils renversent des régimes autoritaires et corrompus comme nous le fîmes).Certes, si vous considérez que le système industriel moderne rend les gens très malheureux, vous êtes cohérent : vous refusez son existence chez vous et vous ne voulez surtout que les autres fassent la même erreur que nous. Mais voilà, cette cohérence exige de démontrer que nous sommes très malheureux, alors que nous sommes là peinard à débattre sur un ordinateur, que nous avons un peu à manger dans le frigo et un toit pour dormir, que nous ne serons pas arrêtés ou massacrés au petit matin, que nos gosses peuvent boire au robinet sans risquer une dysenterie, que nous n’avons pas l’esprit rivé sur la seule subsistance, etc.juil 16, 12:58 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  11. diksha | @ skeptVotre credo en la “science”, en ses inventeurs, en ses créateurs, est affligeant. Comment ne pouvez-vous pas voir tous les dégâts générés par la soi-disante modernisation de l’agriculture et de l’élevage qui bétonne les sols, élimine la flore et la faune locale, assèche les terres par une monoculture stupide du maïs, détruit l’équilibre fragile de la biodiversité pour faire place aux engrais artificiels qui brûlent le reste de vivant, qui enferme la volaille dans des usines à pondre, qui bourre d’antibiotiques les animaux à naître, qui transforme l’éleveur en industriel qui ne se rend même plus compte que ses “bêtes” sont autre chose que des steacks sur pattes, qui transforme les producteurs de fruits et légumes en apprentis chimistes…Quant au miracle des nanotechnologies, vous les prendrez où les composants nécessaires issus des “terres rares” puisque ils auront bientôt tous disparus dans les nouveaux moyens de communication, mobiles et tablettes, etc ?Vous me faîtes penser à ces naîfs obnubilés par le modernisme qui sont fiers d’avoir conquis le temps avec leurs outils modernes, alors que c’est le temps qui les “bouffe” totalement.juil 15, 10:54 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  12. bianca | Pour Skept:
    après lecture d’un numéro de la revue “esprit” (de 2010 ) consacré aux expériences sur la conscience animale, je suis certaine que l’humain n’est pas le seul animal à se représenter la pensée d’autrui, ni le seul primate à se représenter des affects et à les nommer.sur Lafarge et les autres bienfaiteurs, leurs ramifications me font penser à une cuscute qui se nourrit de sa plante hôte et s’étendant finit pat la faire trépasser;
    j’ai bien peur qu’il ne s’agisse plus du tout d’un ” arbitrage en faveur du bien être” à ce stade de l’évolution de l’ ” économie”.
    http://www.pargesa.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=47&Itemid=27&lang=fr
    sur GBL
    http://fr.gbl.be/group/shareholders/default.aspjuil 15, 5:30 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  13. skept |Florian : pour le coup, je ne pense pas qu’il existe une supériorité particulière de l’homme sur le reste de la nature. Cela n’a pas de sens de poser cela en terme de supériorité et infériorité. La vie évolue depuis 2,5 milliards d’années, elle en a vu d’autres, elle en verra d’autres et l’homme ne sera probablement plus là depuis longtemps à la fin de l’aventure.En revanche, votre reproche d’anthropocentrisme (partagé avec Diksha) manque un peu son but. D’abord, toutes les espèces sont centrées sur leurs mondes vécus, l’homme ne fait pas exception – à la limite, il est le seul capable de se demander si d’autres espèces souffrent, aiment, pensent, etc. Nous sommes les moins égoïstes des créatures de ce point de vue. Ensuite, même si vous tenez un discours de respect de la nature, vous l’adressez aux autres hommes depuis un certain mode de production et socialisation, donc il y a toujours à quelque degré anthropocentrement de vos pensées et de vos actes. Enfin, mon propos est plutôt d’assumer cet état de fait : il ne faut pas seulement me le reprocher, mais démontrer qu’il produit du malheur pour l’homme. Si vous êtes seul à penser que l’homme doit se sacrifier pour le non-humain, rien ne changera : il vous faut rendre cette idée désirable à la majorité des hommes.Détail factuel : l’action de l’homme n’a pas du tout éliminé autant d’espèces que de la dernière grande extinction crétacé-tertiaire, ce genre d’exagération ne rend pas service à la critique du système. Et la question (pour les défenseurs de la biodiversité) est de savoir quel est le meilleur moyen de ne pas trop éliminer d’espèces quand il faudra nourrir, loger et soigner 9-10 milliards d’humains dans ce siècle. Comme la réduction et fragmentation d’habitat est la première menace sur les espèces, il me semble que le meilleur moyen est d’être encore plus productifs que nous ne le sommes. Sinon, il faudra étendre l’emprise surfacique de toutes nos activités. Si nous en restions aux énergies traditionnelles (animal, bois) et en conséquence à l’agriculture extensive comme mode de production majoritaire, le résultat ne serait pas fameux pour les milieux.Diksha : je ne « laisse pas croire » que l’action humaine est indifférente aux milieux, j’assume au contraire qu’elle est nécessairement fondée sur l’exploitation de ces milieux. Vous me dites que le métier à tisser industriel anglais a ruiné l’artisanat indien. Ce faisant, vous sugérez que la paupérisation un un bon critère de jugement. Mais alors, vous arrivez sur le terrain de prédilection du système industriel capitaliste : il ne fait aucun doute qu’il a tendanciellement augmenté la richesse globale depuis deux siècles (on lui reproche justement de ne raisonner que par PIB, car il a alors l’avantage du fait accompli). Le partage de cette richesse est un autre problème (relevant de la critique socialiste, pas la critique écologiste).Sur la raréfaction des ressources, même objection. Imaginons que les nanotechnologies permettent de multiplier le rendement solaire et de rendre bon marché le stockage. L’homme aurait alors une abondante source d’énergie renouvelable. Qu’est-ce qui l’empêcherait d’utiliser l’énergie pour continuer à transformer le monde à son avantage ? La question des limites (énergie, ressources) me semble essentiellement technique. Et elle est contingente : il se peut très bien que les deux siècles d’industrie moderne soient une sorte de test qui finisse par échouer (par devenir globalement contre-productif au sens d’Illich, ne plus améliorer la condition humaine sur tel ou tel critère). Mais après cet échec, l’homme va-t-il larguer complètement l’industrie ? Je ne le pense pas. Il semble que l’agriculture a par exemple inventée, abandonnée, ré-inventée à plusieurs endroits différents. Un processus d’essai et erreur assez normal dans l’évolution (qui partage des traits communs en biologie, culture et technologie).juil 15, 12:46 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  14. diksha |
  15. @ skeptVous écrivez ” L’industrie est un nom parmi d’autres, une étape parmi d’autres, de cette maîtrise des milieux à des fins diverses, car indexées sur la diversité des besoins et des désirs humains.”Laisser croire que l’industrie est innocente dans la destruction de notre monde, c’est ignorer que l’Homme n’est pas un philantrope. Les premiers chemins de fer par ex. qui ont permis de traverser les USA d’Ouest en Est afin de faciliter les échanges entre les hommes, se sont vite transformés en sociétés capitalistes à des fins boursières et financières.L’industrie des métiers à tisser britannique qui est à l’origine de la production de masse, a ruiné par ex. des millions de petits artisans en Inde qui vivaient de leur modeste production( qui elle respectait la nature et les cycles du coton), ce qui a fait dire à M.K.Gandhi ” que la révolution industrielle a été une perte pour l’humanité”Le pb. de nos jours, c’est que, non seulement nous ne maîtrisons plus les “milieux” (gaz de schistes, forages,etc), mais nous les épuisons tellement qu’il ne restera aucune alternative aux générations à venir que la guerre pour les “terres rares”.Tout comme Florian, je pense que aussi longtemps que l’Homme aura une vision uniquement “anthropocentrée”, il n’y aura pas d’issue au drame que vit la planète actuellement.juil 15, 12:11 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  16. florian | Pour revenir sur ce qu’a dit skept, je pense qu’il a une vision anthropocentrée (comme beaucoup). Dit autrement, c’est considérer que l’homme a une légitimité sur la nature.
    Ce positionnement n’a de légitimité que parce que l’on se croit supérieur à la nature, que l’on peut coloniser les milieux indifféremment. Je ne rejoins pas ce point de vue car l’homme est ancré dans le milieu naturel au même titre que les non-humains. Ce qui le différencie est sa conscience et son intelligence qui lui permettent d’exploiter son milieu au détriment des autres espèces.
    Or, je reprendrais la métaphore utilisé par E.Norton, nous sommes tous dans le même bateau (la Terre) et il faut qu’il y ait une entente entre les occupants de ce bateau pour éviter qu’il ne coule. Si l’homme utilise toutes les ressources sur le bateau, celui qui entretient le bateau et celui qui dirige le bateau n’en n’auront plus et le bateau coulera. Que l’on croit a une position supérieure de l’homme par rapport à la nature (position chrétienne et anthropocentrée) ou qu’il fait partie de la nature (position animiste), il est indéniable qu’actuellement l’homme dérègle son milieu. Nous avons causé autant de mort d’espèces que la catastrophe qui eut raison des dinosaures, y a de quoi se poser des questions !
    Personnellement, je ne vois pas pourquoi l’homme aurait plus de légitimité sur la nature que les autres espèces même au titre de son “évolution”.
    Pour revenir à l’empire romain, rappelons que ce sont eux qui ont converti/tué les populations animistes (qui avaient une relation de respect à la nature) vers le christianisme.
    Je vous invite à lire le livre d’Hicham Stéphane Afeissa, “Qu’est ce que l’écologie ?” qui résume très bien ces différents positionnements de l’homme à la nature.juil 14, 12:21 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  17. skept | lionel : il est vrai que ma question était un peu générique, désolé. Sur le site de PMO, je lis notamment dans la déclaration d’intention : “nous savons qu’on ne gagne pas toujours avec le nombre, mais qu’on ne gagne jamais sans lui, et moins encore contre lui. Nul à ce jour n’a trouvé d’autre moyen de transformer les idées en force matérielle, et la critique en actes, que la conviction du plus grand nombre”. Cela me semble une bonne base pour nos temps démocratiques. Je suggère simplement qu’un excès de langage dans la description du réel n’est pas susceptible de produire autre chose qu’un décalage entre son énonciateur et le grand nombre. Plus précisément, vous obtenez par la radicalité un effet de scandale qui augmente un temps l’audience (votre image devient exploitable pour un système de réputation superficielle), et puis plus rien d’autre. La multitude n’a jamais été radicale – on peut faire l’hypothèse qu’il s’agit d’une propriété intrinsèque des grands nombres où ce sont presque toujours des préférences centrales qui surnagent. Beaucoup de minorités éclairées ont voulu parler et agir au nom du grand nombre endormi par quelques opiacés, mais avec de piètres résultats. Bien sûr, ce que je dis vaut pour vos symétriques transhumanistes, extropiens et autres mutants, qui vivent dans un discours et une image me semblant tout aussi éloignés des réalités.juil 14, 12:12 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  18. lionel | @Skept,“Lionel : à vous lire, notre société est la pire que l’histoire ait produite et elle n’apporte aux humains que des désavantages. Cette radicalité est un peu bizarre, on se demande pourquoi nous agissons ainsi en sens contraire de nos intérêts et de nos goûts. Vous avez une explication ?”??”The answer, my friend, is blowin’ in the wind”??
    comme le dirait Bob (ici : http://www.wat.tv/video/bob-dylan-blowin-in-the-wind-185zm_2gh7d_.html )Plus sérieusement, soit vous êtes un ingénu et vous allez vous tirer des baffes quand vous ouvrirez les yeux sur la modernité chérie, soit vous êtes un troll comme certains l’ont détecté en vous assimilant Krolik ou Pilet14 et vous feriez mieux d’aller sur des sites de transhumanisme pour roucouler des bienfaits de la technoscience.Dans tout les cas il faut partir de tellement loin que je n’ai pas envie de vous répondre. Lisez donc les anciens billets de Fabrice ou allez sur le site de PMO pour vous conscientiser :
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/juil 14, 10:20 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  19. skept | miaou : je ne sais pas trop ce que signifie “amplifier un besoin”. Je considère que les gens (dont vous et moi) sont généralement assez grands pour savoir s’ils veulent travailler / consommer plus ou moins. J’observe que notre société nous en donne la liberté – puisque je fais le choix personnel de travailler et consommer moins, pour avoir plus de temps libre. Je serais bien ingrat d’en vouloir à un système qui me donne ce luxe. Et je n’éprouve pas de mépris pour autrui s’il fait des choix de vie différent des miens.Sur l’industrie comme nouveauté historique : avant de savoir si elle réussira à l’avenir, je propose d’abord de faire un inventaire sur ce qu’elle a réalisé. Pour moi, il n’y a pas photo entre une société traditionnelle et une société industrielle : dans la seconde, les multitudes gagnent en prospérité, santé, éducation, mobilité, confort, libertés… à peu près tout ce qui désigne une existence agréable dans l’histoire, et qui était l’existence des seules élites dans les sociétés traditionnelles post-néolithiques. Je comprends la négation de cette émancipation moderne chez les réactionnaires et conservateurs qui ont les masses en horreur, mais pas chez les progressistes ou supposés tels.Sur l’industrie comme exploitation de la biosphère : nous sommes bien d’accord sur la réalité de cette exploitation. Mais pas sur l’idée de dette. Du point de vue rationaliste et matérialiste qui est le mien, il n’y a aucune dette de l’homme envers une entité générique, vaguement magique, qui s’appellerait Vie, Nature, Gaïa, Être ou ce que vous voulez. Cela ne signifie pas qu’il faut raser toutes les forêts pour faire des parkings, mais que nos choix (même s’ils visent à protéger tel milieu, telle espèce) procèdent toujours en dernier ressort de notre volonté autonome.Sur l’avenir de l’industrie : je ne projette pas très loin et je ne postule rien. Si des ressources manquent, elles manqueront et nous ferons autre chose. Pour autant, il n’y a pas d’intérêt à inventer des limites aux ressources là où elles n’existent pas réellement. C’est un point rarement clair dans la critique des sociétés industrielles : on mêle les registres physiques, moraux, esthétiques et politiques dans la critique du système. S’aventurer sur le registre physique est (à mon avis, forcément extérieur) une erreur. Les écologistes essaient de capitaliser sur certains discours scientifiques (typiquement le climat), mais cette stratégie est à la fois schizophrène (car ce discours climatique est en dernier ressort celui de la technoscience qui observe et modélise le monde) et incertaine (car si la recherche vient à modifier ses conclusions, ce qui est son cours habituel, il sera difficile de faire machine arrière).juil 14, 4:31 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  20. Hammel |ce que dit Skept est très interressant. je suis presque daccord avec lui sur l’analyse, je suis chaque jours certains des chemins qu’il emprunte ici. et pourtant, je suis complètement à l’opposé de sa conclusion.
    ça mériterait débat.
    qu’en pensent les autres ?juil 13, 7:42 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  21. skept |Bonjour Fabrice,Vous percevez l’empire industriel comme un analogue de l’empire romain. C’est intéressant mais cela me semble inexact. Par industrie, j’entends la production de masse d’un bien ou d’un service, généralement spécialisée et rationalisée, plus ou moins globalisée. Cette industrie n’est pas vraiment un empire en tant que tel, pas plus que la construction de ponts, chaussées, murailles, forts et villae n’était ce par quoi l’empire romain définissait sa forme impériale (tout cela a souvent existé avant ou après Rome, qui a juste ajouté son lot d’inventions aux autres, mais qui les a surtout exploitées et disposées à une certaine fin de domination militaire d’un territoire).Quand j’essaie de mon côté de réfléchir à ce que cherche l’homme à travers l’existence de l’industrie, je ne parviens pas à seulement répondre le profit ou l’exploitation. Il ne fait aucun doute que l’industrie est un territoire d’épanchement pour la psychologie de domination et de prédation inscrite dans l’esprit Homo sapiens et plus fortement exprimée chez certains que d’autres. Celui qui aurait eu l’âme d’un dictateur jadis trouve certainement aujourd’hui dans la direction d’une grande entreprise industrielle le moyen de réaliser ses pulsions d’autorité et de puissance. Reste que je ne peux me satisfaire de cette seule dimension et que même elle mériterait discussion – car après tout, si l’industrie absorbe cet aspect indésirable des penchants humains, c’est peut-être un moindre mal (ce que certains classiques avaient proposé comme hypothèse, l’échange en substitut de la guerre ; le fait est que je préfère encore un supermarché ou une usine à une garnison ou un camp).L’industrie n’exprime pas seulement dans son organisation interne la domination de l’homme sur l’homme : elle réalise aussi dans son existence même la domination de l’homme sur la nature. Là, je n’y vois pas autre chose que la continuation d’une tendance ancienne déjà présente dans l’agriculture, l’élevage ou l’artisanat. Homo n’est pas un genre qui se contente d’une harmonie locale avec un biotope – d’espèces en espèces jusqu’à la dernière née sapiens, il transforme les milieux qu’il colonise. On a assisté à des disparitions d’espèces et dégradations d’environnements avant l’ère industrielle – mais cela était simplement proportionné à la masse démographique (quelques millions à centaines de millions) et aux moyens technique (feu, énergie animale, armes courte portée) des humains de l’époque. L’industrie est un nom parmi d’autres, une étape parmi d’autres, de cette maîtrise des milieux à des fins diverses, car indexées sur la diversité des besoins et des désirs humains.Cette tendance est-elle mauvaise ? Et l’industrie est-elle alors l’exacerbation de ce qu’il y a de mauvais en l’homme ? Vous semblez le penser (de ce point de vue, et pour filer la métaphore romaine, certains écologistes radicaux me rappellent parfois les chrétiens des catacombes : horrifiés par un Empire dont ils attendaient la chute… avant que leurs descendants ne deviennent à leur tour bâtisseur d’empires). Pas moi. Je ne trouve pas moralement mauvais que l’homme arbitre en faveur de son bien-être au détriment du non-humain. En même temps, je trouve politiquement sain qu’il débatte de cela et philosophiquement nécessaire qu’il aille au fond de sa réflexion sur ces questions.Bonne journée à vous et vos lecteurs.juil 13, 11:59 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Décadence au programme (Lauvergeon à Libération)
  22. miaou | Skept, votre vision oublie un effet important qui ruine votre raisonnement : le système productif (l’industrie, en l’occurence) ne se contente pas de répondre à des besoins, il fait tout pour les amplifier. Tout le monde comprend que le but de l’industrie n’est pas de satisfaire les besoins matériels, mais les besoins de profits, qui eux n’ont pas de limite physique. C’est une rétro-action de signe positif, le système s’emballe.L’industrie est une nouveauté dans l’histoire, l’expérience n’a pas été tentée auparavant; on ne peut donc pas postuler qu’elle réussisse. Ni socialement, ni physiquement. Jusqu’à présent, les sociétés industrielles s’endettent auprès de la biosphère mais les remboursements n’ont pas commencé.juil 13, 10:33 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  23. skept |Fabrice : pas grave pour votre manque de temps, je vous remercie d’en prendre déjà pour cet échange. Au contraire, les humains peuvent infléchir le cours de leur histoire – il me serait difficile de me dire moderne si je pensais le contraire. Les humains divergent sur le sens de l’inflexion à donner à leur histoire : il existe des visions antagonistes du bien, du bon et du juste. Nous habitons le même monde, mais nous n’identifions pas les mêmes formes d’aliénation ou d’émancipation. Je ne parviens pas du tout à comprendre que l’on désigne comme « ennemi » le système industriel – remarquez, pas plus l’agriculture, la chasse, la cueilletteou ce que vous voulez comme mode de production. L’homme cherche des moyens de satisfaire des besoins, il y parvient de façon plus prévisible et plus abondante avec l’industrie que sans elle. Ensuite, toute industrie particulière présente des avantages et des inconvénients, on essaie de dépasser les seconds ou on l’abandonne pour une autre. Je ne vois pas cela comme traumatique en soi. Ce qui peut l’être, c’est plutôt le partage de ce qui est ainsi produit, les règles du jeu entre gagnants et perdants d’un ordre social donné.Lionel : à vous lire, notre société est la pire que l’histoire ait produite et elle n’apporte aux humains que des désavantages. Cette radicalité est un peu bizarre, on se demande pourquoi nous agissons ainsi en sens contraire de nos intérêts et de nos goûts. Vous avez une explication ?juil 13, 1:14 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  24. miaou | skept, je le suis quand je vous lis.
    (sceptique, oui c’était facile :( OK, je sors)juil 13, 12:37 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  25. miaou | Hé, hé, quand je lis Skept, j’ai l’impression de relire notre camarade krolik. :-oSkept, quand vous parlez de la science de l’an 5000, vous faites le même pari qui n’est qu’une forme plus subtile car cryptée du “la science / nos descendants trouvera(ont) une solution” qu’on entend régulièrement. Irresponsable (au sens premier, puisque cela dédouane de sa responsabilité présente sur le futur), et absurde (au sens logique, car les choix effectués augmentent la probabilité de catastrophe, alors qu’on postule sa non apparition pour augmenter ses chances de résolution avec le temps).
    Vous ignorez aussi le fait que le nuk est une énergie fossile par son combustible, donc limitée dans le temps, ainsi que les coûts de démantèlement que d’autres n’ont pas manqué de pointer.juil 13, 12:32 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  26. fabrice | Skept,J’en suis navré, mais je n’ai pas le temps d’une réponse détaillée, par conséquent convenable. Je maintiens, pour l’essentiel, que nous sommes séparés par un fossé qui s’approfondit chaque jour qui passe. Vous ne misez pas une sapèque, visiblement, sur la capacité des humains à infléchir le cours de leur histoire. C’est assez paradoxal pour qui vante l’extraordinaire rupture technique et mentale qu’a été la révolution industrielle.Je crois profondément que vous vous trompez. On peut, et d’ailleurs on doit, se débarrasser des énergies fossiles et du nucléaire. Mais un tel saut, prodigieux il est vrai, implique de combattre pied à pied le système industriel dont vous faites semble-t-il l’alpha et l’omega de l’idée de progrès. En oubliant au passage qu’il est différentes conceptions de cette puissante vision. Et en laissant de côté l’essentielle bagarre humaine contre la prolifération des objets matériels inutiles et leur obsolescence programmée par ceux qui les conçoivent, au service bien compris de leurs intérêts.Bien à vous,Fabrice Nicolinojuil 12, 3:39 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  27. lionel |@Skept,“Je suis un pur Moderne, considérant le mouvement des deux derniers siècles comme une heureuse émancipation de la nature et de la tradition”“Pur scientiste” aurait été plus juste.“Malheureuse dépossession généralisée de la nature” et “clochardisation des exclus et soumission et aliénation par le technototalitarisme des heureux Ociidentaux aurait été plus juste aussi.N’oubliez pas que vous faites partie de la nature en tant qu’animal humain (oui vous le grand singe nu comme nous tous).La très longue tradition techno-industrielle, l’idéologie du progrès qui a du plomb dans l’aile, ça oui, vous en êtes imprégné jusqu’au trognon.Le progrès humain à faire est désormais d’en sortir.“et pour l’avenir, mes inquiétudes concernent d’abord les capacités de production et de partage des richesses”Effectivement jusqu’à présent le progrès scientifique que vous aimez tant et confondez allègrement avec le progrès humain n’est qu’une fuite en avant qui empile l’irréparable, les pollutions et qui booste les inégalités sociales et l’exclusion de partout dans le monde.Ce progrès technoscientifique n’a jamais servi et ne servira que l’économie capitaliste et l’armée.juil 12, 3:28 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  28. skept | Précision : 9 milliards d’humains en 2050, bien sûr, mais dont la qualité de vie et la vie tout court dépendent des décisions que nous prenons aujourd’hui puisque ce sont nos enfants et petits-enfants.juil 12, 1:07 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  29. skept | Au contraire, j’ai lu attentivement la version anglaise de Yablokov et Nesterenko (2007, 2009). Pour aller au-delà du bilan de l’OMS et pour parvenir à un chiffre astronomique de centaines de milliers de victimes, les auteurs appliquent en gros une règle de trois à la population mondiale en supposant un effet sans seuil déterministe des faibles doses déposées par le nuage. Mais ce n’est pas crédible au regard de ce que l’on sait sur les faibles doses, et la surmortalité ou surmorbidité ainsi supposée aurait été rapportée par des services sanitaires moins désorganisés et moins intéressés que le biélorusse ou l’ukrainien (en Scandinavie, Allemagne, Autriche et autres régions nettement plus touchées que la France pour les retombées). Ou alors on entre dans une spirale paranoïaque en faisant l’hypothèse que tous les systèmes de santé publique du monde sont aux ordres du lobby nuk et qu’ils effacent volontairement des données sur les leucémies, malformations et autres. En revanche, je suis plus convaincu par les chapitres de Yablokov consacrés à la désorganisation des données dans l’effondrement de l’URSS. Et comme la Biélorussie est dirigée par un fou dangereux, il ne serait pas improbable que le bilan local soit sous-évalué par rapport à ce que dit l’OMS.Vous me parlez d’indifférence. Il y a chaque année environ 50 millions de morts dans le monde, et vingt fois plus de charge morbide. Toutes ne sont pas des vieillards qui achèvent paisiblement leur existence dans leur lit, très loin s’en faut. Par exemple, il meurt 8 millions d’enfants de moins de cinq ans chaque année, dont beaucoup seraient évitables. Je n’ai pas envie de rentrer dans une concurrence victimaire ou un concours lacrymal, je fais une simple observation : si l’on analyse les contextes de souffrance dans le monde, le nucléaire arrive très très loin et la réalité n’est pas ce que diffuse en boucle la société du spectacle occidental. Le manque d’énergie, et non son excès, est associé à la misère et à la mort. Libre à vous de souhaiter partager ce manque sous forme de décroissance, mais si vous affirmez que c’est la voire radieuse pour le bonheur des générations présentes ou futures, nous serons en effet adversaires.Les fameuses générations futures, ce sont d’abord 9 milliards d’humains dont les besoins doivent être correctement satisfaits, et même pourquoi pas un peu plus, puisque notre court passage sur terre s’accompagne de désirs. Alors si quelqu’un imagine ici que nous parviendrons à cela sans nucléaire et sans fossile, je lui conseille fortement de publier ses idées dans une revue scientifique car il ne manquera pas de décrocher le Nobel dans la foulée.juil 12, 1:04 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  30. Laurent |Skept: “je doute que nos sciences et nos technologies en l’an 2300 soit les mêmes que celle de l’an 2000, a fortiori en l’an 5000?Vous ne croyez pas si bien dire ! Et c’est justement l’un des aspects les plus inquiétants du nucléaire.Exemple : EdF ne sait pas comment démanteler les vieilles centrales parce que les ingénieurs qui les ont conçues sont a la retraite, ou décédés. Comment faire ? Ce n’est pas comme démonter un transistor, avec la radioactivité qu’il y a la-dedans, travailler a tâtons n’est pas une option !Autre exemple : On s’est aperçu d’une erreur de conception fondamentale dans la machine de transfert du combustible de Superphénix, dès la première tentative d’utilisation. En tentant de remédier au problème on s’est aperçu que les plans étaient perdus, et personne n’a pu les reconstituer. Résultat: Réparation impossible, il a fallu entièrement concevoir et construire une nouvelle machine, a partir de zéro. Immobilisation de plusieurs années, frais énormes !Autre exemple : Nous ne savons pas comment les maçons du moyen-age concevaient la structure des cathédrales. Il nous faut des ordinateurs, et des maths un peu compliquées, ne serait-ce que pour analyser et vérifier ces structures. Sans même parler de les concevoir !Autre exemple qui nous remet au coeur du sujet : Les techniques les plus avancées de traitement des dechets ne peuvent pas etre appliquées aux déchets emballés il y a 20 ans. C’est trop compliqué. Si les techniques changent comme ça tous les 20 ans, si on ne sait pas comment garder les plans, sans parler des évolutions des normes graphiques, du langage même, l’archéologie du nucléaire risque d’être une science extrêmement compliquée. Un cauchemar d’ingénieur. Et dont la vie de centaines de milliers de personnes dépendra, pour chaque site nucléaire sur la planète. Parce que nous savons que la radioactivité et la chaleur accélèrent le vieillissement de tous les matériaux et qu’en l’absence d’un matériau éternel qui n’a pas encore été inventé, il faudra changer les emballages a intervalles réguliers.juil 12, 11:34 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  31. Eugène |Skept,“Nous n’avons jamais été modernes”, Latour non plus d’ailleurs, puisqu’il lui faudrait passer de corrélations de notions à une architecture de concepts falsifiable.Bref, on ne résout pas une question anthropologique, et pour l’essentiel morale, par une fuite en avant technologique et économistique.juil 12, 10:49 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  32. fabrice | Skept,Ma foi, c’est exact. Nous avons tout pour être les meilleurs ennemis du monde. Je pointe chez vous, pour aggraver les choses, une singulière indifférence au grand massacre nucléaire, dont vous semblez largement ignorer les dimensions réelles. Vous n’êtes visiblement pas au courant du bilan possible – je crains qu’il n’ait été rendu définitivement impossible par les manoeuvres de la nucléocratie – de Tchernobyl. Combien de dizaines, de centaines de milliers de morts ? Combien de malades ? Combien de vies brisées à jamais ?En France, où la catastrophe est, à terme – dix ans, cent ans, plus ? -, certaine, un accident majeur changerait à jamais la configuration de ce pays. Je vous sens joueur, prêt à parier que. Pas moi. Je vous crois plus idéologue que moi – si -, porté par une vision des deux siècles passés qui me semble tragiquement archaïque.Bref, sinon ennemis, du moins adversaires définitifs.Fabrice Nicolinojuil 12, 10:11 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  33. skept |L’Allemagne sort du nucléaire, la Suisse ne renouvelle pas ses centrales, l’Italie confirme son rejet passé : tout cela ne fait aucun doute. A mon sens, ils y reviendront avec la même facilité si, le fossile venant à manquer plus vite que prévu, ils n’ont d’autres choix qu’électrifier leurs chauffages, leurs transports, leurs aciéries, leurs cimenteries et diverses autres choses. Ils n’échappent pas à vos commentateurs ni à vous-même que ce non au nucléaire n’est absolument pas un non à la croissance. C’est le pari que l’éolien, le gaz, le charbon, le gain d’intensité énergétique et les économies d’usage permettront de soutenir le développement allemand. A mon sens, c’est un bon pari pour la situation allemande mais on en reparlera quand même en 2020.Sur le nucléaire, vous me parlez de milliers d’années. Pour les déchets, cela me semble gérable (soit en les utilisant en surgénération, soit en les enfouissant) et surtout indécidable au bout de quelque temps (je doute que nos sciences et nos technologies en l’an 2300 soit les mêmes que celle de l’an 2000, a fortiori en l’an 5000). Pour la contamination à la suite d’un accident majeur, cela revient à créer une réserve naturelle (enfin, pas trop naturelle non plus) vide d’humains dans les zones où la radio-activité est trop forte. Ennuyeux. Mais enfin, si ce type d’accident très grave est aussi très rare, et qu’il reste de toute façon assez localisé, cela n’altère pas non plus l’ensemble de la présence humaine sur cette Terre. On le voit à Tchernobyl, on l’a vu à Hiroshima et Nagasaki, on le verra probablement à Fukushima. Dans un accident de centrale, les éléments les plus lourds à plus longue demi-vie sont les plus difficiles à projeter au loin, ou alors en très petites quantités qui ne sont guère plus nocives que les innombrables retombées des milliers d’essais nucléaires dans les années 1940-1960, menés un peu partout (déserts, atolls, stratosphère…) sans que l’on ait observé de variations significatives dans la santé humaine. Il faut garder à l’esprit qu’un réacteur nucléaire n’est pas optimisé comme une bombe, c’est assez improbable d’obtenir une puissante explosion.Mon propos vous horrifie peut-être. J’habite comme beaucoup de Français à portée de vent d’une centrale, pas tout près mais assez pour avoir des retombées. J’en connais les risques comme tout le monde depuis 1945 ou 1986. Je les accepte car ils me semblent minimes par rapport aux bénéfices.J’admets cependant que ce nucléaire est très grossier, très guerre froide et pour tout dire très gênant. J’en n’en suis pas fan : les accidents coûtent cher à la population, les Etats remboursent au lance-pierre les vies foutues en l’air, les travailleurs sous-traitants prennent des risques et en font prendre s’ils obéissent trop à la pression de la rentabilité (Beck n’a qu’à demi-raison, le nucléaire n’est pas assez socialiste, il devrait l’être du début à la fin). Aussi l’avenir de l’atome n’est sans doute pas dans la poursuite de ce type de technologie. J’espère que nous arriverons plutôt à des microcentrales scellées, contenant très peu de combustibles et n’impliquant quasiment pas de manutention, comme celles envisagées par Toshiba, Hyperion ou Terra Project. Ce serait plutôt de grosses piles nucléaires au pouvoir de nuisance infime, même dans la pire hypothèse.Bien sûr, toutes ces discussions n’ont de sens qu’en fonction de nos visions de monde. Je suis un pur Moderne, considérant le mouvement des deux derniers siècles comme une heureuse émancipation de la nature et de la tradition ; et pour l’avenir, mes inquiétudes concernent d’abord les capacités de production et de partage des richesses.Nous aurions donc vous et moi toutes les raisons de devenir les meilleurs ennemis du monde.Bien à vous.juil 12, 3:28 AM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  34. fabrice |Skept,Je le répète, bien des choses me séparent de Beck. Et je n’aurais certes pas écrit ce texte-là. D’ailleurs, n’est-il pas conseiller de madame Merkel, qui n’est pas exactement ma tasse de thé ?Néanmoins, je ne regrette pas d’avoir reproduit son article, car l’exemple allemand a quelque chose de prodigieux, quel que soit l’arrière-plan politique de l’affaire. L’Allemagne ARRÊTE le nucléaire. Elle n’en parle pas, elle le FAIT. Avec des arguments qui ne me plaisent pas ? Peut-être. Mais elle a DÉCIDÉ ! Cela ne remet pas en cause vos interrogations, mais les place dans une perspective qui me semble neuve.Par ailleurs, et de manière annexe, je ne comprends pas votre argument sur le pire. Vous me semblez évacuer la caractéristique intrinsèque du nucléaire. C’est-à-dire sa capacité à frapper instantanément, et pour des milliers d’années.Bien à vous,Fabrice Nicolinojuil 11, 4:14 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire
  35. skept |Le nucléaire a un bel avenir mondial devant lui si ses opposants se contentent des arguments de Beck. Fukushima, c’est quoi ? Une centrale plutôt ancienne, un gestionnaire pas fameux, un tremblement de terre doublé d’un tsunami, un accident de criticité et la formation d’un corium, une explosion d’enceinte. On n’est pas loin des pires conditions imaginables pour un accident et le bilan sanitaire n’a pourtant rien de catastrophique. Inversement, le bilan de la catastrophe naturelle dépasse les 25.000 morts. Mon arithmétique personnelle me dit que décidément, la lutte de l’homme pour la maîtrise de l’acariâtre nature ne fait que commencer.Beck suggère qu’il faut aller au-delà de Fukushima et considérer le pire accident possible. C’est une curieuse manière de procéder pour concaincre ses lecteurs. Voyons, j’essaie d’imaginer le pire accident possible : mes panneaux solaires tombent du toit sur le coin de ma tête, je suis mort (pas de solaire) ; l’éolienne de mon coin ne tourne pas quand je subis une opération chrirugicale, je meurs sur le billard (pas d’éolien) ; les pires prévisions du GIEC se révèlent correctes et je meurs comme des centaines de millions de mes contemporains (pas de fossile). Et ainsi de suite. Si un individu imagine le pire, il trouvera le pire sans difficulté. Quand on va assez loin dans les faibles probabilités, on trouve toujours un risque infini. Il y a ainsi un risque très faible qu’un astéroïde nous percute et fasse disparaître 99% du vivant, Homo sapiens compris. Pour autant, nous n’abandonnons pas tout ce que nous faisons pour construire séance tenante des bunkers géants sous terre ou des stations géantes en orbite.Les divagations sur le solaire démocratique ne valent pas mieux. Quand cette technologie sera mûre, elle s’imposera d’elle-même ; mais elle ne l’est pas. Elle est chère donc inégalitaire, elle est intermittente et « fatale » (non décidable), elle est polluante (il faut bien plus de transformation et de transport pour produire le même kWh). C’est la raison pour laquelle elle ne représente, selon les chiffres de Jancovici 2011, que 0,03% de l’énergie finale consommée dans le monde. Ses partisans s’extasient quand ils entendent qu’elle pourrait doubler en dix ans : le passage à 0,06% pour une source d’énergie est assurément un exploit sans précédent de l’humanité. Continuons à nous payer de mots, cela ne coûte pas cher. Beck ignore les ordres de grandeur et confond les séquences temporelles: il justifie une décision énergétique en 2011 au nom d’une hypothèse énergétique en 2031 ou 2061. Cela s’appelle lâcher la proie pour l’ombre. Mais dans la réalité (qui n’est pas très beckienne à mon avis), cela s’appelle : avoir un voisin nucléaire qui peut fournir du kWh au cas où, avoir des centrales thermiques sur son sol qui font le back-up de l’éolien, avoir d’excellents ingénieurs en centrale thermique gaz et avoir un voisin polonais qui s’appête à exploiter du gaz de schiste… Oui, la décision allemande est rationnelle, mais pas au sens où on l’entend ou l’espère ici.juil 11, 2:33 PM — [ Modifier | Supprimer | Désapprouver | Spam ] — Quand Ulrich Beck nous parle du nucléaire