Les amitiés particulières de France Nature Environnement (Acte 3)

 À FAIRE CIRCULER SANS MODÉRATION DANS LES RÉSEAUX

 À propos de la forêt en France

La forêt. Les arbres et leur puissance m’envoûtent. Et la vie qui s’y trouve. On comprendra mieux de la sorte les raisons de ma colère contre ceux qui pactisent. Contre ceux qui avalisent. Contre ceux qui labellisent. Un avertissement : ce texte sur l’écolabel forestier dit PEFC (Pan European Forest Certification) est long, et ressemble à un sentier dans une vraie forêt naturelle. J’espère que vous ne vous perdrez pas en route. Le pire, sachez-le en tout cas, est à la fin. La fin de la deuxième partie. Car il y a deux parties, oui. La France d’abord, le monde ensuite.

Et je commence. Moi, je suis fier d’être l’ami de Lucienne Haese, ma chère Lulu d’Autun. J’ai déjà parlé de cette femme d’exception (ici), qui défend les forêts, les vraies forêts du Morvan avec une vaillance qu’on n’imagine pas. Dans cette partie de la Bourgogne, les arbres feuillus qui sont l’âme morvandelle s’effacent devant les plantations. Des plantations de sapins de Douglas, essentiellement, bien que le nom de sapin soit impropre. C’est un conifère d’Amérique du Nord, introduit en France en 1842, et qui pousse vite, très vite, au-delà de 50 mètres de hauteur.

Cet arbre devait fatalement devenir un instrument du productivisme, et cela n’a pas manqué. Dans le Morvan,  les résineux représentaient déjà 23 % du peuplement forestier en 1970, à la suite de subventions massives. Et 40 % en 1988. Et plus de 50 % aujourd’hui. Au détriment de la chênaie-hêtraie, pardi. Pardonnez-moi de me citer : « Des grandes compagnies bancaires ou d’assurance – Axa, les Caisses d’épargne – paient des gens pour repérer les ventes de forêts, ou pour les susciter. Ainsi sont apparues des propriétés de centaines d’hectares d’un tenant, sur lesquelles passent d’infernales machines à déraciner les arbres tout en les découpant. Table rase ! Coupe à blanc ! Lulu m’a montré des photos : je ne croyais pas cela possible en France. Une déroute écologique ».

Et pourtant, la Bourgogne est considérée par les gens du label PEFC comme exemplaire. Je les cite : « La Bourgogne a été la première région française à être certifiée pour la qualité de sa politique forestière de gestion durable selon le référentiel PEFC ». Bien entendu, à l’exception d’une poignée de spécialistes, personne ne sait ce que signifie PEFC. Mais je vais vous l’expliquer en détail, faute de quoi rien ne sera compréhensible.

PEFC veut donc dire à l’origine Pan European Forest Certification, c’est-à-dire Certification forestière pan-européenne.Il s’agit d’un label commercial imaginé en 1999 par les industriels du bois de six pays : l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Norvège, la Suède et la Finlande. Il n’y a aucun mystère. Ces industriels, sentant le vent tourner et les esprits changer, ont réfléchi à la manière de changer l’image de marque de leurs produits. Et inventé un label « durable » systématiquement associé au bois qu’ils vendent. C’est de bonne guerre, c’est pure routine commerciale.

Mais que veut dire au juste ce label ? Comme on a vu, il permet d’assurer que les plantations de Douglas, malgré la dévastation, sont exploitées de manière « durable ». Dans la « forêt » des Landes, qui vient d’être fauchée par la tempête, c’est exactement la même chose. Avant la catastrophe, cette « forêt » s’étendait sur un million d’hectares, dont 90 % plantés en pins maritimes. Soit une gigantesque monoculture qui est à l’opposé de ce que l’écologie la plus élémentaire appelle une forêt. Sur le plan biologique, ce territoire se rapproche davantage du désert.

Et ? Et le « patron » local du label PEFC s’appelle Guillaume Grigaut, responsable du Comité interprofessionnel des bois d’Aquitaine (Ciba). Ce Ciba regroupe on s’en doute l’industrie. Et son but est de produire du bois aussi vite qu’il est possible, et au plus bas coût possible. Évidemment. Jetez donc un œil à cette présentation de la forêt par la Chambre d’agriculture des Landes. C’est saisissant (ici) ! Deux extraits. Le premier : « La productivité de cette forêt a fortement augmenté pour atteindre aujourd’hui 12 m3 par ha et par an contre 4 à 5 m3 il y a 25 ans. Cette évolution s’explique par le passage d’une forêt destinée au gemmage (récolte de la résine) à un peuplement pour l’industrie du bois . L’amélioration génétique avec des variétés à croissance plus rapide et à port plus droit a fortement contribué à cette évolution ». Le second : « Les densités de boisement sont de 1200 à 1600 arbres par ha pour atteindre à la coupe rase 250 arbres par ha contre 130 il y a 25 ans. Dans le même temps, la durée de coupe a été réduite de 70 à 40-50 ans aujourd’hui. Ce raccourcissement (…) optimise la courbe de croissance des arbres. La coupe rase peut permettre une récolte de 300 à 400 m3 par ha variable selon la conduite du peuplement ».

J’espère que cette belle « forêt » vous fait autant envie qu’à moi. En tout cas, telle est la réalité. Dans les Landes, l’industrie du bois augmente la productivité de ses coupes rases tout en disposant du label PEFC, et les deux fonctions logent sous la même casquette, celle de M. Grigaut. Cela n’est guère étonnant, car le cahier des charges du label, qui rappelle tant l’esprit de l’agriculture raisonnée – faux-nez de l’industrie de l’agriculture – consiste avant tout à respecter les lois en vigueur. Audacieux, n’est-ce pas ?

Mais regardons de plus près. On retrouve dans la plupart des cahiers des charges régionaux du label PEFC les mêmes mots, qui ne dissimulent pas grand chose. Exemple : il ne faut pas « exécuter de coupe rase sur une surface d’un seul tenant supérieure à 25 hectares, ou 10 ha dans le cas de pente supérieure à 30% ou de site à forte fréquentation touristique, sans notice analysant l’impact de la coupe sur le paysage, l’érosion des sols et l’équilibre de la récolte ». Admirez avec moi ! Jusqu’à 25 hectares, on peut tout arracher, et au-delà, rédiger une notice que personne ne lira jamais. On a déjà vu plus rude règlement.

Tout est à l’avenant, résumé dans cette formule-choc : le propriétaire doit « respecter, concernant son activité forestière, les lois et règlements, en particulier les dispositions du code forestier, du code de l’environnement, du code de l’urbanisme et du code du travail ». Ce qui autorise – et c’est écrit en toutes lettres d’un bout à l’autre de la France – à utiliser des pesticides en forêt, et bien entendu des engrais de synthèse, mais « de manière raisonnée ». En revanche, il faut s’abstenir de tout épandage le long des cours d’eau, sauf exception. En Bourgogne, on a même le droit d’extraire ou d’exploiter commercialement la tourbe ou la terre de bruyère. Mais attention les yeux, « après avoir pris garde à ne pas modifier la dynamique de l’écosystème ».

Comment obtient-on le sésame PEFC ? En adressant un chèque à l’organisme régional. Soit en général 10 euros plus 0,5 euro par hectare et par an. Donné. En échange, les propriétaires s’engagent comme des petits fous. Extrait de l’animation « Comment ça marche », réalisée par le label lui-même (ici) : « L’adhésion du propriétaire ne se limite pas à sa contribution. Elle est assortie d’un engagement à appliquer les recommandations de la politique régionale de qualité de la gestion forestière durable ». Le mot clé, selon moi, est recommandation. Un mot d’une douceur de rêve.

Finalement, à quoi sert donc ce label ? Le Centre régional de la propriété foncière (CRPF) Midi-Pyrénées (L’Écho des forêts n°38) répond sans état d’âme : « Enfin et surtout, l’argument est commercial, la certification est aujourd’hui un atout pour mieux vendre et exporter, mais, tre?s vite, demain, elle deviendra une ne?cessite? pour tout simplement vendre ». Essayez de pardonner ma longueur. Je la crois nécessaire pour comprendre ce qui se passe.

Place désormais à France Nature Environnement (FNE), ces écologistes officiels qui ont pris leurs quartiers au ministère. On aura compris que je ne vise donc pas les dizaines de milliers de bénévoles vaillants qui sont fédérés, bon gré mal gré, à ce conglomérat. Mais un groupe d’apparatchiks comme il naît dans toute institution humaine, aussi noble soit-elle au départ.

FNE est associée depuis le début, depuis 1999, à la certification forestière PEFC. Des représentants d’associations de terrain siègent ès qualité, dans les grandes régions, à des réunions sans autre but que de permettre à l’industrie de vendre. À mes yeux, FNE sert ainsi de caution à une opération commerciale ordinaire. On chercherait en vain – cela dure depuis dix ans, tout de même – la moindre évolution importante des propriétaires forestiers. Une plantation de Douglas, un champ dopé aux pesticides de pins maritimes seraient des forêts. Et pourraient mériter, aux yeux d’une grande confédération écologiste, un label durable. Eh bien, cela m’est insupportable. Simplement.

Dans une réunion interne de FNE, qui s’est tenue le 20 décembre 2008, on apprend des choses ahurissantes sur ce fameux label PEFC. D’abord, sur ses dimensions réelles, qui couvrent la bagatelle de 45% du volume de bois mis sur le marché. Près de la moitié du bois made in France  est donc certifié PEFC. Notre pays aurait basculé sans en avoir conscience dans une gestion exemplaire de ses forêts. Génial !

Génial, mais faux. Un propriétaire est contrôlé tous les dix ans en moyenne, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on n’est pas vilain avec lui. Lisez donc cet extrait du compte rendu de la réunion : « Un constat est fait dans les rapports de contrôles : la plupart du temps les observations sont notées en axes d’amélioration plutôt qu’en écart. Depuis la création de PEFC, il n’y a eu aucune exclusion ». Vous avez bien lu. Ce système est si parfait et ses membres si vertueux que pas une seule exclusion du label PEFC n’a été prononcée en dix ans. Et ce label couvre 35 % de la forêt française, tant publique que privée !

La vérité, comme si souvent, est ailleurs. Et c’est encore cette réunion de FNE qui la révèle en toutes lettres : « PEFC est informée que certains chantiers se passent dans des conditions douteuses. Mais c’est une limite du système : les ER manquent d’impartialité et d’indépendance pour traiter de manière satisfaisante ces non-conformités. Les mesures de correction ne sont pas suffisantes. PEFC France a conscience de la faiblesse des ER concernant les contrôles ». Rions tant qu’on le peut encore. Les ER sont les « entités régionales » de PEFC, ses antennes. Ainsi donc, faute d’indépendance, elles sont incapables d’évaluer la qualité des chantiers forestiers. Nous voilà dans la farce la plus totale qui soit. FNE donne son imprimatur à un label qui est distribué à qui passe dans la rue. Un label qu’il est impossible de perdre.

Il existe à ma connaissance un cas où cette étrange opération a connu un sérieux raté. J’espère qu’il en est d’autres, d’ailleurs. Dans la région du Nord-Pas-de-Calais, l’association Nord-Nature, qui représente FNE, a claqué la porte des réunions PEFC en 2004. Et rompu tout lien avec ce label. L’affaire n’a pas été ébruitée, mais elle est instructive, car l’écologiste sincère qui assistait aux réunions pour le compte de FNE n’a jamais pu se faire entendre sur des questions de base. Ni sur la biodiversité, ni sur la protection des milieux fragiles, ni sur la politique sylvicole, qui détermine pourtant bien des choses. Dans le Nord, oyez, les forestiers gèrent leur label en famille, à l’abri des regards. Depuis 2004, il existe au moins une région rebelle aux desiderata de Sébastien Genest. Mais qui le sait ?

Je m’arrête ici, mais il y a une suite, qui sera tragique. Car PEFC est un label international, soutenu d’un bout à l’autre de la terre par FNE. Seule. Je veux dire qu’aucune association écologiste, de quelque pays que ce soit, n’a jugé bon de siéger dans ce machin-là. Sauf FNE, qui n’a strictement aucune légitimité pour cela. Vous verrez dans le prochain épisode que FNE, qui ne sait rigoureusement rien de ce qui se passe dans les pays du Sud, accepte pourtant de cautionner les pires atteintes aux écosystèmes les plus essentiels de la planète. Vous avez encore le droit de douter. Attendez de voir les preuves, car elles existent.

Complément sur la chasse (et FNE via la Ligue ROC)

J’avais totalement oublié l’épisode Pipien ! Il est pourtant essentiel pour comprendre la dérive de la Ligue ROC, dont je parlais ici même hier. Ce monsieur, adhérent de la Ligue Roc et de la LPO, a été en effet directeur de cabinet de Roselyne Bachelot en 2003, quand cette dernière était ministre de l’Écologie. Pipien est ingénieur général des Ponts et Chaussées. Ce que vous allez lire ci-dessous se trouve dans le numéro 25 du bulletin Action Nature (juillet 2005). Cela devrait faire réfléchir un certain nombre de gens. Non ?

Mais que diable sont-ils allés faire dans cette galère ?

Le monde associatif de la protection de la nature nous réserve quelques fois de bien curieuses surprises. Ainsi, dans un livre à paraître à la rentrée mais déjà diffusé à quelques heureux privilégiés, la ligue ROC pour la défense de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs (ex Rassemblement des Opposants à la Chasse) a réuni quelques spécialistes pour parler de tout ce qui ne va pas sur notre planète.
Jusque-là rien d‘anormal, ni même d‘original, d‘autres avaient pratiqué de même il y a peu. Mais là où le ROC a fait très fort, et ce que personne jusqu‘alors n‘avait osé faire, c‘est de confier la synthèse de ces réflexions « offertes au débat » à Gilles Pipien, qui n‘est autre que le premier directeur de cabinet de la célèbre Roselyne Bachelot du temps de son très remarqué passage au ministère de l‘écologie et de la Destruction Durable !

Alors même qu‘il était on ne peut mieux placé pour réaliser tout ce qu‘il recommande dans cet ouvrage, ou tout du moins pour tenter de le faire, il s‘était à l‘époque appliqué à faire exactement le contraire ! C‘est grâce à lui et à son zèle, que nos chers Martres, Putois et Belettes sont retournés illico presto rejoindre les fouines et autres corbeaux dans la liste nationale des espèces nuisibles. Liste dont ils n‘étaient sortis que quelques mois auparavant grâce à Yves Cochet !

C‘est également M. Pipien qui a complaisamment réouvert le récurrent dossier des dates de chasse, que l‘on pensait clos depuis janvier 2002. Réouverture qu‘il s‘est appliqué à réaliser en saucissonnant les décisions en de multiples arrêtés et décrets, afin de rendre la tâche des associations de protection de la Nature plus dure. Peine perdue, le Conseil d‘Etat a statué à de multiples reprises contre ces arrêtés Pipien/Bachelot.

Et la liste est encore longue. (nous avons des tonnes d‘archives !) Bien sûr, on peu croire aux miracles, ou aux conversions tardives. Mais un tel retournement de veste n‘est tout de même pas près de passer pour crédible ! Ainsi, en région Rhône-Alpes, Gilles Pipien est l‘objet depuis le 7 mars 2003 d‘une tendresse toute particulière. C‘est lui en effet qui s‘est rendu sur le col de l‘Escrinet, haut lieu du braconnage de masse, pour y soutenir et y encourager cette pratique totalement illégale ! Les braconniers ardéchois en rient encore…

Les associations de protection de la Nature beaucoup moins. Depuis ce coup d‘éclat de mars 2003, le braconnage à repris de plus belle. Si le ROC a accueilli à bras ouverts l‘ancien directeur de cabinet, c‘est avec du goudron et des plumes que certains aimeraient l‘accueillir en Ardèche et dans les environs …

Nous aimerions plaider les circonstances atténuantes pour le ROC, vous dire qu‘il s‘agit d‘une regrettable erreur, qu’ils ne savaient pas, qu‘ils n‘avaient jamais été mis au courant des étonnantes aventures du sieur Pipien. Mais ce n‘est malheureusement pas le cas. Toutes les associations de protection de la Nature se souviennent très exactement des agissements du directeur de cabinet de R. Bachelot, avant qu‘il ne se transforme en Monsieur bons offices du ROC. Les faits sont têtus, et la presse a largement relaté les divers coups bas qu‘il a assénés à la protection de la nature. Y compris le « Pipien Show » de l‘Escrinet, épisode peu glorieux dont les medias s‘étaient à l‘époque faite l‘écho en citant quelques perles du bonhomme, dont l‘une des plus gratinées : « La loi doit être respectée. En matière de chasse, il faut l‘adapter car elle pose problème » !

Souvenons-nous que s‘en sont suivies deux lois sur la chasse particulièrement régressives… Le nouvel ami du ROC a vraiment un lourd passé. Nous n‘oublions pas non plus que la vice-présidente du ROC a plaidé, aux cotés de R. Bachelot devant le Conseil d‘Etat saisi par l‘ASPAS (Association pour la Sauvegarde et la Protection des Animaux Sauvages) et la CVN (Convention Vie et Nature) de recours contre les arrêtes des dates de chasse ! Ce qui n‘a heureusement porté chance ni à la ministre ni à ses arrêtés…

Mais que diable sont-ils allés faire dans cette galère ?

Les amitiés particulières de France Nature Environnement (Acte 2)

À DIFFUSER SANS MODÉRATION DANS TOUS LES RÉSEAUX

À propos de la chasse

Je ne sais plus très bien si je dois vous conseiller la lecture de mon papier. Quand on est comme moi un amoureux profond et parfois niais de la nature, des oiseaux, du ciel et des arbres, il n’est pas facile, je vous le certifie, de se mettre à ce qui va suivre. Mais il se passe des choses insupportables dans le monde de l’écologie, et je crois qu’il est préférable que le plus grand nombre soit mis au courant.

Il s’agit donc de l’Acte deuxième des Amitiés particulières de France Nature Environnement (FNE), psychodrame commencé ici jeudi passé. Je vous ai raconté la bureaucratisation de FNE. Celle-ci va loin et se double de positions dont très peu de gens se doutent. Ainsi dans le domaine de la chasse. Comme le dit le naturaliste Roger Mathieu dans un texte qui circule sur le net, Théodore doit se retourner dans sa tombe ! Monod était en effet le président d’honneur d’une association digne et combative, le Rassemblement des opposants à la chasse (ROC).

Depuis sa disparition, la roue a tourné, et de plus en plus vite. Le ROC est devenue la Ligue ROC, et a adouci son propos d’une manière que je qualifierai d’époustouflante. Il ne faut plus rien condamner, ni personne. Il faut rechercher le consensus avec les chasseurs, il faut faire des réunions à n’en plus finir, il faut se regarder dans le blanc des yeux. Ma foi, et je suis sérieux, on juge les arbres aux fruits qu’ils donnent. Or donc, voyons de plus près : et si c’était la bonne tactique ? Mais d’abord cette précision : la Ligue ROC appartient à FNE et dirige en son nom le réseau nature de la confédération. Ce qui signifie que deux ou trois personnes, pas plus, impriment leur marque à propos de sujets clés, dont celui de la chasse.

Or un journal de chasseurs vient de mettre le feu aux poudres parmi mes amis naturalistes. Ce journal, c’est le célébrissime Saint-Hubert. Dans sa dernière livraison, il revient sur « le Grenelle de la chasse » commandé à Borloo par Sarkozy l’an passé. Il s’agissait officiellement de rapprocher les points de vue entre protecteurs de la faune sauvage et chasseurs. Mais l’affaire a viré à la manipulation pure et simple.

Qu’explique le Saint-Hubert ? Que les lignes ont bougé. Mais curieusement, à la notable exception de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui maintient des positions dignes de son objet social, seuls les « écologistes » bien en cour ont fait mouvement dans la bonne direction, celle indiquée par les chasseurs. Et quels ? Mais ceux de la Ligue ROC, bien sûr. On voit dans le journal de magnifiques « cartes de l’opinion », sur lesquelles – ô miracle ! – la Ligue ROC et FNE ont passé la ligne médiane pour se rapprocher très, très près de la Fédération nationale des chasseurs (FNC).

On y trouve même un hommage appuyé aux néoréalistes, dont je reproduis les termes : « Tout à fait inattendue, estime le Saint-Hubert, la déclaration de la Ligue ROC ». Et de citer le communiqué de l’association : « la Ligue ROC a pris une part active dans ce processus de normalisation du dossier chasse. Elle se félicite du compromis obtenu (avec ses faiblesses et ses points forts, mais c’est le propre de tout compromis) » (…) Cette déclaration, reprend le Saint-Hubert, « apparaît comme un mouvement rapide vers l’Est-Nord-Est [des fameuses cartes de l’opinion], passant d’un discours historiquement “philosophique” sur un “droit des non-chasseurs” à un discours hyper-réaliste sur les bienfaits du compromis ! ».

Vous l’avez compris, la Ligue ROC, qui représente FNE sur cette question essentielle de la chasse, a donc fait plus qu’un pas en direction des nemrods. Jusqu’à ce point, pas de commentaire. Pensons ensemble aux fruits de l’arbre. Mais justement, où sont les fruits ? C’est à ce moment de l’histoire que tout bascule. Je vais essayer d’être bref et compréhensible. L’opération « Grenelle de la Chasse », comme celui de l’Environnement, est une grossière entourloupe, et FNE lui a accordé un soutien insensé, et même ridicule.

Résumons. Le 18 décembre 2008, les députés ont adopté sans coup férir une proposition de loi du sénateur UMP Ladislas Poniatowski, déjà votée par le Sénat en mai, et qui étend nettement les droits des chasseurs. Les fédérations de chasse pourront être agréées au titre de la protection de la nature – si -, et consultées sur les projets d’aménagement du territoire. Elles pourront dans ce cadre saisir la justice et se porter partie civile. En outre, en cas d’infraction au droit de la chasse, le permis du contrevenant ne sera plus automatiquement suspendu. Un juge devra intervenir.

Est-ce tout ? Non, trois fois non. Le grand lobbyiste de la chasse, Thierry Coste, qui anime une boîte de com et tape dans le dos de la moitié des parlementaires – il est « conseiller politique » de la Fédération nationale des chasseurs – a annoncé une grande nouvelle. Au moment du vote de la loi, en décembre,  Borloo aurait promis aux députés un décret pour « renforcer les sanctions contre les antichasse extrémistes qui cherchent à entraver le déroulement de certaines chasses ». Vous avez bien lu. Et Coste n’a pas inventé. Il ne faudra plus, bientôt, embêter les flingueurs.

Cette fois, y est-on ? Non. Fin janvier 2009, Borloo a publié des arrêtés de fermeture de la chasse qui sont scélérats. Dans un communiqué commun, près de 70 associations françaises et européennes ont aussitôt protesté (ici). Citation qui se passe de commentaire : « La chasse de la plupart des espèces est prolongée jusqu’au 10 ou au 20 février, soit dix à vingt jours supplémentaires par rapport à la date de clôture précédente. Alors que tous les ornithologues constatent depuis quelques années une avancée des périodes de migration et de reproduction, conséquence du changement climatique ». La Ligue ROC, FNE ? Aux abonnés absents. Une honte, une capitulation.

La conclusion, cette fois ? Toujours pas. À la mi-décembre 2008, la martre et la belette avaient enfin été retirés de la liste des animaux nuisibles après un combat écologiste interminable. Borloo avait cédé, disons-le. Mais Sarkozy, qui câline les voix des chasseurs à l’approche des élections européennes, leur a offert de nouveau la tête de la martre et de la belette. En deux mois, ces animaux sublimes seront repassés au statut d’animal « nuisible », susceptibles d’être piégés tout au long de l’année. Comme on respire mieux !

Les chasseurs ne se sont jamais sentis aussi soutenus. La preuve par la Gazette officielle de la chasse et de la nature (n°du 13 février 2009). Ce bulletin des chasseurs annonce froidement une offensive en règle contre la directive européenne dite Oiseaux, qui date de 1979, et qui demeure un verrou de protection. Une atteinte à cette loi européenne serait un hallali ! Non, réellement, les choses vont très mal. Je vous signale ou vous rappelle qu’un chasseur de Haute-Savoie vient de buter de sang-froid un loup, en théorie protégé par la Convention internationale de Berne.

Mais le pire est dans son propos public (ici). Le tueur dit, entre autres joyeusetés : « Je ne sais pas mentir. Et puis, j’ai pris un coup de sang. Ce n’était pas calculé, mais je suis monté avec ma carabine et je l’ai tué. Mais je ne pensais pas à mal en tuant un loup. Pour moi, j’ai fait une bonne chose… Pour tout le monde ».  J’en reviens au sentiment de Roger Mathieu, que je salue au passage. Naturaliste, très fin connaisseur de la chasse, il note : « Ce qui est assourdissant, ce n’est pas tant le silence de FNE et de son conseil d’administration, c’est le silence absolu de (presque) toutes les associations de protection de la nature (sic) membres de FNE ». Et il ajoute, et je contresigne moi-même : « Théodore reviens !… Ils sont devenus fous ! ».

Le grand Théodore Monod n’aurait en effet jamais toléré pareille dérive.

PS 1 : L’analyse de la loi Poniatowski commande d’aller plus loin, notamment en ce qui concerne l’obtention de cartes temporaires de chasse, délivrées aux Associations communales de chasse agréée (Acca). Je peux d’autant moins le faire que je n’ai pas les compétences pour cela. Mais les commentaires sont les bienvenus.

PS 2 : Comme pour le papier précédent, faites circuler je vous prie. Faites marcher vos carnets d’adresse électroniques !

Ceci n’est pas un suspense

Comme certains le savent, j’ai écrit hier le premier épisode d’une série. Elle concerne France Nature Environnement (FNE), confédération d’environ 3 000 associations de protection de la nature en France. Un mastodonte, si vous voulez. Non, je me reprends, car le mastodonte, bien plus impressionnant encore que notre sublime éléphant, a disparu il y a des millions d’années. Je ne voudrais pas porter la poisse à FNE. Appelons cela un puissant regroupement. Et disons que mon article d’hier était une flèche tirée de mon carquois, puis décochée sur une poignée de bureaucrates.

Je dois avouer que je n’aime pas la bureaucratie. Et ajouter que je n’en ai pas fini. Le papier d’hier sera suivi dès lundi d’un deuxième. Et puis d’un troisième. Y aura-t-il un quatrième ? C’est bien possible. Mais si je ne continue pas ce vendredi, c’est simplement parce que je dois rassembler encore quelques informations, m’assurer qu’elles sont exactes, et puis écrire. J’aime écrire, certes, mais nul ne me paie pour cela. Je ne m’en plains pas, loin s’en faut, mais il faut de temps en temps s’en rappeler. Bref, j’ai besoin d’un court délai. Mais vous ne serez pas déçu du voyage.

En attendant, et cela n’a rien à voir, je me permets de vous signaler quelques livres qui traînent chez moi en ce moment. Je ne les ai pas tous lus, non, mais assez parcourus en tout cas pour vous les signaler, et même vous les recommander. Le premier est une livraison de la revue Ethnies, publiée par Survival International (45 rue du Faubourg du Temple, 75010, Paris). Ce numéro double – 33-34 – est consacré au lien rare créé entre Claude Lévi-Strauss et ceux qu’on finirait par appeler les Nambikwara, un peuple indien de l’Amazonie. C’est un ensemble d’articles et d’entretiens souvent passionnants, agrémenté d’un DVD documentaire de 46 minutes, À propos de Tristes Tropiques. J’ai déjà parlé de Lévi-Strauss ici, et n’y insiste donc pas. Cet homme est une respiration.

Autre livre, surprenant celui-là : Le Salon des berces (Nil, 18 euros), écrit par le grand paysagiste Gilles Clément. Inutile de le cacher, j’ai grande sympathie pour l’homme, que je connais. Mais j’ignorais qu’il écrivît aussi bien. Ce livre est un récit à la première personne, qui raconte l’installation de Clément dans un coin de vallée creusoise, à la fin des années 70. La maison familiale, dans la Creuse elle aussi, lui est désormais interdite à la suite de quelque épouvantable litige. Et donc, Clément cherche. Et avant tout un lieu susceptible de se transformer en jardin. La maison viendra après, sans permis de construire pendant des années. Il ne s’agit pas seulement d’un chant d’amour aux lieux qu’on choisit, mais aussi d’une chronique très concrète, parfois désopilante, de l’humanité rencontrée sur place. En bref, une bien bonne surprise pour moi.

Rapidos, je vous signale aussi la sortie d’un livre de Dédé Pochon, paysan des Côtes d’Armor, infatigable défenseur d’une agriculture durable. Le titre – Le scandale de l’agriculture folle – est un peu racoleur, mais on retrouve le personnage que l’on aime. Et son introduction donne à penser sur la totale révolution de l’agriculture accomplie en 60 ans en France. Dédé en a été un acteur enthousiaste, avant d’en devenir un critique féroce. Il ferait penser, sur un plan plus concret, à la mue opérée chez René Dumont à l’entrée des années 70 du siècle passé (éditions du Rocher, 15 euros).

Gilles-Éric Séralini, un scientifique qui étudie de près les OGM, publie de son côté un livre très intéressant, mais qui me semble, j’en suis désolé, mal édité. Je n’entre pas dans les détails techniques, qui sont d’ailleurs secondaires. Séralini pense que la médecine doit se renouveler de fond en comble et que sa priorité doit être, désormais, de « détoxifier » nos organismes, surchargés de poisons de tous ordres. Cette perspective est non seulement originale, mais aussi, visiblement, réaliste. (Nous pouvons nous dépolluer, éditions J.Lyon, 19 euros).

Enfin, je déguste à la petite cuiller un livre intitulé  Grassland. Je suis navré, mais il est en anglais. Il décrit d’une manière admirable l’histoire écologique, et donc le massacre de la Grande Prairie américaine. Je le confesse, si j’avais eu à choisir un lieu pour vivre, j’aurais peut-être choisi celui-là, aux alentours de l’an 1500 par exemple. Mais on ne m’a pas demandé mon avis (Grassland, par Richard Manning, Penguin Book).

Sur ce, je me sauve pour mieux revenir.

Les amitiés particulières de France Nature Environnement (Acte 1)

Je vous en préviens, ce qui suit fera causer dans le Landerneau écologiste, et ce ne sera que justice. Pour l’occasion, je vous prie de faire circuler massivement ce qui relève avant tout de l’information. Faites-le, car les enjeux, comme vous le découvrirez dans les différents épisodes de cette tragique pantalonnade, sont considérables. Chopez donc votre carnet d’adresses, et alertez !

Commençons par le commencement. France Nature Environnement (FNE) est une confédération d’environ trois mille associations locales ou régionales – elles-mêmes fédérées, comme Bretagne Vivante – de protection de la nature. Née en 1969, FNE (ici) est devenue au fil des années une petite bureaucratie, chargée de gérer les intérêts communs. Si j’emploie le mot de bureaucratie, c’est simplement pour dire que ses responsables se sont peu à peu, sans s’en rendre compte je pense, éloignés des pratiques démocratiques. Cela arrive aux meilleurs.

Donc, une lente mais irrésistible décadence de l’esprit de liberté, entretenu par une source de financement majeure : l’État. C’est l’État, depuis des lustres, qui paie les factures. Le ministère de l’Écologie, à lui seul, offre près de 45 % du budget. Bien que les chiffres ne soient pas transparents, on peut estimer que les financements publics représentent au moins 65 % des dépenses de FNE. Peut-être davantage. À quoi il faut ajouter des partenariats avec des entreprises privées, dont on va reparler. Il faut donc composer. Et quand on a d’emblée l’échine souple, cela ne fait même pas mal.

Le président de FNE, avec qui j’ai eu l’occasion, il y a peu, de ferrailler, s’appelle Sébastien Genest. Il préside un conseil d’administration de 22 membres, qui ne sont pas des malandrins, je le précise. Je connais personnellement Frédéric Jacquemart, qui est un brave. D’autres doivent aussi être d’excellentes personnes. Je ne le conteste évidemment pas. Mais il n’empêche.

Au moment du Grenelle de l’Environnement d’octobre 2007, Sarkozy et Borloo ont réussi un coup de maître en transformant en interlocuteurs légitimes ceux que la droite – la gauche aussi, d’ailleurs – avait toujours méprisés. Les « écolos » pénétraient dans les salons ministériels et tapaient sur l’épaule du ministre, ou presque. La bureaucratie de FNE en a été encore plus tourneboulée que le WWF, Greenpeace ou la Fondation Hulot. C’est dire. À l’époque, les « négociateurs » de FNE étaient considérés par les autres associations comme de simples faire-valoir du pouvoir. C’est un fait. Je ne peux écrire ici ce que j’ai entendu alors de la bouche de personnalités écologistes. Cela serait très offensant pour FNE. L’antienne était que la proximité entre le ministère de Borloo et FNE était complète, totale. Indécente même.

Nous y sommes enfin. Peut-être connaissez-vous l’association bretonne Eau et rivières de Bretagne (ERB). À mes yeux, c’est l’une des plus intéressantes de France. Créée elle aussi en 1969, elle a mené un combat homérique, parfois héroïque contre l’agriculture productiviste et les pollutions chimiques (ici). ERB appartient au réseau FNE, et vient d’envoyer une lettre inouïe à son président, j’ai nommé Sébastien Genest. J’ai mes sources, comme dirait l’autre, et je vais vous en faire profiter.

La lettre est datée du 23 février 2009, et n’a pas eu le temps de sécher. ERB reproche tout d’abord d’étranges comportements de FNE dans le cadre de discussions avec le ministère de Jean-Louis Borloo. Ses petits chefs ont ainsi décidé, sans en avertir ERB, pourtant partie prenante, de traiter en direct avec le cabinet de Borloo sur l’importante réforme des installations classées pour la protection de l’environnement. Pourquoi ? Et de quel droit ?

Mais le pire n’est pas encore là. FNE, dans le dos d’ERB, a décidé un partenariat avec la société Compo (ici), spécialisée dans les pesticides, et associée depuis 2005 avec le géant de l’agrochimie Syngenta. Beau, hein ? Pour Compo, il y a deux bonnes raisons de désherber son jardin. La première est « esthétique », car « les mauvaises herbes et la mousse, ça ne fait pas très propre ». Texto. La seconde est préventive, car « les mauvaises herbes peuvent attirer des insectes ou être des vecteurs de maladies pour le reste des plantes ». Texto derechef.

On espère vivement que le partenariat, pour FNE, est juteux. Car cela s’appelle se vendre. Ni plus ni moins. Voici en complément un large extrait de la lettre d’Eau et Rivières de Bretagne, qui mérite bien cette publicité : « Votre communiqué du 6 février dernier nous a appris la décision de FNE de  “s’associer avec la société COMPO” ! Les pratiques commerciales et publicitaires des entreprises et marques de cette société (Algoflash, Resolva, Pack Aïkido (glyphosate), Debrouss EV, Monam Ordoval…) sont celles contre lesquelles se battent quotidiennement notre association et les organisations de consommateurs : incitation au désherbage chimique systématique, (…) offres promotionnelles incitant à la surutilisation des pesticides (…)

Ce partenariat est pour nous inacceptable. Au-delà de FNE, il ternit l’image de nos associations engagées de longue date dans un combat difficile contre ce type de pratiques : cf. procès Monsanto, actions menées en Bretagne dans le cadre du programme eau & pesticides etc…
Nous vous demandons de bien vouloir nous informer des conditions dans lesquelles ce partenariat a été engagé (quelle concertation préalable, qui a décidé ?) et souhaitons qu’il y soit mis fin rapidement.

Nous ne pourrons pas poursuivre le légitime combat mené pour réduire l’utilisation des pesticides par les particuliers, et en même temps, par notre adhésion à FNE, cautionner ce partenariat qui constitue à nos yeux, à la fois une faute éthique et une erreur stratégique ».

La lettre s’achève sur une vigoureuse et douloureuse interrogation. Voici : « Notre conseil d’administration s’interroge sur la promiscuité grandissante entre FNE, la FNSEA, et les tenants de l’agriculture raisonnée : présence largement médiatisée de JC Bevillard [ chargé de mission de FNE] le 21 février aux côtés du Ministre de l’Agriculture et du Président du réseau FARRE au lancement de « Terres 2020 », présence de deux représentants de la FNSEA (P. Ferrey, R Bailhache) au prochain congrès, mais par contre… absence de tout représentant de l’agriculture durable et biologique à ce congrès !
En Bretagne, première région agricole de France, si les associations travaillent régulièrement en partenariat avec le réseau agriculture durable, la fédération régionale de l’agriculture biologique et parfois avec la confédération paysanne ; elle constatent, certes une inflexion des discours des FDSEA et des chambres d’agriculture mais le maintien d’un soutien sans faille à un modèle intensif qui ne laisse aucune chance, ni aux ressources naturelles, ni à la biodiversité…».

Voilà, chers lecteurs. Grave ? Dramatique, oui. Il y a quelque chose de pourri au royaume de l’écologie. Et n’oubliez pas qu’il y aura sous peu, ici même, d’autres épisodes. Retenez votre place.