Besset, Bové, Jadot (et Guy Mollet)

Encore une polémique ? Je ne crois pas. Je pense plutôt que ce qui suit est l’amorce d’un débat. Que j’aie raison ou tort ne change rien à ma bonne foi. Je suis plus convaincu que jamais qu’il faut ouvrir toutes les écoutilles. Le vent du large doit passer !

Nous ne pouvons être tous d’accord, même ici. Je connais pour ma part, personnellement, trois des nouveaux députés écologistes. D’abord Yannick Jadot, ancien de Greenpeace. Ensuite José Bové, et depuis bien plus longtemps qu’il ne passe dans le poste. Enfin Jean-Paul Besset, mon cher vieil ami de vingt ans, pour qui j’ai de l’affection.

Aucun d’entre eux ne mérite le bûcher. José, malgré les critiques que je lui ai souvent faites, a joué un rôle important en France depuis 35 ans. Je n’oublie pas un instant qu’il s’installa sur le plateau du Larzac quand tant d’autres passaient leur chemin. Yannick me semble très attiré par la carrière politique, mais après tout, ce n’est pas un crime. Quant à Jean-Paul, je sais son honnêteté insigne, sa sincérité, sa valeur.

Mais alors, d’où vient mon opposition à ce que je considère comme une distribution de calmants et d’hypnotiques ? D’où vient que leur élection me gêne tant ? Voyez-vous, c’est presque simple : ces gens sont dans le cadre. Oui, malgré leurs discours – et à cause d’eux -, ils agissent exactement comme si la vraie crise, celle qui mord la nuque, répand la famine et broie les cerveaux n’était pas à nos portes. Ils sont les véhicules de l’illusion. On eût appelé cela sans détour, dans mon jeune temps, du « crétinisme parlementaire ». C’est-à-dire une certaine façon de poser – et de penser résoudre – nos problèmes.

Tout est question d’appréciation. Si nous disposons de temps, comme certains d’entre vous semblent le penser, eh bien, pourquoi pas Bruxelles et Strasbourg ? Pourquoi pas des manifestes qui n’engagent que leurs rares lecteurs ? Pourquoi pas un prochain rendez-vous dans cinq ans, qui préparera au mieux le rendez-vous de 2020 qui lui-même, etc. Les écologistes officiels, pardonnez-moi si vous le pouvez, se comportent comme les radicaux-socialistes de la Troisième République. Ou encore comme les mollettistes de l’ancien parti socialiste, appelé SFIO. Mollettiste vient de Mollet, Guy, chef du parti qui braillait toujours des discours gauchisants pour mieux couvrir d’infectes pratiques, comme en Algérie par exemple.

Je ne dis pas que les écologistes officiels sont comme lui. J’affirme qu’ils utilisent des méthodes très ressemblantes. Un Cochet fera claquer des dents sur la crise du pétrole pour, la minute suivante, se demander gravement s’il faut aller assister au discours de Sarkozy devant le Congrès à Versailles. Et les exemples sont si nombreux que je pourrais en distribuer à chacun d’entre vous. Baste ! Le moment est venu de changer. C’est bête, n’est-ce pas ? Sans doute, mais changer signifie rompre. Innover. Inventer de nouvelles pratiques et de nouvelles représentations. Now ! comme on dit dans les séries américaines pour marquer qu’on ne plaisante plus. Now !

Le temps passé dans des cirques électoraux qui n’ont rien changé d’important et ne changeront rien d’important est un temps perdu à jamais. Ceux qui jouent encore perdent à coup certain. Il n’est aucune autre urgence que de trouver la manière de signifier notre refus radical de ce monde et de ses objectifs. Je vous rassure, je ne prétends pas avoir trouvé. Mais je cherche, Par Dieu ! Je cherche. Je ne dis pas que Jadot, Bové ou Besset sont des traîtres à la cause ou des imbéciles. Je dis, parce que je le crois, qu’ils se trompent lourdement. Très lourdement. Mutatis mutandis, ils nous jouent la sérénade de l’automne 1938, après les soi-disant accords de Munich. Ils pensent qu’on peut éviter la guerre. Mais elle est déjà là. Seulement, nous n’avons pas – pas encore -, les yeux pour la voir. Croyez-moi, j’aimerais beaucoup me tromper sur toute la ligne. J’en serais heureux pour la raison que je préfère regarder pousser les arbres et chanter le rouge-queue noir. Vrai, le temps étant compté pour chacun, je préférerais le passer en bonne compagnie, dans toutes les positions souhaitables et avantageuses. Mais je ne puis.

26 réflexions sur « Besset, Bové, Jadot (et Guy Mollet) »

  1. Fabrice ! Tu donnerais à penser avoir loupé ta vocation car il existe, chez les Fonctionnaires,  » Les Positions Administratives « . Provocateur…moi ? Non…juste un peu blagueur !

  2. Fabrice, plus précisement, qu’est-ce qui t’amènes à penser qu’ils ne rempliront pas leur contrat ?

    Oui la guerre est là, autour de nous, les environnements sont contaminés, les financiers tirent les ficelles, les multinationales modèlent nos destins, etc.

    Moi aussi, je trouve exaspérant tout ce temps sans cesse perdu à chercher des accords avec des tyrans.

    D’autant que, pour avoir échangé ici et ailleurs, peu se soucient du temps que ça prendra. Ca ne fait pas partie de leurs préoccupations, puisque sortant de leur petit champ (d’action) bio.

    On pourrait être tenté par des actions plus virulentes. En Corse, si les promoteurs avancent à pas compté, c’est pas le fait des prix immobiliers. Mais la Corse, c’est un pays à part…

    Tu as sans doute des infos que nous n’avons pas pour tenir ce raisonnement, non ?

  3. Jo le Bug,

    Non, désolé, je n’ai pas d’exclusivité à t’offrir. Je me base sur l’histoire, le rapport de forces, la psychologie, la politique, ce sur quoi j’ai quelques connaissances.

    Et sur le fond, voyons ! Quel contrat ? Dans le meilleur des cas, ces braves diront quelques vérités que la plupart connaissent déjà. Chemin faisant, comme ceux du Grenelle de l’environnement – qui sont parfois les mêmes – ils apporteront leur caution à un cadre qui nous a conduit aux portes de la catastrophe. Aurais-tu envie de confier ton destin de patient à un chirurgien qui, t’ayant opéré vingt fois, se proposerait pour une vingt et unième fois ? Pas moi.

    Je me répète : il faut changer de paradigme. Pas seulement le dire, mais essayer de le faire. Dans le vieux cadre des familles, il y a un mouvement écologiste sans aucune vraie perspective, un Parlement européen et un accord sur la poursuite de la production d’objets inutiles et même désastreux.

    Dans l’espace intellectuel en formation, qui donne l’impression de magma et de gélatine même, il y a l’espoir d’une vision toute différente de notre avenir commun. Ce que je vois, moi, c’est que des millions de gens de bonne foi croient que l’on avance pour la raison qu’une poignée de députés écologistes de plus seront à Bruxelles. Selon moi, c’est un recul. Sans grande importance, mais un recul quand même. Il me semble que, lorsque l’on s’est trompé de train, on n’espère pas qu’il nous mènera là où on voulait aller. Il faut accepter de descendre, de perdre du temps, et d’en prendre un autre.

    Voilà en quelques mots. Et bien à toi,

    Fabrice Nicolino

  4. Isabelle Stenghers dans Terre à Terre (début mai) : « on ne peut pas aujourd »hui lutter sans aussi devenir profondément différents de ce qui est attendu de nous »…

  5. Rompre, innover… Je pense que nous sommes quelques uns, ici, à pratiquer ces méthodes, au quotidien. Et nous sommes également quelques uns à desespérer de ne pas être plus nombreux, ailleurs.
    Bruno (je crois) disait, à juste titre : « le pessimisme aboutit à l’échec ». Il est clair que seules la persévérance et l’optimisme peuvent conduire à la réussite ; mais ces deux attitudes se nourrissent des encouragements, de la force, de la cohésion du clan, du groupe, d’un peuple tout entier, qui partage en son sein les mêmes aspirations, les mêmes buts. L’unité est une force qui peut remplacer l’argent et le pouvoir.
    Mais comment mobiliser suffisamment de bonnes volontés pour constituer cette unité ?

  6. Objectivement, et en toute honnêteté, de quel(s) moyen(s) disposons-nous, nous simples citoyens, pour contrecarer les décisions prises en « haut lieu »????

  7. qui oseras prononcer ça publiquement : changer de paradigme. Pourquoi pas toi Fabrice ? Tu es un journaliste, tu pourrais devenir un homme public même sans être un président. Car franchement, à part ici, sur ce blog, où circule des idées, je ne vois ailleurs que du radotage. Tu as tout les talents, je ne dis pas que tu es l’homme providentiel mais la parole qui est ici sur le blog mériterais d’être entendu sur TF1 pour secouer les consciences.

  8. ce n’est pas les politiques qui changerons quelque chose. et le vrai changement est en premier local, mais ça reste marginal. combien de gens ont réellement envie d’un autre monde ? social, économique, culturel ? au niveau mondial combien ont accès à une véritable information de l’état de notre planète. même si voter devient illusoire, j’aurais préférer 60% de votes blancs que l’abstention aux dernières élections.

  9. Elections européenneson m’a fait passer çà : …..bien sûr on nous dira « à l’intérieur on pourra agir » et gna gna gna…foutaises ! On le sait le Parlement Européen est libéral (à 90% désormais) et pendant que les députés « progressistes » obtiendront, sur des milliers de défaites, quelques minuscules victoires ­ rêvons un peu ­ en son sein, le temps consacré à ça sera retiré à celui consacré au changement de société…et on ne fait pas la révolution par les urnes, cela ne s’est JAMAIS vu. Il faut donc changer la société PUIS porter au pouvoir quelqu’un qui lui ressemble, les 2 taches étant IMPOSSIBLES en même temps (on le voit bien en France avec les partis dits de gauche qui ne font que s’occuper des élections…pitoyable).Enfin, est-il besoin d’ajouter que les décisions se prennent au niveau du FMI, de l’OMC…du G8…toutes organisations libérales à 100 %. Alors libre à chacun de continuer à s’agiter pour gagner un grain de sable, immédiatement dissous dans le tsunami libéral qui n’a pas fini de monter, le vrai changement viendra uniquement le jour où les organisations politiques et syndicales décideront de s’unir pour faire en sorte que les citoyens deviennent acteurs et plus spectateurs. Mais on est loin de cette philosophie, on l’a encore vu aujourd’hui avec cette mascarade de manif, les syndicats ayant réussi en quelques mois à dégoûter un maximum de
    citoyens – qui s’étaient pourtant réveillés pour certains depuis longtemps ­ avec leurs pitoyables manifs à répétition…

  10. De José Bové, je retiens son refus des OGM, son refus actif, et sa remise à l’honneur de la désobéissance nécessaire face à des lois iniques. Son passage au parlement européen n’apportera rien en tant que tel. Mais ce qu’il peut en tirer d’informations, d’argumentations, la tribune qu’il peut en faire.

    Il a été assez décevant dans la campagne présidentielle parce qu’il n’était pas libre, surveillé qu’il était par des militants méfiants, qui lui refusaient le droit de faire ce qu’il adore, du spectacle (et il est doué, le bougre), et qui ont réduit son discours au plus petit commun dénominateur. Il me semble que sa liberté de parole reste entière dans le cadre de cette dernière élection.

    J’ai apprécié la liberté de parole d’Eva Joly, aussi, à propos de Bongo. Cohn Bendit non plus ne se laissera pas museler, et s’il dit des choses qui nous déplaisent, tant mieux, le débat n’en sera que plus passionnant.

    L’urgence… bien sûr, si on avait le choix entre ce qui se passe vraiment et ce qui DEVRAIT se passer…

  11. Suzan,

    Tu es adorable, et je serais hypocrite de jouer les indifférents, mais je crois profondément que chacun fait ce qu’il peut où il est. Je ne peux pas écrire autre chose, car c’est ce que je pense. Des bises,

    Fabrice Nicolino

  12. Lorsque je rêve de changements, il n’y a pas un homme ou une femme qui passe sur TF1 pour réveiller les citoyens.

    Il n’y a pas non plus nos chers syndicats : pourquoi bougeraient-ils ?

    Et comme le disent Marie et Thierry, nous ne pouvons compter sur les politiques : ils n’ont jamais rien changé dans l’histoire, ils ne font que suivre l’opinion du moment.

    Tous (citoyens, syndicats, politiques) pensent qu’ils ont trop à perdre et ne voient que ce qu’ils risquent et non pas ce qu’ils pourraient gagner.

    Dans mes rêveries, je reste obnubilé par ce que disait Chomsky dans ses conférences : nous sommes plus nombreux que nous le pensons à vouloir le changement mais nous ne le savons pas. Et Suzan, je ne suis pas d’accord avec vous : il y a de nombreux endroits où le radotage n’est pas de mise et où beaucoup vivent et pensent différemment, dans des directions qui ont beaucoup de sens.

    Alors je me dis : nous devons nous unir ! Ecrire une nouvelle Constitution, organiser nos propres institutions, créer des circuits économiques indépendants, bref tenter dans chaque domaine où cela est possible de ne plus dépendre de ce système malade.

    Tout ceci partirait de quelques personnes, capables de se concentrer sur l’essentiel et d’imaginer un système souple mais où des limites claires à ce qui n’est pas acceptable serait défini.

    Et puis nous partirions sur les routes convaincre les innombrables îlots de clairvoyance de participer à cette nouvelle aventure, de l’enrichir. Puis les autres.

    Vient alors le moment où je mesure la difficulté de la tâche. Et puis je me trouve naïf de penser à tout ça alors que des millions de personnes, bien plus compétentes, cherchent aussi et ne trouvent pas.

    Je suis un peu nouveau dans le milieu : ça ne fait que 2 ou 3 ans que j’ai basculé dans l’exploration des mouvements alternatifs. Je n’ai aucune expérience de militantisme, ne fait partie d’aucune association, suis un pur produit de l’individualisme (je me soigne) et commence à peine à diffuser des idées dans mon entourage.

    Alors dites-moi, pourquoi n’y a-t-il pas un début de convergence ambitieux entre différents mouvements ?

    N’est-il pas possible de s’entendre sur un minimum puis de laisser chacun, chaque groupe, évoluer selon ses convictions dans le respect de ces limites ?

    Ce sont les limites qui sont trop difficiles à définir ?

    Ou est-ce tout simplement le principe de départ (créer un système parallèle) qui ne tient pas debout ?

    Bien à vous,

  13. « tout simplement le principe de départ (créer un système parallèle) qui ne tient pas debout « ?

    NON çà peut tenir debout mais en France, je ne sais pas, trop de castes, pas assez le sens de la palabre..pas assez de fantaisie? je sais pas.

    bienvenue au club, Vincent.

    et j’ai vu home mais je vous en parlerais demain. je vous fais des bises à tous

  14. J’ai déjà entendu Fabrice au 20H de France 2! si!
    ça a bien duré…1 minute! rien à dire, impeccable. Une vraie prouesse que de décrire les ravages des agrocarburants et le lien avec les émeutes de la faim en un temps si court. Et c’est bien le problème : les formats télévisuels ne permettent pas de développer une pensée complexe.

  15. Cultive ton jardin,
    Je me demande bien ce que vous pouvez bien attendre d’un homme aussi vendu à l’idéologie de la soumission que D. Cohn Bendit, homme vulguaire de surcroit, comme tous les capitalistes? Franchement, soyons sérieux et ne nous abaissons pas jusque là.

  16. D’accord avec vincentP.
    On est nombreux à vouloir que les choses changent mais finalement peu à faire le pas de côté, à abandonner l’illusion de vivre une époque formidable.
    La difficulté n’est peut-être pas tant d’informer, de faire prendre conscience que de défaire les liens qui nous unissent à notre perte collective pour en recréer d’autres plus salvateurs.

    Mathieu.

  17. « George Monbiot (The Guardian) au secours des blaireaux du Comté de Pembroke – Pays de Galles! »

    Qui ici au secours des hérissons qui se font écrabouiller sur les routes empoisonner dans les champs et dans les cités: un hérisson retrouvé à moitié aveugle..probablement pour avoir mangé une saleté dans une poubelle..? eh bien ce sont les gens du sanctuaire des hérissons à coté d’Amiens: ceux qui sont en phase peuvent les appeler: 0618283748.
    en attendant que tout cela évolue dans le bon sens, prions le seigneur.au moins celui de l’automobile…

  18. Génial, très bien trouvé le parallèle avec Les accords de Munich en 38. C’est tout à fait ça. La « guerre » est déjà là, mais on ne veut rien voir. Bien vu, Fabrice. Hélas, j’ai peur qu’il faille que les catastrophes nous touchent personnellement pour que nous prenions conscience et que nous nous bougions.

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