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L’Italie, la Grèce, l’Espagne jadis éternelles

Jamais je ne serai patriotard. Jamais je ne serai nationaliste, cette folie humaine ordinaire qui conduit si souvent à la guerre. Le 16 mai 1971, lors que j’avais encore 15 ans, je manifestais dans Paris pour le centième anniversaire de la Commune de Paris. Et je criais, et je crierai toujours : « Les frontières, on s’en fout ».

Je déteste en bloc – et pire encore – la droite fasciste ou simili qui se développe tant en Europe. Mais aujourd’hui, je pense surtout à nos sœurs du Sud : l’Espagne, l’Italie, la Grèce. Cette dernière, c’est Athènes bien sûr, cette formidable Antiquité qui nous a tant inspirés. L’Italie, au-delà des imbéciles et criminelles conquêtes des légions romaines, nous a légué la langue latine dont nous venons tous, tant de poètes, tant de visions. Et l’Espagne d’Al Andalus, malgré tant d’horreurs accumulées, a rêvé pendant des siècles la cohabitation paisible entre juifs, chrétiens et musulmans. Je n’oublie pas Francisco Gómez de Quevedo Villegas y Santibáñez Cevallos, Miguel de Cervantes, Lope de Vega, Luis de Góngora y Argote et plus près de nous Federico García Lorca ou Juan Goytisolo Gay.

Quelque chose se passe sous les yeux des crétins nationalistes de là-bas. Le pays qu’ils prétendent chérir plus que tout disparaît à grande vitesse sous la forme qu’ils ont eu pendant des millénaires. Et ils s’en contrefoutent. Ceux de Vox – nostalgique de la canaille Franco – en Espagne; ceux de Fratelli d’Italia, du côté de Giorgia Meloni; ceux d’Aube dorée en Grèce. Tous excitent la haine de l’étranger et tous sont climatosceptiques. Comme ils sont grands.

L’Italie devient un pays tropical. Début juillet, l’édition française du National Geographic se penchait sur un phénomène inouï : « Les collines ondulantes de la Sicile qui abritaient autrefois des plantations d’agrumes et d’oliviers, font depuis bien longtemps partie intégrante du paysage agricole italien. »

Un nombre croissant de paysans de la péninsule – au sud en tout cas – se tournent vers la papaye, la mangue, l’avocat, la…banane. Déjà, la production d’huile d’olive baisse, mais aussi celle du raisin ou du blé. Si l’on ne trouve pas rapidement des variétés de ce dernier plus résistantes au dérèglement climatique en cours, on pourrait – on pourrait – voir à terme disparaître peu à peu le blé de l’Italie. Le blé. La pasta – les pâtes -, la pizza.

Nouvel extrait : « Face à la raréfaction des précipitations et l’augmentation constante des températures, de plus en plus de plantes se dégradent, voire meurent, et laissent ainsi apparaître une couche de terre brute, érodée par le vent et emportée par les pluies occasionnelles. Au fil du temps, ces sols deviennent de moins en moins fertiles, un processus connu sous le nom de désertification. »

Environ 70% de la surface de la Sicile est en train de devenir un désert. Christian Mulder, professeur à l’université de Catane : « C’est comme si 70 % de notre corps était recouvert de brûlures au troisième degré : un tel état serait fatal pour un être humain ».

Le désert. En Espagne, l’agriculture industrielle tape chaque jour un peu plus dans des nappes qui ne peuvent se renouveler à l’échelle de la vie humaine. Et l’Andalousie, cœur nucléaire de ce modèle condamné, fournit fruits et légumes à toute l’Europe. À bas prix, car ce sont les esclaves roumaines, polonaises, marocaines, équatoriennes qui triment sous les serres, enveloppés de nuages de pesticides. Selon l’ONU, 74% de l’Espagne est frappée par des formes diverses de désertification.

Quant à la Grèce, sachez que 159 000 hectares, notamment de forêts, ont brûlé en 2013. En cette toute fin d’été, le bilan est supérieur de 50%. L’Attique, que se disputèrent Poseidon et Athena, l’Attique qui abrite Athènes, devient un désert. La Grèce flambe et sombre, tandis que les touristes envahissent le moindre lieu. La Grèce, bon dieu !

Je sais que parler – écrire – ne sert à rien, ou à si peu. Faut-il arrêter de radoter ? J’avoue que j’y pense. Oh oui ! Mais il est vrai que je ne sais rien faire d’autre. En tout cas, ces bouffons nationalistes – chez nous, de Le Pen à Zemmour, ils ne manquent pas – ne peuvent cacher à mes yeux ce qu’ils sont. Ils n’aiment pas leur pays, non. Ils aiment hurler, détester, bastonner.

Retour aux origines (sur le cas Emmanuel Macron)

La mémoire n’existe pas. Faut-il dire qu’elle n’existe plus ? Elle a toujours été incertaine et fragile, martyrisée au passage par l’idéologie – dans ce domaine, fascismes et stalinismes se sont montrés indépassables -, effacée d’un coup de chiffon par le premier bateleur venu. Mais ce temps béni a disparu, car la numérisation accélérée du monde écrase, broie, pulvérise les neurones sans lesquels nous sommes les fantômes de nos propres vies.

Je passe ce jour sur le cas Mélenchon, que j’ai déjà tant décortiqué ici même. Pas un seul commentateur, nul analyste, aucun observateur n’est capable de relier le phénomène à ce que j’appelle, moi, le stalinisme mental. De quoi s’agit-il ? D’une façon de faire de la politique par le mensonge et l’intimidation, sans jamais en payer le prix. Pourquoi stalinisme ? Parce que cette atroce maladie mentale et politique « de gauche » n’a jamais été éradiquée en France. Pour de multiples raisons, le parti communiste n’a jamais eu à rendre le moindre compte. Pas seulement sur le bilan réel de l’expérience lancée en 1917 dans la Russie tsariste. Mais aussi sur les crimes et délits, les falsifications qui ont eu lieu en France. Et c’est bien pourquoi un Mélenchon peut se permettre tout, sans entraves. Il y a tant de candidats à la soumission, que les grotesques génuflexions des Mathilde Panot et autres Manuel Bompard n’ont rien d’étonnant. Rien, hélas.

Mais ce n’est pas de cela que je souhaitais vous parler. Je remets en circulation un texte de mai 2017 – sept ans de malheur ! -, parce que, ainsi que l’écrivit un auteur de ma préférence, « si le mensonge règne sur le monde, qu’au moins cela ne soit pas par moi ». Je continue contre l’évidence à croire dans la mémoire des jours et des ans.

D’abord, donc, mon texte de mai 2017. Ne vous étonnez pas de cette incongruité chronologique : il est suivi d’un texte de mars 2017.

Mais qu’est donc ce merveilleux Macron ?

15 mai 2017 Morale, Mouvement écologiste, Politique

Si vous ne le savez pas, je vous apprends que j’ai ferraillé contre certains, présentés comme écologistes, qui soutenaient sans hésitation le vote en faveur d’Emmanuel Macron. Contre Yves Paccalet et Corinne Lepage, notamment, auxquels j’aurais pu ajouter Matthieu Orphelin, ancien de la fondation Hulot, et très proche de ce dernier. Je laisse de côté, car ils sont par trop grotesques, des gens comme François de Rugy – lui aussi, comme Valls, avait signé la charte de la primaire socialiste avant de s’essuyer les fesses avec – ou Cohn-Bendit, désormais commentateur de matchs de foot et chroniqueur entre deux pubs chez Europe 1.

J’ai pu dire à certains, ces dernières semaines, que je préférerais me couper un bras que de voter Macron, et c’était faux. J’ai besoin de mes bras, surtout depuis le 7 janvier 2015, car mes jambes ne sont plus ce qu’elles étaient. C’était faux, mais c’était vrai, car je voulais surtout dire : jamais. Mais pourquoi, amis lecteurs ? Le psychodrame finalement comique du deuxième tour de la présidentielle a opposé deux personnages très détestables, mais également très différents.

Il va de soi, et qui me lit un peu le sait évidemment,  que je ne donnerai jamais ma voix à des crapules racistes. Je m’empresse de dire que je comprends aisément ceux qui, craignant – à tort, selon moi – une victoire de Le Pen, ont placé un bulletin Macron dans l’urne. Je les comprends, mais je ne les approuve aucunement. Ils en sont restés à des considérations nationales, estimant, cette fois à juste titre, qu’il est préférable de vivre dans un pays qui n’est pas dirigé par une clique comme celle-là.

Là-dessus, nous pourrions presque – presque – tomber d’accord. En effet, il est plus tranquille de vivre dans un pays où l’on n’expulse pas massivement les étrangers et où la bouille de madame Le Pen n’envahit pas les écrans. Seulement, la question posée n’est pas celle du confort moral, mental et quotidien d’une partie de la population. La question est : où va-t-on maintenant ? J’ai eu l’occasion d’écrire – encore dans mon dernier livre, Ce qui compte vraiment – sur les migrations humaines en cours. Des études concordantes indiquent qu’une bande de terre peuplée de 550 millions d’habitants, courant du Maroc à l’Iran, via l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Palestine, l’Irak, la Syrie, l’Arabie saoudite, devient peu à peu inhabitable sur fond de dérèglement climatique. Les températures diurnes vont atteindre 50 degrés, celles nocturnes ne descendront plus sous les 30 degrés.

En clair, des dizaines de millions d’humains, peut-être des centaines de millions à terme, quitteront des territoires grillés par la chaleur. Regardez une carte, et dites-moi, je vous prie, où ils iront en priorité. Ce cataclysme désormais si proche – encore dix ans, encore trente ans ? – représente un danger abyssal pour les valeurs qui sont les nôtres, et ramènerait le Front National à bien peu de choses. Car de vous à moi, comment des peuples habitués à commander le monde – comme le nôtre, depuis le conseil de sécurité de l’ONU – réagiraient-il à des arrivées en masse ? Essayons d’être tous sincères, cela changera des mauvaises habitudes. De ce point de vue, le Front National de 2017 est hélas, hélas, hélas, bien peu de choses.

Le dérèglement climatique est la mère des batailles, car il porte en germe la dislocation de toutes les sociétés humaines, et la guerre de tous contre tous. Or n’est-il pas certain que l’aggravation continuelle de l’effet de serre est intrinsèquement lié à l’explosion du commerce mondial ? Et que cette explosion est fatalement soutenue par cette divine croissance que la plupart des pays sont décidés, comme naguère ce pauvre imbécile de Sarkozy, à aller chercher avec les dents ?

La croissance, c’est bien sûr de l’effet de serre concentré. La croissance de biens matériels, c’est inévitablement des émissions de gaz supplémentaires. Mon satané ordinateur en a produit, mais aussi la moindre chaussette si bon marché fabriquée au Vietnam par des gueux. Mais aussi le moindre ballon de foot cousu par des gosses dans un entrepôt sans lumière du Pakistan. Mais encore tout ce que vous portez, tout ce que vous possédez, tout ce que vous souhaitez posséder un jour. Et je parle de climat, mais je pourrais parler aussi de notre contribution nette, par nos importations, à la désagrégation de tant d’écosystèmes. Et d’ailleurs de l’appétit de tant de classes dites supérieures,  dans les pays du Sud, pour nos propres signes extérieurs de richesse : bagnoles, parfums, alcools, fringues, bijoux.

Tel est en trois mots le commerce mondial, largement dominé par la surpuissance des transnationales, qui n’ont plus à prouver leur amoralité. Celles du tabac, de l’amiante, des pesticides et de milliers de produits chimiques tous différents, ont amplement montré ce qu’étaient leurs buts, et leurs actions. Moi, je crois bien que c’est dans ce cadre, car c’est celui de la réalité, qu’il faut juger l’arrivée au pouvoir suprême d’Emmanuel Macron. Faut-il une fois de plus radoter ? Oui, visiblement.

Mais d’abord un petit détour par le rapport Rueff-Armand, bible des technocrates, publié en 1960. Il insiste beaucoup sur les « retards »  de l’agriculture, l’« archaïsme des structures parcellaires » et le manque de productivité de ce qu’on n’appelle déjà plus des fermes. Ce texte décisif et limpide « ne peut se dissimuler […] que le progrès des rendements tendra à accentuer la contraction des effectifs de main-d’œuvre ». Tout est dit en peu de mots. Il va falloir remembrer, c’est-à-dire augmenter les surfaces moyennes par la loi, et chasser de leurs terres les paysans « surnuméraires ». Le rapport Rueff-Armand n’est pas la seule cause du grand massacre des paysans et des campagnes, mais il leur servi de cadre explicatif. De justificatif auprès des puissants qui allaient dynamiter la civilisation paysanne. Tout devait disparaître, et tout a disparu avec : outre les mares et les tas de fumier dans la cour, outre les haies, les talus, le bocage, outre les abeilles, les grenouilles, les oiseaux, outre le nom des combes, des fossés, des champs, des bois, outre la lenteur et l’épaisseur du temps, la beauté d’un monde encore possible.

Si je parle de ce texte, c’est tout simplement parce qu’il a servi de repère, explicitement, à un autre rapport, connu sous le nom de Rapport Attali. À son arrivée en 2007, Sarkozy a aussitôt confié à son ami – de gauche, on s’en doute – le soin de réunir de toute urgence une « Commission pour la libération de la croissance française ». Pardi ! il fallait relancer la machine. Ces corniauds, qui de droite, qui de gauche, promettent depuis 1974 la fin du chômage de masse, et comme ils échouent à en pleurer, ils rêvassent de retrouver l’élan perdu de ces foutues 30 Glorieuses – une partie de notre vrai drame en vient -, quand la croissance atteignait 8% – en 1960 – ou encore 7,1 % en 1969.

Donc, une Commission de plus. J’en extrais les lignes directrices suivantes :

  • Préparer la jeunesse à l’économie du savoir et de la prise de risque ;
  • Participer pleinement à la croissance mondiale et devenir champion de la nouvelle croissance ;
  • Construire une société de plein-emploi ;
  • Instaurer une nouvelle gouvernance au service de la croissance.

Et j’y ajoute, pour faire bon poids, la fin du principe de précaution voulu par Chirac en 2005, pourtant si frêle garde-fou contre les délires « développementistes ». Parmi les 20 mesures-phares du rapport, pas une ne parle même de la crise écologique planétaire. Le dérèglement climatique n’est seulement pas évoqué. Ces gens sont irresponsables,  au point d’en devenir criminels.

Or, et j’y arrive enfin, qui est le rapporteur de ce funeste document, appelé à révolutionner la France au service de la croissance ? Emmanuel Macron, comme certains de vous le savent. Il était alors, à 29 ans, déjà l’ami d’Attali, et l’est resté. Ce qu’est Attali et ce que j’en pense, je l’ai écrit la dernière fois ici, après bien d’autres papiers. Ce type est profondément détestable. Il sera peut-être ministre.

Macron est un être radicalement petit. Je ne discute pas qu’il est doté de ce que certains appellent « l’intelligence logico-mathématique ». Il a fait des études, dont l’ENA. Apparemment fort bien. À ce stade, cela prouve que son cerveau fonctionne, ce qui est bien le moins lorsque vos deux parents sont médecins, dont l’un une sommité. Et puis ? Mais rien du tout ! On sait qu’il a été banquier d’affaires, ce qui prédispose assurément à considérer le sort des humiliés de ce monde. On se souvient, mais on ne se souviendra jamais assez de cette phrase prononcée en mai 2016 en face d’un gréviste : « Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ». Travailler. Parler de travailler, quand cela veut dire pour lui lire des textes, recevoir, blablater, contresigner des ordres. Il a lu des livres, certes, mais surtout passé 99 % de son temps disponible en compagnie de gens riches, en bonne santé, échangeant de plaisants propos avant que de passer à table. Que sait-il du monde réel ? Une infime rumeur du sort de milliards d’êtres humains dont la vie est une plainte.

Ne parlons pas même de la France. Parlons une fois au moins du monde. Des paysans de partout, chassés de chez eux par le marché mondial et les satrapes locaux, qui finiront dans des bidonvilles sans eau ni chiottes. Des grands singes qui meurent, comme meurent les fabuleuses forêts de notre Terre. Des océans dont nous sommes sortis un jour, et auxquels nous rendons ce cadeau par l’empoisonnement et l’hécatombe. Des sols dont tout dépend, gorgés de toutes les bontés chimiques estampillés Monsanto ou Bayer, entreprises si performantes que Macron les porte au pinacle. Des éléphants, des Pygmées d’Afrique, des lions et des tigres, des Bochiman, des Yanomami, des îles Andaman, des habitants de Lagos, de Mexico, de Mumbai, des gosses d’Agbogbloshie brûlant le plastoc de nos vieux ordinateurs pour en retirer un fil de cuivre, de la puanteur, de la saleté, des maladies qui ne guériront jamais, des plaies aux jambes, au nez, aux yeux, aux mains qui ne se refermeront jamais. Il faudrait parler de ceux qui « soufflent vides les bouteilles que d’autres boiront pleines ». Macron se tait et se taira toujours, car il ne sait rien, mais le dit avec ce sourire kennédien qui plaît tant aux commentateurs et aux cuistres, si souvent les mêmes.

Voyez-vous, quelqu’un qui, en 2017, ne voit pas l’abîme qui vient, est à mes yeux irrécupérable. Et tel le cas de Macron, à ce point immergé dans l’idéologie de la machine, de la puissance matérielle, des droits de l’homme industriel à tout saloper, et pour tout dire du capitalisme débridé, qu’il ne rêve que d’une chose : encore plus. Encore plus loin, encore plus vite, toujours plus loin, toujours plus vite. Ne vous y trompez pas : son élection a son importance. Elle en aura dans le domaine clé de l’économie réelle, quand il s’agira de se partager les parts de marché comme on découpait jadis le territoire futur des colonies. Je vous le dis en toute certitude : Macron sera l’homme de la fuite en avant, car il l’est déjà.

Je ne doute pas qu’il offrira des colifichets à ceux des supposés écologistes qui lui auront fait suffisamment de lèche. Ici, un poste de député, là des strapontins au Conseil économique, social et environnemental (CESE), ailleurs quelque poste ou fromage républicains. Et les heureux récipiendaires iront comme de juste vanter le fort engagement « écologiste » de leur maître, avant de pourfendre les sectaires et fondamentalistes de mon espèce. Je ne les plains pas, je les vomis.

Moi, en ne votant pas pour ce sale type au second tour de la présidentielle, je savais ce que je faisais. Moi, je pensais au monde et à ses êtres. Moi,  je ne fantasmais pas un péril fasciste pour mieux cacher que je défends à mon profit un monde moribond, aussi dangereux que peuvent l’être certains blessés déchaînés. Moi, je suis un écologiste.

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Le 29 mars 2017, deux mois et demi avant le texte sur Macron, je critiquai avec force Yves Paccalet, que j’ai fort bien connu. Écologiste, en tout cas officiel, ancien compagnon du commandant Cousteau, Paccalet avait pour Macron les yeux de Chimène. Bien avant l’élection elle-même. Ahimè !

Tout en croisant le fer avec Yves Paccalet

29 mars 2017 Morale, Mouvement écologiste, Nucléaire, Politique, Pouvoir et démocratie

Ce qui suit est sans grande importance, je vous prie de m’en excuser. Pour ma part, je n’entends pas voter à cette élection. D’un côté, la destruction du monde s’accélère, les équilibres écosystémiques tanguent de tous côtés, la faim menace comme jamais les pauvres, la crise climatique déferle, les animaux et les arbres les plus magnifiques disparaissent; et de l’autre, la bande qui occupe le spectre politique nous offre une énième tirade franchouillarde.

Il va de soi que je déteste davantage le répugnant Front National que les autres partis. Il va de soi que je méprise François Fillon comme bien rarement un autre politicien. Mais pour le reste, ni même Hamon et Mélenchon ne sortent réellement la tête du sac qui nous étouffera tous. Aucun ne remet en cause l’économie, nul n’avance la moindre critique des objets, dont la bagnole et le téléphone portable, pas un n’ose dire que la France consomme comme s’il existait trois planètes, ce qui réduit à néant toute prétention à l’universalisme des valeurs morales. Et ces deux-là, les moins antipathiques à n’en pas douter, font exactement comme si nous disposions de quelques siècles pour aborder les sujets qui fâchent. On recommence les mêmes discours, on profère les mêmes inepties d’élection en élection. Cela pourrait durer cinquante législatures de suite, mais cela ne pouvant en fait pas durer, cela ne durera pas.

Voilà que je veux vous parler d’Yves Paccalet, dont vous trouverez ci-dessous un texte appelant à voter Macron. Je connais Yves depuis un quart de siècle, j’ai travaillé avec lui, et je l’ai toujours tenu en estime et en amitié. Seulement, cette fois, ses mots me sortent par les orifices. Comment un supposé écologiste peut-il imaginer voter pour une savonnette, fût-elle ornée sur l’emballage de messages publicitaires en couleurs ?

Dans son texte, Paccalet se contredit sans cesse, ce qui n’est pas une injure, loin de là. Et le collapsus le plus fâcheux, le voilà : il annonce après tant d’autres que notre espèce est menacée du néant, pour aussitôt se jeter aux pieds de Macron, qui ne demande qu’à accélérer encore la marche au gouffre. J’y reviendrai.

Son point de vue est simple, pour ne pas dire simpliste : Le Pen est le grand danger, Macron est le mieux placé pour la vaincre, et je me rallie donc. Cette affirmation ne se démontre ni ne peut être contredite. On croit, ou pas. Il croit, moi pas. Mais poursuivons. Comme il n’entend pas en rester à une appréciation contre, il cherche et trouve une dimension positive à Macron, ce qui l’entraîne à écrire des balivernes. Qui veut noyer son chien… Ainsi, il est faux – c’est même flagrant – de mettre sur le même plan les idées de Mélenchon, Hamon et Macron pour ce qui touche à l’environnement, mot que personnellement je n’emploie pas, car il renvoie, comme chacun peut s’en rendre compte, à ce qui entoure – environne – les hommes, ipso facto au centre. Mais étant donné que Paccalet ne nous parle aucunement d’écologie, je crois que l’on peut retenir ce mot si contestable d’environnement.

Alors, tous égaux, tous pareils ? Mélenchon – que j’ai tant étrillé, que je continuerai à étriller – se croit écologiste. Il ne l’est pas, mais il est absurde de prétendre que son propos est peu ou prou celui de Macron, qui se moque de ces questions – on va en reparler – comme moi de cette guerre du Péloponnèse qui commence en -431 avant le Christ. À la réflexion, bien plus, car tout ce qui touche à la Grèce antique m’intéresse. Quant à Hamon, qui n’est certes pas mon cheval, le point de vue de Paccalet est également gonflé, car le socialo a notamment fait entrer les perturbateurs endocriniens dans le débat public, ce qui pourrait conduire, si nous nous montrons à la hauteur, à la mise en cause de l’empoisonnement universel que j’ai longuement décrit dans un livre récent.

Venons-en à Macron, défenseur décontracté du monde tel qu’il est. Je ne dresserai pas la liste impressionnante de toutes ses déclarations choquantes – d’un point de vue écologiste -, car ce serait trop long pour vous. Il est dans l’âme un banquier d’affaires, soutient l’empire des transnationales, soutient de même la destruction du monde qui leur est liée. Je note juste deux propos, qui m’ont singulièrement choqué. L’un prononcé en Guyane, quand il était encore ministre de l’Économie, dans lequel il vantait le caractère « responsable » de l’entreprise russe Nordgold, cherchant à ouvrir une très vaste mine d’or en pleine forêt tropicale. La Nordgold ! accusée par un rapport accablant de maltraiter les ouvriers noirs de ses mines africaines.

Quant au nucléaire, c’est à chialer vraiment. Macron, le 28 juin 2016 : « Nous croyons au nucléaire, non pas parce que c’est un héritage du passé mais parce qu’il est au cœur de notre politique industrielle, climatique et énergétique (…) Le nucléaire, c’est le rêve prométhéen ». Si demain ou après-demain, la moitié de la France est vitrifiée pour 10 000 ans, vous croyez qu’on pourra demander des comptes à ce salopard ?

Je sais, il faut rester calme. Paccalet semble un ange, qui bénit dans son texte ceux qui ne s’emportent pas. Comme c’est plaisant ! Le monde meurt, ainsi qu’il le reconnaît, mais il ne surtout pas s’énerver contre ceux qui mènent la danse macabre. J’en rirais, si ce n’était aussi grotesque. Je vais vous dire : Paccalet est dans un renoncement total. Il ne veut pas, s’il l’a jamais souhaité, renverser la table et offrir au moins une chance de survie aux hommes, aux bêtes, aux plantes. Ce qui compte désormais est ce qui l’environne lui. Et de ce point de vue individuel et pour tout dire individualiste – tellement en phase avec l’époque -, il a raison. Mieux vaut finir sa vie avec Macron qu’avec Le Pen. Seulement, l’effondrement des écosystèmes dépasse tout de même un petit peu les dimensions d’un ego. Désolé, mais c’est ce que je pense.

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Je suis écologiste : je choisis Macron !

by Yves Paccalet

9 mars 2017

Écologiste j’étais, je suis et je resterai.

La Terre étouffe et pleure. La sphère de la vie ne supporte plus les dévastations de l’Homo dit sapiens : elle pourrait reconduire au néant cet australopithèque prolifique et guerrier. Je l’ai écrit dans L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! : notre espèce a peu de chances d’entrevoir le XXIIe siècle. Mais je continue de lui chercher une Sortie de secours (l’un de mes essais). Je veux croire que le genre humain et ses colocataires végétaux et animaux échapperont à la Sixième Extinction Majeure, provoquée par une fatale conjugaison de pollutions, de saccages, de chaos climatique, de nouvelles épidémies et de « der des ders » façon nucléaire… Notre sauvetage exigera sagesse et volonté, mais nous prenons rarement des décisions raisonnables. Lorsque tel est le cas (par exemple, à la COP 21 sur le climat), nous perdons vite la volonté de les appliquer. Nos gouvernants plient devant les exigences des plus braillards et des plus égoïstes.

Dans cette atmosphère délétère, que décider à l’échelle de la France, pour les prochaines élections présidentielles ? Quel camp rallier ? Pour qui voter, à supposer qu’on glisse un bulletin dans l’urne ?

Afin de choisir le (ou la) candidat(e) dont je me sens le plus proche comme citoyen et comme écologiste, et sachant que voter « blanc » ou « nul » est inutile, j’ai décidé de suivre les préceptes du président Mao Tsé-toung dans le Petit Livre rouge : primo, identifier l’ennemi principal ; secundo, élaborer une stratégie pour le vaincre. J’ajoute un tertio aux recommandations du Grand Timonier : choisir plutôt qu’éliminer. Adhérer aux propos, aux promesses, à la gestuelle, aux câlins, même aux défauts d’un leader qui attire, plutôt que d’un apparatchik engraissé dans les banquets de son parti.

L’ennemi numéro un de la France se reconnaît comme une vilaine plaie sur la figure de Marianne : c’est le Front national, cette association à but anti-démocratique au service de la riche famille des Le Pen, où trônent le père, Jean-Marie, dans le rôle du Menhir antisémite ; la fille, Marine, qui barre le paquebot de la Xénophobie sur la mer de l’Exclusion ; et la petite fille, Marion Maréchal, dont le sourire évoque plutôt celui d’un piranha.

Le danger principal, pour la France, c’est ce parti « facho », selon le vocabulaire que nous utilisions en Mai 68. C’est cette association lucrative dans laquelle une présidente profite des emplois fictifs payés par une Europe qu’elle débine ; et au sein de laquelle la ligne politique dépend des analyses fielleuses de deux cumulards notoires : Gilbert Collard et Florian Philippot. (On voit et on entend sans cesse ces deux là, à la radio et à la télévision, ce qui ne les empêche pas d’en rajouter ad nauseam dans la dénonciation des « médias vendus qui nous privent de la parole ».)

L’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République serait un désastre dont les meilleurs économistes nous apprennent qu’il finirait par devenir mondial, en déclenchant une crise financière plus grave que celle des subprimes. On verrait se rabougrir ce « cher et vieux pays » des Lumières, renfermé dans la détestation des étrangers. On regarderait régner une femme obsédée par le modèle Donald Trump. On contemplerait une présidente et ses ministres en train de perpétrer le Franxit, c’est-à-dire l’assassinat de l’Union européenne et le lynchage de l’euro. On assisterait, peu après, à l’écroulement du « franc bleu marine » ; à l’explosion de la dette privée et publique ; au retour de l’inflation à deux chiffres ; aux plaintes des retraités, aux lamentations des salariés, à la ruine des rentiers, à la faillite des paysans privés de politique agricole commune… En guise de « remède » à ces maux, et avec les rodomontades du ministre de la Justice identitaire Gilbert Collard et du ministre de la Préférence nationale Florian Philippot, notre pays érigerait sur ses frontières des centaines de kilomètres de murs anti-migrants, bientôt rebaptisés « murs bleu marine » !

Le citoyen et l’écologiste que je suis ne sauraient redouter pire désastre que l’accession au pouvoir d’une extrême droite aussi négationniste sur la question du réchauffement climatique que sur celle la Shoah. Deux « points de détail », ricanerait le Menhir… Je n’imagine même pas l’état dans lequel, au bout de quelques années de pouvoir frontiste, se trouveraient la flore et la faune sauvages, livrées à des hordes de « beaufs » bétonneurs ou emmanchés d’un fusil de chasse. Avec un air et une eau pollués au nom de la libre entreprise. Avec une terre et une mer sacrifiées, détériorées, ravagées pour subvenir aux besoins miniers, énergétiques, industriels et de transport d’une France réduite à sa petitesse territoriale, et dont la devise imiterait celle de Benito Mussolini dans l’Italie fasciste : « Francia farà da sè ! », « La France fera toute seule ! »

Le Front national appartient au groupe, hélas de plus en plus nombreux, des partis populistes ou fascisants. Ceux-ci rêvent que leur peuple détestera demain les voisins qu’il aimait hier. On commence par calomnier et par mentir, puis on se défie, on se menace, les périls montent, le réarmement s’ensuit et cela finit sur la ligne Maginot. Marine Le Pen et ses homologues nous mènent à la guerre, comme leurs prédécesseurs dans les années trente. Je ne connais pas de plus bel argument humanitaire et écologique pour leur interdire aujourd’hui d’accéder au pouvoir.

Une fois l’ennemi principal désigné, reste à élaborer la stratégie qui lui fera mordre la poussière. Pour qui vais-je voter, si je désire empêcher Marine Le Pen de franchir le premier tour de la présidentielle ? Et surtout de l’emporter au deuxième ?

Il ne me viendrait pas à l’idée de combattre le clan Le Pen en rejoignant Les Républicains, réduits à un noyau dur dont « Sens commun » et la « Manif pour tous » forment la coquille et François Fillon la graine. « FF » ! François Fillon ! Ce mal logé d’un manoir de Sablé-sur-Sarthe, ce potentiel mis en examen pour l’emploi fictif de sa femme et de deux de ses enfants (restera-t-il candidat après son rendez-vous judiciaire du 15 mars ?), aura connu le triomphe à la primaire « de la droite et du centre ». Un succès fondé sur la vertu, la droiture et l’honnêteté, avec en point d’orgue le coup du « Qui imaginerait le général de Gaulle mis en examen ? » On n’a jamais trouvé mieux dans le genre boomerang ! Fillon vérifie, à ses dépens, et dans des concerts de casseroles, la pertinence du vieil adage selon lequel il n’y a jamais loin du Capitole à la Roche tarpéienne. (Ceux de mes lecteurs qui n’ont pas picoré leurs humanités au lycée consulteront monsieur Larousse ou madame Wikipedia.) Les fillonistes affirment qu’en délivrant un discours ultra-droitier, leur champion siphonnera les voix du Front national. Le FN répond, avec un ricanement, que l’électeur préfèrera toujours l’original à la copie. Exeunt Les Républicains, y compris le « plan B » ou « plan J », comme Juppé, lequel vient (certes, un peu contraint !) de céder à la tentation de Bordeaux.

En sautant à l’autre extrémité de l’éventail politique, toujours dans ma double peau de citoyen et d’écologiste, je n’entrevois guère d’issue avec Philippe Poutou (du Nouveau parti anticapitaliste) ou Nathalie Arthaud (de Lutte ouvrière). Le premier est gentiment déconneur, même s’il énonce une vérité prolétarienne. La seconde aboie ses phrases, de sorte qu’on a l’impression qu’elle va dévorer à elle seule la grande bourgeoisie et les valets du capital. Je passe sur les cas des non identifiés : Jacques Cheminade (ce perpétuel revenant dont nul n’a jamais compris le combat), François Asselineau (jamais entendu parler de ce type), Jean Lassalle (un ennemi juré des ours des Pyrénées, or je vote ours) ou Rama Yade (laquelle mérite mieux que le mépris des médias qui l’ont souvent utilisée). J’espère que je n’oublie personne… Ah ! si : Alexandre Jardin et une brochette d’inconnus qui n’auront jamais les cinq cents signatures. Et la statue du petit commandeur qui se dresse devant la République : Nicolas Dupont-Aignan ! Ces braves gens désirent ne pas être élus : ils veulent seulement qu’on parle d’eux le temps d’une campagne à la télévision.

À gauche, il y a eu la primaire « de la Belle Alliance », dite aussi « du PS »… Au premier tour, on a observé la solidité d’un François de Rugy, qui (comme prévu) ne s’est pas qualifié pour la finale. Au second tour, la votation a consacré Benoît Hamon contre Manuel Valls, selon la règle unique de l’exercice, laquelle s’énonce ainsi : « Pour gagner la primaire de ton camp, caresse ton extrême ! » Hamon mène sa campagne présidentielle comme un remake du film de François Hollande : « Mon ennemi, c’est la finance ! », qu’il a retitré « Je vous offrirai le revenu universel ! » ; dans les deux cas, cette promesse de Père Noël ne peut produire que des déçus.

Benoît Hamon nous propose d’autres projets frappés au coin de l’improvisation hasardeuse. Le « 49-3 citoyen », par exemple. Cette disposition permettrait à de bons républicains de contester de mauvaises lois votées au Parlement. Le problème est qu’elle autoriserait aussi les associations d’idéologues à torpiller les bonnes lois ; voire à remettre en cause de très progressistes législations antérieures. On voit déjà la « Manif pour tous » et « Sens commun » faire un triomphe au « 49-3 citoyen » : ces bon chrétiens en profiteraient pour dézinguer le mariage pour tous, le droit à l’avortement et l’abolition de la peine de mort !

Benoît Hamon s’est, certes, découvert une âme environnementaliste : « Moi président, je vous offrirai l’écologie rose ! » Notons qu’il est devenu écologiste il y a moins d’un mois. Son alliance avec Yannick Jadot, le rescapé de la primaire « des écologistes », c’est-à-dire de ce qui reste d’Europe-Écologie les Verts (un groupuscule de groupuscule), ne lui fera pas gagner une voix : ce que le public a retenu de la manœuvre est que Cécile Duflot (la crème de l’arrivisme) y aurait « sauvé » sa circonscription parisienne pour les législatives !

Exit Benoît Hamon – le chef frondeur de la gauche de la gauche au PS, désormais sévèrement frondé par la droite libérale de ce parti ! Irai-je donc vers Jean-Luc Mélenchon, le Parti de gauche et l’allié communiste ? Mélenchon incarne un tribun de talent, qui ressasse ses ambitions avortées et ses illusions perdues en injuriant de jeunes journalistes stagiaires. Il me plaît quand il parle au peuple : il a du bagout et même de l’éloquence (une qualité rarissime chez les politiciens actuels). Il se prétend de plus en plus écolo. Il porte une idée que nous défendions déjà avec le commandant Cousteau voici trente ans : faire fructifier et protéger le prodigieux héritage océanique de la France, avec les Antilles, les Kerguelen, Mayotte, la Réunion et les archipels du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie), jusqu’à l’îlot de Clipperton, au large du Chili, qui nous offre une zone d’intérêt économique exclusive presque aussi vaste que le territoire métropolitain… Cependant, pour me séduire, Jean-Luc Mélenchon a trop tiré sur la corde du soutien à d’épouvantables dictateurs, Fidel Castro à Cuba, Hugo Chavez au Venezuela, Bachar el-Assad et Vladimir Poutine lorsqu’il s’est agi de la guerre civile en Syrie… Exit Mélenchon.

Il n’en reste qu’un et ce sera celui-là !

Sachant qu’il n’y a jamais eu et qu’il n’y aura jamais d’homme ou de femme idéal(e) en politique (ni dans aucun autre domaine), je le dis tout net : je choisis Emmanuel Macron. J’ai pris cette décision depuis plusieurs semaines, je l’ai annoncée sur les réseaux sociaux, certains me la reprochent avec colère ou amertume. Je l’assume et je m’en justifie dans ce texte. Je rejoins En Marche ! Non pas parce que ce mouvement nous conduira en cortège angélique jusqu’au paradis, mais parce qu’il est le seul à pouvoir nous éviter de finir en enfer, je veux dire : à devoir choisir entre François Fillon et Marine Le Pen, ou (configuration moins probable, mais pire) entre Benoît Hamon et Marine Le Pen. Risque majeur, dans ce dernier cas, de voir notre Trumpette présidente !

Emmanuel Macron n’est pas moins écologiste que Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon : tous trois ont répondu aux questions du WWF et d’autres associations de protection de la nature. Je n’entre pas dans le détail (réchauffement climatique, énergies nouvelles, nucléaire, Fessenheim, Notre-Dame des Landes, biodiversité, marées noires, pesticides, perturbateurs endocriniens, etc.) : tous les concurrents en sont à peu près au même niveau d’écologisme scolaire. Élève doué, mais peut mieux faire.

Emmanuel Macron l’emporte dans tous les autres secteurs du programme. Ni droite, ni gauche. De droite et de gauche. Centriste des lumières, mais pas des combines… J’aime cet état d’esprit ! Macron est le seul, sur la scène électorale, à déclamer des tirades d’amour à l’intention de l’Europe, ce continent qui recèle notre avenir, mais que tous les autres candidats critiquent, déprécient et salissent à l’unique profit du Front national. Il est le seul, sur le théâtre électoral en cours, à valoriser le travail tout en se préoccupant de protéger le travailleur ; à vouloir rénover l’école en commençant par la primaire ; à parier sur le labeur et l’intelligence des hommes ; à révérer les sciences et les techniques ; à prôner l’accueil des chercheurs étrangers et plus généralement des étrangers qui veulent bâtir la France avec nous. Il est le seul, dans ses meetings, à demander à ses troupes de ne jamais siffler le nom de l’adversaire : difficile, pour moi, d’expliquer à quel point j’apprécie ce message de paix !

Emmanuel Macron voit plus loin que les autres candidats, mais il reste réaliste. Il entend faire entrer la France dans la mondialisation heureuse : je goûte cette absolue différence avec les thèses frontistes du repli identitaire et de « la France aux Français ». Il voit affluer les soutiens tous bords, parce que nombre d’hommes politiques et de simples citoyens en ont marre des oppositions convenues, des bagarres de cour d’école centenaires entre « la » gauche et « la » droite, ces catégories dont nul ne perçoit plus très bien ni la pertinence, ni la frontière…

Emmanuel Macron dégage une sorte de grâce lorsqu’il parle. On lui a reproché ses attitudes évangéliques, quasi christiques, à la tribune de ses meetings. Mais il séduit la foule : c’est ce qu’on nomme le charisme. Il sourit, il est optimiste, il ne raconte pas sans cesse que la France est en ruine et les Français dans la misère noire. S’il parvenait au deuxième tour de l’élection présidentielle contre Marine Le Pen, ce qui semble à sa portée au moment où j’écris, il la battrait (selon un sondage récent ; je sais : les sondages n’engagent que ceux qui y croient) par 60 % des voix contre 40. Cela suffirait à mon bonheur politique et social pour l’année 2017.

Je vais vous faire un ultime aveu. Personne ne semble avoir remarqué à quel point Emmanuel Macron ressemble à Boris Vian (photos). Il ne joue peut-être pas aussi bien de la « trompinette ». Mais rien ne me ferait davantage plaisir que d’avoir pour président, durant le prochain quinquennat, un homme qui aurait le visage de l’auteur de L’Écume des jours, de Je voudrais pas crever et du Déserteur. La politique se nourrit parfois aussi de littérature, de poésie et de chansons, et c’est dans ces moments-là qu’elle est la plus grande.

Raoni en vitrine publicitaire de Macron-le-petit

Qui est derrière la belle photo ? Le 4 juin, Macron-le-petit reçoit à l’Élysée le chef amérindien du Brésil, Raoni. Embrassades, effusion, énième engagement solennel pour la sauvegarde de l’Amazonie. Et si l’entremetteur Robert Dardanne était à la manœuvre ? C’est ce qu’affirme l’association Maïouri Nature Guyane (1) et disons d’emblée que cela tient la route. Dardanne s’est en effet décerné le titre de président de l’association « Forêt Vierge », et a réussi un coup de maître en approchant Raoni dès 2016, lui faisant faire une tournée européenne en 2019. Il a bel et bien joué son rôle dans la rencontre Macron-Raoni.

Est-il sincère ? Passons à la question suivante, et démêlons les fils. La Guyane dite française – 285 000 habitants – manque d’électricité. Actuellement, pour en produire, il faut compter sur le fioul – la centrale de Cayenne – le barrage du Petit-Saut, divers petits ouvrages. Sans oublier ce dont on va parler, c’est-à-dire les centrales à biomasse. Retenons à l’arrière-plan l’existence de la base de fusées de Kourou, qui consommerait, selon des chiffres officiels, 18% de l’électricité guyanaise. Insistons sur l’adjectif officiel, car tout ce qui concerne Kourou est le plus souvent secret d’État.

Revenons à Dardanne. Il se présente comme un écologiste, mais son itinéraire vrai montre un businessman opportuniste, constamment à la recherche d’un coup. Dans l’immobilier, dans le transport aérien, dans l’informatique, dans le soin aux vieux dans les maisons de retraite. En 2005, il crée avec d’autres la société Voltalia – il en était le P-DG et y reste influent -, qui entend développer la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (2). Dont en Guyane la biomasse. En deux mots, on crame du bois et des déchets végétaux, dont la combustion chauffe de la vapeur d’eau. Cette dernière, sous pression, actionne une turbine qui fait tourner un alternateur. Chouette, hein ?

Ben non. Les opposants locaux parlent d’une opération qui menace l’équilibre agricole et forestier d’un joyau : la Guyane est couverte à 96 % d’une forêt équatoriale humide. Voltalia possède deux des trois centrales à biomasse de Guyane, et se bat avec des concurrents comme Idex, qui en installe deux nouvelles à…Kourou l’insatiable. Les gens d’Idex présentent leur groupe (3) comme « un acteur indépendant engagé depuis 60 ans dans la décarbonation des territoires ». Soit depuis…1963. Bien inventé.

Maintenant, l’essentiel. Un lobby informel d’une rare intensité travaille depuis des années, qui réunit notamment, côté public, l’Ademe, l’Agence française de développement (AFD), la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la Forêt (DDAF). Soutenant comme de juste l’industrie par des subventions, il a obtenu l’incroyable : l’Europe a accepté le maintien d’une dérogation scélérate (4). Résumé incomplet : on pourra, en Guyane, utiliser 15% de la surface agricole pour « faire » de la biomasse, contre 3% en France métropolitaine. Ce que ne disent pas les lobbyistes, c’est qu’on produira massivement des biocarburants, en détournant du marché alimentaire des plantes comestibles. En Guyane, les « plantations à vocation énergétique » pèsent 70 000 tonnes, mais pourraient atteindre 160 000 tonnes en 2030.

Qui va morfler ? D’évidence, la forêt. Tous les gens intéressés à cette belle aventure le nient, mais l’engrenage finira par emporter le bras, et le reste. La Guyane dispose de politiciens de classe, comme ce monsieur Thibault Lechat-Vega, qui se prétendait l’an passé proche de la France insoumise. Devenu vice-président de la Communauté territoriale de Guyane (CGT), il soutient à fond l’usage de la biomasse. Citation : « Quand est-ce que l’on va arrêter de nous mettre sous cloche alors qu’un quart des Guyanais n’a pas accès à l’électricité ? ».

Il y aurait bien une solution ou plutôt deux. Le soleil, omniprésent – à quand des chauffe-eau solaires pour tous les habitants ? – et le vent, fort et stable, au moins sur le littoral. Ne manque que le courage politique.

(1)https://blogs.mediapart.fr/maiouri-nature-guyane/blog/040623/les-pyromanes-de-lamazonie-guyanaise-profitent-de-limage-du-leader-raoni

(2)https://www.voltalia.com/fr

(3)https://www.idex.fr/

(4)https://www.euractiv.fr/section/energie/news/biomasse-en-europe-l-exception-guyanaise-qui-fait-grincer-des-dents/

L’hydrogène, cette énergie qui leur va si bien

Revenons sur cette belle et grande nouvelle : Chemours va investir 200 millions de dollars (185 millions d’euros) pour une nouvelle usine chez nous, dans l’Oise. N’entrons pas dans la technique, et retenons que cela servira à fabriquer de l’hydrogène. Une courte précision : Chemours, c’est anciennement DuPont, une entreprise de la chimie exemplaire. On lui doit – la liste réelle est sans fin – la moitié de la poudre utilisée pendant la guerre de Sécession américaine, à peine moins pendant la Première guerre mondiale – côté américain -, la mise au point de nombreux plastiques, dont le Nylon et le Teflon, de pesticides, le plomb ajouté au bagnoles avec Exxon et General Motors – des millions de morts -, la première bombe atomique, avec quelques autres acteurs.

Or donc, d’excellentes personnes, attentifs au sort commun. Qu’en est-il à propos de l’hydrogène ? L’une des cheffes de Chemours, Denise Dignam, nous dit tout : « [nous avons] choisi d’investir 200 millions de dollars en France car nous avons senti un véritable alignement entre ce que nous voulons faire et ce que le gouvernement français veut faire ». Elle veut parler du vaste plan hydrogène lancé par Macron et ses petits amis, qui ont décidé d’injecter 2,1 milliards d’euros dans cette nouvelle filière. Lemaire, qui aime tant les mots qui ne veulent rien dire, promet que la France sera le « leader européen de l’hydrogène décarboné en 2030 ».

Il est dur d’écrire d’aussi grands personnages que ce sont des charlatans, mais enfin, c’est vrai. On ne détaillera pas ici pourquoi l’hydrogène est la plus belle opération de désinformation depuis des lustres, car il y faudrait un livre. Concentrons nos binocles sur un point : comment produit-on de l’hydrogène ? C’est bête comme chou, mais il y faut de l’énergie. Dans le monde, 96% de la production d’hydrogène est obtenue à partir des fossiles habituels : gaz surtout, mais aussi pétrole ou charbon (1). C’est de très loin le moins cher.

Autrement exprimé, et pour des décennies pourtant décisives pour le climat, produire de l’hydrogène aggravera le dérèglement en cours. Tout repose sur une arnaque sémantique qui rappelle de nombreux artifices passés de l’industrie mondiale. Comme par exemple le « développement durable », l’« écoresponsabilité », la « compensation carbone », l’« économie circulaire », la « transition écologique », les taxe et crédit carbone, etc. Autant d’expressions visant à continuer comme avant – le « développement durable », c’est le développement qui va durer – en habillant l’opération de jolies plumes multicolores dans le cul. Il ne s’est jamais agi de tailler dans la consommation d’énergie et la prolifération des objets matériels, mais en l’occurrence, de décarboner. C’est-à-dire d’utiliser un hydrogène qui n’émet pas de carbone, en effet, en laissant tout l’honneur aux énergies fossiles qui l’auront fabriqué.

En France, et les zécolos officiels et de pacotille s’en foutent bien, l’hydrogène sera massivement produit à partir de l’électricité nucléaire. La garantie que les EPR seront bel et bien construits, malgré le désastre de leurs chantiers en France et en Finlande. L’hydrogène, c’est le nucléaire pour aujourd’hui, demain et après-demain. Une dernière avant de se quitter : la farce macabre du Gaz naturel liquéfié (GNL). C’est leur nouvelle coqueluche. Total vient de mettre en service son terminal d’importation de GNL en Allemagne, sur la Baltique. Pour contourner les risques géopolitiques des gazoducs, on fait venir du GNL par bateau depuis le Qatar ou les États-Unis. Ce GNL, dont on rappelle qu’il sert à fabriquer de l’hydrogène, émet deux fois et demi plus de CO2 que celui des gazoducs et les États-Unis ont multiplié par trois son exportation vers l’Europe. Or, le GNL américain vient essentiellement du gaz de schiste, qu’on imaginait banni de France. Et c’est ainsi que, par l’opération du Saint-Esprit, l’hydrogène apparaît comme le sauveur de leur monde en perdition. Abracadabra.

(1) https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/production-de-lhydrogene

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L’homme qui aimait (tant) l’oiseau.

Inutile de mentir, c’est (aussi) du copinage. Je m’honore de connaître Michel Munier, et son fils, l’immense photographe Vincent. Mais cela ne suffirait pas, de loin, à parler, de son livre extraordinaire sur le Grand Tétras, ce Grand coq de bruyère qui est en train de mourir dans les Vosges, patrie définitive de Michel. Ce bel oiseau est une relique des dernières glaciations, un survivant achevé par le tourisme et le dérèglement climatique.

Un jour de l’hiver 1969, «  équipé de mes longs skis, je m’engage (…) dans le sous-bois, glissant dans une poudreuse qui nous absorbe parfois jusqu’aux genoux. Le silence m’impressionne, lourd, étouffé, comme dans une grosse bulle ouatée, loin des hommes. Dans cette blancheur infinie, seule une partie des troncs des grands arbres marque notre horizon de bandes verticales. Nous faisons une pause, quand un bruit soudain, sourd, brise le silence. À moins de vingt mètres de nous jaillit une masse noire. Elle plonge vers le bas de la pente abrupte en glissant adroitement entre les troncs. La neige des branches secouées par cette fuite continue de tomber une fois la silhouette évanouie. Nous restons silencieux, le regard fixé sur les cimes. Georges me dit : « C’est un coq de bruyère. »
Un coq de bruyère ? Ce nom m’est inconnu ».

Il ne va pas le rester. Le coq deviendra l’épicentre de sa vie, qui lui fera passer des centaines de nuits en forêt, couché en plein hiver dans son sac de couchage, sous un sapin, à attendre le signe. Pas une heure ou deux, mais six, mais huit, mais dix, mais dix-huit. Ce n’est pas une rencontre, c’est une absorption. De Michel par le Grand Tétras. Au printemps 1973, il assiste ébahi à la première parade nuptiale : « Le chanteur le plus proche de moi accélère la cadence de son chant et, soudain, dans une déchirure de ce brouillard ténébreux, il se dévoile: fantôme des brumes! Son corps sombre et trapu est rehaussé par de longues et nombreuses rectrices, les grandes plumes de sa queue, dressées en forme de roue ».

La suite est dans ce grand livre. Qui fait pleurer, je vous en préviens, car il marque la fin d’une somptueuse féérie. Il reste moins de dix Grands Tétras dans les Vosges.

L’oiseau-forêt, par Michel Munier, avec photos. Éditions Kobalann, hélas un prix élevé de 35 euros.

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Lueur de brin de paille au Brésil*

Un brin d’espoir au Brésil ? On a tant envie d’y croire qu’on y croit. Lula, revenu au pouvoir après la chute de Bolsonaro, a comme l’on sait pris deux décisions magnifiques : la nomination de Marina Silva à la tête d’un vaste ministère de l’Environnement et du changement climatique, et celle de Sonia Guajajara une Indienne, comme ministre des Peuples autochtones.

L’eau semble – semble – avoir coulé sous les ponts depuis que le Lula de 2010 soutenait l’élevage industriel, les bio nécrocarburants et les barrages hydro-électriques en pleine Amazonie. Les deux femmes étaient alors aux avant-postes du combat écologiste. Sur le papier pour le moment, c’est un sans-faute. L’objectif, dont ne déviera pas Marina, est de parvenir à la fin de la déforestation d’ici 203O, et nul doute qu’elle démissionnera – elle l’avait déjà fait en 2008 – si Lula change de cap.

La ministre vient de déclarer au journal Folha de S. Paulo (1) que certains émeutiers fascistes qui ont envahi le Palais présidentiel le 6 janvier viennent de « secteurs liés à la déforestation, à l’accaparement des terres, au trafic de bois, à la pêche illégale, à l’exploitation minière illégale ».

Faut-il le rappeler ? Des dizaines de défenseurs de la Grande forêt sont assassinés chaque année au Brésil, profitant d’une impunité quasi-générale, et pas seulement sous le règne maudit de Bolsonaro. Est-ce que cela peut changer ? Marina le croit, qui assure sur son compte Twitter : «  C’est le Brésil qui sort de la condition humiliante de paria devant le monde ».

*L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable (Verlaine)

(1) https://www1.folha.uol.com.br/ambiente/2023/01/turba-enfurecida-em-brasilia-esta-ligada-a-crimes-na-amazonia-afirma-marina-silva.shtml

M.Mélenchon, la Chine et la Russie

Il est certain que je n’aime guère le parcours de ce monsieur Mélenchon, que suivent néanmoins tant d’excellentes personnes. Je n’aime pas ses années dans le groupe nommé OCI, pour Organisation communiste internationaliste, car on y pratiquait le sexisme le plus bas, la triche aux élections universitaires, la violence contre tous ceux jugés gênants, et jusqu’au refus dédaigneux de participer au mouvement de mai 1968. Je n’aime pas davantage ses 31 ans passés au parti socialiste, où il aura pu exercer les pratiques apprises plus tôt. Avant de devenir ce qu’il a toujours été : un politicien professionnel.

Mais baste ! Il est écologiste, n’est-ce pas ? Eh bien non. Il est écologiste comme Mitterrand – son héros, je le rappelle – prétendait terrasser le capitalisme. Je ne doute pas qu’une partie de lui est sincère, mais laquelle, et jusqu’où ? J’ai été une nouvelle fois frappé par ses déclarations au sujet de la Chine, et de la Russie. En octobre 2012 – neuf ans déjà -, il estimait ceci : « Je considère que le développement de la Chine est une chance pour l’humanité ». Et le voilà maintenant qui se livre à de surprenants développements « géostratégiques ».

D’abord le 20 octobre dernier, face au journaliste Jean-Jacques Bourdin, il assure que « les Chinois n’ont pas l’intention d’envahir Taïwan, mais si Taïwan se déclare indépendant, alors il est possible que la Chine, à juste titre, trouve qu’une ligne rouge a été franchie ». C’est déjà très extraordinaire, car j’ai un peu honte de rappeler que la Chine est un État totalitaire. Taïwan, par ailleurs, a une histoire fort complexe, au cours de laquelle des peuples aborigènes ont été envahis par des Chinois venus du continent. L’île a aussi été vendue au Japon en 1895 avant de redevenir « chinoise ». Dans ces conditions, pourquoi M.Mélenchon, qui ne connaît rien à la situation, prend-il le parti de la dictature en justifiant à l’avance une invasion ?

Le 11 novembre, M.Mélenchon accorde un entretien au Figaro, et déclare : «Je ne crois pas à une attitude agressive de la Russie ni de la Chine. Je connais ces pays, je connais leur stratégie internationale et leur manière de se poser les problèmes. Seul le monde anglo-saxon a une vision des relations internationales fondée sur l’agression. Les autres peuples ne raisonnent pas tous comme ça ». De nouveau, c’est très singulier. La Chine, en effet, est l’histoire même d’agressions contre les autres peuples et de conquête de territoires.

L’origine de l’expansion chinoise se situe dans le bassin intérieur du fleuve Jaune, et pendant des siècles, les guerriers chinois n’ont fait qu’avancer, ajoutant à l’Empire des provinces comme la Mongolie intérieure, la Mandchourie, le Xinjiang, le Tibet. Quant à la Russie, n’a-t-elle pas conquis l’Asie centrale, la Sibérie, le Caucase, pratiquement annexé les pays baltes ? Et ne parlons pas des pays de l’est de l’Europe après 1945, privés de liberté par la seule présence de l’Armée rouge, ou l’Afghanistan. Dans ces conditions, est-il vrai que M.Mélenchon connaît bien ces pays ?

Reposons la question : est-il écologiste ? S’il le croit, franchement, c’est qu’il est mal informé sur lui-même. Car la Chine est le plus terrible ennemi existant des écosystèmes. Bien entendu, le capitalisme, les transnationales, notre hyperconsommation de biens matériels, Macron, Biden et tous autres participent aussi à la destruction du monde. Mais la Chine pose des problèmes immédiats d’une autre nature. Une partie notable de son 1,4 milliard d’habitants veut consommer comme chez nous. Aussi stupidement. Aussi irresponsablement.

Car ce n’est possible qu’au prix d’une accélération mondiale vers le collapsus écologique. La Chine, pour commencer, ne dispose que de 9% des terres arables de la planète et doit nourrir 22% de la population mondiale. Avec de plus en plus de viande, ce qui impose des surfaces colossales de pâturages et de cultures pour nourrir les animaux. Qui n’existent pas en Chine. Telle est l’une des raisons, avec le pétrole et le gaz, qui a poussé la Chine totalitaire à s’imposer en Afrique, du nord au sud et de l’ouest à l’est, à y accaparer des terres par millions d’hectares, à y vendre massivement ses colifichets, à y construire routes, ports et chemins de fer, à câliner des élites qui connaissent de longue date le délice des comptes secrets. La Chine en Afrique ? C’est notre Françafrique des années 60, à la puissance dix.

Si vous avez le moindre doute, et si vous comprenez un peu l’anglais, je vous en prie, lisez ceci. Je n’ai pas le temps de plus détailler. Mais la Chine est partout où il est question de saloper le monde. Les forêts du Cambodge et du Laos, si uniques, sont dévastées par ses bûcherons, et tant d’autres par le monde, jusqu’en Sibérie, jusqu’au Guyana, jusqu’en France, d’où l’on expédie nos plus beaux hêtres. Le fleuve Mékong, l’une des grandes merveilles du monde, est en train de mourir, barbelé de quantité de barrages hydro-électriques dont l’énergie est aussitôt envoyée en Chine. Même l’Arctique, le fond de l’océan Arctique, avec son pétrole et son gaz, est devenu une cible.

Et cela ne suffit pas. Et cela ne suffira jamais. En dehors de la dévastation de la Grande Prairie américaine par les pionniers – et ses suites -, je ne vois guère d’équivalent dans l’histoire des hommes. Pour en revenir à M.Mélenchon, écologiste, vraiment ? Qui est incapable de comprendre le rôle si majeur de la Chine mérite-t-il le qualificatif ? Hum.