Je ne suis pas très bon client (sur l’iphone 4 S)

Sans me vanter, je ne crois pas être un très bon client de la marchandise. Je n’ai pas de bagnole, pas de télé, pas de téléphone portable. Mais j’ai un ordinateur – sigh -, ce qui me fait de temps à autre mal aux tripes. Compte tenu du travail que je fais, il m’eût fallu en changer pour ne pas posséder un ordinateur et me servir d’internet. J’aurais pu, certes. Je ne l’ai pas fait, et me contente de maudire Jobs et Gates, les frères jumeaux de la surveillance planétaire de tout ce qui bouge encore.

À ce propos, et pour compléter l’article précédent consacré à François Hollande, voulez-vous connaître un événement qui ne soit pas, lui, de détail ? Qui ne soit pas, lui, contingent ? Voyez donc le succès grandiose de l’iphone 4S de feu Steve Jobs (ici). En trois jours, quatre millions d’exemplaires de cette nouveauté ont été vendus dans les sept pays, dont le nôtre, où il était proposé. Soit deux fois plus que l’iphone 4 dans la même durée et les mêmes lieux. Bientôt, on le trouvera dans 22 pays, puis 70, et probablement le reste – la Guinée Équatoriale, le Zimbabwe, Belize, les îles Andaman ? – un peu plus tard. Je cite le journal La Tribune : « Plus de 25 millions de propriétaires d’iPhone de générations antérieures ont téléchargé la mise à jour logicielle iOS5 ».

Mais le temps est venu d’avouer que je ne comprends rien à cette dernière citation. Et que je n’ai aucune idée de ce qu’est un iphone 4, fût-il S. Bien entendu, vous n’êtes pas obligé de me croire. Je ne le sais pourtant pas. Je n’ai jamais envoyé un seul texto de ma vie et ne sais pas me servir d’un téléphone portable. Je crois que je mourrai au fond d’un ravin,  exsangue et seul, incapable d’appeler au secours par manque de téléphone portable. Et ce sera bien fait, car nombre de personnes attentionnées m’ont prévenu : je mourrai seul.

Sans rire, j’ignore tout des vraies merveilles du monde. Mais je vois en tout cas que l’un des ressorts premiers de notre marche à l’abîme, c’est ce délire de consommer n’importe quelle connerie, pourvu qu’elle fasse saliver, pourvu qu’elle soit propulsée convenablement par les réclames appropriées. Le succès de l’iphone 4 S est beaucoup, beaucoup plus important que celui de Hollande, et il rassemble au fait, dans une admirable unité nationale, fascistes et partisans du NPA, mélenchonistes et villepinistes, hollandais et staliniens, sarkozystes et laguillieristes. Ne cherchez pas plus loin la raison de notre incapacité à changer le monde : elle est là.

L’industrie a besoin d’objets et de gogos et gogols qui les achètent sans aucune cesse, criaillant ensuite sur le prix de l’alimentation bio. Les premiers les exténuent au travail puis les tuent. La seconde leur accorderait meilleure santé en permettant à de vrais paysans de poursuivre leur route. Et bien sûr, nos adeptes de l’unité nationale – vous, qui sait ? – choisissent les premiers, et vomissent la seconde.

Il n’y aura jamais le moindre changement sérieux sans une chasse aux objets, jusqu’au tréfonds des esprits. Elle passe évidemment par la destruction à la racine de la publicité industrielle. Elle oblige, plutôt elle obligerait à considérer l’aliénation comme le phénomène politique majeur, transcendant toutes les barrières politiques dont sont si fiers les militants. Que je plains, les pauvres, de prétendre – pour certains – condamner la société capitaliste quand ils en sont, en vérité, les soutiens les plus vibrants.

En somme et en résumé, le mécanisme industriel de production de masse d’objets inutiles et pourtant dévastateurs, voilà l’ennemi. Avis ! Dernière prime : « Attendu sans doute au printemps 2012, le prochain iPhone 5 a été supervisé par Steve Jobs de sa conception jusqu’au design final ». C’est tiré d’un site appelé Cnet France, sous le titre admirable : « Le projet posthume de Steve Jobs ? ». Non, ce n’est pas une farce.

Hollande vaut-il mieux qu’un pet de lapin (métaphysique) ?

Hollande va donc représenter la gauche à l’élection présidentielle. Il a gagné hier contre Martine Aubry. La tentation est grande d’écrire, comme ce pauvre Louis XVI dans son journal, au moment de la prise de la Bastille : rien. Mais ce ne serait pas rendre justice à François Hollande, qui face à la seule question qui vaille – la crise écologique – est certainement bien au-dessous de rien. L’an passé, le 19 septembre 2010, j’ai écrit ici un papier intitulé : « Hollande, Aubry, Royal et leurs petits poignards ».

J’en extrais ces quelques mots : « J’ai eu la curiosité malsaine d’aller jeter un regard sur le blog (ici) de François Hollande, premier secrétaire du parti socialiste entre 1997 et 2008, date de l’arrivée de Martine Aubry à ce poste. Hallucinant reste un faible mot pour décrire mon sentiment. Ce machin est lamentable de la première ligne à la dernière image (il y en a beaucoup, évidemment). Si vous en avez le temps et le courage, tapez donc sur le moteur interne de recherche des mots comme écologie ou biodiversité. Vous ne serez pas déçu de ce court voyage. Hollande n’est au courant de rien. Cet homme de 56 ans – ce n’est pas le perdreau de l’année – aura donc passé au moins trente ans à faire de la politique sans se rendre compte que la vie sur terre, et donc l’avenir des sociétés humaines, et donc celui des désolants politiciens dans son genre, étaient désormais en question. Il ne sait foutre rien. Et il a commandé le principal parti de la gauche pendant onze années ».

Je reprends la parole ce 17 octobre 2011, et derechef, je me rends sur le blog de Hollande. Le masochisme est un plaisir complexe, je n’apprends rien à personne. Tout a changé, et la place est désormais entièrement prise par les primaires socialistes, et je n’ai pas même retrouvé le moteur de recherche qui m’avait permis de sonder l’ignorance abyssale de Hollande l’an passé. Bah !

Aubry aurait-elle été préférable ? Bien sûr que non. Élevée à la conduite des transnationales, comme son vieil ami DSK – elle a tout de même été numéro 3 de Pechiney, spécialiste de l’aluminium, du combustible nucléaire, de la chimie  ! -, elle se fout elle également de ce qu’elle ne connaît de toute façon pas. Assurément, blanc bonnet et bonnet blanc. Sauf sur un point de détail : Sarkozy.

S’il est un point de détail vrai, c’est bien de savoir si Sarkozy sera ou non lourdé l’an prochain. J’ai pour cet homme une détestation authentique, et à titre personnel, comme dirait l’autre, je serais heureux qu’il déguerpît. Cela ne changera rien à rien, car la marche des machines se marie aussi bien avec la droite que la gauche. Mais je ne peux nier que je ne supporte pas sa présence sous mes fenêtres. Et de ce point de vue,  Hollande n’égale pas Aubry, non. Il me semble certain que François Hollande a plus de chances contre l’usurpateur que la maire de Lille.

Et pourquoi ? Parce qu’il me paraît moins corrompu. Attention ! je ne parle pas là de valoches pleines de billets, mais de corruption de l’esprit et de l’âme. Il est parfaitement possible que je me trompe. Hollande a, dans son staff, des gens déplorables comme Julien Dray, Jean-Marc Ayrault, Jack Lang, Gérard Collomb, Vincent Peillon. Je me trompe peut-être. Au moins, s’il est élu, nous n’aurons pas de DSK au gouvernement. Déjà ça.

PS : grâce au commentaire de Renaud – merci ! -, je peux ajouter, plus tard ce 17 octobre, une phrase sublime de François Hollande à mon billet. Nous sommes le 27 août 2011, à l’Université d’été socialiste de La Rochelle, et Hollande va dire une énorme connerie, qui sera comme de juste applaudie. La voici : « On ne peut pas transiger avec la croissance, je ne crois pas à la décroissance. Lorsque le PIB décroît, les conséquences sociales sont extrêmement négatives, chômage, déficit, dette. La décroissance, c’est un facteur de crise sociale ».

Armistice sur le front de la Dhuis

Je vous entretenais hier du funeste projet de Bertrand Delanoé, maire de Paris. Et je sais que des lecteurs de Planète sans visa ont aussitôt signé la pétition mise en ligne. Merci, les amis ! Ce n’est certes pas l’explication du recul de la Mairie de Paris, sans doute provisoire, mais en tout cas, nous disposons d’un magnifique sursis, dont il faudra profiter pour obtenir une victoire définitive. Lisez plutôt :

Communiqué de presse IDFE – Ile de France Environnement:
L’Aqueduc de la Dhuis, coulée verte de l’Est francilien, en sursis ?

La ville de Paris a retiré de l’ordre du jour du conseil des 17 et 18 octobre 2011 la cession de l’aqueduc de la Dhuis à la société Placoplâtre. Cette coulée verte, indispensable au maintien de la biodiversité et au déplacement des espèces, est un des éléments clefs de la trame verte de l’Est Francilien. Ile de France Environnement et les associations de protection de l’environnement de l’est francilien se félicitent de cette décision mais demeurent extrêmement vigilantes quant à l’avenir de ce véritable balcon vert.

L’aqueduc souterrain de la Dhuis ou (Dhuys), construit sous Napoléon III, achemine  l’eau de la Dhuys pour fournir majoritairement en eau le parc d’attractions Disneyland, son surplus étant dirigé vers Paris. Serpentant sur 131 km depuis Pargny-la-Dhuys (Aisne), il aboutit au réservoir de Ménilmontant (Paris XXème). L’aqueduc de la Dhuis est géré par la SAGEP (société anonyme de gestion des eaux de Paris).

En 2007-2008, 6 millions d’euros ont été consacrés par l’AEV (Agence des Espaces Verts d’Ile de France) pour aménager l’espace libre au-dessus de l’aqueduc souterrain. Cet itinéraire très prisé des populations relie à flanc de coteaux plusieurs espaces boisés de la région et traverse 13 communes. Véritable trait d’union entre la ville, la forêt et la campagne, cette coulée verte est un des éléments clefs de la trame verte de l’est francilien.

Bertrand Delanoé, l’ami de Placoplâtre

Sûr et bien sûr, vous ferez ce que vous voulez. Moi, j’ai signé la pétition ci-dessous, adressée au grand Écologiste, au géant socialiste devant l’Éternel, Bertrand Delanoé, maire de Paris. C’est ainsi, croyez-moi, grignotage après grignotage, que se poursuit dans notre pays la destruction du monde. Dans le silence, dans l’indifférence générale. L’affaire de la Dhuis n’est pas encore terminée. Elle le sera encore moins quand vous aurez fait connaître l’histoire autour de vous. En avant, les amis ! (On signe )

Pétition NON à la Destruction de l’Aqueduc de la Dhuis

Pour : Mairie de Paris

NON à la Destruction de l’Aqueduc de la Dhuis ??Cette coulée verte, indispensable au maintien de la biodiversité et au déplacement des espèces est un des éléments clefs de la trame verte de l’Est Francilien. ?La ville de Paris a inscrit à l’ordre du jour du conseil des 17 et 18 octobre 2011 la cession de l’aqueduc de la Dhuis à la société Placoplâtre. ?

Île de France Environnement et les associations de protection de l’environnement de l’est francilien tirent le signal d’alarme ??Long de 131 Kms, l’aqueduc de la Dhuis (ou Dhuys) a été construit sous Napoléon III pour acheminer l’eau de la Dhuys. Son point de départ se trouve à Pargny-la-Dhuys (Aisne) et il se termine au réservoir de Ménilmontant (Paris XXème).

Aujourd’hui, l’aqueduc de la Dhuis est géré par la SAGEP (société anonyme de gestion des eaux de Paris). Il fournit majoritairement en eau le parc d’attractions Disneyland, seul le surplus est dirigé vers Paris. ??6 millions d’euros ont été consacrés en 2007-2008 par l’AEV (Agence des Espaces Verts d’Ile de France) pour aménager l’espace libre disponible au-dessus de l’aqueduc souterrain de la Dhuis. L’entretien de cet espace est assuré par l’AEV.

Véritable trait d’union entre la ville, la forêt et la campagne, cet itinéraire très prisé des populations relie plusieurs espaces boisés de la région. Cette coulée verte est indispensable au maintien de la biodiversité et permet le déplacement des espèces. C’est un des éléments clefs de la trame verte de l’est francilien. ??Cette réalisation de l’Agence des Espaces Verts de la région Ile-de-France risque d’être réduite à néant.

En effet, la Mairie de Paris a l’intention de céder, au profit de la Société Placoplâtre, des tronçons de l’Aqueduc de la Dhuis sur les communes de Seine et Marne Le Pin , Claye-Souilly, Villevaudé et Annet-sur-Marne. Et cela afin de permettre une exploitation des sous-sols gypseux à ciel ouvert alors que l’exploitation souterraine de ce gisement est possible, comme cela a été fait en Seine Saint Denis. ??S’il se réalisait, ce projet sonnerait le glas d’un ouvrage Hausmannien, mettrait en péril l’intégrité écologique de cette coulée verte et nuirait gravement à cette promenade chère aux habitants de l’Est Francilien et d’ailleurs.

Ce secteur de Seine et Marne a déjà trop souffert et souffre encore aujourd’hui de ce type d’exploitation ??Par ailleurs ce projet s’oppose aussi gravement à la convention de partenariat signée en février 2011 entre la Mairie de Paris et le conseil général de Seine et Marne visant à construire une métropole durable et notamment sur le sujet essentiel de la biodiversité. ??Nous nous opposons à toute opération qui viendrait dénaturer, altérer ou nuire à la coulée verte que constitue la promenade de l’aqueduc de la Dhuis. ??Nous demandons également qu’aucune nouvelle exploitation de gypse à ciel ouvert ne soit plus autorisée sur ce secteur. ??Nous demandons aux élus de la ville de Paris de s’opposer à la cession de l’aqueduc de la Dhuis à la société Placoplâtre.

Mais qui était vraiment Steve Jobs ?

Personne, en Occident en tout cas, n’aura échappé au chœur des Pleureuses. La mort de Steve Jobs, cofondateur d’Apple, a donc ému les gazettes et, du moins le pense-t-on, le bon peuple. Pardi ! Cet homme n’a-t-il pas révolutionné le monde, offrant à des millions de galériens la clé de leur liberté électronique ? Comme je n’ai pas le temps, je ne dirai rien de ce que je pense de l’informatisation du monde, à laquelle Jobs aura tant contribué. Non, mes pauvres amis lecteurs, je n’en pense pas du bien. Quand le bilan réel de cette immense régression aura été tiré, s’il l’est un jour, on pourra éventuellement en reparler.

En tout cas, c’était un pur salopard de patron de combat. Voyez ce qu’on en dit déjà, ici,  au lendemain de sa mort. Imaginez ce qu’il en sera dans quelques années, quand les histoires les plus rudes sortiront. Et cet article n’évoque que le comportement de Jobs chez lui, depuis ses appartements américains. Le centre d’Apple, comme de tant d’autres productions industrielles, c’est la Chine. En juin 2010, Jobs défendait sans état d’âme la ville-usine Foxconn, située à Shenzen, en Chine communiste. C’est là, dans cette immensité de 400 000 employés – je répète : 400 000 – qu’Apple produit tant de ses fameux joujoux.

Or une vague de suicides s’y étant produite, on avait alors interrogé Jobs, grand humaniste devant l’Éternel, qui avait lâché (lire ici en anglais) : « For a factory, it’s pretty nice ». Ou en bon français : « Pour une usine, c’est plutôt sympa ». Ouais, super sympa, même. Une étude publiée à Hong Kong à l’automne 2010 racontait une histoire toute différente (ici). Selon ce travail, 16,4 % des salariés de Foxconn auraient été victimes de violences physiques de la part de leurs garde-chiourmes. Pour les violences psychiques, on ne sait.

Inutile, je crois, d’insister. Le succès planétaire d’Apple reposait donc sur l’esclavage (ici). C’est là que les choses coincent, c’est là en tout cas qu’elles devraient le faire. Car en effet, l’unanimité mondiale autour de son cadavre démontre précisément que l’imaginaire dominant est celui du système dominant, industriel aux dernières nouvelles. Peu chaut aux innombrables thuriféraires que Jobs ait fait assembler ses merdouilles si modernes dans des ateliers où les prolos se font tabasser. Peu leur chaut. Ce qui compte, c’est l’aventure réussie, le bonheur du clic à domicile, la possibilité de répéter dix millions de fois les mêmes éloges. Nous vivons bel et bien dans un monde sans âme.

Plutôt, l’âme de notre univers est mercantile et clinquante, et passe à côté des sombres réalités comme le véritable spectre qu’elle est désormais. Oui, un spectre hante l’Europe et le monde, pour paraphraser le vieil Allemand, et c’est celui de l’insensibilité. Il est possible, il reste loisible de surexploiter des ouvriers dans une usine lointaine, de les payer au lance-pierres, de les voir mourir jeunes et de passer néanmoins pour un héros du temps. Ma foi, je leur laisse leur pacotille, et je poursuis mon chemin, certain qu’il vaut mieux être (presque) seul que mal accompagné. Au fait, le saviez-vous ? Apple et notre bon Steve Jobs ont préféré souder l’Ipad à sa batterie, de manière que l’on soit obligé de jeter le tout quand la batterie est épuisée. Il faut penser à l’actionnaire. Encore et toujours.

Jobs ? Je me retiens tout juste d’insulter un mort.