Je me permets de rigoler du Great Leader Chairman, du Grand Manitou Lui-Même, Jean-Luc Mélenchon. Lui et ses excellents camarades du PCF sont vent debout contre l’espionnage américain, mais ils ont comme il se doit la mémoire qui flanche. Car qui veut savoir sait depuis au moins 15 ans. Je dis 15 ans, j’aurais pu écrire 65. Je vous mets pour le fun un extrait d’un article de Philippe Rivière, paru dans Le Monde Diplomatique de juillet 1999 :
« LES Etats-Unis sont-ils désormais si puissants qu’ils ne craignent plus les réactions de leurs alliés européens ? Il avait fallu l’obstination d’un chercheur néo-zélandais, Nicky Hager, pour dévoiler l’existence d’un formidable réseau de surveillance planétaire, le système Echelon, en place depuis les années 80… Son enquête (1) exposait en détail, pour la première fois, comment l’Agence de sécurité américaine (National Security Agency, NSA), un des organismes américains les plus secrets, surveille, depuis presque vingt ans, l’ensemble des communications internationales (2).
M. Zbigniew Brzezinski, conseiller à la sécurité nationale sous la présidence de M. James Carter, avoue, non sans cynisme : « Quand vous avez la capacité d’avoir des informations, il est très dur d’imposer des barrières arbitraires à leur acquisition. (…) Devons-nous refuser de lire (3) ? » L’embryon du réseau d’espionnage américain date du début de la guerre froide lorsqu’un premier pacte de collecte et d’échange de renseignements, dénommé Ukusa, fut établi entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis. A ces deux Etats se sont joints le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Depuis les années 70, des stations d’écoute implantées dans ces pays captent les signaux retransmis vers la Terre par les satellites de type Intelsat et Inmarsat. Et une centaine de satellites d’observation « écoutent » les ondes : radio, téléphones cellulaires, etc.
Par ailleurs, affirme Duncan Campbell (4), tous les réseaux de communication sont écoutés, des câbles sous-marins (des capteurs sont déposés par des plongeurs spécialisés) au réseau Internet (la surveillance du réseau mondial est particulièrement aisée : la quasi-totalité des données transitent par des « noeuds » situés sur le territoire américain, même lorsqu’il s’agit de connexions européennes ! Ainsi, chaque jour, des millions de télécopies, de télex, de messages électroniques et d’appels téléphoniques du monde entier sont passés au crible, triés, sélectionnés, analysés ».
—-
Bon, à ce stade, c’est déjà marrant. On est en plein remake et je constate qu’en 1999, date de ce papier, un certain Lionel Jospin, et tout le PS avec lui, était au pouvoir, comme c’est le cas aujourd’hui. J’ajoute que Mélenchon s’apprêtait à devenir ministre – il le devint le 27 mars 2000 -, et qu’il n’a pas ouvert le bec. Membre alors de la minorité du PS, il eût pu aisément lancer une vaste campagne autour de la défense des libertés, mais non, rien. Il devait préparer son premier Conseil des ministres.
En un sens, il y a mieux, c’est-à-dire bien pire. Mélenchon est l’allié indéfectible du ci-devant parti stalinien – le PCF -, au point qu’on se demande si l’histoire atroce de ce dernier ne lui est pas plus agréable que celle du PS, parti auquel il a appartenu 31 ans. Eh bien, rappelons aux innombrables oublieux que le parti communiste a soutenu jusqu’à l’extrême fin le régime totalitaire de la RDA, c’est-à-dire jusqu’à la chute du Mur en novembre 1989. D’innombrables textes existent, et parmi eux des discours de soutien de Georges Marchais, grand héros de Mélenchon, adressés à cette ignoble crapule que fut le chef de la RDA, Erich Honecker.
Vous êtes nombreux, j’imagine, à avoir vu le film Das Leben der Anderen (La vie des autres), ce film allemand sorti en 2006. On y voit comment la police politique stalinienne, la Stasi, surveillait sa population. J’ajoute que cette agence infernale employait 91 000 agents officiels et 175 000 informateurs, soit 266 000 personnes sur une population générale de 16 millions environ. En clair, tout le monde était fliqué. On a découvert après la chute du Mur que des époux avaient espionné pendant des décennies leurs épouses, et inversement. Aucun régime, à ma connaissance, n’est allé aussi loin. Même l’Union soviétique n’a semble-t-il pas eu les moyens matériels de surveiller d’aussi près son peuple. Mais je reconnais que l’on peut en discuter.
Ce qui demeure indiscutable, c’est l’horreur des régimes totalitaires. Les dirigeants actuels du PCF ont soutenu de leurs forces déclinantes ces systèmes, et quand ils protestent contre les Américains aujourd’hui, j’ai comme l’envie de les envoyer se faire foutre. Quant à Mélenchon, un mot sur ses déclarations d’amour au parti allemand Die Linke. Je sais que tout est oublié, mais moi, désolé, je monte la garde. Die Linke provient d’une fusion entre des groupes de la gauche syndicale de l’Ouest et les restes du défunt parti communiste au pouvoir en RDA, le SED. Sans la puissance électorale maintenue de l’ancien SED dans la partie Est de l’Allemagne, Die Linke existerait à peine.
Mais cela n’ennuie évidemment pas Mélenchon, ni aucun de ses bons amis. Moi, si.