Archives de catégorie : Chasse

Nos chasseurs oseront-ils en profiter ? (Appel à la trêve)

Les animaux sont morts. Beaucoup sont morts, carbonisés par la sécheresse démoniaque que nous avons déclenchée pour quelques portables de plus. Il ne faut pas rêver : quand un chevreuil, un cerf, un sanglier ne trouvent plus d’eau, ils meurent. Et ce qui vaut pour eux vaut pour tous les animaux, du blaireau à la mante religieuse, de la martre au ver de terre, du hérisson au sublime machaon. Et ceux qui n’en meurent pas tout à fait sortent de cette saison en enfer affaiblis, meurtris, parfois mourants.

Nul ne décrira jamais ce qui leur est arrivé. Cette gigantesque guerre de tous contre tous, dans laquelle la canicule faisait si peu de prisonniers. Nous ne savons pas parler d’eux. Nous ne savons pas nous lever en leur nom, pauvres humains que nous sommes. Je me demande tout de même ce qui va se passer pour eux le mois prochain. Car septembre, c’est l’ouverture de la chasse, et des millions de morts en plus dans des populations déjà fracassées par le cataclysme. Sauf si.

M.Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) osera-t-il lâcher ses hordes sur les survivants ? Le président Emmanuel Macron donnera-t-il une fois de plus priorité à ses grands amis de la chasse industrielle ? Tout reste possible, car nous avons une arme (pacifique, elle) entre nos mains : la société. Je lance ici un appel à mes amis de l’Association pour la protection des animaux sauvages, à ceux de Ferus, de Mille Traces et à tant d’autres. Il faut arracher un moratoire. Il faut empêcher l’ouverture de la chasse en septembre, de manière à épargner nos frères animaux dans la détresse.

Unissons nos forces ! Lançons un mouvement irrésistible ! Que pas un animal ne soit tué par un chasseur dans les conditions horribles où nous sommes.

Des mouches qui ne sont que de la merde

publié en mai 2021

Ce qui suit n’a jamais existé, et heureusement, car il faudrait autrement considérer la liberté (de la presse), la vérité (des faits) et la justice (sur Terre) comme autant de petits sacs de crotte. La société biotech InnovaFeed (https://innovafeed.com), française comme son nom l’indique, veut le Bien. Les gens ont faim, nous serons bientôt 9 milliards, et c’est tout de même rageant alors qu’il y a tant d’insectes pour les nourrir.

Trois petits jeunes comme on les aime – école des Ponts et Chaussées, Centrale, réseau McKinsey, au plein service des transnationales – ont lancé en 2016 cette start-up, qui fait depuis des étincelles. Deux usines en France, une autre bientôt aux États-Unis, et des projets par dizaines.

De quoi s’agit-il précisément ? De bâtir des fermes à mouches – Hermetia illucens ou mouches soldats noires -, dans lesquelles les femelles pondront à un rythme frénétique avant de que nourrir, transformées en farine, les poissons d’élevage, la volaille, les cochons, les animaux de compagnie. Ces gens-là sont en mission, comme ils l’indiquent sur leur site. Leurs mouches ont cinq objectifs officiels : « faim zéro », protection des terres arables, lutte contre le changement climatique, consommation responsable, sauvegarde de la vie aquatique. Sans compter trois grands principes, parmi lesquels la limitation « des facteurs de stress pour [les] insectes en réduisant les interactions humaines et en adoptant des méthodes minimisant le potentiel de souffrances ». Le gras est dans le texte (innovafeed.com/nos-engagements/).

Message un peu appuyé, mais qui a été immédiatement compris. C’est le ministère de la Transition écologique qui a dégainé le premier, puis Le Crédit Agricole, qui a déboursé 15 millions d’euros, à quoi il faut ajouter 4,5 millions du plan de relance macronien, divers investissements du très sympathique fonds singapourien Temasek (temasek.com.sg/en/index) et du groupe Auchan, ainsi que de puissants partenariats que l’on va découvrir.

La presse est béate d’admiration. Les Échos bien sûr – quel triomphe économique ! -, mais aussi L’Obs – « La réussite est totale pour InnovaFeed » -, La Voix du Nord qui célèbre l’installation d’une usine dans la région – « la “French Tech” dans toute sa splendeur » -, mais la palme revient sans conteste au Monde. Le quotidien a envoyé dans la Somme une journaliste pour un publireportage de haute volée. Impossible de tout citer, mais une phrase résume le tout : « L’activité d’InnovaFeed s’inscrit dans une dynamique d’agroécologie. En effet, InnovaFeed participe à l’essor d’une pisciculture durable, respectueuse de l’environnement et des ressources naturelles ». Pratiquement au mot près la propagande servie ad nauseam par ces braves communicants de InnovaFeed. Du même tonneau – on n’ose dire de la même farine – que la page Wikipédia de la boîte (fr.wikipedia.org/wiki/InnovaFeed), sans nul doute écrite par elle-même, épinglée pour son « ton trop promotionnel ou publicitaire, voire hagiographique ».

La vérité est ailleurs, on s’en douterait un peu. Aucun journaliste ne s’est seulement interrogé sur ce simple fait : comment une société biotech fait-elle pour multiplier les mouches. Par quels trucs génétiques et biotechnologiques ? Que signifie l’utilisation revendiquée de « l’intelligences artificielle » ? Avec quoi les mouches sont-elles nourries ? Par quel exploit leurs déjections pourraient-elles être utilisées en agriculture biologique ?

En fait, InnovaFeed a signé le 3 mai un partenariat stratégique avec Cargill, l’une des pires transnationales de la planète. Celle-ci a mouillé dans d’innombrables scandales dûment documentés : violations des droits de l’homme, contamination de la bouffe, déforestation, spéculation sur les produits alimentaires de base, accaparement de terres, etc. Production annuelle de porcs dans le monde : 102 millions de tonnes. De poulets : 101 millions. De poissons d’élevage : 86 millions de tonnes. InnoviaFeed, 8 000 tonnes de mouches biotechs dans son usine du Nord. Les mouches comme leurre de la destruction du monde.

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Au bonheur des chevrotines dans la gueule

On le sait depuis des lustres, la publicité est l’industrie du mensonge. Cela n’empêche pas d’être curieux, surtout lorsqu’il s’agit de nos amis chasseurs, rois incontestés de l’oxymore – mélange de deux termes inconciliables – et de la manipulation mentale. Les voilà désormais à la télé, de TF1 à M6, dans des spots payés par la Fédération nationale des chasseurs (FNC).

Il aura suffi d’en regarder un (1), car le masochisme a ses limites. Pour être sincère, cela sent si fort la joliesse surjouée, que l’on finit par chercher la caméra, qui ne doit pas être bien loin. On voit des jeunes femmes rieuses, heureuses de participer à une ablation d’organe sans anesthésie. Ou des gamins envapés, sautant de joie dans les bras de pépé à la vue d’une harde de sangliers en mouvement, qu’un bon coup de tromblon ne va pas tarder à décimer. Comment le dire sans vexer ? On reste assez loin des films néoréalistes à la manière de Rossellini.

Qui se cache derrière l’opération ? Sans aucun doute Thierry Coste, lobbyiste officiel, assumé et rigolard de la FNC. Coste est un cas d’espèce. Défendant auprès des politiques les causes les plus sympathiques – la chasse, l’élevage concentrationnaire, la FNSEA -, ce communicant a toutes les audaces, et il a bien raison, puisqu’on lui déroule partout le tapis rouge. On peut ainsi le voir embrasser à bouche que veux-tu le président en titre, Emmanuel Macron, en le tutoyant bien sûr. Désolé, mais les braves de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui se battent pour les piafs massacrés – ohé!Allain, Philippe, Yves – ne font pas le poids.

  1. https://vimeopro.com/rolandmouron/around-the-world/video/543356596
  1. https://www.youtube.com/watch?v=9iCIR840SkY

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Montebourg, l’éternel retour du foutriquet

Montebourg. Non, ce n’est pas de l’acharnement, car une telle évanescence ne le mérite aucunement. C’est bien plutôt de l’instruction civique. Et d’abord ce rappel : Arnaud Montebourg a été l’un des principaux ministres, après 2012, d’un homme politique aujourd’hui disparu, François Hollande. En charge de l’Économie et, ne rions pas trop fort, du « redressement productif ». On a vu. Le drôle aura tout défendu sans jamais trembler : l’ouverture de mines et la réouverture de l’une d’elles, bourrée d’amiante, les gaz de schiste, sans oublier bien sûr le nucléaire made in France. Oui, il défend l’industrie tricolore, la belle.

Que se passe-t-il chez cette Grandeur ? Il parle sans y croire de se présenter à l’élection présidentielle, et reçoit pour cette raison des clins d’oeil de la France insoumise d’un autre chanteur d’opérette, Mélenchon. Et quand il trouve le temps, il cause. Le site gratuit Reporterre organise désormais des débats entre géants, et le dernier aura réuni Éric Piolle, maire EELV de Grenoble et Montebourg soi-même. Et que dit-il tout soudain des conséquences du nucléaire, moulinant de ses mains comme il l’a fait mille fois devant les journalistes (1) ? Ceci : « Bon, ben relativisons. Fukushima : zéro mort. Tchernobyl : zéro mort ».

Arrêtons ici l’image. Bien entendu, c’est une infamie. Pour s’en tenir à la catastrophe ukrainienne, même les nucléocrates les plus bas de plafond admettent des morts et des cancers par millers. Les autres estimations oscillent entre 200 000 morts et un million. Cette dernière, très contestée, figure dans un livre édité par l’Académie des sciences de New-York. Dans tous les cas, Montebourg est ignoble, qui essuie ses pieds distingués sur des cadavres.

Au-delà, il donne puissamment à réfléchir. Les politiques, jusqu’au sommet, sont des ignorants qui tranchent des questions essentielles sans avoir pris le soin d’en connaître quoi que ce soit. Le nucléaire français est en faillite – EDF, 42 milliards d’euros de dette, Orano-Areva jongle avec la sienne  -, mais Macron pense à sa réélection.

  1. https://reporterre.net/Nucleaire-le-recit-du-debat-Montebourg-Piolle-sur-Reporterre

Comment on décapite les sangliers

Publié en avril 2021

Six minutes d’un film d’horreur. Dans une forêt de l’Aube, de valeureux chasseurs butent jusqu’à 100 sangliers en une journée. En les attirant avec du maïs avant de les attendre, planqués dans des miradors où ils ne risquent qu’une chose : coincer leur bedaine dans la barrière de bois. C’est très sympa. Ici, on égorge, ici on décapite.

Ouh là ! Ça va être dur de pas se moquer. Ou de dégueuler un bon coup. Le petit film (https://youtu.be/DCMugz2E2ow) que Charlie vous propose est diffusé par le naturaliste Pierre Rigaux, auteur de livres sur les loups, les…lapins ou encore la chasse. Que voit-on ? Simplement ce qu’est devenue la chasse en France. D’un côté ses défenseurs, qui parlent tradition, ruralité, sociabilité et nécessaire régulation des espèces. De l’autre des gros pères qui prennent leur pied en flinguant sans risque des animaux que l’on balance sous leur nez, dans une nature rendue totalement artificielle.

La scène se passe dans la forêt proche de Loges-Margueron (Aube), à une trentaine de kilomètres au sud de Troyes. Sur des milliers d’hectares se mélangent forêt domaniale – l’État, via l’Office national de forêts -, communale et privée. Enchevêtrement garanti. Une association de chasseurs gère une sorte de ferme dédiée à leur grand art, et accueillent, chaque jour de chasse, des dizaines de tireurs patentés, qui peuvent payer jusqu’à 500 euros la journée.

La veille d’une de ces grandes journées, des 4X4 bourrés jusqu’à la gueule de grains de maïs viennent gentiment les déposer le long des pistes forestières, ce qui attire aussitôt quantité de sangliers. À leur départ, vu leur nombre, il ne reste plus dans le sous-bois que des feuilles mortes, tout le reste ayant été arraché, mangé ou piétiné. Le lendemain, les gros pères se rassemblent, à qui l’on donne une consigne bien craignos : « Surtout, ne tirez pas sur les laies suitées ! ». Ces laies-là sont des mères qui ont des petits. C’est sympa ? Ben non, car c’est juste pour pouvoir les buter plus tard, quand ils auront grandi.

Attention ! Ce n’est pas enclos et ce n’est pas non plus un élevage. En théorie, les animaux peuvent aller ailleurs, mais comme on les nourrit, ils restent bien entendu dans les environs. Et on a pris soin de disposer un seul et fort long grillage sur un côté, de manière que les animaux qui s’y cognent soient obligés de repartir dans l’autre direction, là où les tueurs les attendent, installés sur des miradors.

La scène qui suit est délirante. Les miradors sont installés le long d’une piste, et l’on voit un des chasseurs tirer dans la direction d’un mirador voisin. Certes en visant plus bas les sangliers qui se débinent, mais apparemment en violant les règles de sécurité qui imposent de ne pas avoir un fusil tourné en direction d’un autre chasseur. Ensuite, retour guilleret à la ferme. Les 4X4 ramènent les cadavres – compter entre 40 et 100 sangliers par journée –, qui sont décapités, dépecés, éviscérés. Il n’y a d’ailleurs pas que des sangliers, mais aussi des cerfs ou des chevreuils. C’est le fun, au milieu du sang et des entrailles.

Les restes de barbaque, les têtes, les ordures diverses, jusqu’aux plastiques sont jetés dans une fosse ouverte à cet effet. Quand c’est plein, rien de plus simple que d’en ouvrir une autre. De quoi s’agit-il en fait ? D’une forme de « production » de sangliers prêts à être hachés par des chasseurs trop feignasses pour courir réellement les bois. Et c’est pas qu’un peu cinglé, car le sanglier fera bientôt les poubelles à Marseille, Lyon ou Paris. Sans rire, il est désormais au bord de nombreuses villes, et rien ne semble l’arrêter, surtout pas les chasseurs. Les chiffres sont incertains, discutés, contradictoires, mais on pense que les sangliers n’étaient encore que quelques milliers en France en 1960. Peut-être quelques dizaines de milliers. Une véritable explosion démographique a eu lieu à partir du début des années 70. Alors, les chasseurs tuaient environ 30 000 sangliers par an. On en est, pour la dernière saison, à 809 992. Combien sont-ils ? Un million, ou deux, ou peut-être même quatre millions, comme l’affirme la cheffe de la FNSEA Christiane Lambert (https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2018/08/30/97001-20180830FILWWW00091-trop-de-sangliers-pour-la-fnsea.php).

Le drôle, c’est que les paysans industriels qu’elle représente sont les victimes directes de ce délire, car leurs monocultures sont souvent pillées par les sangliers. Les heurts deviennent fréquents entre paysans, éventuellement chasseurs, et chasseurs possiblement paysans. Lambert : « Nous avons trop de dégâts liés aux sangliers dans nos prairies, nos cultures, nos champs, nos vergers, nos vignes, partout…Il y a de l’élevage de sanglier, du lâcher de sanglier, de l’agrainage (répandre du grain pour le gibier, ndlr) pour les maintenir à certains endroits ». Chaque année, et de plus en plus, les fédérations de chasse paient par dizaines de millions d’euros – on approche de 80 millions – les dégâts faits aux cultures par la faune, dont le sanglier.

Les causes de la prolifération sont difficiles à démêler. La déprise agricole – le départ de tant de paysans – et l’ensauvagement de millions d’hectares jouent leur rôle. Ainsi que le dérèglement climatique, qui à ce stade fait pousser plus vite les forêts et multiplient des ressources alimentaires comme les racines, les tiges, les fruits, les céréales et les graminées. L’essor de l’agriculture intensive et des plantations de maïs ajoutent au grand bordel. Et bien entendu, les chasseurs ont leur part, très grande pour ne pas dire immense. Ils ont voulu jouer au bon Dieu, et traiter le vivant comme si c’était une propriété personnelle, et le réel leur crache à la gueule. Pour l’heure et pour longtemps, la situation est hors de contrôle.

Mais d’où vient ce salopard de virus ?

Tout le monde en a marre, non ? Des milliers d’heures sur les radios et télés, des kilomètres de signes dans les gazettes auront été consacrés au coronavirus. Pour dire et répéter les mêmes choses dans un sens puis dans l’autre, et retour. Non ?

En mars 2020, quand nous n’en étions qu’au début, l’infectiologue Didier Sicard, pas plus con que tant d’experts de TF1 ou de France-Inter, s’interrogeait (1). Très au fait du sujet, il réclamait un examen en urgence des causes animales de la pandémie. Et comme il connaissait fort bien une partie de l’Asie, il ajoutait : « Ce qui m’a frappé au Laos, où je vais souvent, c’est que la forêt primaire est en train de régresser parce que les Chinois y construisent des gares et des trains. Ces trains, qui traversent la jungle sans aucune précaution sanitaire, peuvent devenir le vecteur de maladies parasitaires ou virales et les transporter à travers la Chine, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et même Singapour. La route de la soie, que les Chinois sont en train d’achever, deviendra peut-être aussi la route de propagation de graves maladies ». 

La nouvelle Route de la soie, qui fait se pâmer tant d’économistes et autres crétins, reliera à terme la Chine – on y achève une quatre-voies de 5000 km –, l’Asie centrale et même l’Europe où un Viktor Orbán, clone hongrois de Trump, est en train de vendre son pays à Pékin. Précisons à l’attention des grincheux que je ne suis spécialiste de rien. Je vois, car je lis, qu’une affaire mondiale comme celle-là recèle d’innombrables mystères. En fera-t-on le tour ?

Mais cela ne doit pas empêcher de parler de ce que l’on sait avec une raisonnable certitude. Et nul doute que la crise écologique planétaire est le responsable principal de l’émergence de tant de virus menaçants. La logique en est dans l’ensemble connue : les activités humaines remettent en circulation des organismes vivants neutralisés par des relations biologiques stables depuis des millénaires, parfois des centaines de millénaires.

L’incursion des humains – braconniers suivant la piste des bûcherons – dans les forêts tropicales les plus intouchées ne pouvait manquer d’avoir des conséquences. Et ce n’est qu’un petit exemple. Quantité de virus dits émergents sont en effet des zoonoses, des maladies ou infections qui passent de l’animal à l’homme. Tel est le cas d’Ebola, des hantavirus, du SRAS, de la fièvre du Nil occidental, probablement du sida. Ce n’est qu’un aperçu, car l’on compte environ 200 zoonoses, dont beaucoup sont bactériennes.

Dès le 17 avril 2020 – il y aura bientôt un an -, 16 responsables d’autant d’organismes scientifiques différents écrivaient (2) : « La pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de l’environnement : c’est bien, encore une fois, une perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface homme-nature, souvent amplifiée par la globalisation des échanges et des modes de vie, qui accélère l’émergence de virus dangereux pour les populations humaines ».

Et les mêmes posaient une question qui devrait pétrifier nos responsables : « À la lumière de la crise sanitaire que nous traversons, il est paradoxal de constater que les études de médecine et de pharmacie continuent d’ignorer largement la biologie de l’évolution, et que celle-ci est récemment devenue facultative pour les deux tiers d’un parcours scolaire de lycéen ».

En clair, tout le monde s’en tape. Pourquoi ? Parmi les nombreuses raisons en cause, j’en retiens deux. Un, nos chefaillons actuels, qui incluent les écologistes officiels, sont d’une inculture monumentale. Ils ne savent pas, obsédés que sont la plupart par leur sort personnel et leur place dans l’appareil d’État. Deux, les rares qui entrevoient une lueur n’ont pas le courage de remettre en question le monde qui est le leur, son organisation, ses buts.

Il y faudrait la force d’un Gandhi et nous n’avons à notre disposition qu’une classe politique et administrative plus bas-de-plafond que le dernier des nains de jardin. Voilà pourquoi votre fille est muette.

(1)franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19

(2) lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/la-pandemie-de-covid-19-est-etroitement-liee-a-la-question-de-l-environnement_6036929_3232.html

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Jean-Louis Beffa, héros méconnu de l’amiante

Le coût de l’amiante est tel qu’il ne sera jamais calculé vraiment. L’industrie en a longuement profité, et maintenant la société paie les dégâts, les milliers de morts chaque année, les vies disloquées. Des braves se battent depuis 25 ans devant les tribunaux, et parfois gagnent, et souvent perdent, et continuent pourtant.

En 2017, une expertise judiciaire estimait qu’on ne pouvait pas connaître la date précise d’une contamination par l’amiante, menant droit à un non-lieu en 2018. Les magistrats jugeaient alors impossible de retenir la responsabilité pénale de tel ou tel dirigeant d’une entreprise. En l’occurrence, il s’agissait de l’usine Everite située à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne. Gros soupir de soulagement patronal.

Mais la cour d’appel de Paris vient d’infirmer ce non-lieu, et renvoie le dossier à des juges d’instruction. Selon eux, en effet, et il s’agit de citations tirées de son arrêt, « c’est toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et/ou au décès ». Du même coup, « chaque dirigeant successif peut avoir participé, à son échelle de responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres d’amiante ».

C’est déjà beaucoup moins drôle pour certains, car Everite était une filiale de Saint-Gobain, ce qui nous rapproche fatalement d’un certain Jean-Louis Beffa. Ce personnage central du capitalisme français est entré à Saint-Gobain en 1974, dont il a été le P-DG dès 1986, quand il était encore légal d’empoisonner le prolo avec l’amiante.

Le cas est d’autant plus intéressant qu’un Beffa, dans notre sainte république, semble intouchable. Ingénieur des Mines, un temps membre du club Le Siècle, il a été aussi des conseils d’administration ou de surveillance de GF Suez, de Siemens, de la Caisse des dépôts, de BNP-Paribas, etc.

Cerise amiantée sur le gâteau, Beffa fait partie dès 1994 du conseil de surveillance du journal Le Monde, qu’il préside depuis 2017. En Italie, travaillant des années sur des milliers de pièces, un tribunal d’appel à condamné en 2013 l’industriel de l’amiante Stephan Schmidheiny à 18 ans de taule. Beffa, quelle chance.

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Les Tartarin veulent la peau du Loup

Comment va le Loup en France ? Pas bien. Je rappelle qu’il est revenu naturellement d’Italie il y a une trentaine d’années, après avoir été totalement exterminé. Pas bien, donc, et c’est l’Office français de la biodiversité (OFB) qui le détaille dans un rapport, avec le CNRS (1). Attention, l’OFB, c’est pas les Naturalistes en lutte : les chasseurs, pour s’en tenir à eux, siègent à son conseil d’administration.

Il n’empêche que le texte est limpide. S’appuyant diplomatiquement sur des « points de vigilance », ses auteurs constatent qu’entre 2014 et 2019, la mortalité atteint 42%, toutes classes d’âge confondues, contre 26% avant 2014. Ce qui rapproche l’espèce du point au-delà duquel la population commence à décliner.

En ajoutant d’autres signes préoccupants, les rédacteurs de la note sortent un peu plus du bois, et ils écrivent : « Plusieurs signaux vont dans le sens d’une dégradation de la dynamique de la population ». Et appellent entre les lignes, mais sans détour, à une révision de la politique actuelle, qui vise, ça c’est Charlie qui le dit, à contenir les oppositions et satisfaire quelques clientèles électorales.

Il n’y a aucun mystère : depuis 2014, des centaines de loups ont été butés « légalement », malgré leur statut de protection. Ils seraient 580 et en cette année qui commence, l’État donne le droit d’en abattre 121. Courons donner des leçons aux paysans africains sur la cohabitation avec les éléphants. Et aux gueux de l’Inde sur la sauvegarde des tigres, si mignons à la télé.

(1) https://www.loupfrance.fr/mise-a-jour-des-effectifs-et-parametres-demographiques-de-la-population-de-loups-en-france-consequences-sur-la-viabilite-de-la-population-a-long-terme/

Giscard à la chasse (morituri te salutant)

Vous le savez, Giscard vient de mourir à l’âge de 94 ans. Un lecteur me remet en mémoire ce texte, publié ici en 2013. Ma foi, cela se lit toujours. Le voici.

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Amis lecteurs, c’est une première : je partage avec vous un article du journal Le Figaro, charmant quotidien aux mains d’un marchand d’armes. Et comme cela tombe bien ! Ce qui suit est en effet consacré à la chasse, telle que vue par l’un de nos grands chasseurs, Valéry Giscard d’Estaing. Je dois préciser pour les plus jeunes d’entre vous que Giscard a bel et bien existé. La preuve, c’est qu’il continue à tuer.

Cet homme renversant de sottise pseudo-aristocratique, confit dans un absurde sentiment de supériorité, a été président de notre pauvre République entre 1974 et 1981. Que reste-t-il ? Rien. Peut-être la photo jaunie, dans des collections anciennes, de Giscard invitant les éboueurs du quartier à partager son petit-déjeuner de l’Élysée. Tout le reste n’aura servi à rien, tout le reste n’est déjà plus qu’un infime tas de poussière sur les étagères du passé.

Si je vous offre sans rechigner le morceau de bravoure qui suit, c’est parce qu’il éclaire un pan de notre ténébreuse psyché. Pourquoi le mal ? Pourquoi la tuerie ? Pourquoi ces plaisirs si malsains ? Je n’en sais rien. Mais sous couvert de la grotesque personne de Giscard, cette interrogation lancinante m’arrache un sourire. J’espère qu’il en sera de même pour vous.

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Entretien paru dans Le Figaro du 3 novembre 20013

INTERVIEW – Poil ou plume, chasses présidentielles ou safaris privés, l’ancien président de la République a toujours revendiqué sa passion pour la chasse.

LE FIGARO. – Que signifiela chasse pour vous?

Valéry GISCARD D’ESTAING. – La chasse a été la première activité de l’homme. En France, c’était à l’origine un privilège féodal, qui a été aboli à la Révolution. Depuis, le nombre de chasseurs se compte par millions, c’est un sport national bien plus étendu que le foot. Une activité profondément ancrée dans l’humanité, un vaste monde.

Quelles sont vos chasses à vous?

Elles ont été diverses. J’ai d’abord eu le privilège de participer aux chasses présidentielles, à Rambouillet, à Chambord et à Marly. Le général de Gaulle ne chassait pas, mais, par tradition, il participait à la dernière battue, et j’en ai suivi quelques-unes avec lui.

J’ai aussi toujours chassé avec des amis, en France, pour le plaisir. Je continue d’ailleurs : je ne sais pas pourquoi on a écrit que je n’ai pas renouvelé mon permis de chasse, c’est inexact. Je traque des petits animaux, des perdreaux, des faisans. Je regrette d’ailleurs que les perdreaux gris, qui étaient par excellence le gibier français, aient disparu, à cause des pesticides. Je chasse parfois le cerf, animal emblématique dans tous les pays d’Europe. On doit pour cela attendre la saison du brame, sinon ils se terrent et on ne les voit pas. Si l’on veut rencontrer de grands cerfs, il faut se rendre dans les pays de l’Est, comme la Pologne, ce que j’ai fait régulièrement. Pour les grands animaux comme le buffle, l’éléphant ou les grandes antilopes, je suis beaucoup allé en Afrique, au Cameroun, au Gabon, au Kenya, en Tanzanie, dans les anciennes colonies françaises et anglaises. Mais j’ai cessé un jour, car ma fille, lorsqu’elle était petite, me le reprochait.

Quel plaisir de poursuivre ainsi un animal?

Chasser est un sport, on peut marcher des dizaines de kilomètres en pistant un animal. Mais le vrai plaisir est celui procuré par la nature. La chasse est souvent une solitude, et on se retrouve parfois seul face à la forêt. En Afrique, j’ai vu la planète telle qu’elle devait être depuis les origines. C’est vrai que le chasseur est dans une relation étrange avec les animaux : on ne tue plus pour la nourriture, l’industrie s’en charge désormais. Alors quand un grand animal tombe, on éprouve une sensation de nostalgie, une émotion triste. Tous les chasseurs connaissent ce sentiment curieux.

Vous avez tous les «anti»contre vous désormais.

L’espèce humaine s’urbanise de plus en plus, elle ne comprend plus la chasse. Nous sommes dans un monde où les «anti» font beaucoup de bruit, même s’ils ne représentent pas grand-chose. J’ai tout de même l’impression que les jeunes de la campagne continuent d’aimer et de pratiquer la chasse.

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Ci-dessous le lien de l’article :

http://www.lefigaro.fr/culture/2013/11/03/03004-20131103ARTFIG00028-valery-giscard-d-estaing-la-chasse-est-souvent-une-solitude.php?m_i=SfVSkXuiONQhJw10LxLszEl4WacUfSfkFAgfRIo0bZOuxfISl