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L’évidente solution de la crise climatique

J’aime beaucoup Poe, et j’ai toujours adoré La Lettre volée. J’ai du reste souvent cité cette nouvelle dans divers articles, au fil des ans, car elle contient une vérité universelle. Elle commence ainsi : « J’étais à Paris en 18… Après une sombre et orageuse soirée d’automne, je jouissais de la double volupté de la méditation et d’une pipe d’écume de mer, en compagnie de mon ami Dupin, dans sa petite bibliothèque ou cabinet d’étude, rue Dunot, n° 33, au troisième, faubourg Saint-Germain ».

Ah, comme cela commence bien ! Dupin, détective de la race des plus grands, d’Holmes à Fandorine, doit retrouver une lettre dérobée, dont la publication pourrait provoquer une guerre européenne. Les flics savent où elle se trouve – chez le voleur -, et cherchent pendant des semaines. Dès que le voleur est dehors, ils entrent chez lui, et passent au crible chaque millimètre. Mais rien. Dupin change de perspective, ce qui soit dit en passant nous rapproche du sous-titre de Planète sans visa : « Une autre façon de voir la même chose ». Et il lâche aux flics éberlués : « Peut-être est-ce la simplicité même de la chose qui vous induit en erreur ? ».

Dupin retrouve rapidement la lettre, qui était en évidence sur la table du voleur. Seulement, elle « était fortement salie et chiffonnée. Elle était presque déchirée en deux par le milieu, comme si on avait eu d’abord l’intention de la déchirer entièrement, ainsi qu’on fait d’un objet sans valeur ». Bien joué, Dupin ! Bien joué, le voleur ! On pense aussi au célèbre œuf de Colomb. L’histoire n’est peut-être pas (tout à fait) vraie, mais la voici. L’explorateur défie des invités de faire tenir debout un œuf dans sa coquille. Nul n’y réussit. Alors Colomb écrase un bout de cette coquille et assoit sur les brisures l’œuf . Il aurait même conclu ainsi : « Il suffisait d’y penser ! ».

De même avec la crise climatique ? À vous de juger. Le moteur nucléaire du grand désastre, c’est la production, la consommation, l’accumulation sans fin de milliards d’objets matériels dont nos aïeux se sont constamment passés. J’y inclus, et tant pis pour ceux qui se sentiront visés – j’en suis – le téléphone (insup)portable, internet, la bagnole – thermique ou électrique – et l’essentiel de ce que l’on trouve dans les logements et maisons. Telle est la base, et le tout est aggravé dans des proportions effarantes par un commerce mondial qui suit sa route et la suivra jusqu’à la mort de tout et de tous.

Dans les années 70, qui charrièrent aussi bien des inepties, une expression était souvent utilisée par la critique sociale. Celle d’aliénation. En l’occurrence par les objets, qui nous rendent extérieurs à nous-mêmes, et pour tout dire étrangers. Nul n’en parle plus. Tous les partis agissent comme si cette frénésie de possession était légitime. Or, elle ne l’est pas. Elle creuse une tombe comme les sociétés humaines n’en ont encore jamais connue. Qui se remplira tôt ou tard de millions, de centaines de millions de victimes.

Ma révélation du jour est donc aussi simple que la fausse énigme de La Lettre Volée. En deux parties. D’abord cette affirmation qu’il serait impossible de démentir : les objets proliférants sont devenus les ennemis de la vie. Ensuite deux questions. Pourquoi nul ne s’attaque à la dissémination démentielle des objets ? Pourquoi aucune force politique n’entend mener le combat, en priorité, contre ces inventions du diable ? N’hésitez pas à m’éclairer. J’en ai besoin.

PS : Voyez cette information toute fraîche : l’Europe – et la France, encore bravo – relance la production de charbon, combustible parmi les pires existants. Effet (de serre) garanti. Et pour quelle raison ? Pour maintenir la place désormais illimitée des objets, et leur consommation, pierre tombale des sociétés humaines. Or donc, mourir plutôt que de renoncer aux choses. Ma foi, cela ressemble fort à la psychose la plus extrême.

Y a-t-il plus fou que la NUPES ?

! Qué me duele la cabeza ¡ Oui, que la tête me fait mal. Alors que le monde s’enfonce dans un chaos climatique sans issue apparente, ceux qui devraient être au premier rang avec moi préfèrent Der Rattenfänger von Hameln. C’est-à-dire, selon le célèbre conte des frères Grimm, le joueur de flûte qui conduisit à la rivière, où ils se noyèrent, les milliers de rats qui infestaient la vie quotidienne de la ville de Hameln.

On le sait, plus sûrement on l’a oublié, mais les habitants de Hameln refusèrent de payer la somme promise au musicien, et les conséquences en furent terribles. Je vois que les gens de la NUPES, ce rassemblement de gauche – PS, PCF, Verts – autour de LFI de M.Mélenchon, ne croient pas à la sagesse des histoires anciennes.

Deux mots suffiront ce soir. Un, la France est profondément de droite, et toutes les arguties mélenchonniennes n’y changeront rien. Rappel tout proche de nos mémoires : au premier tour de la présidentielle de 2022, Mélenchon a obtenu 7 712 520 voix sur 48 747 876 inscrits. J’y ajoute volontiers deux millions de Français en âge de voter qui ne votent pas, ou plus. Soit au total près de 51 millions de potentiels électeurs. Résultat : Mélenchon obtient un peu plus de 14% de la totalité, ce qui signifie tout de même que 86% des Français en âge de voter, malgré une campagne électorale vive et bien relayée par les télés, ne l’ont pas choisi. Et le calcul est à peu près le même pour la NUPES des élections législatives. Mélenchon nie ce qui est pourtant une évidence, car autrement, il serait contraint au retour dans le bac à sable, et il n’a plus le temps de jouer. C’est maintenant, ou jamais. Il lui faut contester le réel.

Deux, on ne peut être davantage à côté de la plaque. Le fol dérèglement climatique oblige, obligerait en tout cas à tout revoir. Et à mettre en cause la prolifération d’objets matériels et cette profonde aliénation par eux qui fait tenir le tout. Le problème est plus compliqué que dans les périodes précédentes, car le front de cette guerre décisive passe à l’intérieur de nous-mêmes, smicards compris. Or, et parce qu’il est l’homme d’un désespérant passé, Mélenchon et ses amis préparent une marche « contre la vie chère », au cours de laquelle on réclamera comme de juste plus de pouvoir d’achat, de manière à aggraver encore le dérèglement climatique. Si nous avions du temps devant nous, je me contenterais sûrement de commisération. Mais en ces temps si graves pour tous, je dois confesser que je les maudis. Que je maudis leur contribution nette – et elle est élevée – au désastre en cours.

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Un article mien publié en mai 2022

Comment parler aux smicards ?

Puisque c’est comme cela, parlons des législatives. Je me dois de préciser un point pour éviter des lettres pénibles de lecteurs. Je suis pour la distribution radicale des richesses, et il m’arrive de rêver encore d’un monde sans Dieu, ni César, ni tribun. Je me souviens très bien de ma mère, gagnant seule, pour elle et ses cinq enfants, quelque chose comme 800 francs par mois au début de 1968. Si donc quelqu’un a envie de me (mal)traiter, qu’il tienne compte de ces mots.

Et maintenant, voyons ensemble cette revendication de la gauche désormais unie : 1400 euros nets pour le smic mensuel. Qui pourrait être assez salaud pour écrire que c’est trop ? Hélas, le problème n’est pas celui-là. Du tout. D’abord, la question de la justice est universelle. Elle concerne aussi bien le sous-prolétariat français que les milliards de gueux de la planète, dont cette gauche ne parle jamais. Jamais. D’un point de vue planisphérique, les pauvres de chez nous sont les riches du monde. Ça embête, mais c’est un fait qui n’est pas près de disparaître. Que quantité d’immondes aient beaucoup, beaucoup plus, n’y change rien.

Donc, dès le premier pas, considérer le monde réel, et pas notre France picrocholine. Ensuite, réfléchir à cette notion largement utilisée dans les années 70, et malheureusement disparue : l’aliénation. Par les objets. Par la possession frénétique d’objets matériels qui déstructure l’esprit, rompt les liens de coopération, enchaîne dans une recherche jamais comblée de choses. Lorsque je tente de voir les êtres et leurs biens avec mes yeux d’enfant, je me dis fatalement que « nos » pauvres disposent de béquilles dont nous n’aurions jamais osé rêver : des bagnoles, des ordinateurs, des téléphones portables. Moins que d’autres ? Certes. Mais cette route n’en finira jamais.

À quoi sert de distribuer de l’argent dans une société comme la nôtre ? Même si cela heurte de le voir écrit, une bonne part de ce fric irait à des objets ou consommations détestables, qui renforcent le camp de la destruction et du commerce mondial. Qui aggravent si peu que ce soit le dérèglement climatique. Je crois qu’on devrait proposer tout autre chose. Un gouvernement écologiste, pour l’heure chimérique, s’engagerait bien sûr auprès des smicards.

Il s’engagerait aussitôt, mais en lançant un vaste plan vertueux. On créerait un fonds abondé sur le coût pour tous des émissions de gaz à effet de serre. L’industrie paierait, mais aussi le reste de la société, à hauteur des moyens financiers, bien sûr. Ce fonds garantirait à tous les smicards – et donc à leurs enfants – l’accès permanent à une alimentation de qualité, bio, locale autant que c’est possible. À un prix décent, c’est-à-dire bas.

Ce serait un merveilleux changement. La santé publique en serait sans l’ombre d’un doute améliorée. L’obésité, cette épidémie si grave, régresserait fatalement, ainsi que le diabète et tant d’allergies. Quant à l’industrie agroalimentaire, elle prendrait enfin un coup sérieux. Au passage, une telle volonté finirait par créer des filières économiques solides et durables. Car à l’autre bout se trouveraient des paysans. De vrais paysans enfin fiers de leur si beau métier. À eux aussi, on garantirait un avenir.

Parmi les questions les plus graves de l’heure, s’impose celle de la production alimentaire. Tout indique que les sols épuisés de la terre ne suffiront pas longtemps à (mal) nourrir le monde. La France, qui fut un très grand pays agricole, se doit d’installer de nouveaux paysans dans nos campagnes dévastées par la chimie de synthèse et les gros engins. Combien ? Disons 1 million. Ou plus. Le temps d’un quinquennat. C’est ainsi, et pas autrement qu’on aidera à faire face à ce qui vient et qui est déjà là. Le dérèglement climatique est une révolution totale.

Pour en revenir aux smicards, qui souffrent je le sais bien, sortons ensemble des vieux schémas. Inventons ! Faisons-les rentrer en fanfare dans cette société qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Mais pas au son de la frustration et des sonneries de portables.

M.Macron, la sécheresse et la bataille de Marignan

Pour commencer, lisons ensemble ce communiqué de la Commission européenne, qui nous annonce – sans grande surprise – que la sécheresse de cette année est la pire que l’Europe ait connue depuis 500 ans. Bien sûr, les bureaucrates de Bruxelles ne savent pas vraiment ce qu’ils écrivent, car où seraient les sources précises et fiables d’il y a cinq siècles ? Peut-être aurait-il fallu parler de mille ans, ou de la naissance de Jésus-Christ ? N’importe, c’est tout de même fracassant.

Si l’on en reste au calcul strict, 500 ans en arrière, cela renvoie à l’an 1522. Que se passe-t-il alors sur notre Terre ? En mars naît au Japon l’un des grands samouraïs de l’Histoire, Miyoshi Nagayoshi. Mais aussi, en novembre, un certain Albèrto Gondi, dont l’un des descendants sera l’inoubliable cardinal de Retz, auteur de formidables Mémoires sur Louis XIV. Autre naissance, certainement en 1522, notre poète national Joachim du Bellay, ami de Ronsard. Sur un plan plus général, un certain Gil González Dávila est le premier Européen à « découvrir » le Nicaragua et le lac du même nom, merveille de toutes les merveilles. En juin, les Portugais installent leur premier comptoir commercial dans les îles de la Sonde, à Ternate, qui se situe à l’est de l’Indonésie. En septembre, Juan Sebastián Elcano est de retour à Sanlúcar de Barrameda, à l’embouchure du Guadalquivir, après trois folles années passées dans l’expédition de Fernão de Magalhães, c’est-à-dire Magellan.

Je pourrais continuer, car il s’en passe, des choses, en 1522, et même une terrible crue de…l’Ardèche en septembre. Mais moi qui ai assez peu connu l’école, je préfère encore me souvenir de ce qu’on me racontait lorsque j’étais en cours moyen première année : Marignan. Cela ne tombe pas pile poil – à sept ans près -, mais de vous à moi, faut-il barguigner ? Marignan, 1515. Cela devait venir instantanément à la première question posée. Marignan, 1515. Comme chef-lieu du Cantal Aurillac. Ou chef-lieu du Finistère Quimper, et non Brest, abruti que j’ai pu être.

Donc, Marignano à une quinzaine de kilomètres de Milan, le 13 septembre. L’armée de notre roi bien-aimé François Ier – il vient d’avoir 21 ans – affronte avec ses supplétifs de Venise des mercenaires suisses qui défendent le duché de Milan. Oui, il faut suivre. En 16 heures de combat, 16 000 hommes sont tués. Mille trucidés à l’heure, on a fait mieux depuis. L’important, c’est que François sort vainqueur de l’affrontement. Qu’a-t-il gagné ? Ou plutôt, qu’auront pour l’occasion gagné les peuples, au-delà de ce perpétuel devoir de creuser des tombes ? On ne sait plus.

Mais où veux-je en venir ? Eh oui, où ? Notre insignifiant Macron est confronté devant nous à une tâche qu’il n’accomplira pas, car il n’a pas, même lorsque ses petites ailes sont déployées, l’envergure qu’il faudrait. Et ne parlons pas des si faibles évanescences de son entourage direct. Toutes. Qui oserait prétendre qu’en 2522, si la vie des humains s’est poursuivie jusque là, on aura encore un mot pour eux ? Pour lui ? Ils sont encore là qu’ils sont déjà oubliés, ce qui ne présage rien de bien réjouissant pour eux. Pour cette armée d’ectoplasmes agitant au-dessus de leurs courtes têtes des épées en carton dont je n’aurais pas voulu à dix ans.

Non, Macron ne fera rien, et pour de multiples raisons. D’abord, bien sûr, il n’a strictement rien vécu, et cela se ne se remplace pas. Il est né dans une famille riche, a grandi dans l’ouate la plus onctueuse qui se peut trouver, a fait les études qu’on attendait de lui, lu les quelques livres barbants qui lui étaient nécessaires, rencontré les seules personnes qui méritaient de l’être, est devenu banquier d’affaires, s’est mis dans les pas d’un clone de lui-même, avec trente ans de plus que lui – Jacques Attali, roi des faussaires -, et ensuite a fait de la politique. Pas pour régler des problèmes. Plus sûrement pour éprouver ce sentiment de gloire personnelle et de pouvoir. Et à l’époque, cela s’appelait parti socialiste, dont il a été membre des années, même si tous l’ont oublié. Dans la suite, ainsi qu’on a vu, il a chantonné sous sa douche l’air de la rupture et des temps nouveaux, puis répété le même exaltant message devant des foules compactes et, soyons sincère, imbéciles, et il l’a emporté sur ce pauvre couillon nommé Hollande – le roi définitif des pommes -, avant de coiffer tout le monde sur le poteau.

La deuxième raison qui nous garantit son inaction est reliée à la première. Il n’a pas eu le temps. Quand on passe sa vie à rechercher les moyens de gagner sur les autres, on n’en a pas pour connaître ceux qui aideraient ces autres à vivre moins mal. Et dans ces autres, je considère avant tout les gueux de ce monde si malade, qu’aucun politicien vivant en France n’évoque jamais. Le paysan du Sénégal courbé sur sa houe. Le Penan du Sarawak qui clame sans que nous l’entendions qu’il n’est plus rien sans la forêt que nos lourdes machines assassinent. Les Adivasi de l’État indien du Chhattisgarh, dont les terres anciennes deviennent des mines d’or. Les dizaines de millions de mingong de Chine, ces oubliés de l’hypercroissance. Et dans ces autres, je mets au même plan – mais oui, car l’un ne va pas sans l’autre – la totalité de ces formes vivantes qui partent au tombeau.

Qui meurent parce que les Macron du monde entier ont fabriqué voici un peu plus de deux siècles – la révolution industrielle – une organisation économique barrant tout avenir désirable aux sociétés humaines. Macron, qu’on se le dise, n’a JAMAIS lu le moindre livre sur la crise écologique planétaire. Des notes de synthèse, écrites par quelque conseiller, sans doute. Mais son esprit ne saurait dévier du cadre dans lequel s’est formé son intelligence, si réduite au regard des questions réelles. Il ne peut pas. Il ne pourra pas. Ce serait se suicider intellectuellement et moralement.

Le rapprochement avec le De Gaulle de 1940 est éclairant. Cet homme est alors général de brigade – à titre provisoire -, et sous-secrétaire d’État à la Guerre. Et comme il est à sa façon un géant, il va trouver la ressource inouïe de rompre. Avec tout ce qui a été sa vie. Il va avoir cinquante ans, et sa jeunesse a baigné dans une ambiance provinciale rance, faite de maurrassisme et de royalisme, d’antisémitisme même. En 1940, il est encore un homme d’ordre et d’une droite profonde, assumée. Et pourtant ! Il part à Londres entouré au départ par quelques dizaines de partisans dépenaillés. Pas mal de gens de droite. Quelques autres de gauche. Vichy le condamne à mort par contumace. Saisit ses biens. Il est seul, il n’a jamais été et ne sera jamais plus beau.

Alors, Macron, quoi ? De Gaulle, malgré sa grandiose entreprise, ne rompt pas vraiment. Il estime, avec quelque raison, que ce sont les autres qui ont abandonné la France éternelle en rase campagne, face aux chars d’assaut de Guderian. Car lui en tient pour cette grande mythologie nationale, qui convoque à elle Clovis, Charles Martel, Jeanne d’Arc. Il représente à lui seul cette Grandeur, laissée sur le bord de la route par les infects Pétain et Laval. Il relève un gant tombé dans les ornières laissées par les envahisseurs. Mais cela lui est facile ! Oui, facile ! Écrivant cela, je sais que c’est faux, bien entendu. L’arrachement a dû être une torture mentale pour lui. Mais je veux signifier qu’il disposait d’un cadre dans lequel placer ses interrogations et sa bravoure. La France. Le grand récit national. L’éternité. Il n’avait pas besoin en lui d’une révolution morale. Il avait besoin d’une témérité sans égale. Et il en disposait.

Macron-le-petit n’a rien de cela. Il ne peut s’accrocher à une vision, à un avenir, à un passé, car rien de tout cela n’existe en son for. Il admire l’économie en benêt, la marche des affaires, les échanges commerciaux. Dans un présent perpétuel qui est exactement ce qui tue la moindre perspective. Il ne peut ni ne pourra. Il lui faudrait une force dont il ne dispose pas. Il lui faudrait tout revoir, tout réviser, tout exploser même. Il lui faudrait s’attaquer à des structures qu’il aura sa vie durant contribué à renforcer. Or, qui ne le voit ? Il n’a que peu de qualités profondes. Je mesure à quel point ces mots peuvent paraître durs. Mais franchement, quelle qualité essentielle attribuer à un homme comme lui ? La verriez-vous ? En ce cas, éclairez-moi.

Nous voici donc face à un événement que la Commission européenne définit comme historique. Moi, je ne dirai jamais cela, car c’est incomparablement plus vaste et plus complexe. Le mot Apocalypse me vient spontanément, qui ne signifie nullement fin du monde, mais bel et bien « Révélation ». Et oui, dans ce sens-là, la sécheresse de 2022 est la révélation de ce qui nous attend, et qui sera bien pire. Le grand malheur dans lequel nous sommes tous plongés, c’est qu’aucun politique de quelque parti que ce soit ne vaut davantage que Macron. Je sais que beaucoup placent leurs espoirs en Mélenchon, que j’ai tant de fois écartelé ici. Mais qu’y puis-je ? Nous avons besoin d’une nouvelle culture, de nouvelles formes politiques adaptées à des problèmes que les humains n’ont encore jamais rencontrés, en évitant de remplacer des politiciens par d’autres politiciens, car tous finissent toujours par se valoir.

Nous avons besoin d’un surgissement. Nous avons besoin de sociétés enfin éclairées, échappant enfin aux redoutables crocs des idées mortes – oui, la mort mord -, décidées à l’action immédiate, qui ne peut être basée que sur l’union massive, autour du seul mot qui ne nous trahira pas : vivant. Oui, nous devons nous battre ensemble pour le vivant. Et le vivant, en France, dans la Géhenne de cet été brûlant, est très souvent mort de soif. Ne pensez pas toujours à vous et à vos proches, bien que j’en fasse autant que vous. Pensez aux hérissons, fouines, renards, libellules, mantes, guêpes et abeilles, grenouilles et poissons, circaètes et moyens-ducs, aux chevreuils et cerfs, aux papillons, pensez aux arbres et à ces milliards de plantes qui ont brûlé au soleil ou au feu. Leur terrible destin nous oblige tous. Il nous oblige. Il faut lancer un seul et unique mouvement. Vivant. Le mouvement Vivant.

Nos chasseurs oseront-ils en profiter ? (Appel à la trêve)

Les animaux sont morts. Beaucoup sont morts, carbonisés par la sécheresse démoniaque que nous avons déclenchée pour quelques portables de plus. Il ne faut pas rêver : quand un chevreuil, un cerf, un sanglier ne trouvent plus d’eau, ils meurent. Et ce qui vaut pour eux vaut pour tous les animaux, du blaireau à la mante religieuse, de la martre au ver de terre, du hérisson au sublime machaon. Et ceux qui n’en meurent pas tout à fait sortent de cette saison en enfer affaiblis, meurtris, parfois mourants.

Nul ne décrira jamais ce qui leur est arrivé. Cette gigantesque guerre de tous contre tous, dans laquelle la canicule faisait si peu de prisonniers. Nous ne savons pas parler d’eux. Nous ne savons pas nous lever en leur nom, pauvres humains que nous sommes. Je me demande tout de même ce qui va se passer pour eux le mois prochain. Car septembre, c’est l’ouverture de la chasse, et des millions de morts en plus dans des populations déjà fracassées par le cataclysme. Sauf si.

M.Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) osera-t-il lâcher ses hordes sur les survivants ? Le président Emmanuel Macron donnera-t-il une fois de plus priorité à ses grands amis de la chasse industrielle ? Tout reste possible, car nous avons une arme (pacifique, elle) entre nos mains : la société. Je lance ici un appel à mes amis de l’Association pour la protection des animaux sauvages, à ceux de Ferus, de Mille Traces et à tant d’autres. Il faut arracher un moratoire. Il faut empêcher l’ouverture de la chasse en septembre, de manière à épargner nos frères animaux dans la détresse.

Unissons nos forces ! Lançons un mouvement irrésistible ! Que pas un animal ne soit tué par un chasseur dans les conditions horribles où nous sommes.

Le nucléaire, l’Ukraine et les sales cons

Vous le savez sans doute, sauf si vous avez coupé tous les fils : ça craint. Les Russes de Poutine accusent les Ukrainiens de Zelensky – et réciproquement – de tirer à l’arme lourde sur la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande de toute l’Europe. On commence à se demander si tout cela ne va pas se transformer en un nouveau Tchernobyl, en pire peut-être. Pas seulement les opposants de toujours et de chaque minute, comme moi, mais également les nucléocrates, y compris Français, qui ont lancé ce minable défi à l’aventure humaine il y a quelques décennies.

Les cons. Désolé, je ne vois d’autre mot pour désigner ces truffes. Les grands ingénieurs des Mines ? Des cons. Les anciens patrons d’EDF depuis les années soixante ? Des cons. Pierre Messmer, qui lança en 1974 – il était Premier ministre – le “grand” programme électronucléaire français ? Un con. Giscard d’Estaing, alors président de la République, promettant en 1980 que grâce à Superphénix, la France deviendrait l’Arabie saoudite de l’électricité nucléaire ? Un con.

Ils ont tous contribué à créer une industrie qui nie sans détour l’homme et ses petitesses, l’histoire, les sociétés. La centrale nucléaire de Zaporijjia – six réacteurs – a été bâtie entre 1985 et 1995, et se retrouve déjà sous le feu d’une guerre sans merci. En France, l’usine de retraitement de La Hague a été mise en service en 1966, après une opération-mensonge qui fit croire aux habitants qu’on construisait non pas un monstre, mais une usine de casseroles. La Hague produit surtout des déchets, promis à une durée de vie qui nous rapproche de l’idée d’immortalité.

La France, en seulement 25O ans. La révolution française et ses guerres, Napoléon premier et ses guerres, Napoléon III et ses guerres, la boucherie de 14-18, le désastre absolu de juin 1940. Et ils ont construit dans notre dos des cibles derrière lesquelles nous sommes. Ah ! les cons.