Archives mensuelles : mars 2022

M.Mélenchon, la Chine et la Russie

Je remets en service ce papier de novembre 2021, quand on ne parlait pas encore, par chance, de Poutine et de l’invasion de l’Ukraine. Avais-je si tort ? M.Mélenchon avait-il bien raison ? On jugera.

—————————————————–

L’article :

Il est certain que je n’aime guère le parcours de ce monsieur Mélenchon, que suivent néanmoins tant d’excellentes personnes. Je n’aime pas ses années dans le groupe nommé OCI, pour Organisation communiste internationaliste, car on y pratiquait le sexisme le plus bas, la triche aux élections universitaires, la violence contre tous ceux jugés gênants, et jusqu’au refus dédaigneux de participer au mouvement de mai 1968. Je n’aime pas davantage ses 31 ans passés au parti socialiste, où il aura pu exercer les pratiques apprises plus tôt. Avant de devenir ce qu’il a toujours été : un politicien professionnel.

Mais baste ! Il est écologiste, n’est-ce pas ? Eh bien non. Il est écologiste comme Mitterrand – son héros, je le rappelle – prétendait terrasser le capitalisme. Je ne doute pas qu’une partie de lui est sincère, mais laquelle, et jusqu’où ? J’ai été une nouvelle fois frappé par ses déclarations au sujet de la Chine, et de la Russie. En octobre 2012 – neuf ans déjà -, il estimait ceci : « Je considère que le développement de la Chine est une chance pour l’humanité ». Et le voilà maintenant qui se livre à de surprenants développements « géostratégiques ».

D’abord le 20 octobre dernier, face au journaliste Jean-Jacques Bourdin, il assure que « les Chinois n’ont pas l’intention d’envahir Taïwan, mais si Taïwan se déclare indépendant, alors il est possible que la Chine, à juste titre, trouve qu’une ligne rouge a été franchie ». C’est déjà très extraordinaire, car j’ai un peu honte de rappeler que la Chine est un État totalitaire. Taïwan, par ailleurs, a une histoire fort complexe, au cours de laquelle des peuples aborigènes ont été envahis par des Chinois venus du continent. L’île a aussi été vendue au Japon en 1895 avant de redevenir « chinoise ». Dans ces conditions, pourquoi M.Mélenchon, qui ne connaît rien à la situation, prend-il le parti de la dictature en justifiant à l’avance une invasion ?

Le 11 novembre, M.Mélenchon accorde un entretien au Figaro, et déclare : «Je ne crois pas à une attitude agressive de la Russie ni de la Chine. Je connais ces pays, je connais leur stratégie internationale et leur manière de se poser les problèmes. Seul le monde anglo-saxon a une vision des relations internationales fondée sur l’agression. Les autres peuples ne raisonnent pas tous comme ça ». De nouveau, c’est très singulier. La Chine, en effet, est l’histoire même d’agressions contre les autres peuples et de conquête de territoires.

L’origine de l’expansion chinoise se situe dans le bassin intérieur du fleuve Jaune, et pendant des siècles, les guerriers chinois n’ont fait qu’avancer, ajoutant à l’Empire des provinces comme la Mongolie intérieure, la Mandchourie, le Xinjiang, le Tibet. Quant à la Russie, n’a-t-elle pas conquis l’Asie centrale, la Sibérie, le Caucase, pratiquement annexé les pays baltes ? Et ne parlons pas des pays de l’est de l’Europe après 1945, privés de liberté par la seule présence de l’Armée rouge, ou l’Afghanistan. Dans ces conditions, est-il vrai que M.Mélenchon connaît bien ces pays ?

Reposons la question : est-il écologiste ? S’il le croit, franchement, c’est qu’il est mal informé sur lui-même. Car la Chine est le plus terrible ennemi existant des écosystèmes. Bien entendu, le capitalisme, les transnationales, notre hyperconsommation de biens matériels, Macron, Biden et tous autres participent aussi à la destruction du monde. Mais la Chine pose des problèmes immédiats d’une autre nature. Une partie notable de son 1,4 milliard d’habitants veut consommer comme chez nous. Aussi stupidement. Aussi irresponsablement.

Car ce n’est possible qu’au prix d’une accélération mondiale vers le collapsus écologique. La Chine, pour commencer, ne dispose que de 9% des terres arables de la planète et doit nourrir 22% de la population mondiale. Avec de plus en plus de viande, ce qui impose des surfaces colossales de pâturages et de cultures pour nourrir les animaux. Qui n’existent pas en Chine. Telle est l’une des raisons, avec le pétrole et le gaz, qui a poussé la Chine totalitaire à s’imposer en Afrique, du nord au sud et de l’ouest à l’est, à y accaparer des terres par millions d’hectares, à y vendre massivement ses colifichets, à y construire routes, ports et chemins de fer, à câliner des élites qui connaissent de longue date le délice des comptes secrets. La Chine en Afrique ? C’est notre Françafrique des années 60, à la puissance dix.

Si vous avez le moindre doute, et si vous comprenez un peu l’anglais, je vous en prie, lisez ceci. Je n’ai pas le temps de plus détailler. Mais la Chine est partout où il est question de saloper le monde. Les forêts du Cambodge et du Laos, si uniques, sont dévastées par ses bûcherons, et tant d’autres par le monde, jusqu’en Sibérie, jusqu’au Guyana, jusqu’en France, d’où l’on expédie nos plus beaux hêtres. Le fleuve Mékong, l’une des grandes merveilles du monde, est en train de mourir, barbelé de quantité de barrages hydro-électriques dont l’énergie est aussitôt envoyée en Chine. Même l’Arctique, le fond de l’océan Arctique, avec son pétrole et son gaz, est devenu une cible.

Et cela ne suffit pas. Et cela ne suffira jamais. En dehors de la dévastation de la Grande Prairie américaine par les pionniers – et ses suites -, je ne vois guère d’équivalent dans l’histoire des hommes. Pour en revenir à M.Mélenchon, écologiste, vraiment ? Qui est incapable de comprendre le rôle si majeur de la Chine mérite-t-il le qualificatif ? Hum.