Du calme, car nous en aurons bien besoin. L’avenir n’étant pas écrit, je vous propose aujourd’hui, à contre-emploi certes, trois leçons d’optimisme concret. Tout arrive donc à qui sait attendre : la preuve ci-dessous.
1/Living the Good Life. Il y a de cela un sérieux moment, Katia Kanas m’a fait un cadeau. Katia est l’actuelle présidente de Greenpeace France, et je la connais depuis vingt ans. Ne me demandez pas comment c’est possible. C’est possible. Un jour, elle m’a parlé d’Helen et Scott Nearing. « Tu sais quoi, on n’a rien inventé du tout. Tu connais The Good Life ? ». Non, je ne connaissais pas. Jamais entendu parler. Alors elle m’a parlé d’un couple d’Américains gonflés à bloc, Helen et Scott, qui au début des années Trente du siècle passé ont fait leur baluchon, pour la raison simple que le monde de la Grande Dépression commençait à sérieusement leur déplaire. Ils étaient de New-York, et avaient décidé ce que nous appellerions nous un retour à la terre. Bon, j’ai mis longtemps à trouver ce livre, qui n’a jamais été traduit. Pour les Parisiens, sachez que j’ai passé commande à un libraire canadien (The Abbey Book Shop, 29, rue de la Parcheminerie 75005 Paris), remarquable pour les recherches spéléologiques.
Quand il a eu trouvé la bête, j’avais oublié. Je suis venu la chercher – eh, cette librairie est sensationnelle ! – et j’ai lu. Mazette, ça c’est un livre. Helen et Scoot auront passé 20 ans dans le Vermont, après avoir acheté une ruine de ferme, faite de bois pourri. Bâti une maison en pierre, reçu des centaines d’amis, joué de la flûte le dimanche, mangé ce qu’ils cultivaient sur place, parcouru les bois enneigés grâce à des chevaux endurcis. Cette expérience de vingt années a tout simplement marché, et même triomphé. Je n’ai pas relu le livre, qui est en cet instant sur ma table. Mais voilà la citation que je trouve sur la jaquette, présentée comme venant de la Chine d’il y a 4500 ans : « When the sun rises, I go to work,/When the sun goes down, I take my rest,/I dig the well from which I drink,/I farm the soil that yields my food,/I share creation, Kings can do no more ». Je ne traduis pas dans le détail. Elle dit que même les rois ne peuvent mieux faire que ceux qui vivent dans la simplicité des jours.
2/Un jardin dans les Appalaches. C’est un livre signé par la romancière Barbara Kingsolver, aidée de son mari et d’une de ses filles, paru en février 2008 (Rivages). Kingsolver est peut-être légèrement filoute, je ne saurais être plus affirmatif. N’aurait-elle pas senti un filon ? Mais son livre reste formidable. Au début, elle nous parle de ce désert de l’Arizona où elle et sa famille ont vécu une vingtaine d’années. Cinglé. L’eau arrive de centaines de kilomètres. Pratiquement aucun aliment n’est produit dans un rayon de 100 kilomètres. Or Steven, le mari, a une propriété dans le sud des Appalaches, sur l’autre bord de l’Amérique. Là où il pleut encore. Là où l’herbe pousse. Ils partent, et recommencent leur vie. Le livre est le récit d’une année où la famille redécouvre tout. Le temps et la saison. Le bonheur de l’asperge. Les oeufs. Les serres. Les recettes mitonnées. Le potager. C’est un hymne, un beau chant à l’agriculture biologique, au manger local, à la révolution de la vie quotidienne. Mais ça vaut 23 euros, ce que je trouve cher. Pas pour moi, pour d’autres.
3/David Rosane m’a envoyé hier copie d’un article du New York Times (ici). Si vous lisez l’anglais, pas d’hésitation ! Will Allen, un Black resplendissant, vient de recevoir un prix de la fondation John D. and Catherine T. MacArthur. 500 000 dollars, ce qui n’est pas rien. Allen a quitté en 1993 Procter et Gamble – tout ce qu’on aime : détergents, produits d’entretien, nourriture pour chat, merde en gros – pour créer dans la banlieue de Milwaukee une sorte de ferme. Sorte de. Il s’agit surtout de vastes serres qui produisent au total, chaque année, 500 000 dollars – même montant que la récompense – d’une bouffe abordable et de bonne qualité. Des légumes, des fruits, de la viande, du poisson. C’est donc une véritable entreprise qui emploie trois douzaines de maraîchers et fermiers. Le compost est à l’honneur, comme le lombric. Les déchets servent aussi à fabriquer de l’énergie.
Ce mec de 59 ans n’est pas qu’un fermier. C’est un lutteur. Un utopiste concret comme il nous en faudrait un million en France. Lisez plutôt ce qu’il a déclaré au Times : « The movement I am part of is growing food and justice, and to make sure that everyone in the world has access to healthy food ». Ma traduction : « Le mouvement auquel j’appartiens produit à la fois de la nourriture et de la justice. Pour être sûr que chacun dans ce monde dispose d’une alimentation de qualité ».
Et voilà le travail. Que les lecteurs de ce blog qui me reprochent parfois de ne rien proposer en prennent de la graine. Bio. Tel est le chemin. Il n’y a plus qu’à marcher.