Archives mensuelles : avril 2009

Les (faux) mystères de Veracruz (sur la grippe porcine)

Une histoire de fou. De fou parce que vraie, comme si souvent. Je vous parlais ce matin même du combat pour le mot juste. De la manière dont on était passé de l’expression sustainable development à celle, qui n’a rien à voir, de développement durable. Eh bien, cela n’a pas traîné : une nouvelle bagarre mondiale vient de commencer. Faut-il, oui ou non, parler de grippe porcine à propos de ce qui se passe au Mexique et désormais partout ?

La Commission européenne, redoutant un effondrement des marchés du porc, réfute en bloc l’expression, et tente d’en faire avaliser une autre par l’opinion. Il vaudrait mieux parler de « nouvelle grippe ». Rigoureusement sic. Et ce n’est probablement qu’un début, on verra bien. Pour ma part, je ne dispose évidemment d’aucune information confidentielle sur la réalité de ce nouveau drame. Mais je me renseigne, ma foi. Si, par bonheur pour vous, vous connaissez la langue espagnole, lisez sans attendre ce pénétrant article de l’association Grain, dont je ne pourrais jamais dire tout le bien que j’en pense (ici).

Extrêmement documenté, en vérité implacable, il démontre ce que nous sommes un certain nombre à savoir. L’élevage concentrationnaire des animaux d’élevage est un lieu idéal pour la circulation des maladies. Il est un espace parfait pour la recombinaison génétique  des virus, et jusqu’à preuve du contraire, il y a bien eu recombinaison. Incluant, n’en déplaise aux marchands, un virus de grippe porcine.

Peut-être le savez-vous déjà, mais le premier cas de grippe porcine rapporté au Mexique est celui d’un gamin de quatre ans de La Gloria, un gros village proche de la ville de Perote, dans l’État mexicain de Veracruz. Or il se passe des choses terribles à La Gloria depuis qu’un gigantesque élevage  de porcs, Granjas Carroll, s’est installé sur place. Il s’agit d’une filiale du géant de l’Américain Smithfield Foods, plus gros producteur mondial de porcs.

Ce qui est proprement insupportable, c’est que les habitants de La Gloria – 3 000 habitants – se plaignent depuis des années des pollutions de la porcherie et depuis des mois d’un syndrome grippal qui défie l’entendement. Le quotidien La Jornada a même publié le 4 avril un article apocalyptique (ici), donc près d’un mois avant l’alerte en cours. Eh bien, lisez et relisez ce qui suit : à cette date, trois enfants étaient morts, et 60 % de la population locale souffraient d’affections respiratoires diverses, souvent atypiques. 60 % !  Commentaire du journaliste de La Jornada : « Los pobladores atribuyen la aparición de las infecciones a la contaminación generada por los criaderos de cerdos de la trasnacional Granjas Carroll ». Les habitants, qui ont d’excellentes raisons de le penser, attribuaient l’origine de leurs infections à la présence de la porcherie industrielle Granjas Carroll.

J’arrête là, car je ne suis pas devin. Peut-être s’agit-il d’un autre foyer, d’un autre virus, d’une autre tragédie que celle dont on nous parle en boucle, bien que j’en doute. Ce qui demeurera certain, c’est la volonté – là-bas comme ici – de ne surtout pas toucher à l’ignoble modèle de la bidoche industrielle. Et de cela, nous reparlerons, croyez-moi.

PS : Christian Berdot me signale que l’article de Grain cité plus haut est en français à l’adresse suivante : http://www.grain.org/articles/?id=50

La politique de l’oxymore (sur le « développement durable »)

Ce n’est pas le livre le plus rigolo de la saison, mais sa lecture renforce le sentiment qu’il faut sortir du cadre. En tout cas chez moi. Mais peut-être n’y a-t-il plus de cadre ? Peut-être que tout tient à jamais dans ce cadre-ci ? Comme je n’ai pas envie – envie, je confirme – de le croire tout à fait, je préfère une seconde penser au printemps. Je sais trop le reste pour m’apesantir encore sur l’hiver de la pensée.

Et ce livre ? La politique de l’oxymore, de Bertrand Méheust (Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte). Il est court – 160 petites pages – et ne coûte que 12 euros, un prix à peu près raisonnable. Je ne le trouve pas renversant, et j’espère que l’auteur ne m’en voudra pas de dire simplement ce que je pense. Il n’est pas renversant, mais il peut utilement servir à décoincer par ci par là quelques neurones. Et quel livre d’aujourd’hui peut en dire autant ?

Je rappelle pour commencer qu’un oxymore est une contradiction dans les termes, quelque chose qui ne se peut. Méheust en cite beaucoup, un peu trop peut-être, dont ce si fameux « développement durable », qui est assurément l’un des plus beaux. L’expression, opportunément mal traduite de l’anglais, signifiait au point de départ « développement soutenable ». Je le sais parce que je le sais. Mais je le sais aussi parce que je possède le rapport dit Brundtland, dans une version québécoise qui fait autorité (Notre Avenir à Tous, Les Éditions du Fleuve, 1989).

Le développement durable dont on nous rebat les oreilles chaque jour est en fait Sustainable development. Et croyez-moi, cela change tout. Car le développement soutenable renvoie à des notions écologiques imparables. Un écosystème est ou non capable de soutenir tel ou tel usage. Il n’appartient pas à l’homme, même si celui-ci peut évidemment le détruire, ce dont il ne se prive pas. Sustainable development est une vision riche, exigeante, des relations entre l’homme et la nature. C’est d’emblée une notion problématique et incertaine, qui oblige en permanence à s’interroger. Le développement durable, lui, est devenu la tarte à la crème des innombrables tartuffes de ce monde, qui entendent faire durer le développement jusqu’à la fin de tout ce qui bouge sur terre.

Ne croyez pas ce débat philologique anodin. Il est central. Je ne sais qui a réalisé le tour de passe passe autour de l’expression Sustainable development. Je ne sais s’il a été volontaire, organisé, planifié peut-être. Il me semble que c’est possible. Dans tous les cas, on voit bien que les assassins de la vie se battent autour des mots comme s’ils en avaient – eux, et pas nous, hélas – compris toute l’importance. Voyez le mot biocarburant ! Je sais bien que certains écologistes sont fiers d’avoir à moitié imposé le mot agrocarburant, que tant de gens ne comprennent pas. Mais enfin, est-ce une victoire ? La véritable réussite aurait été de pouvoir nommer ce crime de la manière adéquate. Et il n’en est qu’une : nécrocarburant.

Autre exemple auquel je viens de m’intéresser : le sort des animaux. Dans les coulisses, une bagarre étonnamment vive oppose les tenants du « bien-être » animal à ceux de la simple « bientraitance », affreux néologisme qui dissimule – mal – le refus de considérer la souffrance des animaux. D’ailleurs, un combat parallèle et complémentaire se livre entre ceux qui osent parler de la souffrance du cochon ou du poulet et ceux qui veulent réserver ce mot à l’espèce humaine, lui préférant en l’occurrence celui de douleur, qui élimine toute allusion à des formes de conscience chez l’animal.

Bon, je me suis un peu éloigné, vous avez l’habitude. Pour la peine, un extrait intéressant du livre de Méheust : « Avant d’aller plus loin (…), un fait qui me semble absolument capital pour l’intelligence de notre problème : un univers mental cherche toujours à persévérer dans son être et ne renonce jamais de lui-même à lui-même si des forces extérieures considérables ne l’y contraignent pas. Je crois que l’on trouvera difficilement dans toute l’histoire universelle un seul exemple vraiment convaincant d’un tel renoncement ».

L’italique de la citation appartient à la citation, bien entendu. Et, faut-il l’ajouter ? je suis d’accord avec Méheust. Il va falloir mettre en mouvement des forces considérables.

Faut-il trembler ? (sur la grippe porcine et Olivier de Serres)

Ce lundi, je m’éveille en pensant aux porcs, qui sont de drôles d’animaux. Qui sont de grands sensibles. Qui sont des êtres sensibles et intelligents, comme chacun devrait le savoir. Or une funeste recombinaison génétique, qui proviendrait d’eux, via les élevages qu’on connaît ou qu’on imagine, semble menacer l’humanité d’une pandémie de grippe d’autant plus délicate qu’on ne sait pas grand chose d’elle.

À quand un Grenelle de l’élevage industriel ? Je ne suis pas sûr que nos Excellences n’aient pas déjà songé à une farce supplémentaire. Quoi qu’il en soit, deux choses. Je vous renvoie à un mien article, publié ici en décembre 2007 ( lire ici). J’y parlais du MRSA, une saloperie qui a tué plus d’Américains en 2006 que le sida. Et qui vient, vous l’aurez deviné, du cochon, chez qui tout n’est pas bon.

La deuxième chose que je voulais vous signaler est une lecture. Nous sommes en plein progrès, n’est-ce pas ? Les mœurs sont de plus en plus douces, les relations entre humains de plus en plus pacifiques, et le traitement que nous réservons aux animaux s’améliore de jour en jour. Pas vrai ? Une lecture, donc. À la charnière entre Moyen Âge et révolution industrielle, l’extraordinaire Olivier de Serres crée, dans l’Ardèche actuelle,  une ferme modèle dans laquelle il imagine quantité d’améliorations pratiques du domaine agricole. Né au cours de la Renaissance, en 1539, de Serres en tire un ouvrage merveilleux, Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, paru en 1600. Il est en réalité le grand pionnier des agronomes modernes. Sully et Henri IV le tiendront au reste en très grande estime.

Or que dit-il des animaux d’élevage ? Ou plutôt, comment en parle-t-il ? C’est passionnant. C’est édifiant. Car Olivier de Serres aime visiblement, d’amour oserait-on écrire, le bétail. Page après page, il passe en revue tout ce qui doit être fait par l’homme pour contenter les bêtes qui le servent. Comme on est loin du temps d’aujourd’hui ! Tout y passe : les conditions du vêlage, la qualité des herbages, la nécessité de belles étables. Quelle leçon de vie et de maintien !

Jugeons ensemble : « Quant à leur logis [celui des animaux ] et particulier gouvernement, il en sera traicté en lieu convenable, selon le naturel de chacune espèce de bestail ». Ou encore : « En campagne durant l’esté, les vaches seront menées aux pasquis, et ce dès la poincte du jour, pour manger l’herbe en la frescheur de la matinée, avec la rosée. Environ les dix heures, les serrera-t-on dans les estableries, où séjourneront durant la grande chaleur (…), laquelle passée, ou pour le moins abaissée, qui sera environ les deux ou trois heures de l’après-midi, les amenera-on au pastis jusques à l’entrée de la nuict, lors les enfermant dans le logis jusques au lendemain ». Le pastis, il faut peut-être le préciser, désigne le pré.

Lisez donc, si vous en avez le temps, et considérons en attendant le souci de ce que nous appelons aujourd’hui le « bien-être animal ». De Serres ne tarit pas d’évocations douces et presque amicales à l’endroit du bétail. « Les veaux à laict, et les bouveaux et genices, marcheront ensemble, pour la sympathie de leurs mœurs et aages ». Autrement dit, il convient de tenir compte de la personnalité des animaux et de leur âge… On n’en finirait pas de décrire la méticulosité tendre avec laquelle Olivier De Serres octroie ses conseils d’élevage. Respect des veaux et de leurs mères, jugées  amoureuses de leurs petits. Respect des bœufs, auxquels le bouvier doit accorder de nombreux soins quotidiens, dont la recherche des « espines et pierres qui souventes fois » s’attachent aux pieds de l’animal pendant la journée. Quant aux étables, mazette, on aimerait qu’elles soient en activité aujourd’hui. « Les estables seront appropriées au bestail, comme j’ai dict, grandes, aux grandes bestes : petites, aux petites, et pour toutes en général, sèches et aérées, afin qu’aucune humidité n’y séjourne, pour petite qu’elle soit, estant tous-jours contraire à toute sorte d’animaux ».

C’est bien dommage, mais il faut arrêter. Et considérer qu’en 1600, en France, l’un des grands du pays, ayant l’oreille du roi, explique comme une évidence qu’il faut bien traiter les animaux. Et qu’ils ne sont pas tous identiques. Qu’ils ne sont pas, en somme, de simples numéros. Mais c’était au temps noir de la barbarie.

Bal tragique au-dessous des mers (sur un nouveau Grenelle)

Je voue une authentique admiration à Simon Leys. Et je l’ai précautionneuse, comme certains le savent. Mais Leys fait partie de moi au point que je n’imagine plus m’en passer. Qui est-il ? un sinologue, pense-t-on généralement. Bon, admettons, d’autant que c’est vrai. Leys – de son vrai nom Pierre Ryckmans – a écrit en 1970 un livre inoubliable qui trône dans ma bibliothèque pour le restant de mes jours. Les habits neufs du président Mao, paru en 1971 chez Champ Libre, alors une prodigieuse maison d’édition, raconte en temps réel la révolution culturelle chinoise. Au moment où tant d’intellectuels européens et français – hé, Serge July, Alain Geismar, André Glucksmann, Philippe Sollers ! – se prosternent avec abjection devant le satrape qui règne à Pékin, Leys dit le vrai. Que ce mouvement de dizaines de millions d’hommes – souvent très jeunes – et de millions de cadavres, est manipulé par la bureaucratie chinoise, Mao en tête.

Je ne prétendrais pas l’avoir lu à cette date. En 1971, je n’avais pas 16 ans, et je suis passé à côté de ce chef-d’œuvre. Mon bonheur, mon honneur même est de n’avoir jamais été stalinien, ni maoïste. Mais je n’ai lu Leys qu’une dizaine d’années plus tard. Quel homme, et quelle plume. Simon Leys est en effet doté d’un style qui n’est qu’à lui, et qui l’a mené à de trop rares essais à mon goût. Je vous conseille notamment Les Naufragés du Batavia, suivi de Prosper (Arléa 2003). Le premier texte revisite une histoire atroce de détresse en mer. Et Prosper est un court mais saisissant récit autobiographique. Leys a été mousse – le temps d’un été – sur un des derniers voiliers de pêche bretons, à la fin des années cinquante si ma mémoire ne me trahit pas.

Oui, Leys n’est pas qu’un écrivain de haute valeur, et un sinologue d’une rare lucidité. Il aime la mer. Moi aussi. Mais je ne saurais lui rendre les hommages que lui a déjà accordés Simon Leys. Dans le livre déjà évoqué, mais aussi dans une anthologie qui se trouve, elle aussi, dans ma bibliothèque, et qui s’intitule : La mer dans la littérature française (deux tomes, parus chez Plon). Mais comme c’est beau ! Mais comme c’est magnifique ! J’ouvre le premier au hasard, et me retrouve avec un texte sur le scorbut, écrit par Bernardin de Saint-Pierre et paru en 1773. Un autre : Balzac raconte, d’une façon grotesque, « Un drame au bord de la mer », dans une nouvelle que je ne connaissais évidemment pas. Ailleurs, Alexandre Dumas décrit ses premiers contacts avec la mer : « Je partis de Nantes pour Paimbœuf. Je n’avais vu la mer qu’au Havre, et l’on m’avait dit que ce n’était presque pas la mer; j’étais curieux de voir une mer véritable, une mer à tempêtes, une mer que les marins eux-mêmes appellent la mer sauvage ».

Dans le tome second, et avec le même négligé dans le choix, signalons un extrait de L’Homme qui rit, dans lequel Hugo glisse l’aventure d’un pauvre gosse défiguré, embarqué à bord d’une « ourque biscaïenne », en pleine tempête. Et Gérard de Nerval, découvrant l’Adriatique et le vin de Chypre. Et Flaubert, écrivant à sa mère qu’il vient d’arriver à Malte. Et Jules Verne. Et Maupassant. Et Victor Segalen. J’arrête ici, non de lassitude, on se doute, mais parce que mon propos me mène ailleurs. Retenons, s’il vous plaît, l’extrême beauté, la fabuleuse diversité de la mer et de ceux qui en ont parlé. La mer est le joyau premier de nos trésors les plus enfouis. Elle est notre rêve. Notre passé comme notre avenir.

Et voyons maintenant comment les politiciens ont décidé d’évoquer son sort au cours de ce fameux « Grenelle de la mer ». C’est à pleurer. Je jure que je ne suis pas loin du pleur quand je regarde le spectacle mis en scène en notre nom à tous. Premier mouvement, si vous en avez le temps : allez voir les petits films vidéos consacrés aux quatre groupes de travail de ce Grenelle (ici). Puis, si vous êtes encore là, mettez en parallèle les monts sous-marins, les sources hydrothermales, les récifs de corail froid, le vol d’une raie, les sillons d’un requin-marteau, le bouillonnement d’un banc de thons  libres, l’oeil agrandi d’un dauphin bleu, les  millions d’espèces encore inconnues qui vivent dans les mers et puis la tête des présidents de commission. Mais leur tête n’est rien encore, comparée à leurs propos tantôt lénifiants, tantôt bureaucratiques, tantôt ridicules, parfois les trois réunis. Dieu du ciel, empêchez-moi d’aller trop loin, car je suis tenté par des mots, croyez-moi.

Une pensée pour cet homme si visiblement imbu de lui qu’est Érik Orsenna. Au motif qu’il a fait de la voile, au motif surtout qu’il est Académicien, et qu’il n’embête jamais personne, il est propulsé à la vice-présidence d’un des groupes du Grenelle, dont l’intitulé boursouflé, qui ne peut guère s’inventer, est : « Planète mer, inventer de nouvelles régulations ». Le président du groupe, pour sa part, est un vieux monsieur Lucchini, professeur émérite à l’Université de Paris I et à l’Institut océanographique, si heureux d’être sur la photo que je ne m’acharne pas davantage. On trouve aussi, car on trouve de tout, une Isabelle Autissier, au rang de vice-présidente du groupe : « La délicate rencontre entre la terre et la mer ». Tu parles d’une rencontre ! Je ne puis dire du mal d’Autissier, car je l’ai jusqu’ici toujours trouvée agréable. Tout de même : que vient-elle faire à bord de cette galère ? Elle aurait donc autorité à parler de l’avenir des océans communs parce qu’elle passe bien à la radio, et à la télé ? À pleurer, vous dis-je.

Mon point de vue est d’une telle simplicité qu’il ne prendra pas trop de place. Toute personne tant soit peu au courant sait ce qui se passe. La pêche, qui permettait à des communautés côtières de vivre en vendant le poisson cueilli en mer, est devenue une industrie abjecte. Les États y engloutissent des dizaines de milliards d’euros par an en subventions diverses, dont certaines permettent de payer des filets de 100 km de long. Des écosystèmes sous-marins entiers sont bouleversés pour des milliers d’années, au moins. Le désastre atteint de telles dimensions bibliques qu’aucun esprit humain, je le crains, n’est capable de le concevoir dans sa globalité. C’est tout. Il n’y a rien d’autre à dire. Il n’y a rien à faire que réclamer l’abolition de la pêche industrielle et pour commencer l’arrêt des subventions publiques à ce vaste crime contre l’humanité d’aujourd’hui et surtout de demain. Le reste n’est que bullshit. Le reste n’est que pignolade, si vous me passez l’expression.

La fin de la pêche industrielle permettrait de sauver instantanément des centaines de millions de pauvres qui survivent vaille que vaille grâce à la mer dans les pays du Sud. Instantanément. Et un événement de cette nature susciterait un tel enthousiasme qu’il entraînerait du même coup, ipso facto, une immense mobilisation contre les pollutions terrestres, les ignobles ports de plaisance, pour les mangroves, les récifs coralliens, les estuaires et les plateaux continentaux. Bref, ce serait le début de tout. Mais ce « Grenelle de la mer » n’est que déshonneur annoncé. Il ne mènera à rien pour la raison évidente qu’il ne parvient pas même, dans sa pétoche franchouillarde, à nommer le malheur. Qui porte le nom d’industrie capitaliste, contradictoire en profondeur avec l’idée même d’une mer vivante.

Je vous le dis comme je le pense : ces nouvelles agapes sarkoziennes  me font honte. J’aimerais croire que leurs participants ont du mal à s’endormir le soir, mais je sais trop que non. Le soir, ces nigauds – dans le meilleur des cas – s’endorment sans faire le moindre rêve.

Hip, hip, hip (Le prix Goldman pour Maria Gunnoe)

J’ai été très frappé par un commentaire publié à la suite de mon dernier papier sur la forêt. Philippe nous invitait à regarder un court reportage de la télévision française sur la destruction minutieuse d’une région encore sublime avant l’arrivée des envahisseurs : les Appalaches. Je vous assure que j’en ai serré les poings d’émotion. Trop, c’est trop. Mais voilà que je reçois une nouvelle merveilleuse des États-Unis, que je vous fais aussitôt partager. Chaque année, le prestigieux prix Goldman pour l’environnement récompense six activistes du monde entier, un par continent. Enfin, plus ou moins. La planète du Goldman est divisée comme suit : l’Afrique, l’Asie, l’Europe, les îles, l’Amérique du Nord, l’Amérique latine.

Quoi qu’il en soit, cette année, le Goldman a été attribué, en Amérique du Nord, à l’écologiste Maria Gunnoe. Elle se bat en notre nom pour la sauvegarde de ce qui reste des Appalaches, et je suis fier de pouvoir la saluer comme il se doit. Même si vous ne lisez pas très bien l’anglais, je vous suggère d’aller faire un tour  ici. Dans les grandes lignes, vous comprendrez aisément. Et, tiens, comme je sifflote comme un pinson, je vous mets pour le même prix le texte de présentation, en anglais, de Maria Gunnoe. C’est une histoire qui me plaît, même si le prix payé par Maria et sa famille est lourd.

In the heart of Appalachia, where the coal industry wields enormous power over government and public opinion, lifelong resident Maria Gunnoe fights against environmentally-devastating mountaintop removal mining and valley fill operations. Her advocacy has led to the closure of mines in the region and stricter regulations for the industry.
The Appalachian Mountains, stretching from Canada to Alabama along eastern North America, contains some of the most important forest ecosystems in North America. Central Appalachia, including West Virginia, is home to the most diverse hardwood forests of all Appalachia with oak, buckeye, birch, maple, beech, ash and dogwood species. Central Appalachia’s headwater rivers and streams, historically some of the purest water on the continent, are the water source for millions of people.

Central Appalachia also contains coal, a critical fossil fuel resource. The coal industry has long been the backbone of the region’s economy and the main employer of generations of working-class families living in the Appalachian coalfields. In recent decades, mountaintop removal coal mining has become common in Central Appalachia. Different from traditional underground coal mining, mountaintop removal is highly mechanized and thus employs fewer workers. Companies first clear-cut a mountaintop and then blast an average of 800 feet off the top of the mountain in order to access coal seams that lie beneath. Rubble from the blasted mountains, often containing toxic debris, is dumped into adjacent valleys to form “valley fills.”

Without foliage and natural layers of soil, the land is rendered unable to retain water. As a result, flooding of communities below valley fills has become a severe and increasingly frequent problem. In December 2008, the Bush Administration approved a final rule that will make it easier for coal companies to dump rock and other mine waste from mountaintop removal mining operations into nearby streams and valleys. Weakening what is known as the federal stream buffer rule, the move is one of the most controversial environmental regulation changes coming from the Bush Administration in its final months. To date, mountaintop removal coal mining in Central Appalachia has destroyed an estimated 470 mountains and has buried or polluted 2,000 miles of rivers and streams.

Maria Gunnoe, 40, was born and raised at the mouth of a narrow hollow in Boone County, West Virginia, now one of the most active mountaintop removal regions in the United States. Her family’s roots in the region date back to the early 1800s, when her ancestors escaped the forced removal of their Cherokee peoples from Georgia by walking along streams to the headwaters, settling safely in the fertile hollows of Central Appalachia. She comes from a long line of coal miners, including her Cherokee grandfather, who in the 1950s purchased the land where her home stands today.

Throughout much of rural Appalachia, a unique culture of survival and living off of the land has thrived for centuries. Gunnoe’s family instilled in her a deep connection to the forest and streams, where her community hunts, fishes, and gathers foods and medicinal plants throughout the seasons. This traditional rural culture is threatened by the invasive mining practices that now dominate the region.

In 2000, a 1,200-acre mountaintop removal mine began on the ridge above Gunnoe’s home. Today, her house sits directly below a 10-story valley fill that contains two toxic ponds of mine waste comprised of run-off from the mine. Since the mine became operational, Gunnoe’s property has flooded seven times. Before mining began, Gunnoe’s property was never prone to such flooding. In a 2004 flood, much of Gunnoe’s ancestral home was destroyed and her yard was covered in toxic coal sludge. The coal company told her the damage was an “act of God.” As a result of mine waste, her well and ground water have been contaminated, forcing her family to use bottled water for cooking and drinking.

In 2004, Gunnoe, a medical technician by training and former waitress, began volunteering with many local advocacy organizations and then working for the Ohio Valley Environmental Coalition (OVEC) to educate her neighbors about the environmental dangers of mountaintop removal. She organized monthly Boone County meetings, and soon provided community trainings on how to read mining permits, write letters to the editor, interface with the media, and protest using nonviolent methods. Gunnoe also created neighborhood groups to monitor coal companies for illegal behavior and to report toxic spills. She has encouraged other residents to speak at hearings about their concerns over mountaintop removal.

In March 2007, OVEC and partner groups won a federal lawsuit against the Army Corps of Engineers that repealed mountaintop removal valley fill permits in southern West Virginia granted without adequate environmental consideration, and banned issuance of new permits. In defiance of the federal judge’s orders, the Corps granted permits to Jupiter Holdings to construct two new valley fills above Gunnoe’s community at its Boone County mine. OVEC challenged the permits in federal court, and a hearing was scheduled for September 2007. Days before the hearing, Gunnoe organized a media training for 20 local residents, some of whom were scheduled to testify with her. However, at the community hall, more than 60 coal miners showed up and harassed Gunnoe and her neighbors, stopping the meeting and intimidating the group.

After the incident at the community hall, Gunnoe’s neighbors decided not to testify in the hearing challenging Jupiter Holdings’ permits. Gunnoe was the sole community resident to do so. In October 2007, federal district court Judge Robert Chambers ruled in favor of Gunnoe and OVEC and issued an injunction, ordering Jupiter Holdings to halt the construction of any new valley fills at its Boone County mine.

Gunnoe and a coalition of regional groups are now advocating for passage of the federal Clean Water Protection Act, and the reinstatement of the buffer zone rule that would strengthen environmental laws regulating mountaintop removal. She is also working with Appalachian groups to promote viable renewable energy opportunities for the region.

Observers confirm that mine managers point to Gunnoe as an enemy of mine workers and their jobs, and have encouraged acts of harassment. Gunnoe has received numerous verbal threats on her life, and her children are frequently harassed at school. Gunnoe’s neighbors recently overheard people planning an arson attack on her home. Her daughter’s dog was shot dead, and “wanted” posters of Gunnoe have appeared in local convenience stores. Gunnoe has recently taken serious measures to protect both her family and property.