Archives mensuelles : janvier 2018

Agir après Notre-Dame-des-Landes

Pauvres de nous-mêmes, qui n’avons plus de combat rassembleur. La fin de la grande bagarre de Notre-Dame-des-Landes signe la naissance d’un peuple d’orphelins, qui est le mien. Avant de commencer pour de vrai mon propos, un mot encore sur Nicolas Hulot, que j’ai remercié publiquement ici. Certains me le reprochent, et ils en ont évidemment le droit, mais quoi ? Un conflit écologique et social de cette dimension fait fatalement penser à un écosystème, dont la complexité des relations défie le plus souvent la si maigrelette compréhension humaine.

Non, chers critiques, il n’est pas vrai que tout soit à mettre à l’actif de ceux – dont je fus dès la première minute (ici), bien avant qu’on ne parle de ZAD – qui ont mené combat. Je les salue tous, y compris les zadistes sans lesquels cet aéroport aurait été construit. Je les salue, je salue avec émotion Michel Tarin, Julien Durand, les frères Fresneau, Françoise Verchère, Marcel Thébault. Ils ont été magnifiques. Mais cela ne m’empêchera pas de penser que le rapport des forces, dans une société, place au carrefour des décisions, et même à chaque pas d’un si long chemin, de tout autres personnages. Pas forcément détestables, mais différents, ô combien. Il ne faut rien négliger, et n’oublier personne qui compte, au risque de l’échec. Nul ne saura jamais qui a fait réellement quoi, mais je déplore que certains d’entre nous utilisent le langage binaire des machines pour parler d’un bouquet dans lequel la moindre ronce aura eu son importance. Plaçons-nous tous à la hauteur de cette victoire !

Maintenant, que penser ? Eh bien, les écueils sont innombrables. Les vieilles cultures de gauche – cette gauche fût-elle « radicale » – ne peuvent que nuire à l’émergence de visions nouvelles. Incapables de rendre compte de l’effondrement complet de leurs théories, et désespérées de n’en plus avoir sous la main, elles ne peuvent que s’emparer – tenter de s’emparer – de la dépouille de Notre-Dame-des-Landes. Cela n’a rien de fatal, nous verrons bien. Dans le meilleur des cas, qui n’est pas impossible, la bataille victorieuse aidera à faire pousser autre chose. Qui ne peut rentrer dans aucune case. Ce neuf-là mettrait la crise climatique, la crise de la vie au centre de toutes les pratiques et enverrait au cimetière des idées mortes la totalité des partis. La totalité ? La totalité.

Avez-vous bien remarqué ? Aucun parti n’est jamais parvenu à tenir les rênes. Aucune figure ne sera parvenue à s’imposer dans les télés. Voilà un conflit qui aura tourneboulé la scène politique française sans jamais laisser suffisamment d’espace aux bateleurs habituels. Cela vaut pour ces grotesques formes que sont le parti socialiste en déroute ou la droite. Mais aussi pour ces nouveaux vieux de LREM. Et encore pour les Insoumis de Mélenchon, qui ont soutenu le combat commun, il est vrai. Soutenu, pas instrumentalisé. Chacun a le droit et parfois le devoir d’aider. Mais Notre-Dame-des-Landes aura montré que chacun doit rester à sa place. Le mouvement, le mouvement réel est un bâton de dynamite qui fait exploser les vermoulures.

La situation générale, ainsi que je l’ai écrit 1000 fois, a quelque chose de tragique. Il nous faudrait agir massivement aujourd’hui, détruire le pouvoir des transnationales, cesser de consommer comme des insatiables, tendre une main chaleureuse aux peuples du Sud, abolir la pêche industrielle, abattre l’industrie chimique, vénérer enfin l’eau douce dont nous sommes faits, sauver ces milliards d’animaux, ces milliards de milliards de plantes que nous jetons au feu, et nous n’avons même pas commencé à avancer.

Je forme le vœu que Notre-Dame-des-Landes marque un vrai début. Qu’il nous permette d’agir en ayant pris le soin de brûler nos vaisseaux. En ayant donc dit adieu aux formes anciennes et à cette manière si pénible de faire de la politique. Il faut vraiment inventer, savez-vous ? Il faut oser, il faut tout oser maintenant. Ou jamais. Le précédent du Larzac est à prendre avec de longues pincettes. J’ai mis les pieds sur le plateau alors que je n’avais pas encore 17 ans, à l’été 1972. Et j’y suis retourné bien des fois. C’était splendide, c’était unique.

En même temps, restons honnête. La fin du projet d’agrandissement n’a pas été obtenue par le mouvement, mais sur décision de Mitterrand, sitôt élu en mai 1981. Et loin de lancer la jeunesse de l’époque à l’assaut du monde, cet arrêt aura globalement servi d’étouffoir. Les « vainqueurs » s’embrassaient, se congratulaient, puis repartaient faire le sieste chez eux, confiants, ces naïfs, dans les proclamations d’une gauche au pouvoir qui n’avait déjà plus rien à dire. Étouffoir, éteignoir, noir complet. Le Larzac, mené par une génération naïve, accrochée à des idéologies pour l’essentiel faillies, n’aura aucunement débouché sur un embrasement des consciences, qui seul aurait pu changer la donne. Le Larzac, le formidable Larzac, mon formidable Larzac conduisait droit aux pantoufles devant la télévision.

Sera-ce la même chose ? À nouveau, je forme le vœu que non. Il reste le grand espoir que nous vivions un moment d’Histoire.

Un coup de main pour Antonio (Fischetti)

Il s’agit d’un copinage, qui n’a rien à voir avec la tenue de ce rendez-vous, et je vous dois trois mots. Antonio Fischetti travaille à Charlie, comme moi. Il suit en particulier les questions de science. Nous nous affrontons si souvent que notre face-à-face, à lui seul, est devenu un running game. Bon, le désaccord n’empêche pas la fraternité. Antonio est en train de rassembler du fric pour boucler le projet d’un film, et le moins que je pouvais faire, c’est d’en parler autour de moi.

Vous trouverez juste après un texte de présentation sous la plume d’Antonio. À votre bon cœur…

 

L’annonce d’Antonio Fischetti

Comme Fabrice, je suis journaliste à Charlie. Je sollicite votre soutien pour terminer un projet qui me tient à cœur depuis longtemps.

Il y a une quinzaine d’années, j’ai commencé à tourner un film avec la psychanalyste Elsa Cayat, bien avant qu’elle ne devienne chroniqueuse à Charlie et victime de l’attentat. Avec la prostituée Momo, nous formions un trio dans lequel je m’interrogeais sur la sexualité. Il me reste des heures d’images, mais je n’avais jamais réussi à en faire un film.

Les années ont passé. Le 7 janvier 2015 est arrivé. Et j’ai besoin de redonner vie à ces images. Je réalise que le discours d’Elsa prend encore plus de sens aujourd’hui, et qu’il résonne avec ce que j’ai toujours vécu avec Charlie, depuis mon enfance dans les années 1970. Il me faut terminer ce film en tournant d’autres images. Il prendra la forme d’une quête déjantée et joyeuse, pour chercher des réponses à la fois intimes et universelles sur le pouvoir du sexe et de la religion.

Malheureusement, je n’ai obtenu aucun financement pour ce projet. Ni du CNC, ni des chaînes de télé, qui sont généralement plus intéressées par les reportages formatés que par les documentaires de création.

Ma dernière chance est donc de lancer un crowdfunging, pour payer les frais des scènes à tourner, et surtout le montage du film.

Vous trouverez toutes les infos sur ce projet (teaser, synopsis…) sur le site Ulule :

https://fr.ulule.com/film-maman/

Ainsi que d’autres images sur le Facebook du film :

https://www.facebook.com/jeneveuxplusyallermaman/

Votre participation est essentielle pour donner vie à ce film, dont je vous garantis au moins une chose  : il sera original et unique. A l’image de Charlie, et aussi à l’image d’Elsa. Merci d’avance.

Antonio Fischetti

Merci à Nicolas Hulot

J’ai sévèrement secoué Nicolas Hulot à plusieurs reprises, et notamment après sa nomination au ministère de la Transition écologique. Il n’a guère aimé, et je comprends, car cela n’était pas agréable. Est-ce que je le regrette ? Non. Est-ce que je recommencerai ? Sûrement. Ai-je si peu que ce soit modifié mon jugement sur Emmanuel Macron (ici) ? Non.

Je me sens donc à l’aise pour remercier chaudement  Hulot, qui a eu un magnifique comportement sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes. Il se trouve que dans les derniers mois, j’ai eu à agir dans cette sombre affaire, et j’ai pu voir de près le ministre au travail. Je ne sais pas si la décision aurait été différente sans lui, mais je le crains bel et bien, rétrospectivement. Que ceux qui aboient avec facilité et souvent sottise contre lui retiennent, au moins aujourd’hui, leurs cris.

Moi, qui connais Hulot depuis tant d’années, et malgré tout ce qui nous sépare, je tiens à le remercier publiquement et à lui renouveler mon estime et mon affection.

Fabrice Nicolino, le 17 janvier 2018

 

 

Julien Dray, un balourd prend la parole

Oh ! je ne plains ni ne plaindrai Julien Dray, politicien de seconde zone qui aura raté la totalité de sa vie. Quand je pense que je l’ai connu quand j’avais 15 ans, et qu’il était au lycée de Noisy-le-Sec, si proche de ma banlieue prolétaire ! Je le revois hurlant au mégaphone par une fenêtre de la mairie de Bondy, un jour que nous, jeunes délirants des environs, avions décidé de nous mettre en grève pour le Tchad, et contre « l’impérialisme français » qui envoyait là-bas des troupes.

Il me semble bien que, malgré ces si jeunes âges, je ne prenais pas au sérieux celui que nous ne nommions que Juju. Et ce n’était pas que tendresse. Ensuite, il aura milité à la Ligue communiste,  et en a été viré en 1981. On dit qu’il aurait alors tenté de se vendre à la secte OCI, celle de Jospin et Mélenchon, mais que cela n’aurait pas marché. Heureusement pour lui, l’heure de la soupe sonnait. Il se rallie à Mitterrand, avec l’obsession d’être ministre – il ne le sera jamais, recalé qu’il fut par Rocard en 1988 et Jospin en 1997 -, s’acoquine avec Royal en 2007 et Hollande en 2012, sans que jamais il ne soit récompensé de ses beaux efforts. Fatalitas ! Heureusement qu’il lui reste les montres, lui qui ne gagnait avec madame que 15 000 euros par mois en 2009, et réclamait l’an passé 9000 euros nets mensuels pour chaque député…

Pourquoi parler de lui, si peu intéressant ? Parce que, envisageant de prendre la tête du parti socialiste au prochain congrès des zombies, il a décidé tout soudain d’avoir une idée. Et quelle ! vous allez voir. Il demande que les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – versent à chaque Français atteignant 18 ans la somme de 50 000 euros. C’est tragique, tragicomique. Bien sûr, jamais les monstres n’accepteront, mais bon, faisons comme si. Chaque Français de plus de 18 ans reçoit 50 000 euros dans ce pays tel qu’il est. Combien d’appareillages électroniques de toutes sortes ? Combien de bagnoles ? Combien de vacances à Saint-Domingue ou à Bali ? Combien de week-ends à la neige ? Combien de fringues griffées ?

Ce pauvre garçon est incapable de seulement accorder une seconde à la crise écologique si éprouvante dans laquelle ses amis et adversaires, d’hier, avant-hier et aujourd’hui nous ont plongés, et tout ce qu’il trouve à proposer, c’est encore d’aggraver la situation. Juju, naufragé d’une génération.

Un silence de mort

Je vous mets un article que j’ai publié dans Charlie, et qui concerne les conditions de sécurité infernales qui sont celles de l’équipe. Je le fais d’une part parce que cela vous concerne aussi, mais également parce que je suis écœuré. Quoi ! nos « intellectuels » – les Debray, Onfray Plenel, Finkielkraut, Todd, Halimi et tant d’autres – se taisent, eux qui aiment tant les parlotes. Et de même nos médiacrates bien à l’abri de leurs rédactions. Et nos politiques, bien sûr, et toutes ces nobles consciences qui n’ont strictement rien à branler de ce que des gens faisant un journal soient menacés de mort au beau milieu de Paris. Beaux parleurs et négateurs de la morale commune la plus élémentaire, je vous exècre.