Archives mensuelles : juillet 2019

De Rugy à Borne et de Charybde en Scylla

Amis, je vous ai lâchés depuis un moment. Planète sans visa, où se trouvent environ 1500 articles exclusifs et gratuits, publiés depuis la fin de l’été 2007, ne parle plus guère. C’est que je suis occupé, très occupé à défendre, étendre et transmuter le divin mouvement des Coquelicots (nousvoulonsdescoquelicots.org).

Néanmoins, je lis comme vous la presse. De Rugy nous a quittés. Inutile de verser des larmes de crocodile sur un homme pareil, que j’ai tant critiqué et conspué ici même (huit articles à partir de http://fabrice-nicolino.com/?p=4658). Mon Dieu, il est peu d’exemples dans l’histoire humaine de causes à ce point supérieures représentées – officiellement – par des personnes aussi médiocres. Je n’annonce pas même qu’il coulera corps et bien, car comment savoir, avec des gens pareils ?

De Rugy n’avait aucun rapport discernable avec la crise écologique et ses très éventuelles solutions. Sa successeure Elisabeth Borne pose un cas général qui pourrait me faire rire, mais qui finalement m’attriste davantage. J’ai écrit maintes fois ici sur les grands corps techniques de l’Etat. Cette aristocratie d’ingénieurs coopte tous les postes décisifs, jusqu’en région, dans les vastes domaines de l’industrie, dont le nucléaire, le BTP, les campagnes. Tapez si vous le souhaitez dans le moteur de recherche en haut et à droite les expressions : Ingénieur du génie rural et des eaux et forêts, ou Ingénieur des Ponts et Chaussées, ou Ingénieur des Mines, et vous verrez apparaître un tableau. Celui de la destruction de la France, pendant de la destruction du monde.

Peu de phénomènes comptent plus que celui-là, mais la critique sociale, y compris bien sûr chez les écologistes officiels – Europe Ecologie -, est si évanescente que nul n’en parle. On ne sait rien, on n’avance rien, on est sourd, aveugle et muet. Madame Borne, nouvelle ministre de l’Ecologie, est ingénieure générale des Ponts et Chaussées et à ce titre, elle est comptable du désastre des routes, autoroutes et rocades, en partie de l’envol stoppé in extremis des gaz de schiste, et de tant d’autres. L’esprit de ce corps est définitivement dans ce cadre-là. En 1991, j’ai rencontré l’un d’un chers collègues de madame Borne, et si vous voulez en savoir plus, je vous recommande cette lecture : http://fabrice-nicolino.com/?p=1121). Bourdillon vaut Borne, et Borne vaut Bourdillon.

Mais je souhaite y ajouter cette autre anecdote : il y a près de trente ans, je conversais avec un ingénieur du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), et celui-ci m’a soudain lâché quelque chose comme : « Etes-vous déjà allé en Angleterre ? ». Oui, j’y étais allé, et après ? Eh bien, il voulait savoir si j’y avais vu des châteaux d’eau, et bien sûr, je n’en savais rien. Peut-être, ou pas. Il insistait et finit par dire : « Non, vous n’en avez pas vu, car il n’y en a pas ». Poli comme je sais être, mais pas follement intéressé, je lui demandai pourquoi. Et il répondit qu’il y avait sur cette île un autre système, enterré, qui n’utilisait pas de béton armé, comme les grandes tours des châteaux d’eau, omniprésents dans le paysage rural français.

Pour quelle raison avait-on hérité ces horreurs verticales ? Parce que. Parce que les ingénieurs des Ponts et Chaussées, qui ont la haute main sur quantité de travaux publics, disposaient de deux sortes de revenus. D’abord leur salaire d’Etat. Ensuite ce qu’on nommait les rémunérations accessoires qui permettaient, par un système de péréquation, d’augmenter massivement la solde. Les ingénieurs des Ponts et Chaussées touchaient sur le volume de travaux publics qu’ils parvenaient à faire décider notamment auprès des élus.

Mon ingénieur du BRGM, devant ma stupeur, s’empressa d’ajouter : « Mais c’est fini. La France est suréquipée en châteaux d’eau. Pour cette raison, vous allez voir déferler en France des centaines et des milliers de ronds-points inutiles et coûteux ». Et il avait raison. Le déferlement a bien eu lieu. Combien de milliards concédés aux ingénieurs et au BTP ? Amis lecteurs, songez avec moi à madame Elisabeth Borne, nouvelle ministre de l’Ecologie, ingénieure générale des Ponts et Chaussées, et préparez vos mouchoirs ou vos tenues de combat. Ou les deux.